Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Primakov et Poutine: Deux hommes de la transition post soviétique

Bulletin Comaguer n° 491

01 Octobre 2022

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Si Comaguer met en avant le personnage de Primakov -et il a raison de le faire en rappelant des faits trop occultés, est-ce parce qu’il veut démontrer qu’il y a eu survie du patriotisme soviétique à travers l’appareil d’Etat représenté par Poutine dans la filiation de Primakov? Pour aboutir à la paix par une solution diplomatique, négociée, la réflexion que nous propose COMAGUER et toutes celles que nous développons ici sont de celles susceptibles d’avancer sur les buts et les moyens des forces en présence sans se faire d’illusion sur la nature des protagonistes. Nous sommes en effet dans une situation dans laquelle l’Europe va payer le prix fort pour les mêmes raisons qu’elle l’a payé dans la première et la deuxième guerre mondiale; alors que s’imposait le socialisme il y a eu le choix de la guerre et du fascisme. . Quel pouvoir, quel Etat? ces questions vont se poser de plus en plus en Russie mais aussi sur toute la planète confrontée à un capitalisme occidental qui ne veut pas accepter ce qui est en train de naître et auquel il va falloir imposer la paix. COMAGUER a raison de noter qu’il s’agisse de Primakov ou de Poutine, ils étaient prêts à s’intégrer à l’OTAN et à participer aux visées occidentales, mais il ne s’agit pas de simple naiveté ou même d’erreur selon nous. Pas plus qu’il n’existe à travers eux une continuité de classe entre le pouvoir russe et l’Etat ouvrier et paysan de l’URSS, même s’ils ont très vite pris conscience que l’ultralibéralisme ne convenait pas à la Russie. Les Russes et mêmes certains citoyens de l’ex-URSS sont très conscients de cette rupture et se demandent “mais quand est-ce que cela a commencé?” Pour comprendre le rôle joué à la fois par l’armée, les services secrets, les affaires étrangères dans les permanences, il faudrait sans doute estimer l’héritage d’Andropov, les liens entre le KGB et les relations internationales déjà à l’oeuvre autour d’Andropov mais aussi de Gromiko et Ponomarev. il faudrait déjà noter le poids des relations internationales soviétiques: Primakov est plus qu’un représentant du KGB, il est en particulier face à l’Afrique et au monde arabe, l’héritier d’une conception des affaires étrangères soviétiques.La prise de conscience de ce qu’est le capitalisme occidental viendra plus de ce côté que de facteurs internes: le rôle joué par l’affaire libyenne est déterminant dans les changements de Poutine, sa conscience de la nature de la politique des USA (1). (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Né en 1929 Evgueni Primakov est un brillant sujet de l’école diplomatique soviétique, spécialiste de monde arabe et économiste éminent de l’académie des sciences.

Il n’entre en politique qu’à 60 ans en 1989 à la demande de Gorbatchev dans les derniers moments de la Perestroïka pour devenir pendant quelques mois Président du Soviet de l’Union une des deux chambres du Soviet Suprême puis il est appelé au conseil présidentiel , sorte de cabinet de Gorbatchev. En Aout 1991 il devient directeur du KGB puis directeur du nouveau service d’espionnage russe le SVR qui est organisé après la chute de l’URSS. Il va rester à ce poste jusqu’en 1996 date à laquelle il devient ministre des affaires étrangères. Autant dire qu’il est un des grands témoins de l’ère Eltsine et du positionnement de son pays dans l’après guerre froide. Positionnement très simple : la guerre froide est finie et pour la direction russe le pays est rentré dans une période de partenariat avec l’ancien adversaire. Les rapports sont plus étroits, la Russie se rapproche de l’OTAN et une adhésion sera même envisagée.

En tant que Ministre des Affaires étrangères puis Premier ministre pendant 6 mois Evgueni Primakov ne peut rien ignorer de la qualité et de l’étroitesse de ces rapports.

Deux livres de mémoires d’Evgueni Primakov ont été traduits en français. Le premier intitulé « Au cœur du pouvoir » est publié en Février 2003, le second intitulé «  le monde après le 11 Septembre et la guerre en Irak l’est en octobre de la même année. Leur lecture est passionnante. Evgueni Primakov n’est pas un oligarque il est resté au service de son pays dans une période difficile à des postes très élevés. Il ne cherche pas à se mettre en valeur et décrit les contacts personnels de très haut niveau qu’il a entretenus par exemple avec Madeleine Albright, Anouar el Sadate ou Saddam Hussein tant pendant la guerre de Yougoslavie que pendant la première guerre du Golfe et dans les préparatifs de la seconde et on le voit appliquer avec constance une diplomatie active du dialogue qui cherche à trouver des solutions non militaires aux crises en cours. Force est de reconnaitre rétrospectivement que ses efforts n’ont rien empêché et que toutes les guerres décidées par les Etats-Unis ont eu lieu.

