Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Inde et la Chine ne se soumettront pas aux diktats des Etats-Unis, le cynisme sans limite de ces derniers…

Une brève d’Antiwar, qui reprend un article peut-être mieux documenté de Reuters qui nous a été envoyée par Jean-Luc Picker assortie du commentaire ci-dessous. J’ai réclamé des informations complémentaires parce que j’avais du mal à comprendre comment les USA pouvaient se débrouiller pour pratiquer une fois de plus l’illégale extraterritorialité et ce qui était en train d’évoluer, en tous les cas après ma demande. J.L.P qui nous propose l’article commente cette histoire de ‘oil cap’ que l’occident collectif veut mettre en place (1)

Il n’y a pas de magnanimité dans les propos de Yellen. Rien que le cynisme sans borne du puissant si sûr de son pouvoir. En fait, Yellen sait qu’elle n’a pas besoin de pressurer l’Inde sur l’introduction d’un prix plafond, car l’Occident tient les chaînes d’approvisionnement : tankers, assurance, finance. C’est exactement ce qui se passe pour les céréales et les engrais russes : pas besoin d’édicter des sanctions contre ces produits agricoles qui exposeraient la vraie nature meurtrière de l’Occident, elles s’imposent sournoisement à partir du nœud coulant mis autour de la gorge des acteurs intermédiaires et des facilitateurs du marché. Par ailleurs, l’intérêt de pressurer l’Inde est minime. A l’inverse des vassaux européens qui se font tondre avec enthousiasme, ils n’ont pas les moyens de substituer leurs importations d’énergie pour le gaz de schiste liquéfié ou le pétrole bitumineux des Etats-Unis. Donc peu d’espoir pour eux que l’Inde les aide à gonfler leur cagnotte et leur budgets militaires, comme le fait si bien l’Europe. Derrière ce cynisme, ce qui frappe c’est que les États-Unis, petite nation de 350 millions d’habitants, en perte de vitesse, se croie capable d’imposer ses ukases, de décider qui vendra à qui et qui achètera à qui l’énergie et les biens produits par les travailleurs du monde. On comprend mieux aussi à travers ce type d’exemple, la menace existentielle que l’expansion militaire de l’OTAN fait peser sur la Russie, et que les agitations bellicistes US à Taiwan, en Iran et ailleurs font peser sur la Chine et les autres pays qui prétendent à pouvoir mener une existence en fonction de leurs intérêts et non des intérêts de l’empire. Mais, au-delà des postures de malfrat international certain de pouvoir imposer par la peur sa volonté à la planète, ces rodomontades dissimulent de moins en moins l’impuissance sur le fond à renverser l’émergence d’un monde multipolaire, comme l’a démontré de façon flagrante la décision de l’OPEC le mois dernier de ne pas augmenter ses quotas, et le rapprochement de la dictature saoudienne avec les BRICS.

l’Inde a annoncé publiquement qu’elle ne se soumettrait pas au prix plafond décidé par l’Occident,

Par Kyle Anzalone dans Antiwar, le 11 novembre 2022

Alors que l’Inde a annoncé publiquement qu’elle ne se soumettrait pas au prix plafond décidé par l’Occident, Janet Yellen, secrétaire du trésor Etats-Unien a déclaré que Washington ne voyait pas de problèmes à ce que New Delhi s’approvisionne en pétrole auprès de Moscou à des prix supérieurs au prix plafond décrété par le G7 qui doit entrer en vigueur le mois prochain.

Janet Yellen a profité de sa visite en Inde, vendredi, pour faire cette déclaration. Le pétrole russe « sera bradé, et nous n’avons pas d’objection à ce que l’Inde, ou l’Afrique, ou la Chine en profitent. Pas de problèmes ! ». Interviewée par Reuters, elle a fourni plus de détails. L’Inde et les compagnies indiennes pourront acheter le pétrole aux prix qu’elles voudront, tant qu’elles n’utilisent pas les services occidentaux (ndt : pour le transport, l’assurance ou le financement des cargaisons)

Le prix plafond a été conçu par Yellen pour amputer les revenus que la Russie tire de ses exportations d’énergie. Mais les analystes pensent que les cours internationaux du pétrole pourraient augmenter jusqu’à 300 US$ par baril si Moscou décide de diminuer sa production en réponse à l’imposition du prix plafond.

On ne sait pas encore bien comment le prix plafond fonctionnera. Le G7 n’a toujours pas fixé le prix plafond au-dessus duquel pays et compagnies pétrolières ne pourront pas importer de pétrole russe sans s’exposer à des sanctions. En pratique, cela imposera à la Russie de s’entendre avec des transporteurs, des assureurs, des compagnies privées et des gouvernements pour pouvoir vendre son pétrole sous le prix du marché. Jusqu’à présent, le Kremlin a assuré qu’il n’exporterait pas son pétrole vers des pays ou des compagnies qui se plieraient au prix plafond occidental.

Depuis l’invasion de l’Ukraine en février, les Etats-Unis et leurs partenaires essayent de paralyser l’économie russe. La guerre économique s’est dans une large mesure soldée par un retour de manivelle avec une augmentation des prix dans les pays occidentaux entraînant des mouvements sociaux contre les sanctions. Le Kremlin, par contre, a trouvé de nouveaux partenaires en Inde, en Chine, en Turquie et en Afrique qui ont pris le relais des exportations vers l’Europe. En septembre, New Delhi a déclaré importer 23% de son pétrole à partir de la Russie, une augmentation de 2% par rapport aux niveaux d’avant la guerre en Ukraine.

