Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

CONSERVATISME ET SOCIALISME : peut-on confondre Poutine et Zemmour ?

A propos de l’intervention de Poutine dans un club qui est l’équivalent du club de l’horloge mais dont les idées sont reprises en toute innocence (ou en sachant parfaitement de quoi il est question) par des sites comme les Crises, Jacques Sapir, Grand soir, pour parler des “fréquentables” mais aussi de gens beaucoup moins fréquentables comme THE SAKER, le réseau Voltaire, sans parler de l’ignoble égalité et réconciliation, il devient urgent que nous ne nous contentions pas de diaboliser certaines idées mais de comprendre de quoi il est réellement question.

La candidature de Zemmour dont il faut bien mesurer que plus encore que Marine Le Pen elle s’affirme “conservatrice”, à la manière d’un Fillon, nous impose de comprendre à quoi nous sommes confrontés.

Pour comprendre et débattre avec Poutine au niveau où il se situe, il faut savoir ce qu’est le conservatisme courant de pensée auquel il se réfère et qui n’est ni le fascisme, ni même la réaction même s’il se définit par rapport et contre la Révolution. Les grandes références théoriques sont anglaises Burke, DISRAELI, mais il y a aussi en France Joseph de Maistre en tant que théoricien et Châteaubriand en est l’illustration. Tous deux considérèrent la monarchie comme seule capable de sauver l’ordre et donc la sécurité de tous dans une société.

Ce thème de la sécurité qui s’oppose à la violence révolutionnaire plus qu’au changement est essentiel pour percevoir les attentes de la société, plus encore que l’autre volet à savoir les traditions qui définissent l’identité. Et dans ce premier texte où je pose simplement la question du conservatisme dans un monde en plein bouleversement et dans lequel se multiplient les défis dangereux cette référence à la sécurité doit être considérée en priorité et notre attention doit se porter là-dessus. Est-ce que la société dans sa majorité est confrontée à l’intolérable mais cherche-t-elle à éviter le pire que tous s’ingénient à lui promettre ?

Le conservatisme est une philosophie politique qui est en faveur des valeurs traditionnelles. Le conservatisme ne refuse pas le changement mais il s’agit avant tout de s’adapter plutôt que d’anticiper et ce en fonction des buts culturels d’une société déterminée. Le conservateur a donc des buts différents en fonction de la culture à laquelle il se réfère et estime être la sienne mais le changement qu’exige ces buts doit être limité à ce qui est naturel et organique, la société ainsi conçue est largement indépendante de la volonté humaine y compris politique. On voit à travers cette définition que le conservateur ne se veut pas un “réactionnaire” ni un fasciste qui lui insistera sur son aspect révolutionnaire.

Civilisation, mœurs, comportements, rituels (1) mais le conservatisme s’accompagne le plus souvent d’un conservatisme “économique” qui à la fois peut soutenir les “riches” et se méfier du capitalisme. En 1818, Chateaubriand participe à la fondation du journal Le Conservateur. Il écrit dans son journal : « Plus on défendra les principes de la vraie liberté, plus on réclamera pour les citoyens la garantie et l’égalité des droits, et plus on devra s’élever contre tout ce qui passe les limites posées par l’expérience, marquées par la Sagesse. Et croit-on que les démagogues qui crient à la liberté lui élèvent un autel dans leur cœur ? Ils ne l’ont jamais aimée ; ils ne l’ont jamais servie. Ce qu’ils désirent, c’est l’abaissement de tout ce qui est au-dessus d’eux. Ils accepteraient demain le despotisme, pourvu que ce fût avec l’égalité de 93. Leur amour de la liberté, c’est de la haine et de l’envie »

On remarquera la manière de transformer l’affrontement de classe en violence liée à l’envie de la “vile populace”… C’est un point sur lequel il existe une abondante littérature marxiste… En fait de philosophie politique le conservatisme est le plus souvent un pragmatisme doublé d’attitudes… Ce qui lui permet d’éponger les confusions d’une époque avec ce que dénonçait Disraéli lui-même pas mal d’hypocrisie… Disraeli voit comme Durkheim la société comme un tout organique, ce qui semble être le cas de Poutine. Comme lui il voit entre les différentes classes des obligations. Le paternalisme et un ÉTAT bienveillant sont nécessaire à la stabilité. Il n’est pas le seul, c’est l’idéologie de BISMARK et DE GAULLE. Notez que Zemmour qui n’est qu’un pitre se parant des plumes du paon, voudrait être De Gaulle mais n’a aucun sens de la “stabilité” organique, c’est un provocateur. Simplement il utilise le besoin de sécurité et la référence identitaire pour déstabiliser, diviser, insécuriser.. Il n’est pas plus POUTINE que DE GAULLE.