Et au fil des pages il en vient à la conclusion que la politique de la main tendue à Washington n’a pas eue de résultats positifs pour la Russie

« Comme le   faisait remarquer justement Ronald Reagan , il faut «  être deux pour danser le tango » ; Tandis que notre opinion pour une large part, voulait croire à l’avènement d’un « âge d’or » tandis qu’elle pensant entrer de plain pied dans la « maison européenne , nombre de responsables des pays industrialisés optaient pour une politique dure hargneuse et fort dynamique de défenses corporatiste des intérêts nationaux ; Faut-il rappeler que cette politique a lésé , à de nombreux titres les intérêts de notre pays ? Certes l’Occident ne parlait pas d’une même voix, les avis divergeaient et l’on notait un certain flottement ; Dans ces conditions une politique résolue et réfléchie de la Russie aurait pu affermir les aspects constructifs des choix occidentaux et en conséquence l’évolution de la planète dans l’après « guerre froide » aurait été autrement plus assurée et harmonieuse. Il n’en a pas été ainsi Au lieu de la politique réciproque de la main tendue qui aurait dû être celle des deux camps engagés naguère dans la confrontation de la guerre froide le schéma s’est imposé quelques temps d’une Russie «  à diriger » parce qu’incapable de se diriger elle-même. « 

« Après l’effondrement de l’URSS alors que la fédération de Russie s’efforçait d’exister en tant qu’Etat indépendant, cette ligne était généralement prônée par le responsable du ministère russe des Affaires étrangères qui devait déclarer que le monde était divisé en deux parties : une partie civilisée et des voyous ; ayant perdu la guerre froide la Russie devait pas, selon lui, entrer dans le club des nations civilisées dominé par les Etats-Unis se plier à ses règles….. »

« Le refus de la Russie d’être un vassal sur la scène internationale n’exclut pas la possibilité d’un rapprochement t avec les USA ni l’instauration de relations de partenariat entre les deux Etats. »

Pour finir dans la postface (Octobre 2003)

« Si les Etats-Unis décident de s’adapter à la perspective bien réelle d’un monde multipolaire s’ils cessent de partir du principe qu’ils peuvent et doivent apporter, seuls, des solutions aux grandes questions de stabilité et de sécurité et fixer unilatéralement les règles de conduite des Etats sur la scène internationale, la Russie peut être pour eux un partenaire loyal. L’évolution des relations russo- américaines, suite aux évènements du 11 septembre incline à l’optimisme ; un optimisme qui, à la lumière de la guerre en Irak pour eux un partenaire loyal. L’évolution des relations russo- américaines, suite aux évènements du 11 septembre incline à l’optimisme ; un optimisme qui, à la lumière de la guerre en Irak reste hélas modéré, »

Ces réflexions portent témoignage du fait que la direction russe à partir de 1991 a commis une très lourde erreur d’analyse : elle a confondu la parité nucléaire avec les Etats-Unis à laquelle l’URSS a consacré avec succès tous ses efforts de 1945 jusqu’en 1991 et la parité stratégique globale : économique, scientifique, technologique et militaire qu’elle n’a jamais atteinte (malgré des percées spectaculaires comme dans l’astronautique)

Une fois dissoute l’Union, une fois dissous le Comecon et le Pacte de Varsovie, les Etats-Unis savent qu’ils sont les maitres du monde, qu’ils pourront encore si nécessaire mener encore avec Moscou des négociations sur les armes nucléaires mais que pour le reste la Russie aux prises avec une crise économique démographique et sociale proche de l’effondrement n’a plus de dents et que le capital impérial peut y faire librement ses emplettes . La crise tchétchène va même faire craindre à Moscou une poursuite de la fragmentation du territoire russe qui perdrait son appui caucasien voire une propagation de la ligne de faille caucasienne vers les républiques d’Asie Centrale. Mais de 1991 à l’arrivée de Vladimir Poutine à la présidence en 2000 il n’y a aucune remise en cause du partenariat avec le grand frère étasunien, mieux même celui-ci est officialisé par l’admission de la Russie dans le G7 qui devient donc le G8 en 1997

La démonstration la plus flagrante de cette erreur d’analyse est fournie par la lecture du second livre d’Evgueni Primakov publié après le 11 septembre

Ce livre commence par deux pages qui décrivent succinctement les attentats et reprennent in extenso sans le moindre recul la version de la Maison Blanche .Le livre fait référence au très long appel téléphonique le 11 Septembre même de Poutine à G.W Bush qu’il assure du soutien total de la Russie dans ce moment dramatique comme si, marqué par le terrorisme tchétchène, il compatissait avec l’émergence de sa réplique à Manhattan et comme si le terrorisme islamique était un phénomène autonome sans appuis politiques, sans financement , sans complicités dans divers appareils d’Etat et comme s’il ne permettait pas à l’impérialisme de mener la guerre sans préavis, partout , tout le temps et sous toutes les formes possibles – or c’est la langage même que tient Bush dés le 11 septembre .

Cette doctrine affichée l’invasion de l’Afghanistan peut avoir lieu aussitôt, la guerre d’Irak peut se préparer activement en court-circuitant l’ONU et les membres du Conseil de sécurité et les préparatifs des guerres de Libye et de Syrie peuvent être lancés et le commandement Africom être créé.

7 ans seront nécessaires à la Russie pour comprendre que les appétits impériaux des Etats-Unis ne sont en rien satisfaits et qu’ils n’ont aucune intention de ménager la Russie même après la signature d’un véritable traité d’amitié entre la Russie et l’OTAN

Acte Fondateur

Sur les Relations, la Coopération et la Sécurité Mutuelles entre l’OTAN et la Fédération de Russie signé à Paris, France

27 Mai 1997 – L’OTAN et la Russie ne se considèrent pas comme des adversaires. Elles ont pour objectif commun d’éliminer les vestiges de l’époque de la confrontation et de la rivalité, et d’accroître la confiance mutuelle et la coopération. Le présent Acte réaffirme la détermination de l’OTAN et de la Russie de donner corps à leur engagement commun de construire une Europe stable, pacifique et sans division, une Europe entière et libre, au profit de tous ses peuples. Prendre cet engagement au plus haut niveau politique marque le début d’une relation fondamentalement nouvelle entre l’OTAN et la Russie. Celles-ci ont l’intention de développer, sur la base de l’intérêt commun, de la réciprocité et de la transparence, un partenariat fort, stable et durable.

