Il y a cinquante-huit ans, le 27 avril 1963, le leader de la révolution cubaine, FIDEL CASTRO, arrivait pour la première fois à Moscou. Cet article trouvé sur le facebook russe (VKontakte) par Marianne et traduit par elle pour histoire et société dit l’amour que continuent à éprouver pour l’île de la liberté les Russes. Cela fait partie de la conscience qu’ils ont d’avoir fait un marché de dupe avec l’occident capitaliste en abandonnant l’URSS et le socialisme. Ils ont un peu le même sentiment avec la Chine mais là les récriminations du divorce et des torts réciproques sont toujours un peu présentes alors que Cuba s’est toujours admirablement conduite y compris face à la querelle sino-soviétique. Fidel Castro est devenu un mythe identifié avec Cuba et chacun feuillette les souvenirs de cette passion réciproque et qui visiblement survit à la fin de l’URSS (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
Le 26 avril 1963, dans l’atmosphère du plus grand secret, Fidel Castro s’envole pour l’Union soviétique. Son avion quitte secrètement La Havane et atterrit non pas dans la capitale soviétique, mais dans le nord de l’Union soviétique, à Mourmansk, d’où Fidel part pour la base de sous-marins soviétique de Severodvinsk.
Les marins soviétiques ont amené une escadre dans la rade, amarrant un sous-marin à propulsion nucléaire directement au quai. Le leader cubain l’a visité en personne et a été enchanté par ce qu’il y a vu.
L’armée soviétique a même déployé un missile nucléaire pour démontrer les capacités du sous-marin. Castro, vêtu d’un caban, avec sa silhouette puissante et gigantesque, était à l’étroit dans ses compartiments. Fidel a été stupéfait de voir les capacités de combat soviétiques.
Tant l’itinéraire de Fidel Castro en Union soviétique que les dates exactes de son séjour dans telle ou telle ville étaient top secret. Dans les régions et les républiques d’Union soviétique, les premiers secrétaires des comités régionaux et républicains du parti communiste étaient chargés d’assurer la sécurité de Fidel Castro et de la petite délégation cubaine.
Pendant les 38 jours de son voyage à travers URSS, de la fin avril au début juin, Fidel a effectué un périple unique de Severodvinsk à Samarkand, qu’aucun autre dirigeant étranger ou même soviétique n’avait fait avant ou après lui.
Volgograd et Mourmansk, Tachkent et Bratsk, Leningrad et Kiev, partout ce “barbu”, vivant et spontané, en lunettes et veste de campagne olive, a été reçu avec une telle bienveillance et un tel amour que Fidel Castro s’est souvenu des années plus tard de l’étonnante hospitalité du peuple soviétique.
Dans chaque ville, dans chaque entreprise, il s’est intéressé au travail du gouvernement, à une usine ou à un magasin particulier, essayant de pénétrer dans tout.
Barbu plutôt que rasé, vêtu d’un manteau olive poussiéreux plutôt que d’un costume gris, s’exprimant avec ferveur plutôt que par écrit, Fidel a réussi en peu de temps à faire tomber amoureux de lui la quasi-totalité de l’Union soviétique.
C’était un véritable révolutionnaire, passionné, méprisant la bureaucratie et le pédantisme, un homme déterminé à faire respecter la justice comme les braves commandants de la guerre civile, comme s’il était sorti des pages d’un roman de Nikolai Ostrovsky, un Pavel Kortchaguine cubain.
La nouvelle de l’arrivée en Union soviétique du héros mythique de la révolution cubaine s’est répandue dans tout le pays quelques jours après son arrivée.
Le 1er mai, Fidel était présent sur le podium du Mausolée de la Place Rouge, observant le défilé militaire avec un réel intérêt.
Sur la Place Rouge, trois semaines plus tard, le 23 mai, il a prononcé un discours sans papier de deux heures, captivant l’attention d’un public hypnotisé par le discours sans papier de l’invité dans un espagnol aussi vivant qu’expressif.
À cette époque, Fidel parvient à visiter de nombreuses villes, où il est toujours accueilli par l’hospitalité et la chaleur du peuple soviétique.
Fidel s’est littéralement illuminé, visitant chaque nouvelle ville ou entreprise.
Nikolaï Leonov était l’interprète personnel de Fidel et se souvient de nombreuses histoires touchantes liées à ce voyage.
