Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

À la mémoire d’une personne qui m’était chère, Viktor Vasilyevich Trouchkov

Grâce à Marianne, nous avons souvent publié des articles de Viktor Vasilyevich Trouchkov et récemment Andrei Doultsev, qui admirait beaucoup le travail de ce théoricien polémiste a confié aux éditions Delga son travail sur Staline dont il est question ici. Ce texte qui décrit avec sensibilité et intelligence qui fut ce militant communiste qui ne se résigna jamais à la défaite me parvient en même temps qu’un autre émanant du camarade Luci qui reprend sur le blog d’Aymeric celui que j’ai écrit sur la censure et il dit ces mots qui résument ce que nous avons été : “Le lien entre la mémoire et l’histoire, ma chère camarade Danièle, n’a pas sa place ni sur Facebook ni sur Instagram. Nous sommes une autre génération. Nous sommes les derniers des sangs bouillants dans l’identité des origines. Merci pour allier le passionnel au rationnel. Nous vivons le temps des identités et non le temps de l’identité universelle. Fraternelles amitiés communistes.” Mais en fait je commence à espérer que ce travail obscur de transmission n’a pas été inutile et que nous n’avons pas brûlé en vain. L’illustration de cet article n’est pas un portrait de Trouchkov mais plutôt l’affirmation de ce qui est l’essence pour moi du communisme: nous avons besoin de la paix pour construire le communisme et il est peu de dire que l’adversaire ne nous l’a jamais accordée ni à titre collectif, ni à titre individuel (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société)

18 mai 2021

 Auteur: Yuri Belov

Source: la Pravda

https://gazeta-pravda.ru/issue/50-31110-1819-maya-2021-goda/pamyati-dorogogo-mne-cheloveka-viktora-vasilevicha-trushkova-posvyashchayu/

Viktor Vasilyevich Trouchkov est un véritable phénomène dans la vie de notre parti. Tout d’abord, il était et reste un talent théorique, porteur d’une haute culture marxiste-léniniste. Ceux qui ont lu ses publications dans la Pravda pendant de nombreuses années en sont témoins. Parfois, il écrivait, pour ainsi dire, de manière didactique: il expliquait, exposait comme sur la paume de la main les phénomènes complexes de la vie sociale. Souvent, il écrivait des textes longs– les réflexions théoriques, comme vous le savez, ne peuvent pas être résumées. Mais le langage des œuvres de Viktor Vassilievitch se distinguait par une simplicité, une imagerie, une ironie et un sarcasme dans les polémiques avec ses opposants idéologiques. Avec eux, il n’admettait aucun compromis, aucune concession dans la présentation de ses thèses.

Voilà que j’écris : il était. Mais je le vois encore devant moi, vivant, avec cette joyeuse diablerie dans ses yeux, qui est caractéristique des personnes qui aiment la vie, des personnes sortant de l’ordinaire, douées d’un talent aimable.

Nous ne sommes pas devenus de proches camarades en une fois. Lors des premiers plénums et congrès du Parti communiste de la Fédération de Russie, nous nous sommes retrouvés antagonistes sur un certain nombre de questions. Je ne les nommerai pas. Comme on dit, ce n’est pas le moment. Je le rappelle ici pour mettre en évidence la force de frappe de Trouchkov le polémiste, que j’ai éprouvée sur moi-même. C’était la force conférée par une connaissance approfondie de la doctrine marxiste-léniniste. Alors je me suis dit: “C’est un théoricien et un publiciste, et moi je ne suis qu’un publiciste”.

Au fil des ans, nous sommes devenus de proches camarades. J’ai souvent utilisé ses conseils, j’ai été étonné de son érudition et de la minutie avec lesquelles il m’éclairait. Comme s’il s’était lui-même préparé à écrire sur le sujet que j’allais aborder. Souvent, il m’envoyait les documents qui m’intéressaient par e-mail.

Viktor Vassilievitch était une personne généreuse, capable de se réjouir du succès d’autrui. Mais impitoyable envers l’ignorance, la pseudo-culture, toute manifestation de philistinisme. J’ai été témoin de cela plus d’une fois.

Je vais m’attarder sur l’essentiel – sur les travaux de Viktor Vassilievitch, inclus dans l’arsenal idéologique et théorique du Parti communiste de la Fédération de Russie. Tout d’abord, je nommerai sa monographie scientifique populaire «Le prolétariat de la Russie moderne», publiée en 2012. Jusqu’à présent, c’est le seul travail basé sur une étude scientifique d’une question étouffée dans la société russe – la question du travail. C’est tabou dans les médias bourgeois. Et à quoi bon le nier, dans le Parti communiste de la Fédération de Russie également, parfois vous entendrez: “Y a-t-il une classe ouvrière en Russie?”