.L’encre de cet accord à peine sèche et sans doute inspirés par ce climat irénique 3 nouveaux membres République tchèque, Pologne et Hongrie adhèrent à l’OTAN en 1999, 7 vont les suivre en 2004 dont les 3 républiques baltes elles-mêmes mitoyennes de la fédération de Russie. L’ours a été mis en laisse et peut être montré aux badauds sur les places de l’Europe orientale. La laisse est matérialisée par l’accueil de la Russie dans le G7 qui devient le G8 en 1997. Cette même année 2004 se produit le premier coup d’état de couleur à Kiev qui amène à la tête du pays une équipe très antirusse bien encadrée par les services étasuniens – la femme du nouveaux président est une ukrainienne de la diaspora recrutée par la CIA et supervisé par le leader républicain John Mac Cain

En Février 2007 à la conférence sur la sécurité collective en Europe à Munich, Poutine reconnait que les Etats-Unis de Bush ont trahi la confiance de la Russie laquelle doit donc réviser son attitude bienveillante vis-à-vis du bloc de l’Ouest.

En 2006 Evgueni Primakov qui va occuper de 2001 à 2011 avant de se retirer – il est décédé en 2015 – la fonction de président de la chambre de commerce et d’industrie de la fédération de Russie tire sur le plan économique et social les leçons de cette évolution des rapports avec l’empire en condamnant les excès de l’ultralibéralisme et il approuve les efforts de Vladimir Poutine pour redonner à l’Etat un rôle dans la conduite de la politique économique et affirmer sa souveraineté. Il développe ainsi son analyse de la multipolarité comme alternative à l’unipolarisme étasunien écrasant qu’il avait déjà amorcée quand il était premier ministre. Le texte en annexe publié en 2006 en porte témoignage.Nous l’avons publié dans son intégralité car il montre la largeur du regard du personnage et surtout il porte un jugement très positif sur la politique menée par Vladimir Poutine qui vise à restaurer l’Etat russe et sa souveraineté.

Se manifeste donc là dés 2006 une véritable parenté entre la pensée de Evgueni Primakov et celle que va développer Poutine au fil des années avec une persévérance de tous les instants. Ce lien intellectuel très fort mérite d’étre analysé. Primakov et Poutine font partie des équipes de la période Eltsinienne mais à deux niveaux différents d’abord parce qu’ils ont 33 ans d’écart ensuite parce que lorsqu’ils rentrent dans l’appareil eltsinien Primakov y entre par le haut et Poutine par le bas ce qui fait que le second n’a pas travaillé sous les ordres du premier. Primakov va assister à la fulgurante ascension de Poutine premier ministre en 1999 et Président en 2000 mais il le considére, il l’écrit dans son livre, comme un homme honnête, à la différence de l’entourage extrêmement corrompu de Boris Eltsine lui-même qui se sentant menacé réussira d’ailleurs à chasser Primakov du pouvoir.

Le premier signe extérieur de ce ressaisissement russe aura lieu en Aout 2008 en Géorgie. L’armée russe qui amorce son renouveau coupe court à une nouvelle tentative de déstabilisation du Caucase conduite par l’agent étasunien Saakashvili mis à la tête de la Géorgie par le prototype des révolutions de couleur : « la révolution des roses (Nov 2003) ». Le grignotage OTAN se poursuit avec l’adhésion en 2009 de l’Albanie et de la Croatie de même que la déstabilisation du monde arabe entamée par Obama prix Nobel de la paix en poche dés son arrivée au pouvoir : violation des résolutions du Conseil de Sécurité et destruction de la Libye en 2011, lancement de la guerre « civile » de Syrie par terroristes interposés la même année.

Reste le cas ukrainien. L’équipe « ukro-américaine » de 2004 trop divisée, trop corrompue n’a pas réussi à s’emparer de tous les leviers de commande et les grosses fortunes de l’Est gardent enore le contrôle de l’appareil d’Etat et hésitent à couper tous les liens y compris économiques avec la Russie. Voici donc venu le temps du second coup d’état de Kiev le Maidan 2. Le chef d’orcheste étasuenien Victoria Nuland pilote l’opération sur place et le président en exercice échappe de justesse à la liquidation physique. Pour la Russie la page est tournée. Les conclusions tirées en 2007 étaient les bonnes : l’heure est à la riposte. Celle-ci va être rapide et spectaculaire : la Crimée vote à une écrasante majorité son rattachement à la Fédération de Russie et en 2015 l’armée russe vole au secours de l’allié syrien confronté tout à la fois aux appétits micro impérialistes turcs, aux irrédentistes kurdes, aux takfiristes gorgés de dollars et d’armes de pointe , aux forces spéciales US qui organisnent le pillage des ressources pétrolières et gazières du pays.

Les évènements de ces derniers jours en Ukraine sont la deuxième riposte russe à l’agression occidentale de la population du Donbass.Elle a été longuement murie, elle est d’envergure et ouvre cette fois dans le camp occidental une énorme crise à spectre large : morale, politique, économique et sociale.