Les commentaires de Yellen font suite aux annonces de New Delhi confirmant qu’ils n’ont pas l’intention de diminuer leurs importations d’énergie russe. Selon son ministre des affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar : « Nous sommes le troisième pays au monde en termes d’importations d’énergie. Le niveau de revenus de nos consommateurs est plutôt réduit. Dans ces conditions, notre devoir fondamental est d’assurer que le consommateur indien ait le meilleur accès possible [à l’énergie] aux meilleurs prix du marché international ». Il ajoute « nous constatons que les relations entre la Russie et l’Inde fonctionnent de façon avantageuse pour nous, et j’aimerais qu’elles continuent ainsi ».

(1) Complément d’enquête sur l’extraterritorialité de la pression des USA, voici les commentaires complémentaires de Jean Luc Picker sur mes interrogations. (note de Danielle Bleitrach)

Réponse de Jean Luc: Peut-être comme moi as-tu du mal à comprendre ce que c’est que cette histoire de ‘oil cap’ que l’occident collectif veut mettre en place ?

D’après mes quelques recherches sur le sujet :

  • L’idée est de diminuer les recettes de la Russie sur ses exportations énergétiques, là, sur le pétrole.
  • Le scénario serait d’interdire aux importateurs de pétrole d’acheter du pétrole russe au-dessus d’un prix fixé par l’occident. Le prix plafond du pétrole russe serait donc fixé en dessous du prix du marché mondial, qui continuerait à s’établir ‘librement’ sur les bourses d’échange. Le prix fixé serait très proche du prix coûtant, de manière à empêcher la Russie de remplir son trésor grâce à ces exportations.
  • Pour imposer ce prix plafond, les occidentaux savent comment faire : les sanctions, mauvais points, debout dans le coin, coup de règle sur le bout des doigts, colle, fesses à l’air et exclusion de la ‘communauté internationale’. Seraient exposés aux sanctions les pays, les sociétés pétrolières, les assurances, les transporteurs, les financiers et les individus qui contreviendraient d’une façon ou d’une autre.
  • Le raisonnement de Yellen lors de sa visite en Inde est que la baisse artificielle de la demande pour le pétrole russe dans les pays qui se soumettront à ce diktat occidental obligera la Russie à faire d’importantes concessions financières aux pays qui le refuseraient (p.ex l’Inde), ce qui participerait à réduire les entrées financières pour le gouvernement russe.
  • Un certain nombre d’experts doutent que cela pourrait puisse fonctionner :
    • Le pétrole est une commodité : il est difficile d’en traquer la source. Avec l’aide de pays ‘amis’ la Russie pourrait donc écouler son pétrole y compris dans les pays occidentaux au prix du marché. On parle beaucoup ici, justement, de l’Inde, qui revendrait ainsi le pétrole qu’elle obtient de la Russie à un prix réduit par rapport au marché. Incidemment, je doute que cela soit vraiment important. L’Inde n’a augmenté ses importations de pétrole russe que de 2 à 3% par rapport à la situation d’avant février.
    • Ils avertissent aussi que la réaction de la Russie sera probablement de ne plus mettre son pétrole sur le marché en direction des pays qui acceptent ce plafond. Le pétrole du Moyen Orient, de l’Afrique du Nord, du Venezuela  etc… ne suffisant bien sûr pas à combler la demande, cela aboutirait à une flambée des prix du marché. L’impact économique serait majeur pour les économies européenne, coréenne, japonaise etc… et accroitrait le risque de mouvements sociaux qui inquiètent quand même un peu nos stratèges impérialistes. Biden a tenté d’enrayer ces conséquences en se mettant à genoux devant MBS dans l’espoir que l’OPEC (hors Russie !) augmente ses quotas. Comme tu le sais, il s’est fait gentiment éconduire.
    • Il faudrait qu’une grande majorité de pays, au moins dans les pays occidentaux et apparentés, s’accordent sur le principe et, chose encore plus difficile, sur le calcul du prix plafond. Des différences d’appréciation du risque économique, ou des différences d’ordre stratégique (voir par exemple la visite de Scholz à Xi Jinping) font qu’un accord même limité à l’Occident n’est pas acquis. Certains pays se voient mal, par exemple, imposer des sanctions à la Chine, ou à l’Inde sur ce sujet ! On attend avec impatience la date butoir évoquée de décembre pour que le système soit mis en place…

Donc, la réaction de l’institutrice Yellen qui décide de ne pas obliger Modi (ou même à Xi Jinping 😃) à mettre un bonnet d’âne peut aussi être vue comme l’aveu que le système ne sera en fait jamais sur pied et que les US continuent à agiter l’épouvantail pour maintenir la pression sur le marché et un environnement favorable pour les exportations d’énergie états-unienne à des prix qui, eux, ne connaissent pas de plafond !

Accessoirement, on notera que les US comprennent bien que l’argent est le nerf de la guerre. Cela éclaire aussi tout le bruit autour de ‘l’accord céréalier’ qui permet à l’Ukraine d’écouler ses stocks de céréales principalement vers les pays européens qui leur fournissent en échange canons Caesar, systèmes anti-aériens, propagande gratuite etc… etc….

Bon j’espère que ça n’est pas trop pédant et que je ne me suis pas trompé de sujet. Mais en tout cas ça me permet de mettre mes idées au clair !

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