Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

A la frontière russe, Britanniques et Français redécouvrent la guerre des tranchées..

REPORTAGE. En Estonie, l’armée britannique réapprend la guerre des tranchées aux côtés de l’armée française. Que vont-elles faire en ce lieu avec le coût que représente un tel déploiement? Mais le plus extraordinaire est la manière dont nos médias dénoncent les manœuvres russes sur SON territoire… (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

 Philippe CHAPLEAU. © P. Chapleau À l’assaut ! les groupes de combat britanniques investissent les tranchées estoniennes.

L’exercice Springstorm se poursuit sur le camp de Tapa, dans le nord de l’Estonie. Jeudi matin, alors que le sous-groupement tactique français poursuivait sa progression vers le nord, tout en perdant deux chars Leclerc et deux VBCI (véhicules blindés de combat de l’infanterie), les Britanniques se lançaient à l’assaut d’une position retranchée estonienne. Récit.

Tapa. De notre envoyé spécial

Les cartes topographiques ne mentent guère. La petite éminence qui domine la route forestière a tout pour constituer un bastion dont la conquête coûtera cher. Les Britanniques du 1er Bataillon du Mercian Regiment ont donc rameuté les chars Challenger du Royal Tank Regiment, leurs propres Warrior (des transports de troupes chenillés armés d’un canon de 30 mm) et des engins blindés du génie.Des soldats estoniens enterrés attendent l’assaut britannique.© P. Chapleau Des soldats estoniens enterrés attendent l’assaut britannique.

Comme les Français, sur cet exigeant terrain estonien et face à des troupes qui minent tous les axes, les Britanniques ont vite mesuré l’importance des sapeurs du génie pour ouvrir la voie, en déminant les routes et en détruisant les obstacles qui ralentissent le mouvement et transforment les colonnes en cibles statiques.

Du haut de la petite butte, les défenseurs distinguent parfaitement les mines antichars et les rochers qui bloquent la route détrempée que les Britanniques vont emprunter. Trois réseaux de tranchées ont été aménagés sur la ligne de crêtes. Ils sont tenus par une section d’infanterie armée de lance-roquettes antichars et de mortiers légers. Pas de blindés CV-90 pour les appuyer. Les fantassins vont devoir tenir seuls.Des Challenger britanniques qui tentent de progresser sur la piste forestière.© P. Chapleau Des Challenger britanniques qui tentent de progresser sur la piste forestière.

Il faut ralentir la progression de l’ennemi​, explique le général Sirel, chef d’état-major adjoint de l’armée de Terre estonienne (et directeur de l’exercice Springstorm). Ralentir l’ennemi, c’est donner du temps à nos alliés de l’Otan de venir nous renforcer. Mais nous ne pratiquons pas que le combat de retardement ; nos forces n’hésitent pas à contre-attaquer​. Français et Britanniques en ont d’ailleurs fait l’expérience, se faisant malmener à plusieurs reprises par les chars légers CV-90 des Estoniens.

Lire aussi : REPORTAGE. Comment les soldats français et britanniques s’entraînent près de la frontière russe

Guerre de tranchées

Quand la colonne britannique bute sur le champ de mines et que les sapeurs interviennent, les fantassins estoniens ouvrent le feu sur les cibles à 300 m. Les Britanniques se replient et des Challenger commencent alors des hit and run, tirant au canon sur la position et se repliant très vite en lâchant des fumigènes.Un engin du génie dégage l’axe des obstacles pendant que les sapeurs neutralisent les mines.© P. Chapleau Un engin du génie dégage l’axe des obstacles pendant que les sapeurs neutralisent les mines.

Plusieurs Warrior débarquent des groupes de combat qui s’enfoncent dans le sous-bois. Objectifs : Attirer une partie du feu adverse sur eux et tenter de déborder la position ennemie​, explique un sous-officier britannique, membre des arbitres de l’exercice.Les jeunes soldats estoniens terminent leur service national en prenant part à l’exercice majeur qui les oppose aux troupes franco-britanniques.© P. Chapleau Les jeunes soldats estoniens terminent leur service national en prenant part à l’exercice majeur qui les oppose aux troupes franco-britanniques.

La manœuvre réussit et un engin du génie parvient à ouvrir une brèche dans le réseau d’obstacles et de mines.

Côté estonien, le harcèlement se poursuit. À la mitrailleuse et au fusil d’assaut principalement. Les lance-roquettes antichars sont prêts à frapper les blindés britanniques lorsqu’ils tenteront d’investir la position.Les voltigeurs viennent de débarquer des blindés Warrior et montent à l’assaut.© P. Chapleau Les voltigeurs viennent de débarquer des blindés Warrior et montent à l’assaut.

