Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Ce que le capital fait des droits des travailleurs en Ukraine…

Un article publié sur RT, que le public européen n’aura donc pas le loisir de lire puisque ce média est interdit dans l’UE au nom de la démocratie (et sans doute de la liberté d’expression que nous, occidentaux, défendons avec tant de ferveur). Et on comprend mieux pourquoi. Cela permet à nos macrons, sunak et autre scholz de magouiller à l’abri des regards indiscrets sur le dos des combattants ukrainiens ou de leur camarades restés dans les mines et les usines à l’arrière. En regardant la déconstruction des dernières protections accordées par la loi du travail héritée de l’Ukraine soviétique opérée sous la direction du gouvernement britannique dont on connait la sensibilité à la défense des travailleurs et des couches populaires, on voit un autre aspect des intérêts poursuivis par l’occident depuis la révolution orange jusqu’à la guerre contre la Russie. En deçà des intérêts géostratégiques si souvent exposés sur ce blog (le dépeçage espéré de le Russie, son découplage d’avec la Chine qui est notre ennemi principal etc… etc…) il y a aussi ces aspects plus prosaïques, voir sordides : l’exploitation féroce et sans freins des richesses de l’Ukraine : la confiscation des terres noires par les multinationales de l’agroalimentaire, la mise en coupe réglée des ressources minières et de la force de travail des prolétaires ukrainiens. Nul doute que les milliards que l’UE et les US contribueront à la reconstruction de l’Ukraine lorsqu’ils auront gagné leur guerre (dont 300 milliards de réserves russes subtilisées en vol ?) auront un volet modernisation de l’appareil productif industriel (mines, usines métallurgiques…) au plus grand profit de nos multinationales. Car oui, la guerre impérialiste est, avant tout, une guerre de classe contre les travailleurs. (jean luc Picker traduction et note pour histoireetsociete)

La main occidentale derrière les lois contre les travailleurs en Ukraine

Par Slobodan Kolomoets, le 7 novembre 2022 dans Russia Today.

https://www.rt.com/news/561756-ukraine-anti-worker-laws/ (accessible avec VPN)

Des ouvriers dans une usine de production de pièces détachées à Melitopol, Ukraine (© Sputnik)

Les ouvriers les moins bien payés d’Europe vont maintenant perdre les quelques rares protections qui leur restaient grâce à une loi-cadre qui pourrait bien avoir été concoctée dans la lointaine ville de Londres. Les mesures annoncées entrent en collision frontale avec la volonté affichée de l’Ukraine de rejoindre l’Union Européenne.

Le 22 Août 2022, le président de l’Ukraine, Vladimir Zelensky a ratifié un ensemble de nouvelles lois du travail très controversées. Ces lois ont des implications négatives majeures pour l’immense majorité des travailleurs de ce pays.

Présentées dans une loi-cadre connue sous le nom de Bill 5371, les nouvelles dispositions législatives privent 70% des employés ukrainiens de leurs droits et protections que les lois du travail en vigueur jusqu’alors leur accordaient. Elles restreignent aussi considérablement le droit des travailleurs à s’organiser, rognant les dernières parcelles de pouvoir des syndicats.

L’argument du président Zelensky, dirigeant du parti du Serviteur du Peuple au pouvoir, est que ces mesures sont non seulement nécessaires pour « libéraliser » le marché travail mais n’ont que trop tardé.  « L’extrême surrégulation du travail » en Ukraine est en contradiction avec les « principes d’auto-régulation du marché [et] de la gestion moderne de l’emploi » et crée « des barrières bureaucratiques au développement des employés comme à la compétitivité des employeurs ».

Pourtant, l’adoption de la loi cadre 5371 n’a pas été simple. De nombreuses organisations se sont élevées contre ses dispositions. L’OIT (Organisation Internationale du Travail), un organisme des Nations Unies chargé de promouvoir la justice économique et sociale en protégeant les standards internationaux sur le travail a publié une analyse détaillée et très négative de ces propositions, rejoignant l’avis de la commission parlementaire ukrainienne sur l’intégration dans l’Union Européenne. La commission a jugé que « par rapport à la législation en vigueur » la nouvelle législation « affaiblit la protection des travailleurs, rétrécit le champ des droits des travailleurs et leurs garanties sociales », en contradiction avec les obligations que l’Ukraine a contracté auprès de Bruxelles en vertu de l’Agrément d’Association. Andrey Reva, ancien ministre de la politique sociale, a formulé les mêmes critiques : « Les employés n’auront plus aucune protection contre les licenciements arbitraires. A l’embauche, l’employé devra signer un contrat de travail qui permettra à l’employeur d’obtenir des avantages unilatéraux pour mettre un terme au contrat et privera l’employé de tout moyen de défense. […] On peut se demander pourquoi cette législation arrive maintenant, alors que l’Ukraine vient de signer sa demande de candidature pour rejoindre l’Union Européenne et que sa demande est à l’étude ? ».

