Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les États-Unis face au déplacement de l’axe géopolitique mondial

Cuba, d’où nous parvient cette analyse, est décidément le lieu dans lequel les étapes historiques de la lutte des USA contre son déclin sont appréciés avec le plus de lucidité. Je me souviens encore de la manière dont dès le début juin 2002, mes amis cubains percevaient le discours de G.W.Bush à l’académie militaire de West Point. Ce discours redéfinissait toute l’architecture des relations internationales en y incluant “la guerre préventive” comme justification de toutes les invasions et pillages qui n’ont cessé d’être menés de la fin de la guerre froide à nos jours. Cette étape celle de l’apparent triomphe du néo-libéralisme et du “droit de l’hommisme” a continue a susciter un consensus médiatique stupide en France, alors qu’on assiste à la chute de l’empire… Le chœur des vierges y compris de gauche qui tient absolument à voir dans la chute du régime afghan le triomphe du mal sur le bien, tente simplement de nous masquer la réalité ici décrite dans sa crudité et un G7, une OTAN qui n’ont plus les moyens de leur grotesque et dangereuse domination. Une Chine qui déjà ne tient plus compte de leur gesticulation. Des chefs d’États européens alliés des USA déconsidérés aux yeux de leurs peuples, etc… (note et traduction de Danielle Bleitrach)

Il n’est pas étonnant qu’en tant que première initiative de politique étrangère du président Joe Biden, dans les conditions du capitalisme post-mondialisation néolibérale, en pandémie et avec le déclin accéléré de l’hégémon, l’initiative « Reconstruire mieux pour le monde » ait été présentée par les États-Unis et l’OTAN lors de la réunion du G-7, dans le but explicite de contrer le projet chinois de développement économique Une ceinture, une route

Auteur: Jorge Casals Llano internet@granma.cu

19 août 2021 22:08:14

Elles sont loin les années 80 et 90 du siècle dernier, au cours desquelles le néolibéralisme, la mondialisation et le monde unipolaire dirigé par les États-Unis ont acheminé la planète sur des chemins imprévus, tandis que la pensée académique se demandait si la « modernisation » de la Chine était synonyme d’«américanisation », si une telle « ouverture » ne menait qu’à ouvrir ses portes aux États-Unis, à sa philosophie de marché et de consommation et à l’acceptation de l’imposition de la « démocratie occidentale »… ou si c’était en fait le contraire qui se produirait. Ces temps-là sont aussi loin que ceux de la fin de l’URSS, de la thérapie de choc, de la privatisation et de la corruption généralisée des années Eltsine, qui ont conduit la Russie à l’effondrement de la fin du siècle…, ainsi qu’à sa résurgence.

Ce sont les mêmes années que se sont produits des changements – également provoqués par le néolibéralisme – avec le renforcement transitoire du capitalisme mondial qui, au début du nouveau siècle, a montré le meilleur comportement de son histoire – si l’on ne pense qu’en terme de chiffres – avec les niveaux d’inflation les plus bas depuis les années 60, avec une pauvreté en déclin et une augmentation de la classe moyenne.

Et tout se passait parce que la pensée unique, néolibérale, celle de la « fin de l’histoire » selon Fukuyama, avait déréglementé à l’échelle mondiale les économies, privatisé les grandes entreprises étatiques et paraétatiques, démantelé les systèmes de protection du travail, ruiné les concurrents locaux, poussé des blocs d’intégration asymétrique et instauré l’ère de la financiarisation de l’économie et des opérations spéculatives menées à l’échelle planétaire… qui avait permis à l’économie mondiale de devenir encore plus dépendante de l’économie américaine et de permettre aux États-Unis de maintenir et même d’accroître leur richesse sur la base des dépenses, de la dépendance et de leur endettement vis-à-vis du reste du monde.

Mais tout ce qui précède a conduit à la crise de 2007-2008 – le début de la fin de la « fin de l’histoire– qui a débuté par l’effondrement du marché immobilier – pas seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe – qui a entraîné dans son sillage les géants américains paraétatiques, la crise bancaire, la crise boursière et la « solution » trouvée à la catastrophe: l’injection par les banques centrales de dizaines de milliards de dollars pour accroître la liquidité, la baisse des taux d’intérêt, le remboursement d’impôts, les réductions d’impôts et d’autres actions du même genre.

Les « solutions » alors trouvées ont encore stimulé le processus de financiarisation de l’économie et la géostratégie mondialisatrice conçue pour répondre aux intérêts de la ploutocratie dominante (1 %, 0,01 %, 0,001 %…?) l’ont rendu de plus en plus transnational; les États-nations chargés de mettre en œuvre une telle stratégie, de plus en plus au service des grandes transnationales, n’ont pas eu pour vocation de contribuer à résoudre les problèmes existants, à stabiliser les marchés, à accroître leur efficacité, à résoudre les problèmes de pauvreté, d’inégalité, de chômage, de réchauffement climatique… mais au contraire ils ont accentué les contradictions du système, notamment celles des États-Unis, en accélérant le processus de déplacement de l’axe géopolitique global vers la région Asie-Pacifique.