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Evgueni Primakov: La Russie se détache de l’ultralibéralisme, la deuxième étape de la reprise russe a commencé

par Evgueni Primakov 12.février 2007 (traduction deepl relecture Comaguer)

Selon l’ancien Premier ministre russe Evgueni Primakov, la Russie est entrée dans la deuxième phase de son redressement en 2006. Après avoir repris le contrôle des ressources naturelles et restauré le pouvoir de l’armée, Vladimir V. Poutine s’est détourné des théories ultralibérales. Désormais, l’État intervient à nouveau dans l’économie pour encadrer le développement territorial, y compris dans la partie asiatique de la Fédération. Les recettes issues de l’exportation d’hydrocarbures sont injectées dans l’économie pour lutter contre la pauvreté, sans alimenter les craintes d’inflation. Cependant, cette politique se heurte à de nouveaux dangers : la montée du chauvinisme à l’intérieur, et l’aventurisme militaire américain à l’extérieur.

2006 : Réalisations et disproportions

Lors de notre traditionnelle réunion, il y a un an, mon exposé était intitulé “L’année 2006 sera-t-elle cruciale pour la Russie ? “. À mon avis, à bien des égards, elle l’a été. Qu’est-ce que j’entends par “crucial” ? Je veux dire que certaines tendances principales sont désormais remplacées par leurs opposés. Il n’était pas nécessaire qu’elles obtiennent un statut à part entière, ni même qu’elles atteignent un point culminant dans leur développement. Si nous partons d’une telle compréhension – et je pars de là – de nombreux stéréotypes qui s’étaient imposés avec persistance dans notre société à partir des années 1990 ont disparu l’année dernière. De quels stéréotypes s’agit-il ?

Tout d’abord, après avoir passé beaucoup de temps à nous chamailler, nous avons finalement, et espérons-le, écarté pour de bon le postulat selon lequel, même à l’aube de l’établissement des rapports de marché en Russie, et avant la création d’un marché bien développé, nous pouvions nous passer d’une ingérence résolue et efficace de l’État dans le cours de la vie économique de ce pays.

Les libéraux dogmatiques affirment que l’État devrait limiter ses activités dans ce domaine à la micro-réglementation, car il n’est absolument pas nécessaire qu’il investisse dans le secteur manufacturier. La résistance du ministère des Finances à la création d’un fonds d’investissement ou, en d’autres termes, à l’affectation de crédits budgétaires aux projets cibles dont la nation a tant besoin, en est un exemple. Sans la persévérance du ministère du commerce et du développement économique, qui n’a cessé de combattre ses opposants, le fonds n’aurait jamais été créé. D’ailleurs, le “désengagement“ en 2006 du ”tandem” de ces deux ministères qui avaient auparavant défendu l’idée d’une éviction totale de l’État des questions économiques s’est avéré être une preuve significative qu’une rupture de cette prémisse a eu lieu dans ce pays.

Deuxièmement, l’année dernière, nous avons tous entendu le président Poutine déclarer que – compte tenu des prix mondiaux élevés – le secteur des ressources naturelles devait être un vecteur de développement économique et un moyen d’élever le niveau de vie de la population russe. N’est-ce pas la preuve d’un changement radical de la tendance soutenue avec tant de zèle par ceux qui avaient l’habitude d’affirmer que pas un seul kopeck de l’argent du Fonds de stabilisation ne devait être dépensé dans le pays, de peur qu’il ne provoque prétendument une inflation galopante ? L’inflation a été causée par un certain nombre de raisons plutôt que par une seule et elle n’a jamais baissé tant que le Fonds de stabilisation est resté intouchable. La ligne de conduite relative à un renforcement illimité du taux de change rouble/dollar est également le résultat de la lutte contre l’inflation, qui nuit considérablement à la compétitivité des fabricants russes.

La création de stocks de ressources non renouvelables est une étape nécessaire, comme le prouve l’expérience mondiale. Mais comment devons-nous dépenser les revenus imprévus que nous gagnons en raison des prix mondiaux élevés des biens que nous exportons ? J’ai lu récemment l’article du professeur Aleksei Kudrin dans la revue “Issues of Economics”, où il présente un tableau intéressant montrant les projets cibles financés par les fonds qui accumulent les ressources non renouvelables au Koweït, en Alaska, au Chili, en Norvège et au Venezuela. Il ressort clairement de ce tableau que dans tous ces pays sans exception, l’argent qu’ils accumulent devient une source de financement des économies nationales d’une manière ou d’une autre. L’exemple de l’Alaska est très caractéristique. Deux fonds sont mis en place en Alalska, un fonds permanent et un fonds de réserve. Environ la moitié des revenus du fonds permanent est versée à la population sous forme de dividendes, et le reste est réinvesti. Le fonds de réserve est utilisé pour créditer le budget. L’utilisation de l’argent du fonds est soumise à un plafond variable qui peut être revu par les législateurs.

L’exemple de l’Alaska est très caractéristique. Deux fonds sont mis en place en Alaska, un fonds permanent et un fonds de réserve. Environ la moitié des revenus du fonds permanent est versée à la population sous forme de dividendes, et le reste est réinvesti. Le fonds de réserve est utilisé pour créditer le budget. L’utilisation de l’argent du fonds est soumise à un plafond variable qui peut être revu par les législateurs.