Made in Britain

De nombreux commentaires ont souligné le parallèle entre ces ‘réformes’ et les fameux contrats « zéro-heures » qui ne proposent aux employés ni congés payés, ni limites sur les heures travaillées journalières ou hebdomadaires, ni période de préavis, ni contributions de retraite et n’offrent parfois même pas de garanties de pouvoir travailler. En parlant de ces contrats des universitaires évoquent un « esclavage des temps post-moderne ».

Au niveau mondial, l’utilisation de contrats zéro-heures est pratiquement cantonnée au Royaume-Uni, où ils sont légion dans le commerce de détail, les industries de service, les bars et les restaurants et les fast-food, malgré de nombreuses oppositions. Pour exemple, environ 90% des employés de McDonald au Royaume-Uni – environ 100.000 travailleurs au total – ont des contrats de ce type.

Sous la pression du public et des syndicats, plusieurs grandes entreprises qui utilisaient largement ces contrats zéro-heures ont commencer à s’en détourner voire à les supprimer totalement au cours des dernières années. En Nouvelle Zélande, ils ont été déclarés illégaux en 2016 avant même de prendre réellement pied dans le pays.

On peut effectivement se demander ce qui pousse un pays comme l’Ukraine à vouloir adopter un phénomène uniquement british, alors que les deux pays n’ont pratiquement rien en commun même au plan économique ? La réponse à cette troublante énigme pourrait se trouver dans un document récemment fuité qui montre comment Londres a été étroitement impliqué dans une opération d’influence secrète visant à faire accepter ces lois iniques par la population ukrainienne en les présentant comme bénéfiques. En un mot, visant à convaincre le public ukrainien de se laisser dépouiller de ses droits au nom du changement.

Le dossier en question présente une stratégie de communication préparée par Abt Associates qui a été mandaté par l’ambassade du Royaume Uni à Kiev et l’unité UK Aid du ministère des affaires étrangères anglais. Une unité qui, aux termes de ses déclarations officielles, vise à « réduire durablement la pauvreté », améliorer les conditions « des communautés pauvres dans les pays en développement » et défend « des conditions de travail libres et décentes ».

Le document fait de nombreuses propositions pour ‘marketer’ la nouvelle législation, détaillant jusqu’au « du style visuel » qui devra être utilisé pour les campagnes traditionnelles ou en ligne, les interventions sur les réseaux sociaux et les conférences de presse.

Par exemple, Abt Associates suggère d’utiliser une esthétique « contrastée » en « inversant les couleurs » : « du texte clair sur un fond bleu foncé ». Les « avantages » de cette approche sont présentés comme : « étant plus lumineuses, plus émotionnelles, plus attirantes, elles changeront des publicités classiques du ministère [des finances] qui utilisent habituellement du papier blanc » et « offrant plus d’opportunités pour des illustrations créatives ». Pourtant, le document reconnait qu’il existe un risque que « ces messages émotionnels et parlants… puissent être perçus de façon négative ».

Le document ne s’arrête pas là en matière de manipulation. Une section proposant des « recommandations » pour « les principes généraux de présentation au public de la législation » illustre bien la duplicité et la manipulation qui forment la colonne vertébrale du plan de la campagne de communication. Prenant en compte qu’un certain nombre de personnalités publiques favorables à ces lois se sont contentées jusqu’à présent d’en vanter les mérites auprès des employeurs, Abt Associates propose de changer la cible et de parler surtout des « résultats positifs » pour les employés : « produire une communication plus simple et plus émotionnelle. Ajouter des matériels contenant des formulations simples des bénéfices clés » écrit le document. Puis il parle de comment recruter le soutien des « leaders d’opinion » tels que « journalistes et blogueurs » en organisant « des meetings discrets avec la participation des responsables du ministère ou (en option) des rédacteurs de la loi ». Ainsi « des messages émotionnels qui ne sont pas dans le registre de la communication du ministère pourront être diffusés par des tierces personnes ».