Et pour tenter de faire face à ce que nous venons de décrire, vint le trumpisme, qui, dans ses slogans « L’Amérique d’abord » et de « Rendre l’Amérique grande à nouveau », reconnaissait implicitement le déclin de la superpuissance et l’inaccessibilité du « rêve américain » pour ses citoyens. Mais voilà le trumpisme, au lieu de résoudre, a aggravé les problèmes existants, aggravé la division du pays et manifesté la perte de son leadership global, qui s’est alors traduit par les agressions continues, le traitement autoritaire et désobligeant de ses alliés, l’ingérence dans ses affaires intérieures et le non-respect des accords, conventions et normes du droit international.

Et parce qu’il fallait à nouveau le sauvetage et les « solutions », Joe Biden arrive à la présidence des États-Unis après avoir déclaré que sa priorité absolue serait de retrouver le leadership mondial (il n’est pas nécessaire de revenir sur la leçon de « démocratie » offerte par la nation du Nord, avec l’assaut sur le Capitol Hill inclus).

Connue comme la priorité, il n’est pas étonnant qu’en tant que première initiative de politique étrangère du président, dans les conditions du capitalisme postmondialisation néolibérale, pandémique et avec le déclin accéléré de l’hégémon, l’initiative « Reconstruire mieux pour le monde » ait été présentée par les États-Unis et l’OTAN lors de la réunion du G-7, dans le but explicite de contrer le projet chinois de développement économique Une ceinture, une route.

Il n’était pas étrange non plus, dans l’initiative américaine, d’y constater que, dans celle-ci – prétendument destinée à améliorer l’infrastructure des pays « à revenu moyen et faible » –, il y avait clairement l’idée réitérée par son président de « diriger à nouveau le monde » et, dans l’idée même, implicite la conception géopolitique de l’exceptionnalisme des États-Unis et son destin manifeste, qui ne se demande même pas si cette vocation présente le moindre avantage pour les pays européens et le Japon, qui doivent se soumettre à un ordre géopolitique régi par un partenaire peu fiable qui oscille entre le nationalisme trumpiste (avec ou sans Trump) et la mondialisation réduite et protectionniste contenue d’un Biden ; ni s’il peut être utile à l’Occident de s’isoler du banquier (comme Hillary Clinton appelait la Chine) et d’un marché de plus de 1,4 milliard d’habitants, considéré aujourd’hui comme le moteur de l’économie mondiale.

Au sein des dirigeants des pays du G-7, les États-Unis sont aujourd’hui loin de la position qu’ils occupaient à l’époque de l’unipolarité. Les données le placent à la 28e place de l’indice de progrès social mesurant la santé, la sécurité et le bien-être dans le monde, pour être l’un des trois seuls pays, sur 163, à reculer en matière de bien-être au cours de la dernière décennie; de même, dans l’Annuaire de la compétitivité mondiale, la Banque mondiale l’a classé 35e sur 174 pays.

Ce qui précède explique suffisamment la nécessité des plans de restauration du potentiel américain: plan de sauvetage américain, plan d’emploi américain et plan familial annoncés par le président Biden, pour un montant de plus de 6,5 millions de dollars, qui devaient être exécutés avec des produits pris au reste du monde et financés par l’emprunt, comme on peut le voir sur le site web de la Maison-Blanche: « Construire des chaînes d’approvisionnement résilientes, revitaliser l’industrie manufacturière américaine et encourager une croissance à large base », et en partie en augmentant la charge fiscale pour les plus riches. Ce sont là les plans qui ont déjà dû être réduits et reportés (y compris l’augmentation du taux de rémunération horaire promis par Biden) pour ne pas avoir assez de soutien de l’élite républicaine.

La réunion du G-7 s’est terminée par le sommet de l’OTAN (30 pays) au cours du lequel, bien sûr, avec l’affirmation de M. Biden selon laquelle les États-Unis étaient de retour, il fallait obtenir le consensus sur la nécessité d’augmenter le financement conjoint des opérations militaires, et là il n’y avait aucun scrupule à considérer la Russie comme « l’ennemi principal », sur ce que le secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg, a souligné que les relations étaient à leur plus bas niveau depuis la guerre froide et constituaient une menace pour la sécurité de l’alliance.

La Chine est également devenue le principal protagoniste de la réunion car, selon M. Stoltenberg, la nation asiatique « élargit rapidement son arsenal avec plus d’ogives nucléaires et un plus grand nombre de systèmes de lancement sophistiqués. Elle est opaque dans la modernisation militaire, (et) coopère avec la Russie, y compris avec des exercices dans la zone euro-atlantique ».

Et bien qu’il n’y ait pas de surprises dans la coïncidence entre ce qui a été décrit lors de la réunion de l’OTAN, avec le communiqué de la Maison Blanche du 13 juin, revitalisant l’alliance transatlantique, ni avec l’appel de M. Biden sur « l’augmentation de la puissance mondiale de Pékin dans la mesure où elle constitue un défi sécuritaire qui tente de saper le système mondial fondé sur des règles », les provocations continues de l’OTAN, après la réunion, se sont intensifiées et ont conduit le monde à une seconde guerre froide encore plus dangereuse.

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