Pourquoi l’exemple de l’Alaska est-il si important ? Parce que cet État est également confronté à des problèmes de démographie et de développement. Le fonds pétrolier de l’État norvégien est un autre exemple caractéristique auquel les partisans de l’immunité des stocks de ressources non renouvelables aiment tant se référer. Cependant, pour citer le tableau, l’argent du fonds norvégien “ne peut être utilisé que pour des transferts au budget du gouvernement central”. L’inclusion de ce tableau ne peut être évaluée autrement que par l’objectivité de l’auteur en tant que chercheur.

Je pense que 2007 ne verra pas le triomphe de la position de ceux qui affirment que l’argent accumulé dans le Fonds de stabilisation ne peut être dépensé, même pour la création d’infrastructures de transport en Russie, où 50 000 localités et villages ne sont pas reliés aux autoroutes principales, ou pour couvrir la partie du budget qui diminue en raison de la baisse des impôts dans le secteur manufacturier à forte intensité scientifique, les industries de transformation et les petites entreprises. Nous avons également dépassé le point de non-retour dans la mesure où le nombre de ceux qui réalisent que la réduction de la charge fiscale dans ces segments favoriserait le changement nécessaire de la structure de l’économie russe, stimulant ainsi sa croissance et augmentant à long terme les recettes budgétaires, augmente.

Troisièmement, l’année 2006 a été marquée par un virage résolu vers l’économie à vocation sociale. Je veux parler des quatre projets nationaux proposés par le président Poutine – dans les domaines de la santé publique, de l’éducation, de la construction de logements et du développement de l’agriculture. La détermination avec laquelle cette initiative a été proposée est soulignée et expliquée par le fait que, dès le début des réformes économiques en Russie, les libéraux dogmatiques ont défendu l’idée que l’État devait s’occuper uniquement des personnes handicapées et incapables, tandis que les autres devaient résoudre leurs problèmes sociaux par eux-mêmes. En substance, ils refusaient que l’État investisse dans l’être humain.

Quatrièmement, la lutte contre la corruption a commencé en 2006. Je ne peux pas dire qu’elle a surmonté son caractère d'”attaque aléatoire”. Je ne peux pas dire qu’elle a surmonté son caractère d'”attaque aléatoire”, mais même le fait que plusieurs hauts fonctionnaires corrompus aient été licenciés et que des poursuites pénales aient été engagées contre les apparatchiks de niveau intermédiaire suscite l’espoir. Cet espoir est revigoré par les propos de Vladimir Poutine selon lesquels l’union parfaite entre les fonctionnaires de l’État à tous les niveaux et les entreprises est devenue le mal le plus dangereux. Si des actions résolues suivent cette déclaration, la corruption en Russie sera privée de son terreau.

Ensuite, à propos du développement économique de la Russie en 2006. Depuis plusieurs années, nous constatons que la croissance économique annuelle de ce pays est de près de 7% du PIB, un taux bien plus élevé que la moyenne mondiale. Ce qui est le plus significatif, c’est que cette croissance a eu lieu pendant une période assez longue en l’absence de chutes sérieuses. Pour la première fois depuis des années, l’inflation a été inférieure à 10 % en 2006. Les réserves d’or et de devises fortes ont connu une croissance record, et le niveau de vie de la population a également augmenté. Je pense que tous ces résultats positifs sont en grande partie liés au fait que ce qui se passe est un changement drastique des tendances qui ont commencé à se dessiner dans les années 1990. Dans le même temps, serait-il juste de penser que nous avons déjà atteint un point où le rôle de l’État dans l’économie est nivelé par le bas ? Ce ne serait pas le cas ; nous ne pouvons pas évaluer la situation de cette manière. Parallèlement à certaines réalisations, un certain nombre de disproportions sont apparues en 2006 dans l’économie, qui nécessitent de prendre des mesures sérieuses en vue de les surmonter. Je vais m’attarder sur certaines d’entre elles. Premièrement. Dans les conditions d’une dynamique économique positive, il n’y avait aucun signe de surmonter la crise démographique. En Russie, elle a deux dimensions. D’une part, il s’agit de la diminution de l’ensemble de la population et, d’autre part, d’un exode assez rapide de la main-d’œuvre des régions russes les plus importantes sur le plan économique. Je pense à la Sibérie, à la Transbaïkalie et à l’Extrême-Orient. En 1991, environ 22 millions de personnes vivaient sur le territoire qui s’appelle aujourd’hui le district fédéral sibérien. Actuellement, elles sont 19 millions. Selon les projections du Comité des statistiques des États, cette région comptera un peu plus de 17,5 millions d’habitants à la fin de 2025. En d’autres termes, par rapport à 1991, la taille de la population aura diminué de 20 %. Le district fédéral de Sibérie occupe un tiers de l’ensemble du territoire de la Russie, mais le problème n’est pas que cette région soit sous-peuplée. La répartition de la population est très inégale. Comme l’a dit Anatoli Kvashnin, représentant présidentiel dans ce district, lors d’une session du “Mercury Club” : “Mettez une ponte de compas sur Novosibirsk et tracez un cercle de 600 km dediamète , 12 millions de sibériens sur 19 y résident

Une situation démographique encore pire se dessine en Extrême-Orient, où le nombre d’habitants a diminué de plus de 16 % au cours des 15 dernières années. Pour résoudre le problème démographique, qui est une question prioritaire pour la nation, il faudrait proposer un plan systémique complexe de développement de ces régions. Quelqu’un pourrait objecter qu’un grand nombre de projets de ce type ont déjà été adoptés. Je répondrai qu’aucun n’avait un caractère global, multilatéral et systémique. Bien sûr, cela est également dû au fait qu’il n’existe pas de moyens adéquats de suivi et de contrôle de la mise en œuvre, même de ces projets segmentaires, qui pourraient contribuer à résoudre le problème d’importance vitale pour la Russie, le problème économique et politique qui influence directement la sécurité de ce pays. Peu avant la fin de l’année 2006, le président Poutine en a parlé au Conseil de sécurité. Des ordres et des missions ont été donnés. Voyons comment ils vont être mis en œuvre en 2007.