Par exemple, on pourra envoyer des messages décrivant « le but principal » de la législation comme étant de donner « de nouvelles opportunités à la fois aux employés et aux employeurs » ou « plus d’opportunités pour développer les entreprises » et d’aider les travailleurs à « obtenir plus vite et plus facilement du travail légal ».

A contrario, un autre « résultat escompté » de la nouvelle législation relevé dans la présentation parmi d’autres résultats bénéfiques potentiels est « l’amélioration de conditions commerciales qui facilitera l’investissement dans l’économie ukrainienne ». Ce bénéfice ne fait pas partie de ceux à utiliser pour la communication grand public.

La fin de la démocratie

On ne sait pas précisément combien cet effort publicitaire malsain a coûté à Londres, mais les montants pourraient être importants. Le budget total de UK Aid est de 150 millions de £, et le ministère des affaires étrangères a dépensé 40 millions de £ pour financer une série de projets en Ukraine en 2020/2021, parmi lesquels on trouve la mission de Abt Associates.

Pourtant, l’interférence anglaise n’a pas été entièrement couronnée de succès. Lors de son introduction au parlement au début de 2021, les députés ont à plusieurs reprises refusé de la soutenir en nombre suffisant. Mais cela a changé le 12 mai de cette année : la législation a été approuvée par la Rada a l’unanimité : 192 votes à zéro.

7 octobre 2021 : les syndicats ukrainiens manifestent contre la réforme des lois du travail (credit : Ukrinform/Alamy stock Photo. Tous droits réservés)

Comment expliquer ce changement soudain ? Le revirement des partis politiques et des groupes qui étaient auparavant opposés à cette législation est intervenu 2 semaines après qu’ils aient été interdits sur ordre de Zelensky. Le site d’information OpenDemocracy suggère que cette interdiction – et la possibilité que les parlementaires de ces factions soient expurgés du parlement dans un futur proche – pourrait expliquer leur vote ‘correct’ en faveur de cette loi.

Depuis la ‘révolution’ du Maidan en 2014, Kiev est en proie à la voracité insatiable des gouvernements et des entreprises occidentales. Une des premières actions du gouvernement ukrainien issu du coup d’état a été de supprimer les restrictions constitutionnelles sur l’actionnariat étranger des entreprises ukrainiennes, sur la privatisation et sur la propriété foncière, et d’accepter les prêts prédateurs d’institutions financières telles que le FMI, avec pour résultat l’ouverture sans restrictions des immenses réserves naturelles et agricoles du pays aux appétits des intérêts étrangers.

syndicats de travailleurs ukrainiens protestant en 2021 contre les lois de Zelensky

Nombreux sont les individus et les entreprises de l’étranger à avoir profité de cette manne. On ne rappellera ici que la première famille US. Pourtant, la résistance du public à des réformes néolibérales qui vont l’appauvrir plus encore a jusque-là réussi à éviter que la population soit réduite à l’esclavage pur et simple. Mais maintenant que les manifestations sont interdites par la loi martiale en vigueur, que les partis d’opposition et les médias indépendants sont censurés voire interdits, qu’un grand nombre de critiques du gouvernement sont emprisonnés et qu’une entreprise nationale de débusquage des ‘traitres’ est en cours, les Ukrainiens ne peuvent plus, ou ne veulent plus, se risquer à descendre dans la rue pour s’opposer à des mesures telles que cette nouvelle législation contre les travailleurs. Le résultat, c’est que le parti de Zelensky au pouvoir a toute latitude pour imposer les lois qu’il désire au parlement, et finaliser la mise sous tutelle de Kiev par les intérêts occidentaux.

Il peut sembler curieux que l’Ukraine impose à ses citoyens des mesures aussi infâmes et discréditées – les termes de la législation 5371 sont contraires à toutes les directives et protections mises en place par l’Union Européenne – alors que l’opinion publique est fermement en faveur du rattachement à l’Union et que les politiciens au plus haut de l’échelle du pouvoir, y compris Zelensky, réclament que l’Ukraine soit immédiatement intégrée à l’Europe.

On peut se demander si Londres et Washington, malgré toutes leurs annonces dans ce sens, ne sont pas en fait plus intéressés pour laisser l’Ukraine en dehors de l’UE. En vérité, cela pourrait servir encore mieux leurs intérêts.

Vues : 274

Suite de l'article

1 Commentaire

  • Bosteph
    Bosteph

    Tout simplement infâme et ignoble ! Et si cela se retournait contre l’ OTAN, dans le premier 1/3 Est de l’ Ukraine, sur (disons ) une ligne Kharkov – Dnierpopetrosk – Odessa ? Rêvons un peu.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.