Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La monnaie britannique s’effondre alors que le gouvernement conservateur et le Parti travailliste s’opposent sur la façon de protéger les profits

les hausses de taux d’intérêt prévues par la BoE avaient pour but «d’approfondir la longue récession qui a commencé au Royaume-Uni… D’augmenter le chômage et les difficultés sociales pour des millions de personnes». Son objectif, face à plusieurs grèves importantes, était « de contrer cette vague montante de militantisme. De forcer les travailleurs désespérés à accepter de nouvelles réductions de salaire brutales ou à faire face au chômage de masse et à la ruine financière». Le fascisme est la seule logique politique d’une telle action du capital, son bras armé les USA et ses gouvernements alliés qui choisissent délibéremment la guerre et la misère, l’exploitation sans limite.(note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Pour des amateurs qui souhaiteraient des informations complémentaires sur la réalité du système financier qui impose ses pratiques “de cavalerie” voici un article qui décrit les moeurs de la classe dirigeante britannique sur le plan financier :

Thomas Scrippsil y a un jour

L’annonce par le ministre des Finances britannique Kwasi Kwarteng de 45  milliards de livres de réductions d’impôts a fait chuter la livre sterling ce week-end.

La livre sterling a chuté de près de 5 pour cent lundi, une livre s’échangeant à 1.035  dollar et tombant ainsi sous son plus bas niveau historique de 1985. La banque japonaise Nomura a été la première à prévoir la parité entre les deux monnaies dès la fin novembre, et une chute à 0,975  dollar d’ici la fin de l’année.

La Première ministre Liz Truss (à gauche) et le ministre des Finances Kwasi Kwarteng discutent de leur plan de croissance avant une déclaration fiscale devant la Chambre des communes le 23  septembre. 10 Downing Street, 22  septembre 2022 [Photo de Rory Arnold/No 10 Downing Street/Flickr / CC BY-NC-ND 4.0] [Photo by Rory Arnold/No 10 Downing Street/Flickr / CC BY-NC-ND 4.0]

L’ancien secrétaire au Trésor américain Larry Summers a déclaré à Bloomberg: «Je ne serais pas surpris que la livre finisse par descendre sous le dollar». Il ajouta: «Cela me fait beaucoup de peine de le dire, mais je pense que le Royaume-Uni se comporte un peu comme un marché émergent qui se transforme en marché submergé».

Mark Dowding, responsable des investissements chez BlueBay Asset Management, a déclaré au Financial Times: «Un risque réel existe que les investisseurs internationaux perdent confiance dans le gouvernement britannique et que cela entraîne une ruée sur la livre sterling».

Il y avait des signes plus généraux d’un effondrement de la confiance des marchés au Royaume-Uni alors que les prix des obligations d’État chutaient, leurs rendements à deux et cinq ans atteignant leurs taux les plus élevés depuis le krach financier. Les rendements des obligations d’État à dix ans ont atteint leur plus haut niveau depuis 2010 et sont en passe de connaître leur pire mois depuis 1957.

L’effondrement de la livre aura des conséquences immédiates et à long terme dévastatrices. À mesure qu’elle s’affaiblit par rapport aux autres monnaies, le coût des importations en Grande-Bretagne augmente, faisant grimper les prix payés par les travailleurs à la pompe, dans les supermarchés et pour leur facture d’énergie.

Les prix du pétrole et du gaz sont en dollars au niveau mondial, le Royaume-Uni important 11 pour cent de sa consommation de pétrole et 50 pour cent de son gaz. Plus de 50 pour cent de la nourriture consommée au Royaume-Uni est importée. Le taux d’inflation déjà élevé (12,3 pour cent RPI – Indice des prix de détail) va encore augmenter.

Pour éviter que la dégringolade de la livre ne sème la panique chez les investisseurs, la Banque d’Angleterre (BoE) sera poussée à relever les taux d’intérêt encore plus rapidement que prévu. Les marchés ont prévu une augmentation du taux actuel de 2,25  pour cent à près de 4 pour cent en novembre et à plus de 6  pour cent l’été prochain.

Dans un communiqué lundi soir, la Banque centrale a annoncé qu’elle «n’hésitera pas à modifier les taux d’intérêt si nécessaire».

Le World Socialist Web Site expliquait en août que les hausses de taux d’intérêt prévues par la BoE avaient pour but «d’approfondir la longue récession qui a commencé au Royaume-Uni… D’augmenter le chômage et les difficultés sociales pour des millions de personnes». Son objectif, face à plusieurs grèves importantes, était « de contrer cette vague montante de militantisme. De forcer les travailleurs désespérés à accepter de nouvelles réductions de salaire brutales ou à faire face au chômage de masse et à la ruine financière».

[Photo par DAVID ILIFF / CC BY-SA 4.0] [Photo by DAVID ILIFF / CC BY-SA 4.0]

L’annonce de Kwarteng a accéléré ce processus, car la banque centrale cherche à prouver à la finance internationale que la classe dirigeante britannique est prête à n’importe quel assaut contre la classe ouvrière pour garantir les investissements. Les plus fortes baisses du cours des actions lundi furent enregistrées parmi les banques, les constructeurs de logements et les détaillants. Cela montrait que «la City anticipe une augmentation des créances douteuses, une baisse de la demande de logements et une compression plus importante des dépenses de consommation», écrit le correspondant économique du Guardian, Graeme Wearden.