On peut dire qu’il y a du conservatisme dans les formes de légitimisme et tout ce qui par ailleurs invite à installer “chacun à sa place”, selon les conventions établies. Pourtant on ne s’en débarrasse pas aussi aisément. Le paradoxe est que quelqu’un comme Émile Durkheim qui s’affirme socialiste oppose le socialisme au communisme en insistant sur le caractère conservateur d’un certain collectivisme socialiste républicain qu’il oppose aux communistes qui sont des révolutionnaires.

Mais dans une période de transition selon l’analyse marxiste évidemment tout cela devient poreux et dépend en grande partie des rapports de forces en présence. Par exemple que se passe-t-il quand un conservatisme devient violent, comme cela a été le cas avec les gilets jaunes?

Ce qui me parait l’essentiel à souligner dans cette brève approche c’est la différence des rapports de forces dans lequel se trouvent Poutine et un apparent tenant du conservatisme en France comme Zemmour.

La grande différence est bien sûr que l’un est au pouvoir et à charge d’un immense pays, l’autre est un polémiste démagogue. Le premier est né dans le socialisme en est resté marqué, et il est contraint de se situer par rapport à l’impérialisme qui non seulement attaque son pays mais ne lui fera aucun cadeau et l’assassinat de Kadhafi, de Saddam Hussein ont prouvé à Poutine qu’il n’avait rien à espérer ni pour la Russie, ni pour lui. Il est entré de ce fait dans l’anti-impérialisme, un monde multipolaire et pratiquement une alliance non légalisée mais approfondie avec la Chine. En outre, la Russie comme d’autres républiques ex-socialistes ne s’en laissent pas compter sur le socialisme et même si les campagnes anti-socialistes sont très violentes en Russie et si les communistes subissent la répression, la fraude, le rapport des forces est nettement plus en faveur du socialisme que la France.

Mais cette analyse du “conservatisme” doit être également considérée d’un point de vue marxiste et léniniste, dans le fond la “Révolution” à laquelle prétend s’opposer le conservatisme à la fois comme négation de la tradition et violence inutile, nuisible même au changement nécessaire est-elle bien celle que prône le marxisme léninisme; certainement pas et c’est ce que répond Ziouganov à Poutine à propos de la nation aujourd’hui. Donc il nous faut poursuivre notre réflexion et le dialogue sur sécurité, ruptures, permanences, bref opposer une philosophie politique à cet engouement pratique vers le conservatisme. Il est utile d’analyser le travail opéré par Maurice THOREZ sur la société française…

Il y a chacun le voit une avancée communiste dans la campagne de Roussel parce que sa position de classe, son exigence de souveraineté tend à ne pas laisser d’espace à l’hypocrisie conservatrice et encore moins au fascisme, mais ce n’est qu’un début et il y a un grand besoin de pensée,de théorie, de confrontation d’expériences nationales et internationales et malheureusement le parti ,sa presse, restent totalement dominés par la censure, l’exclusion celle pratiquée sans état d’âme y compris au nom de la démocratie par les forces bourgeoises. Mais même si personnellement je suis lasse je pense que le chemin est le seul possible.

J’y reviendrai, je voudrais seulement que vous assimiliez ces premières données et que vous voyez quoi en faire. Si vous en êtes d’accord on reprendra toujours avec ce primat du développement des contradictions dans la phase impérialiste actuelle, les défis, les dangers, ce thème de la SECURITE par rapport à la révolution socialiste et comment toutes ces catégories affleurent à la conscience des individus…

DANIELLE BLEITRACH

(1) il y a une différence dans la manière dont Mao et XI se situent par rapport au conservatisme de Confucius. Est-ce que cela ne nous renseigne pas sur les formes et l’évolution de “la dictature du prolétariat” ?

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7 Commentaires

  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Avec la notion de sécurité il se peut que l’on touche au centre du problème de la mobilisation sociale, la peur de la violence et de l’instabilité.

    Peut être faudrait-il nuancer sécurité et prudence ? Révolution et révolte ?