La deuxième disproportion. Le développement de notre économie en 2006 a conduit à une dynamique de consommation plutôt élevée. C’est très bien. Mais la croissance de la consommation a lieu dans un contexte de faible compétitivité des produits de l’industrie russe, caractéristique depuis plusieurs années.

Ce déséquilibre stimule la croissance des importations, dont le taux est nettement supérieur à celui des industries russes. La part du commerce de gros et de détail dans le PIB s’est élevée à plus de 35% l’année dernière. La part des produits industriels dans le PIB a diminué. Personne n’est prêt à négliger les questions de développement du commerce et des services, qui étaient le péché de l’économie pendant la période soviétique, ou à ériger une barrière pour les importations. Cela ne devrait pas être fait. Mais les problèmes de compétitivité des industries nationales deviennent de plus en plus aigus. Et cela ne peut être réalisé qu’en faisant passer nos industries sur les voies de l’innovation. Cela ne peut se faire sans une forte implication de l’État.

Ces dernières années, une véritable percée a eu lieu en Russie. Des fonds d’investissement et de capital-risque soutenus par le budget ont été créés, ainsi que des zones économiques spéciales, et il est prévu de créer une société d’État pour le développement, qui sera chargée de financer les projets d’investissement à long terme, y compris ceux axés sur l’exportation. En même temps, il existe des faits, sur lesquels nous ne devons pas fermer les yeux – l’échelle insignifiante de l’utilisation des nouveaux outils d’activités d’investissement. Par exemple, quatre zones d’innovation technique et technologique sont actuellement créées en Russie. Comparez cela aux 57 zones de ce type en Chine.

Par ailleurs, le mode de développement innovant devient de plus en plus aigu et urgent pour la Russie, notamment en raison de sa situation démographique compliquée. Elle conduit à une diminution de l’offre de main-d’œuvre, qui ne peut être surmontée qu’en augmentant l’intensité du travail et sa productivité, ce qui est impossible sans progrès technologique. La troisième disproportion est due au fait qu’avec une certaine réduction du nombre de personnes vivant au-delà du seuil de pauvreté, l’écart entre les 10 % des personnes percevant les plus gros revenus et les 10 % des personnes les moins bien payées reste intact, voire augmente. Selon le Comité d’État des statistiques, le volume des revenus des personnes aisées augmente alors que le volume des revenus des personnes les moins bien rémunérées reste le même. Ce sont donc précisément les riches qui profitent le plus de la croissance économique. Cette tendance est préoccupante. Elle est loin d’être un facteur de stabilité sociale en Russie.

En même temps, nous devrions prêter attention à un autre aspect du problème, que j’appellerais un facteur aggravant. Il est connu que la pauvreté dans les pays développés est principalement localisée chez les chômeurs, les migrants et les familles nombreuses. En Russie, 35 % des personnes vivant en dessous ou près du seuil de pauvreté sont des familles d’actifs avec un ou deux enfants. La plupart des pauvres en Russie sont des employés contractuels ou des retraités. Il suffit de dire que le salaire de deux tiers des travailleurs agricoles et de plus de la moitié des personnes travaillant dans le domaine de la culture et des arts est inférieur au minimum vital. En outre, la main-d’œuvre bon marché explique le manque d’intérêt pour le progrès technique et technologique.

Et ensuite – sur le contexte international dans lequel la Russie se développe. Après la fin de la guerre froide, le monde s’est écarté du système bipolaire et a commencé à créer un ordre mondial multipolaire. La Chine et l’Inde, avec leur énorme potentiel humain, se développent rapidement. Par leur PIB global en 2006, ces deux pays ont dépassé les États-Unis. Si l’on considère que la croissance économique de la Chine et de l’Inde est deux fois et demie supérieure à celle des États-Unis, il devient évident que la contribution de ces deux pays à la croissance de l’économie mondiale est la plus importante au monde. La part de l’Union européenne dans le PIB mondial était également plus importante que celle des États-Unis. Le Brésil et l’Argentine sont également en train de devenir des nations post-industrielles. Le processus d’intégration en Amérique latine est également une promesse de bonnes choses à venir. Il est difficile d’imaginer qu’une Russie au développement dynamique ne devienne pas un centre indépendant dans un tel monde multipolaire.

Cependant, il existe des obstacles subjectifs à l’instauration d’un ordre mondial multipolaire. Il s’agit notamment de la politique étrangère des États-Unis. Dans les conditions actuelles, ce pays est l’économie la plus développée du monde, la nation la plus forte militairement et la plus avancée dans le domaine de la recherche et du développement. En ce qui concerne ce qui précède, ceux qui tentent de préserver les positions hégémoniques des États-Unis, même pendant la période d’établissement d’un ordre mondial multipolaire, sont devenus de plus en plus influents sous l’administration américaine actuelle.

