Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Novikov : “La force de la politique étrangère d’un pays ne se résume pas au talent de ses diplomates.

Encore un texte fondamental de nos camarades du KPRF, il devrait être publié non pas dans ce blog mais dans l’Humanité, être discuté lors du 39e congrès, si l’Humanité et le parti communiste tel qu’il est encore ne pratiquait pas la censure qu’il a réussi à imposer depuis trente ans à ses militants. Un lecteur de ce blog a excellemment résumé l’apport de ce type de texte: si effectivement la Russie est confrontée à l’agression de l’OTAN et si l’immense majorité du peuple russe est convaincu de la nécessité de combattre cette volonté impérialiste des USA et de leurs alliés occidentaux, il n’en demeure pas moins que ce combat est aussi celui où chacun réalise les conditions nécessaires d’une telle résistance, les critiques contre ce que les Russes désignent comme “une cinquième colonne”, les capitalistes et leur personnel politique et idéologique, mais aussi et surtout au positif de quel État, de quel pouvoir, de quel parti, de quelle formation, culture, voire doctrine diplomatique l’humanité a besoin si elle veut en finir avec les guerres. Un tel texte je le répète mériterait de nourrir les débats du 39 e congrès. (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)

https://kprf.ru/party-live/cknews/216728.html

Le 15 février, Sergey Lavrov, chef du ministère russe des Affaires étrangères, a présenté un rapport à la Douma d’État sur le travail du ministère des Affaires étrangères. Le vice-président du Comité central du parti, Dmitri Novikov, a pris la parole au cours de la discussion au nom de la faction parlementaire du KPRF. Il a présenté la position de la faction parlementaire du KPRF sur un certain nombre de questions d’actualité.
Service de presse du Comité central du KPRF
2023-02-16 02:08
Dmitri Novikov
Vice-président du Comité central du KPRF

Nous publions le texte intégral du discours de Dmitri Novikov à la Douma d’Etat. Nous vous rappelons qu’il est le premier vice-président de la commission parlementaire des affaires internationales.

– Chers collègues !

La force et l’efficacité de la politique étrangère ne sont jamais déterminées uniquement par le talent des diplomates. Je m’exprimerai ici sans me limiter aux tâches et fonctions du ministère des Affaires étrangères.

La période que nous traversons est difficile, éprouvante. Ce n’est pas le moment d’être hystérique. Ce n’est pas le moment de se couvrir la tête de cendres. La cendre peut aveugler les yeux et obscurcir l’esprit. Et il est particulièrement important de garder l’esprit clair, de garder son sang-froid dans la prise de décision, d’être capable d’agir avec calme et confiance maintenant. Mais cela ne signifie pas qu’il faille remettre à plus tard les conclusions et les évaluations fondamentales. Au contraire, les politiques doivent être fondées sur ces dernières.

Il est temps d’admettre, du haut des tribunes de l’État, que la diplomatie de Chevardnadze et de Kozyrev a causé d’énormes dommages au pays. Il est temps de déclarer que les hommes politiques russes feront tout pour que cela ne se reproduise pas. Il est temps de libérer totalement de l’héritage Kozyrev à la fois les fondements conceptuels de la politique étrangère russe et ses pratiques quotidiennes.

La politique du pragmatisme et de la protection des intérêts nationaux n’est pas une politique qui prétend que les idéologies n’existent pas. Un monde multipolaire n’est pas construit sur un équilibre des intérêts des élites. Quiconque va de l’avant en misant sur cela se retrouvera un jour dans une impasse. Un monde multipolaire ne peut être construit que sur un équilibre des intérêts des peuples. Et les intérêts profonds et authentiques des peuples sont ceux de la majorité laborieuse. C’est pourquoi, partout et surtout là où des éléments de démocratie réelle sont préservés, le processus politique élèvera toujours des représentants de la gauche au sommet du pouvoir étatique. L’exemple le plus récent est l’élection de Lula à la présidence du Brésil.

J’insiste sur le fait que la gauche est la force qui défend les intérêts de l’ouvrier, du paysan, de l’intellectuel, les intérêts du travailleur. C’est l’essence même de la politique de gauche. C’est important et il faut le souligner, étant donné le mimétisme constant et multiforme des politiciens libéraux de droite. En se prêtant à leur jeu, les conservateurs de droite déclarent volontiers que ces libéraux de droite sont des radicaux de gauche. Et cette confusion volontaire des concepts n’est pas anodine…

Ukraine. Pourquoi l’Occident a-t-il eu besoin de nourrir toute cette néfaste agressivité nazie ? Pourquoi a-t-il parié sur les forces les plus obscures en Ukraine ? Pourquoi y a-t-on saboté les mécanismes d’une sorte de démocratie bourgeoise ? Tout simplement parce qu’il était impossible de mettre au pouvoir un régime pro-occidental à Kiev par des moyens démocratiques.

Le Parti communiste d’Ukraine dirigé par Piotr Simonenko ne bluffait pas lorsqu’il a lancé un référendum sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Union douanière avec la Russie, le Belarus et le Kazakhstan. Dans les années 90 comme dans les années 90, il existait un fort sentiment de gauche, pro-soviétique, un sentiment en faveur de l’amitié avec la Russie. L’Occident était peu disposé à attendre que ces sentiments parmi les Ukrainiens disparaissent d’eux-mêmes, que les générations de leurs porteurs s’éteignent “naturellement”. Ils ont décidé non pas de négliger ces sentiments, mais de les supprimer. C’est à cela que servait la terreur. C’est à cela que servait le nazisme.