    Chacun cherche à éviter les conflits, encore plus s’ils se transforment en guerre civile ou entre nations avec les conséquences que l’on connaît.

    En temps de paix la prudence fera se taire les revendications légitimes des travailleurs par peur de licenciements ou de reconduction de l’emploi précaire ou de mise en liste noire. Il n’est pas prudent de se faire mal voir par ceux qui ont le pouvoir de décision.
    Cette prudence améliore-t-elle la sécurité individuelle ou collective ?

    Sur le plan des nations, l’Argentine et l’Espagne ont eût des gouvernements progressistes prudents qui ont conservé les forces en présence tout en réformant en douceur.
    Cela n’a pas empêché coup d’État, répression et guerre pour l’Espagne.
    Plus récemment le gouvernement de Lula au Brésil n’a pas fait barrage à l’obscurantisme qui a abouti à plus de 600 000 morts. Les socialistes au Brésil ont été prudents avec la menace des forces bourgeoises et l’impérialisme des USA. Mais dans le quotidien du peuple brésilien la sécurité ne s’est pas renforcée.
    En Inde les gouvernements d’État dirigés par les communistes élus sont attaqués violemment par le pouvoir du BJP dirigé par un nationaliste ancien membre du RSS.

    Même quand les progressistes arrivent au pouvoir pacifiquement et entreprennent des réformes démocratiquement et en “douceur”, la sécurité des peuples n’est pas garantie.

    Sans ses attaques des forces réactionnaires déjà présentes et organisées dans le présent, la révolution socialiste serait possible pacifiquement de manière sécurisée.
    N’était ce pas le paris de la social démocratie au début du XX siècle aboutissant sur la première guerre mondiale ?

    La révolte des Gilets Jaunes, sans organisation, anarchique, spontanée au mieux aurait put arracher quelques concessions au pire être récupérée par l’extrême droite ou susciter l’établissement d’un État d’urgence.

    Nul ne veux se mettre en danger ; mais il faudrait évaluer la réalité de la sécurité en tirer les tendances ; évaluer les risques et les prioriser ; penser les actions capables d’assurer la sécurité sur le long terme.

    Il me semble que seulement après cela ont pourra avancer sur le couple sécurité, révolution socialiste.

    Un camarade communiste, du PCE, disait qu’il fallait dire la vérité aux gens, que l’on ne changerait pas facilement la donne, sans sacrifices, sans grandes difficultés, sans luttes avec tout ce que cela implique. En somme qu’il ne faut pas espérer de libération sans combat.

    De toutes manières les défis vont nous amener de très grandes difficultés et une insécurité grandissante déjà à l’œuvre. Le manque de médecins, l’abandon mortel des résidents des EPHADs atteints du COVID. C’est déjà une insécurité réelle, immédiate. Pour d’autres peuples c’est la guerre sans pourtant avoir osé de révolutions socialistes.

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    • Danielle Bleitrach
      Danielle Bleitrach

      je ne dis pas que la peur (plus que la prudence) empêche la violence au contraire, en outre c’est un fait que nous n’arrêtions pas de répéter que la violence n’était pas le fait des révolutionnaires mais celle de ceux qui n’acceptaient pas le changement de pouvoir.Mais on croirait avoir compètement oublié ces réflexions alors qu’elles sont plus à l’ordre du jour que jamais…On se laisse entraîner dans le gauchisme verbal et je trouve que de ce point de vue Roussel mène un combat courageux mais à qui il manque ce qui rendait révolutionnaire Maurice Thorez. Il avance incontestablement mais il reste encore au milieu du gué… TOUTE LA réflexion sur le conservatisme montre que celui-ci doit tenir compte des évolutions et le côté positif de la campagne de Roussel c’est qu’il a articulé securité et pouvoir d’achat, énergie… maisl’évasion fiscale c’est un peu court par rapport à ce qu’est le capital… ET POURQUOI NOUS AVONS BESOIN DU SOCIALISME. Incontestablement Ziouganov est plus avancé etPOUTINE EST EN REPLI…

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    • Olivier Montulet
      Olivier Montulet

      Pour ce qui est du conservatisme, je préfèrent m’inscrire das une lignée marxiste

      Les conservateurs sont ceux qui préconisent et défendent l’ordre social en place autrement dit, défendent la hiérarchie sociale existante.

      Historiquement c’est la droite qui soutient la monarchie et la gauche qui soutient la révolution.