Kwarteng est en train d’écraser une économie britannique déjà faible pour procéder à une redistribution massive de richesses de la classe ouvrière vers les riches. Selon l’analyse du groupe de réflexion Resolution Foundation, deux tiers des gains résultant de la réduction de l’impôt sur le revenu des personnes physiques iront aux 20  pour cent des ménages les plus riches, 45  pour cent allant aux 5  pour cent les plus riches. Seuls 12  pour cent iront à la moitié la plus pauvre des ménages.

Des recherches menées par Andy Summers et Arun Advani à la London School of Economics et à l’Université de Warwick montrent qu’un milliard de livres sterling sera versé à seulement 2.500 des personnes les plus riches du Royaume-Uni, dont les revenus sont supérieurs à 3,5  millions de livres sterling par an.

Les milliards perdus par le trésor public seront prélevés sur les services publics et les salaires du secteur public. Torsten Bell, directeur de la Resolution Foundation, a déclaré: «La réalité d’une inflation à deux chiffres va comprimer les budgets des écoles et des hôpitaux, ainsi que ceux des ménages…».

«À plus long terme, il existe des contre-parties évidentes entre les 45  milliards de livres de réductions d’impôts annoncées la semaine dernière et la quantité et la qualité des services publics».

Paul Johnson, directeur de l’Institut d’études fiscales, a abondé dans ce sens dans des commentaires adressés au Times: «Il y a un réel problème pour les écoles et les hôpitaux, même avec les augmentations de salaire qu’ils donnent. On va sentir une compression vraiment forte».

Le tollé des milieux financiers, repris par le Parti travailliste, sur les actions de Kwarteng est motivé par le fait que cette «compression» n’a pas déjà eu lieu. L’ex-ministre des Finances George Osborne, architecte de l’austérité sous le premier ministre conservateur David Cameron, a exprimé clairement leurs préoccupations sur Channel  4, insistant pour dire qu’«on ne pouvait créer une économie à faible taux d’imposition à travers l’emprunt». Il a ajouté, de manière cruciale, «cette schizophrénie doit être résolue. On ne peut pas avoir les impôts d’un petit État et les dépenses d’un grand État».

Selon certaines informations, des lettres de censure ont déjà été soumises à Truss par des députés conservateurs qui partagent le verdict d’Osborne.

S’exprimant au nom de la grande entreprise, l’économiste en chef d’UBS Global Wealth Management Paul Donovan a déclaré à propos des dépenses de Truss: «La théorie monétaire moderne a été emmenée dans un coin par les marchés obligataires et tabassée…».

«Cela rappelle également aux investisseurs que la politique moderne produit des partis qui sont plus extrémistes que le consensus des électeurs ou des investisseurs».

«Les investisseurs semblent enclins à considérer le Parti conservateur britannique comme une secte apocalyptique».

Le Parti travailliste se présente comme le protecteur «responsable» des intérêts industriels et financiers. La ministre fantôme des Finances, Rachel Reeves, a déclaré à l’actuelle conférence travailliste qu’elle allait «affronter le Parti conservateur sur la compétence économique» et qu’il était « de plus en plus clair que le le Parti travailliste est le parti de la responsabilité économique et le parti de la justice sociale».

Les références à la «justice sociale» sont une supercherie. Si Truss avait dépensé 45  milliards de livres d’argent emprunté pour n’importe quoi, sauf peut-être pour la guerre de l’OTAN contre la Russie, la réaction aurait été la même. Si l’argent était allé par une erreur cataclysmique à la classe ouvrière, l’indignation des travaillistes aurait été hors de toutes limites.

Kwarteng a répondu aux préoccupations des investisseurs mondiaux lundi après-midi. Il s’est engagé à poursuivre «des politiques de l’offre plus larges pour faire croître l’économie», avec «des changements du système de planification, des réglementations commerciales» et «des réformes réglementaires pour s’assurer que le secteur des services financiers du Royaume-Uni reste compétitif au plan mondial». Il a annoncé la publication d’un plan fiscal à moyen terme le 23  novembre. «Le plan budgétaire présentera des détails supplémentaires sur les règles budgétaires du gouvernement, en veillant notamment à ce que la dette diminue en pourcentage du PIB à moyen terme».

Que ce soit économiquement possible ou non, il s’agit là d’une déclaration d’intention que le gouvernement soutiendra sa politique de casse et d’appropriation par des coupes féroces des dépenses publiques et une attaque sans précédent de la classe ouvrière, qu’il imposera par une série de lois anti-grèves et anti-manifestations.

La tourmente de l’économie britannique accélère la lutte des classes qui fait déjà rage au Royaume-Uni. La classe dirigeante cherchera à faire payer chaque centime de la crise à la classe ouvrière, alors que hausse des prix et chômage soulèvent une résistance féroce sur chaque lieu de travail. Les conflits sociaux faisant éclater les barrières politiques et organisationnelles érigées par la bureaucratie syndicale, les travailleurs seront obligés de s’organiser sur la base d’une nouvelle perspective pour lutter contre le gouvernement conservateur, le Parti travailliste et leurs maîtres industriels et financiers.

(Article paru d’abord en anglais le 27  septembre 2022)

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