Son autre ouvrage – «Le programme inconnu du PCR (b)», publié en 2018, a été une découverte pour nous tous, communistes et sympathisants. On y apprend qu’un troisième programme a été élaboré en 1947, et il était censé être discuté et approuvé au 19e Congrès du PCUS (b). La mort de Jdanov, qui avec Staline a dirigé le processus de développement du programme susnommé, a arrêté le processus lui-même. Trouchkov a non seulement publié dans la Pravda un aperçu de ce nouveau programme, mais en a donné son analyse théorique comme une ébauche du développement socialiste futur immédiat et lointain du pays, jusqu’au communisme. Cette analyse ne prétend pas être le dernier mot en la matière, mais encourage une réflexion dialectique sur le destin de l’URSS.

Le troisième ouvrage et, je crois, le principal – “Staline en tant que théoricien”, publié en 2019, est une réfutation implacable et impitoyablement véridique de Trotsky et ses disciples modernes, qui dépeignaient Staline comme une “nullité intellectuelle” qui aurait perverti la doctrine marxiste-léniniste. Trouchkov, à la mode stalinienne, expose l’essence bourgeoise du trotskysme actuel et de toutes sortes d’opportunisme. Il met en garde contre leur danger pour le Parti communiste. Mais surtout, il montre comment Staline, à la suite de Lénine, fidèle à la dialectique de Lénine, révèle le caractère unique et la signification historique mondiale du socialisme soviétique.

Au cours des longues années de travail à la Pravda, V.V. Trouchkov a publié des centaines d’articles sur de nombreuses questions de l’histoire de notre parti et surtout sur les problèmes de la Russie moderne. Son analyse sociologique et ses prévisions sociales de son état politique et économique m’ont toujours frappé par son empathie en tant qu’auteur pour la condition humiliante de l’ouvrier. Il a le premier dénoncé une tare de la Russie de Poutine qui est la pauvreté héréditaire.

Le remarquable historien russe V.O. Klyoutchevski a noté il y a longtemps: “Toute la différence entre quelqu’un d’intelligent et quelqu’un de stupide tient dans une chose: le premier pensera toujours et parlera rarement, le second parlera toujours et ne pensera jamais.” Viktor Vasilievich Trouchkov, un homme intelligent, n’a jamais tenté de se faire passer pour un savant. Pourtant il l’était et ne pouvait supporter la stupidité. En règle générale, il la démasquait sans pitié. Il était avare d’évaluations louables du travail de ses collègues et ne sollicitait pas non plus de louanges pour ses travaux. Pourquoi? Parce qu’il n’avait pas le temps pour ça. En tant que bourreau de travail, il ne se répandait pas en états d’âmes. J’ai dit qu’il était un classique vivant. Pour moi, il est resté ainsi – un classique du journalisme politique.

Peu de temps avant de quitter le monde des vivants, presque chaque semaine, il publiait un article meilleur que l’autre.

Il voyait le parti comme sa patrie. Il l’a servi de manière dévouée, désintéressée, sans en attendre gratitude ou récompense …

Il y a des gens dans le monde dont la vie oblige les autres à donner le meilleur d’eux-mêmes. Vous ne pouvez pas lambiner, gémir ou vous morfondre à côté d’eux. Et cela non pas parce qu’ils vous accusent, non simplement ils vous obligent à vivre votre vie comme il se doit – en donnant tout aux gens. Tel est pour nous Trouchkov Viktor Vasilievich.

Je ne suis pas un poète, mais, m’adressant à lui, je veux compléter mon histoire à son sujet avec un poème simple mais sincère venant de mon cœur.

Tu étais acharné au travail

Ton talent n’a pas connu le repos.

Et, comme un soldat dans une compagnie d’infanterie,

Tu as souffert en silence de tes blessures.

La douleur de la trahison des tiens,

Ceux qui ont fui vers le camp des jubilants ennemis,

Le confort bourgeois leur parlait mieux

Que l’honneur de ceux qui sont morts pour la patrie…

Tu aimais la vie et croyais sincèrement,

Que la lumière du bien disperserait

Les ténèbres maléfiques.

Tu étais dans la “Pravda” stalinienne

un soldat, stoïque dans son devoir.

Ton œuvre éclairera au fil des ans

le chemin de nos successeurs…

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