      Aujourd’hui la notion de gauche est relativiste au sein d’un système consensuel. Système qui qualifient toutes les organisations politiques qui remettent ce consensus en cause comme étant d’extrême voie terroristes ou encore populiste (dans une confusion du terme avec démagogue).

      L’occident est libéral et tous les partis occidentaux sont libéraux. Non pas au sens de défendeurs de la liberté mais au sens conservateur de droite.

      Au sein de ce libéralisme il y a ceux dit “la gauche” qui ont une coloration plus sociale sans être de gauche et il y a les plus conservateurs, “la droite”.

      Pour moi, dire libéral, conservateur, de droite constitue une triple tautologie. Libéral étant un qualification philosophique ; de droite, une place sur l’échiquier politique et ; conservateur une opposition au progressisme social mais ; tout trois qualifiant le même phénomène.

      Le libéralisme dès son origine (Voltaire) est conservateur (justifie le maintient de l’ordre social) ; défend l’appropriation des bien fonciers et matériels, puis financiers (dont la colonisation) ; défend la liberté de l’exploitation de l’homme par l’homme, c’est à dire l’exploitation des dominés par les dominants (l’esclavage et l’exploitation du peuple dangereux) et ; la liberté d’exploiter la nature. Plus récemment (dans une réécriture fallacieuse mais opportune des théories de Darwin et Adam Smith), le même libéralisme justifie la liberté de maximaliser son profit égoïste ; la nécessité de réprimer tout ceux qui s’y opposent ou demandent une meilleure redistribution des richesses et ; l’ordre de domination en résultant comme étant légitimes car inscrits dans la nature anthropologique.

      Comparer Trump, Poutine, Erdogan et Zémour… n’est qu’une manière du système libéral (donc conservateur, donc de droite et, donc aussi, le capitalisme -autre tautologie qualifiant le système économique-) de faire digression pour discréditer ces différents personnages (et les alternatives qu’ils proposent) qui troublent l’ordre qui le maintient en place. Le contenu de ces personnages est sans importance pour le système. C’est le trouble qu’ils causes et qui le déstabilise qui est le dénominateur commun entre eux.

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      • Danielle Bleitrach

        je suis navrée mais votre catégorisation a priori est trop rapide et elle ne tient aucun compte de la relation de ces courants avec l’état réel de la lutte des classes et de l’impérialisme. D’ailleurs paradoxalement vous vous contredisez vous même à plusieurs reprises. CE serait stupide de faire de ce paltoquet minable de Zemmour l’équivalent de certains conservateurs comme Degaulle ou Bismarck ou Poutine… Ou de ceux-ci l’équivalent d’Erdogan, déjà faire référence à Nasser serait nettement plus intéressant … Il y a tout de même dans ce que vous dites quelque chose (qui d’ailleurs contredit vos propres amalgames) à savoir que le capital, l’impérialisme invite à tout confondre et à mettre dans le même sac Poutine et Erdogan par exemple. Ou quand vous notez que la gauche social démocrate (qui exerce actuellement une domination idéologique sur l’ensemble de la gauche ycompris communiste) joue cette caricature. Elle la joue au négatif en transformant tous en “fascistes” et en totalitaires mais aussi au positif comme on le voit dans le duo Mélenchon-Zemmour. Ce qui caractérise MELENCHON et hélas pas mal d’autres c’est à la fois de confondre conservatisme et fascisme et en même temps de laisser en leur sein des fascistes, racistes, antisémites prospérer en adoptant un pseudo discours anti-impérialiste. J’ajouterai que quand on considère la manière dont Melenchon n’a jamais renié Mitterrand qui lui-même n’a jamais renié ni Pétain, ni Vichy etses sympathies pourbousquet l’homme de la rafle du veld’hiv on peut comprendre certains rapprochements apparement incohérents. Comme d’un autre côté le conservatisme de Zemmour étant plus susceptible de rallier la droite que le Pen.
        Cela ditje ne trouve pas particulièrement intelligent d’insister sur ces aspects de MELENCHON, ni de jouer les divisions de la gauche dans le contexte actuel qui est non seulement celui de la présidentielle avec la nécessité d’un candidat communiste mais celui dans la foulée des législatives où si on veut limiter les dégâts au parlement il faudrait des candidats d’union. Nous sommes à la fois dans la nécessité de construire un parti communiste et dans des élections qui empêchent la clarté ce qui par parenthèse dit beaucoup de choses de notre “démocratie” et de ses insitutitions.