Les appelés qui terminent leur temps et leurs cadres vont résister crânement mais la force blindée britannique qu’ils vont affronter ne leur laisse guère de chances.Les défenseurs sont neutralisés à la grenade et au fusil d’assaut par les Britanniques qui prennent le contrôle de la position estonienne.© P. Chapleau Les défenseurs sont neutralisés à la grenade et au fusil d’assaut par les Britanniques qui prennent le contrôle de la position estonienne.

Assaut brutal

Effectivement, une fois les mines neutralisées, le pilonnage de la butte reprend avant qu’une demi-douzaine de Warrior s’élancent malgré le feu estonien.

La suite est brutale. Alors que les canons de 30 mm des Warrior clouent les Estoniens au fond des tranchées, les voltigeurs britanniques débarquent et se jettent dans le réseau boueux, grenadant les défenseurs, les mitraillant au fusil d’assaut, hurlant des ordres et des avertissements, invectivant les arbitres qui tardent à déclarer morts ​certains défenseurs…Un soldat britannique évacue l’un de ses camarades touché par un tir estonien.© P. Chapleau Un soldat britannique évacue l’un de ses camarades touché par un tir estonien.

Attaquants et défenseurs s’imbriquent, se mitraillant à moins de dix mètres.

Dix minutes de quasi-corps à corps et la position a changé de mains.

Le bilan ? Même si les arbitres ne tiennent pas une comptabilité stricte, il est clairement lourd du côté estonien dont la section a été anéantie. Les Britanniques aussi ont des pertes, en hommes et en blindés.

Plus de sueur, moins de sang

Dans cet environnement de combat de haute intensité, tous les acteurs s’accordent sur un triple constat : le volume des pertes est élevé ; la consommation de munitions l’est encore plus ; la masse de manœuvre doit donc être gonflée pour compenser les pertes tant en hommes qu’en équipements.

Et le lieutenant-colonel Dean Canham, qui commande le bataillon franco-britannique, d’en ajouter un quatrième : Ici, tout nous convainc de l’utilité des chars de bataille ​comme le Leclerc qui, par nature, est orientée vers la haute intensité.

Le général Giraud, patron de la 2e brigade blindée qui a fourni les moyens du sous-groupement tactique français, acquiesce. Et ajoute : Il va falloir durcir l’entraînement​. Plus de sueur, moins de sang.

Oui mais malgré ce reportage ce dont il est fait état dans les médias occidentaux c’est de l’agressivité russe qui se livre à des manœuvres sur son territoire comme en témoigne cette vidéo.

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1 Commentaire

  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Manœuvre probablement efficace dans les années 70.
    Les lance roquettes sont inopérants sur les nouveau blindés russes dotés d’une technologie développée en URSS mais refusée par le commandant en chef des forces blindées à l’époque: les nouveaux blindés sont recouvert de sortes d’écailles explosives qui détruisent tout type de roquettes avant l’impact, ces explosifs ne réagissent pas aux tirs par balles ou au feu ce qui protège efficacement l’équipage. De plus les blindés depuis le T90 ont un système de défense automatique, qui une fois enclenché détruit toute menace sans intervention de l’équipage. Par exemple si le blindé est illuminé par un laser ennemi la source du laser sera immédiatement détruite au canon de 30mm.

    Les fumigènes pour se protéger ne servent à rien devant le système russe Khrysentema capable de tirer sur une cible en mouvement derrière n’importe quel rideau de fumée.

    Quand à la protection des tranchées et des colonnes ennemies, l’arsenal russe a l’embarra du choix, par exemple le lance flamme “Bouratino”(pinocchio) lanceur de roquettes capable d’incendier une grande surface.

    Le Leclerc est un char complètement dépassé aujourd’hui.

    T90 bunker roulant, explication des mesures anti roquettes:
    https://youtu.be/FqbpauEVY7Q

    Khrysantema, le tueur de char:
    https://youtu.be/8Y6BEhWynWU

    Les lance flamme russes:
    https://youtu.be/j09HIInYE4g

    Pour ceux que ça intéresse la chaîne Combat Approved (zvezda tV) présente un large panel de l’équipement de défense russe.
    Ne pas perdre de vue que la Russie n’est pas le Sahel, c’est un puissance nucléaire moderne.

    Ce type d’exercice rassure peut être certains politiques.

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