Mais ceux qui partaient au travail sur le macadam de Moscou et qui étaient en mesure de prendre des décisions significatives – ont-ils fait tout ce qu’ils pouvaient pour empêcher que cela ne se produise ? Sur qui n’ont-ils pas “misé” en Ukraine – les socialistes de Moroz, les socialistes de Vetrenko, d’autres encore. Tout à la condition de ne pas soutenir l’Union des partis communistes dirigée par Ziouganov et le parti communiste d’Ukraine dirigé par Simonenko. Nous paierons les résultats d’une telle politique pendant longtemps.

Mais nous devons en tirer les leçons ! Selon le KPRF, l’ambassade de Russie en Moldavie ne remplit pas brillamment ses fonctions. Il serait probablement utile de prendre des mesures pour rectifier la situation.

En Transnistrie, le chef du parti communiste, Oleg Horjan, vient d’être libéré de détention. Il a passé plus de quatre ans en prison. La Russie a-t-elle pu protéger cet homme politique pro-russe ? Ou n’est-il pas nécessaire de protéger les politiciens de gauche, même s’ils sont pro-russes ? Il est temps de répondre à ces questions ! De répondre et de comprendre que la gauche est le principal allié de la Russie pour façonner un monde multipolaire.

Aujourd’hui, Sergei Viktorovitch Lavrov a déclaré qu’il était prêt à soutenir le forum lancé par Russie Unie pour combattre les manifestations modernes du néocolonialisme. C’est une bonne idée. Mais tout d’abord, nous travaillons dans cette direction depuis longtemps. Et deuxièmement, le KPRF a déclaré publiquement qu’il était prêt à organiser un forum international antifasciste. Nous aimerions compter sur l’aide nécessaire en la matière.

La langue russe. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ses problèmes depuis cette tribune. Depuis l’effondrement de l’URSS, l’espace d’influence de la langue russe dans le monde s’est considérablement réduit. Selon certaines estimations, il a “rétréci” de moitié. Mais avant de s’attaquer à la solution du problème, il convient de poser les bonnes questions. Il faut bien comprendre qui va parler en russe et pour dire quoi. Quelles pensées il nourrira. Quelles idées il entreprendra de promouvoir. Quelles valeurs il défendra.

N’y a-t-il pas, en Russie même, des gens qui pensent et parlent russe, mais qui occupent une position de collaboration totale ? Il est important pour nous que l’étude de la langue russe à l’étranger s’accompagne de la diffusion de notre culture, de ses valeurs humanistes et de ses meilleures traditions. Ce travail doit aller de pair avec l’augmentation du nombre de personnes qui non seulement parlent russe, mais aussi qui sont amies de notre pays, qui éprouvent des sympathies pour lui. Et ce n’est pas seulement un problème pour le ministère des affaires étrangères.

Il est clair que nous avons besoin d’outils pour faire face à de telles tâches. Vous et moi avons le Rossotrudnichestvo [Agence fédérale pour les liens avec la CEI, les Compatriotes à l’étranger et la Coopération humanitaire internationale, NdT]. Peut-être, chers collègues, y a-t-il quelque chose qui déplaît à certains dans son travail. Mais avez-vous des possibilités plus larges et des structures plus étendues ? Si vous les avez, pourquoi pas ? Et si non, développons et améliorons ce qui existe déjà !

Et combien de temps allons-nous avoir une pratique où l’anglais est enseigné dans toutes les écoles et où l’espagnol est une rareté ? L’espagnol est-il la langue maternelle de moins de personnes dans notre monde que l’anglais ? Mais bien sûr que non ! Pourtant le ministère de l’éducation n’a pas encore pris la peine d’examiner la question.

En ce qui concerne la promotion de la diplomatie parlementaire, nous avons eu un bon effet avec les forums internationaux sur le parlementarisme. La pratique de la tenue d’un format parlementaire spécial “Russie-Afrique” s’est développée dans le cadre de ce “grand” forum. Cette initiative de la faction du KPRF et personnellement de Guennadi Ziouganov a reçu une reconnaissance considérable. Elle devrait être développée davantage.

Nous devrions également mentionner le fait que les diplomates russes, qui exerçaient leurs fonctions dans des États hostiles, sont en train d’être congédiés. Il est nécessaire de trouver une utilisation de ces forces. Sur le continent africain, par exemple, il n’y a pas d’ambassades russes dans un certain nombre de pays. Une partie de la fermeture des missions diplomatiques là-bas et la réduction de leur personnel est également un héritage de Kozyrev. Il est temps de le reconsidérer de manière résolue !

Enfin, quelques mots sur le niveau général de la culture. Nous ne partageons pas les voix de ceux qui prétendent que le temps est venu de rompre avec les vieux principes et canons de la diplomatie. Que la retenue raffinée n’est plus nécessaire au diplomate. Que tout cela est “inadéquat”. Que c’est dépassé et que ce n’est plus utile. Que ce qu’il faut, c’est du dynamisme, du badinage, de la créativité et des petites phrases. Je suis désolé, mais il ne s’agit pas de diplomatie.

La diplomatie a la force de la tradition et d’un système de travail, et un diplomate a la valeur de l’expérience, des connaissances et d’une culture personnelle, de la retenue et de la maîtrise de soi. Je suis sûr que les traditions de la diplomatie russe, soviétique, ne doivent pas être reconsidérées mais chéries et préservées. Et elles devraient être transmises avec persévérance aux nouvelles générations de personnes travaillant dans le service diplomatique !

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