        LE Débat en Russie que nous publions ici est d’un tout autre niveau et ne cède pas un pouce de terrain pourtant. Mais malheureusement votre “analyse” reflète bien le nivau auquel nous sommes en France et celui des pitreries auXquelles il donne lieu dans la campagne présidentielle. Thorez quand il parle de son frère croix de feu, Aragon quand il écrit la Semaine sainte sont à un tout autre niveau d’intelligence révolutionnaire…

        Quelques questions pour éclairer les positions, qu’est ce que la relation à L’Etat, au pouvoir de classe ? leprimat de la société sur l’individu DANS une societé non pas baséS sur des rapports contradictoires (homme-natureet capital travail) mais organiques ? quels sont les moments historiques de rencontre ?

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        • Olivier Montulet
          Olivier Montulet

          Je ne fais aucune confusion entre les personnages. Je dis que c’est le système libéral qui les confond dans une même dénonciation car, tous mettent ce système libéral en question et ce à des degrés divers. Pour le système libéral peu importe le contenu des messages, ils le mettent tous en danger. Mettre ces personnages dans un même panier rebutant ne sert que de propagande repoussoir dans une vision dichotomique simpliste par nature où eux sont les mauvais et nous les bons (d’où aussi, les néologismes insignifiants tel illibéral ou populiste -dans l’acceptation contemporaine-).

          Pour moi les messages de ces personnages sont extrêmement importants à distinguer mais c’est une autre débat.

          Notez que, par ailleurs, j’estime que la gauche contemporaine des Mélanchon en France ou PTB en Belgique (et pour moi celle là est vraiment de gauche à l’inverse des PS et autres Ecolo, Verts ou sociaux-démocrates) se plante complètement parce que sa réflexion reste enfermée dans dans les paradigmes du XIXe siècle. Elle est incapable de se projeter dans l’avenir.

          Pour ce qui est des modèles de Russie et de Chine contemporaines, il y a beaucoup à dire sur leur évolution. Choisissent-ils une meilleure voie ? Ils offrent surtout une alternative au modèle libéral et en soi c’est une excellente chose.

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  • marsal
    marsal

    Cette réflexion est intéressante. Je m’exprime encore sous forme de commentaire, car j’ai encore besoin de clarifier mes idées.

    Cela me fait penser à ce passage du Manifeste du Parti Communiste, dans lequel Marx et Engels expliquent que la bourgeoisie dissout toute forme sociale pour la ramener à un rapport d’argent :

    “Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses “supérieurs naturels”, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du “paiement au comptant”. Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l’exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale.
    La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages.
    La bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité qui recouvrait les relations de famille et les a réduites à n’être que de simples rapports d’argent.
    La bourgeoisie a révélé comment la brutale manifestation de la force au moyen âge, si admirée de la réaction, trouva son complément naturel dans la paresse la plus crasse. C’est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l’activité humaine. Elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades
    La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés.
    Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations.
    Par l’exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l’industrie sa base nationale.”

    Le néo-libéralisme, comme pour le reste de son action a prolongé jusqu’à l’absurde et dans l’hypocrisie la plus totale cette quête de la dissolution. L’hypocrisie saute aux yeux de toute personne sérieuse, je pense et il n’est pas besoin de développer. Quant à l’absurde, il consiste à ériger de manière totalement dogmatique le soi-disant “progrès sociétal” en substitut au progrès social et surtout à le pratiquer intensément pour faire oublier que, par ailleurs, la bourgeoisie mondiale n’est plus capable de contribuer au progrès et au développement des forces productives. Quelles merveilles la société bourgeoise mondialisée crée-t-elle ? Sa dernière “merveille” en date, c’est de souiller l’espace autour de la Terre en proposant le tourisme spatial pour une micro-classe d’ultra-riches.

    Lorsque le capitalisme s’est développé massivement en France dans la deuxième moitié du &9ème siècle, il apporta le chemin de fer dans chaque sous-préfecture, la machine agricole, et décupla les niveaux de production. Depuis 40 ans que le capitalisme néolibéral domine le monde, combien de km de lignes de chemins de fer construit en Afrique ? presque zéro. C’est la Chine avec ses nouvelles routes de la soie qui construit aujourd’hui des lignes ferroviaires pour sortir les pays du sous-développement, non seulement en Afrique, mais même en Europe de l’Est. Le succès de l’initiative chinoise pour les nouvelles routes de la soie poussent aujourd’hui les USA et l’UE à développer des projets prétendument similaires. Mais il n’est pas besoin d’être grand clerc pour deviner que ces projets sont avant tout de l’affichage et un énorme véhicule de corruption, du blabla, dont il ne sortira rien de concret.