Cela a une incidence négative sur le processus de neutralisation des menaces auxquelles l’humanité est confrontée depuis la fin de la guerre froide. Je vais identifier trois de ces menaces. La première est la prolifération rampante des armes nucléaires et autres armes de destruction massive au-delà des limites fixées par les cinq membres officiels du Club nucléaire, qui sont passés maîtres dans l’art de l’autodiscipline lorsqu’il s’agit d’utiliser de telles armes. La deuxième est le terrorisme international qui se déguise aujourd’hui en islamisme, alors qu’il n’a rien à voir avec l’islam en tant que religion. La troisième menace est l’extension des conflits régionaux. Leur danger est encore aggravé par la possibilité d’une imbrication de ces trois menaces. À l’époque de la guerre froide, la stabilité sur la scène mondiale était maintenue par l’endiguement mutuel de deux superpuissances, chacune étant le leader de l’un des deux camps idéologiques opposés. En d’autres termes, elle était fondée sur la confrontation avec des frontières clairement définies. Aujourd’hui, la prévention de nouvelles menaces n’est possible que par la mise en commun des efforts ciblés de tous les centres fondamentaux du monde multipolaire en devenir. Mais faire de cette vérité, dont on ne peut guère douter, une réalité n’est pas si facile. L’opération militaire en Irak a montré que les Etats-Unis se sont arrogés le droit de monopole pour identifier le pays qui menace la sécurité internationale et prendre des décisions unilatérales sur l’utilisation de la force contre lui. Simultanément, ils ont déclaré leur volonté d’exporter la démocratie dans le pays de leur choix, si ses coutumes et son comportement ne satisfont pas les États-Unis.

Aujourd’hui, il est possible de constater l’effondrement de ces politiques, et de nombreux représentants américains l’ont fait. Tout récemment, même le président Bush a admis pour la première fois que les États-Unis n’ont pas remporté de victoire en Irak. Cela ne fait aucun doute, car après l’opération américaine, le chaos règne dans ce pays arabe. Une guerre civile religieuse a commencé. Le danger d’effondrement de l’Irak se dessine de plus en plus clairement, et ce pays est désormais le principal bastion d’Al-Qaïda.

L’effondrement des politiques américaines menées en Irak a porté un coup fatal à la doctrine américaine de l’unilatéralisme. C’est ce qu’indiquent également les résultats des dernières élections au Congrès, où les républicains ont perdu leur majorité dans les deux chambres.

Mais le coup fatal ne signifie pas la fin de cette doctrine, d’autant plus qu’une campagne tous azimuts est menée pour prolonger son existence. La “nouvelle stratégie américaine” tant décriée en Irak en est une autre preuve. En substance, elle se résume à la décision prise par le président Bush, au mépris de la volonté du Congrès et de l’opinion publique prédominante, d’envoyer un contingent supplémentaire de 22 000 soldats américains en Irak. Une décision médiocre, dépourvue de toute perspective, qui est censée faciliter le retrait des États-Unis de l’impasse irakienne, comme si le simple fait d’augmenter d’un sixième le nombre de soldats américains dans ce pays pouvait se faire si facilement. Cette décision ignorait cyniquement le fait que plus de soldats américains ont été tués en Irak qu’il n’y a eu de New Yorkais assassinés lors de l’attaque terroriste du 11 septembre 2001, sans parler du nombre de morts irakiens qui s’élève à des dizaines et des dizaines de milliers.

L’effondrement des politiques américaines menées en Irak a porté un coup fatal à la doctrine américaine de l’unilatéralisme. C’est ce qu’indiquent également les résultats des dernières élections au Congrès, où les Républicains ont perdu leur majorité dans les deux chambres.

Mais le coup fatal ne signifie pas la fin de cette doctrine, d’autant plus qu’une campagne tous azimuts est menée pour prolonger son existence. La “nouvelle stratégie américaine” tant décriée en Irak en est une autre preuve. En substance, elle se résume à la décision prise par le président Bush, au mépris de la volonté du Congrès et de l’opinion publique prédominante, d’envoyer un contingent supplémentaire de 22 000 soldats américains en Irak. Une décision médiocre, dépourvue de toute perspective, qui est censée faciliter le retrait des États-Unis de l’impasse irakienne, comme si le simple fait d’augmenter d’un sixième le nombre de soldats américains dans ce pays pouvait se faire si facilement. Cette décision ignorait cyniquement le fait que plus de soldats américains ont été tués en Irak qu’il n’y a eu de New Yorkais assassinés lors de l’attaque terroriste du 11 septembre 2001, sans parler du nombre de morts irakiens qui s’élève à des dizaines et des dizaines de milliers.

C’est un fait que de plus en plus de personnes aux États-Unis commencent à voir le mal fait par les décisions unilatérales de recours à la force. Mais cela ne signifie pas encore que l’administration américaine est prête à prendre des mesures multilatérales universelles contre les nouvelles menaces pour la sécurité et la stabilité du monde. Il est caractéristique que l’enjeu soit fait sur l’élargissement de l’OTAN plutôt que sur la consolidation et la modernisation des Nations Unies en tant que mécanisme international universellement reconnu.

