Dimanche 28 novembre, j’ai vu avec beaucoup de plaisir, “Frida Viva La Vida”, au cinéma. Il s’agit d’un documentaire qui relate la vie et l’œuvre de Frida Kahlo à travers des extraits de ses textes, des documents d’archives et des visites au cœur de sa maison, la Casa Azul. Ce documentaire narré par Asia Argento et vu sous l’angle de l’importance d’être femme, même si très justement il refuse d’être féministe. Grand mérite, il nie plus ou moins à FRIDA cette dimension telle qu’on l’entend aujourd’hui, une victimisation permanente qui me met hors de moi comme la trahison de toute une vie et de ses combats. Le film refuse, disons-le, cette tranformation en espèce FEMME-VICTIME, comme il récuse tout autre tentation à la réduire à quoi que ce soit, l’enfermer dans son art, son militantisme communiste, le Mexique, la souffrance, l’amour fou pour Diego. Tout cela est fondamental, incontournable mais dans un dialogue permanent avec elle-même comme dans ce tableau des deux Frida, le coeur à nu et DIEGO en médaillon , une maîtrise qui en dévoile l’essence, l’authenticité.
Et s’il y a femme c’est dans cette mise en scène à la recherche de la liberté, cette mise en scène d’elles-mêmes par lesquelles doivent passer les femmes pour renoncer à l’autodestruction qui est l’humaine condition.
J’étais avec une amie MARIA, qui dès la fin du générique m’a déclaré “si elle n’avait pas souffert comme elle a souffert, est-cequ’elle eut été une artiste?” bizarrement je n’ai pu lui répondre qu’en lui parlant de l’oeuvre de DIEGO RIVERA, découverte à Mexico dans le palais qui donne sur la place du Zuccalo et de ce besoin que j’avais ressenti tout au long du film que l’on s’attarde plus sur lui et même sur Sequeiros à peine entrevu à l’enterrement… Ce que je revendiquais je crois c’était exactement le contraire, l’art qui refuse d’être simplement un ex-voto tout en s’hexhibant comme tel pour transcender et conserver toutes les aliénations à la base de votre liberté. L’art nait des passions élementaires, mais il est lutte. Alors vous devenez deux, celle qui souffre et celle qui SE dépasse en faisant,en ETANT. Non,elle n’est pas souffrance, pas plus qu’il n’y a le choix du folklore dans les vêtements, mais le contraire lesoleil devenu étoffe. Le film nous dit que sur les 143 tableaux peints par Frida Kahlo, 55 sont des autoportraits. “Je me peins parce que je passe beaucoup de temps toute seule et parce que je suis le motif que je connais le mieux”, explique-t-elle. Et le parti du film est bien là: Giovanni Troilo, le réalisateur s’attarde avec ses interlocutrices sur quelques-unes de ses réalisations les plus célèbres . Les Deux Fridas (illustration), La Colonne Brisée, Diego et moi (dont la vente aux enchères vient de battre le record de 34,9 millions de dollars) ou encore Autoportrait à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis sont autant de moments d’un chemin de croix mais aussi d’un regard sur les stations de celui-ci, cequi est très pertinent.
Ce que je n’ai cessé de lui envier et qui donc ouvrait sur des instants intense, une avidité d’être elle, c’est son compagnonnage, amour, militantisme, art et acceptation totale avec Diego que dit ce portrait. cette obsession de l’autre qui veut que l’on ne puisse s’abstraire de l’autre… pour moi le chemin, pour elle aussi. “J’ai eu deux accidents graves dans ma vie. L’un à cause d’un bus, l’autre fut Diego. Diego fut de loin le pire”, déclare Frida Kahlo à propos de son grand amour Diego Rivera.
La mise en scène d’elle-même fait partie de la connaissance, de la maîtrise, de l’art parce que c’est le chemin de l’émancipation et la liberté consiste à ne laisser à personne le soin de le mener à votreplace quand vous naissez métisse, révolutionnaire, artiste, amoureuse et sans limite, c’est une exploration à lamode deS matriochka, Un empilement de l’être, un secret, comme le sont ses cendres déposées dans une urne précolombienne à l’éffigie de son crapaud bien aimé DIEGO, dans lequel il a glissé quelques tissus flamboyant… OU comme cette extraordinaire salle de bain qu’il a scéllé à sa mort et que n’a été ouverte que 50 ans après sa mort. quand il l’épouse et que le père de frida le met en garde, il dit choisir la damnation mais parce que dans le monde de la mort pré-colombien il y a des transmutation en animaux fantastiques mais pas d’enfer au sens médiocre où nous l’entendons. Parce qu’il n’y a pas d’enfer pour un communiste, il y organisera la révolte… Alors que la manchardisation s’empare de l’ex-voto, en faitcomme pour le che une figure saint sulpicienne, vendue comme la princesse Diana… En cachant soigneusement la rébellion.