    Donc, nous avons aujourd’hui tous les dangers de la dissolution de la société par la bourgeoisie, poussés à l’extrême avec une culture de masse internationale presque entièrement dominée par quelques grandes firmes monopolistes comme Netflix, Amazon ou Apple. Cette culture n’offre qu’une soupe politiquement correcte totalement insipide, à la manière dont Mc Donald a “révolutionné” l’alimentation. Et, en lieu et place du développement de la production, nous n’avons que l’épuisement des ressources et investissements acquis du passé, dont on sent chaque jour davantage la fragilité.

    Par ailleurs, nous n’avons encore que peu d’expérience de sociétés socialistes, mais il me semble que la frénésie de dissolution du passé, inévitable et indispensable dans la 1ère période révolutionnaire, fait place ensuite à un rapport au passé bien différent de celui des sociétés capitalistes. Ceci n’est pas un phénomène culturel car on le retrouve dans toutes les sociétés socialistes, qu’il s’agisse de l’Union Soviétique, de Cuba, de la Chine ou du Vietnam. La révolution achevée, il s’agit de construire une société harmonieuse, équilibrée, consciente de sa place dans l’histoire et sur la Terre, consciente des contradictions de son histoire et en paix avec celle-ci ;consciente de la complexité de ses structures internes et capable de les faire évoluer plutôt que de devoir les détruire. L’analyse des productions culturelles des sociétés socialistes, même pauvres avec celles des sociétés capitalistes très riche révèle de ce point de vue un contraste saisissant : beaucoup moins de violence, beaucoup plus de culture, y compris de culture “classique”, de respect du patrimoine en même temps que de réflexion sincère sur l’évolution sociale. Moins – beaucoup moins – de bla-bla et de paraître.

    C’est un peu comme si, pour se prolonger en tant que classe dominante, la bourgeoisie avait besoin de se revêtir d’un masque “révolutionnaire” en s’attaquant symboliquement (et uniquement symboliquement, nous avons pu le constater avec la savant défense de l’Eglise catholique par l’Etat et les médias dominants au moment de la publication du récent rapport Sauvé) aux racines de la société elle-même, alors que, dans une perspective réellement révolutionnaire, il s’agit de construire une société nouvelle en s’appuyant sur ces mêmes racines, Négation de la négation …

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    • Danielle Bleitrach

      la question à laquelle on enrevient toujours qu’on lui donne ce nom ou un autre est celle de la dictature du prolétariat, parce que comme le note justement Franck Marsal ici en citant le manifeste le capitalisme est en fait le mode de production qui dissout toutes les valeurs patriarcales et idylliques de la féodalité, d’où ce que je notais concernant les “conservateurs”, ils sont à la fois pour la classe dominante et contre le capital, et agissent suivant les rapports de forces dans un sens ou un autre. Pour poursuivre la réflexion, il faut se souvenir de la manière dont Lénine dénonçait l’hypocrisie desréférences à la démocratie et il revenait frequemment à la lettre d’Engels à Bebel(11 Décembre 1884)sur la Démocratie pure, qui “peut au moment de la révolution… Prendre momentanément de l’importance comme dernière ancre de salut de toute l’économie bourgeoise et même féodale… Notre seul adversaire le jour de la crise et le lendemain sera l’ensemble de la réaction se regroupant autour de la démocratie pure“. Notons que cette démocratie “pure” a dans le discours de Poutine les vertus de tolérance et celle de la sécurité,comme le bon sens de la tradition avec ses aspects patriarcaux et c’est même en ce sens qu’il s’oppose au socialisme comme au capitalisme. Dans un genre qui se veut proche mais est différent, Zemmour ose identifier les gauchistes à Staline pour leur aspect meurtrier supposé mais aussi Roussel à la réaction pour sa manière de se réfugier dans les jupes des institutions. Celui qui trouve grâce c’est Melenchon sans doute parce qu’il reconnait le style Mitterrand, un autre conservatisme anticommuniste .

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