Créée à l’époque de la guerre froide en tant qu’organisation régionale, l’OTAN étend aujourd’hui son influence militaire sur différentes régions. Cette organisation a déployé sa force militaire en Afghanistan, et personne ne sait ce qui l’attend. Un projet d’intervention militaire en Iran et en Syrie, si ce n’est pas par les États-Unis mais par l’OTAN, actuellement discuté dans les médias, ne peut manquer de susciter l’inquiétude. Naturellement, il y a loin de la discussion d’une idée à sa mise en œuvre, et de nombreux membres de l’OTAN ne seraient guère disposés à s’en accommoder. Mais le fait que les nouveaux entrants dans l’OTAN et les pays qui meurent d’envie de rejoindre le bloc soient prêts à payer des prix exorbitants pour gagner la bienveillance américaine, n’est-il pas alarmant ?

Ayant conquis de plus en plus de pays, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord s’est rapprochée de nos frontières, ce qui ne peut manquer de nous mettre mal à l’aise. D’autant plus que l’extension de l’OTAN s’accompagne de la rhétorique anti-russe, ainsi que de la politique agressive menée par les Etats-Unis dans les anciennes républiques soviétiques. Moscou ne peut manquer de considérer tout cela comme des activités suscitées par le mécontentement de certains milieux en Occident par le fait que, restaurant son énorme potentiel prospectif, la Russie retrouve son statut de superpuissance.

Je dirais que, dans ces circonstances, ce pays poursuit une politique étrangère optimale. Avec la nécessité de renforcer son potentiel militaire stratégique et tactique, la Russie utilise toutes les opportunités pour démontrer son désir de devenir l’une des principales forces, capable de stabiliser la situation internationale. L’année qui vient de s’écouler a confirmé les succès de la politique étrangère de la Russie, notamment l’établissement de relations étroites et – parfois – stratégiques avec de nombreux pays asiatiques, en particulier la Chine et l’Inde, ses efforts constants pour avoir des liens étroits avec les pays européens et des relations de partenariat mutuellement bénéfiques avec les États-Unis. L’essentiel est que le président Poutine s’engage dans la voie qui combine la défense ferme des intérêts nationaux de la Russie et le désir d’éviter la confrontation avec d’autres pays.

Comme je l’imagine, les hommes politiques occidentaux devraient reconsidérer le rôle et la place de la Russie dans le monde actuel, ceux de la vraie Russie, dont ils considèrent prétendument la situation intérieure comme une menace pour ses voisins, non pas la Russie fictive qui poursuit prétendument des politiques impérialistes, utilisant les flux de ressources énergétiques vers d’autres pays, mais la vraie Russie qui ne va pas se déplacer sur l’autoroute des politiques de quelqu’un d’autre, mais la Russie qui fait des efforts pour combattre le terrorisme international et la prolifération des armes de destruction massive, la Russie qui n’accepte pas la division du monde basée sur des principes civilisationnels et religieux, mais qui s’efforce de s’appuyer sur son potentiel unique pour mettre fin au conflit le plus dangereux du Moyen-Orient. La Russie qui poursuit ses politiques, en refroidissant les têtes brûlées qui n’ont pas tiré les leçons de l’Irak, mais qui sont toutes prêtes à répéter des techniques de combat pernicieuses contre des régimes indésirables.

La conclusion que l’on peut tirer est que, dans l’ensemble, 2006 a été une année fructueuse pour la Russie. Les processus positifs dans l’économie et les politiques ont été prédominants, mais les problèmes non résolus et certaines disproportions ont obtenu des contours plus nets. Ils devraient être directement au centre de l’attention en 2007, notamment en raison de l’aggravation de la situation préélectorale.

La Russie se détache de l’ultralibéralisme

(1) Encore aujourd’hui l’occident n’arrive pas à entrainer la planète dans sa condamnation de la Russie, alors même que la reconnaissance des territoires occupés ou libérés comme étant russes est difficilement approuvable en terme de droit international : Avant-hier, une réunion ordinaire du Conseil de sécurité de l’ONU s’est tenue à New York, convoquée à l’initiative des États-Unis et de l’Albanie (membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU) sur la non-reconnaissance des référendums en RPD, LPR , Régions de Zaporozhye et de Kherson. La Russie, qui est l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, a opposé son veto à la résolution. l’Inde et la Chine (membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU) ont exprimé leur désaccord avec la formulation proposée dans le document final, dont les représentants se sont abstenus de signer la résolution.Dans la résolution finale, en particulier, il y avait un appel à l’ensemble de la communauté mondiale pour qu’elle ne reconnaisse pas le changement de statut des “régions de Luhansk, Donetsk, Kherson et Zaporozhye d’Ukraine”, ainsi que leur adhésion à la Russie. En outre, Moscou devrait retirer immédiatement ses forces militaires d’Ukraine. Si la Chine et l’Inde mais aussi le Brésil et le Gabon refusent de signer et si un pays comme le Mexique le fait tout en manifestant des réserves sur le refus de la paix de l’Ukraine, la démonstration de forces est souvent celle d’une faiblesse dans la tentative de transformer la Russie en Etat paria. Il est clair que depuis Boris Eltsine il y a eu un rôle de reconquête au plan international de la Russie et que son opposition de plus en plus marqué aux agressions et sanctions des USA a joué un grand rôle. Poutine s’est de plus en plus situé dans le sillage de primakov et de la diplomatie soviétique comme d’une alliance renouvelée avec la Chine, de nouveaux rapports sud-sud.

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