La salle de bain scellée par DIEGO comme le secret de cette barbe bleue était carrelée de blanc et jonchée de tous les instruments de torture qu’exigeait le combat contre son mal pour rester debout. Je l’avais découverte lors d’une exposition photographique à Arles. Dans le film, on retrouve avec plaisir la photographe Graciela Iturbide née en 1942 à Mexico, qui est surement la photographe mexicaine la plus connue. Elle aussi refuse “les clichés” y compris féministes concernant Frida et elle insiste sur les portraits de STALINE, mêlés à toute l’orthopédie nécessaire pour que FRIDA puisse marcher. Frida n’a pas raté l’aventure avec trotsky mais n’a pas supporté la superficialité de Breton et surtout comme DIEGO est jusqu’au bout restée fidèle à l’URSS. Frida est révolutionnaire et communiste comme elle est le MEXIQUE, comme elle aime DIEGO, comme elle PEINTRE… Une vérité inventée à chaque moment, elle est née le 6 juillet 1907, mais elle se fait naître en 1910, pour apparaître avec la révolution mexicaine, tonnerre sur le Mexique. Elle adhère au parti communiste à 21 ans, et elle ne cesse de se couvrir de faucilles et marteaux mais c’est aussi une proclamation permanente de sa haine du colonialisme et de l’impérialisme. quelques mois avant sa mort, elle échappe à la surveillance de ses médecins pour aller manifester contre l’intervention nord-américaine au Guatemala.
Graciela Iturbide comme la plupart des auteurs et intervenants dans ce documentaire et c’est que qui en fait tout l’intérêt ont bien perçu la transgression permanente autant que le corset rigide, cette dialectique de la liberté etj’ai beaucoup souri quand la photographe reconnait avoir violé l’espace de la salle de bain en se prenant en photo les pieds qui dépassent de la baignoire… Comme FRIDA, icone et iconoclaste…
Il y a aussi ce moment saisi par une autrephotographe qui dit la liberté : la photographe Lola Álvarez Bravo dans les années 1930, avec Frida et Tina Misrachi, fille d’un galeriste en vue. Toutes deux parlent, Frida l’embrassant légèrement, tandis que bientôt elle ferme la porte, les yeux dans la caméra, sans ciller. La séquence dit quelque chose d’assez proche qu’avec Trotsky, elle dont le film ne cesse de montrer combien elle les infidélités permanentes de Diego Rivera, y compris avec l’intolérable aventure avec sa propre soeur, mais qui choisit elle aussi d’avoir des relations avec divers hommes et femmes. Ce n’est pas du jeu libertin, cela tient plus de la parade de la corrida, du silence et de la fuite, pour mieux affronter la souffrance fondatrice.
Du Mexique, je suis revenue les yeux pleins des peintres muralistes, et des étranges manifestations qui ressemblaient à des carnavals… J’ai visité la Maison Bleue, à Coyoacan où elle a vécu son enfance puis avec Diego etoù elle est morte en 1954. Ses cendres s’y trouvent etle film témoigne de la manière dont DIEGO veillé à ce culte. La Casa Azul a été remise au peuple mexicain à la mort de Diego Rivera. Ce dernier avait décidé que les pièces renfermant les effets personnels de Frida ne pourraient être ouvertes que 15 ans après sa disparition. Un temps d’attente allongé par son exécutrice testamentaire jusqu’en 2004. Cinquante ans après la disparition de Frida Kahlo, le monde a ainsi pu découvrir ses trésors : des bijoux précolombiens, vêtements, lettres, meubles, photographies, correspondances… Le lieu accueille aujourd’hui un musée dédié à Frida Kahlo, où ses objets et quelques-unes de ses œuvres permettent de saisir la femme et l’artiste qu’elle était, salle debain comprise…
Il n’empêche c’est pour avoir empli le regard vitreux de DIEGO à la mort de FRIDA pour ce vide que j’aurais accepté toutes les damnations…. Pour la manière dont il l’a peinte en compagne de lutte et d’idéal… C’est ce que j’ai été incapable d’expliquer à Maria quand à la fin du film elle s’estinterrogé: “est-ce qu’elle aurait été une aussi grande artiste si elle n’avait pas souffert?” S’agit-il réellement de souffrance et d’artiste? Non! Mais de matérialisme et de transcendance OUI Mille fois OUI… Et ce film s’approche de ça par moment…
DANIELLE BLEITRACH
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Smiley
Comme pour le Che son image n’ à pas été protégée par un copyright et comme pour le Che son image est merchandisée jusqu’à la nausée. Elle figure aujourd hui sur des coussins, de la vaisselle, ou du papier peint .
Comme pour le Che son engagement communiste est soigneusement occulté. Et son admiration pour Staline, sujet de son dernier tableau encore, absolument nié. On ne vend pas des coussins avec une stalinienne . Sa grande fleur dans les cheveux la rapproche de Billie Holiday et d’Élisabeth Short le Dahlia Noir. Deux femmes qui ont également beaucoup souffert .
etoilerouge6
Chère Danièle j’ai une amie âgée ( 94 ans) qui a des films 18mm avec notamment GAGARINE. Serais tu intéressée?