« On lui a attribué une des chambres du Kremlin. Je me souviens qu’il m’a dit un soir, peu avant 23 heures : “Allons nous promener dans Moscou”, dit Leonov. – J’étais choqué, j’ai répondu : “Fidel, nous n’avons pas de garde. Il était têtu. Je veux faire une promenade à Moscou. Je réussis à prévenir l’agent de sécurité en service. Il était tout aussi choqué mais Fidel était prêt à faire une promenade. Nous sortons tous les trois par la porte Borovitsky. Il était déjà 11 heures passées. Nous passons le premier arrêt de trolleybus. Les gens sont stupéfaits, ils ne peuvent pas croire que c’est vraiment Fidel qui est vivant et qui est déjà devenu légendaire. Une minute plus tard, des cris de joie se font entendre dans la rue, et mètre après mètre, de plus en plus de personnes nous entourent. Alors que nous approchons de la place du Manège, ils sont déjà des dizaines, des centaines, la foule s’amasse, tout le monde est excité et joyeux.
Pour tout le peuple soviétique c’était une véritable révélation : comment une révolution socialiste pouvait-elle être gagnée sans aucune aide étrangère, au nez et à la barbe des États-Unis ? Tout le monde s’intéressait à une chose : combien de temps la révolution cubaine allait-elle durer ? Ça va durer, et nous allons vivre, leur assure Fidel. Il y avait déjà des milliers de personnes dans les environs de l’hôtel Moskva, et elles ne cessaient d’affluer. L’agent de sécurité est terrifié. Il semblait qu’enivrée de bonheur, la foule soit prête à mettre Fidel en pièces. L’officier pénètre dans l’hôtel par la fenêtre et parvient à appeler des renforts par téléphone. Fidel était sur le point d’être “déchiré en morceau pour que chacun ait un souvenir” et nous avons tout juste réussi à nous introduire dans l’hôtel et à échapper à la foule excitée et heureuse. »
Fidel a été profondément impressionné par l’amabilité et l’ouverture des Soviétiques ordinaires.
À la gare de Zima, alors que le train se rendait à la centrale hydroélectrique de Bratsk, lorsqu’ils ont appris qu’un train avec Fidel passait sur la voie unique, le passage a été bloqué par des bûcherons. Le train était entouré par toute une foule de paysans sibériens qui refusaient de partir tant qu’ils ne verraient pas Fidel Castro vivant.
Fidel a entendu le bruit et est sorti dans le tambour, ne portant que sa tunique dans le froid glacial. La foule l’a accueilli avec un rugissement. Nous voulons t’entendre Fidel, a crié quelqu’un dans la foule.
Il n’y avait aucune condition pour un meeting, pas de podium, rien. Fidel a commencé à parler depuis le marchepied du wagon.
Le gel était glacial. Soudain, une doudoune a littéralement “flotté” vers lui dans la foule. Quelqu’un a crié : “C’est la Sibérie, mettez-la vite.”
Fidel, touché, l’a mise soigneusement. “Je n’ai rien en retour”, a-t-il dit en fouillant dans ses poches. Soudain, il trouve trois cigares dans la poche de son pantalon et les tend à la foule. Les hommes ont pris les cigares, les ont allumés et, tirant une bouffée chacun, ont commencé à se les passer de main en main de manière touchante.
Des larmes sont apparues dans les yeux de Fidel. “Personne en Occident ne se serait comporté de la sorte. Tous ceux qui auraient reçu les cigares les auraient cachés dans leurs poches. Ils n’auraient rien partagé. Maintenant, je comprends pourquoi le peuple russe est invincible”, a déclaré le Commandant.
L’un des points du voyage de Castro était la République socialiste soviétique d’Ukraine. Khrouchtchev a appelé Podgorny, alors premier secrétaire du parti communiste ukrainien, et lui a dit : “Il n’y a pas besoin d’officialité, laissez-le aller où il dit, c’est comme il voudra”.
“Nous arrivons au bureau de Podgorny. Il y a une énorme carte de la RSS d’Ukraine sur la table. “montrez où vous voulez aller”, sourit Podgorny. Fidel pointe du doigt dans les alentours de Kiev, – poursuit Nikolaï Leonov. – Nous roulons à 40-50 kilomètres de la capitale.
Nous arrivons dans un village ordinaire, Fidel demande d’arrêter la voiture dans un élevage de porcs. Fidel, dans ses célèbres bottes de l’armée, passe par-dessus la clôture et se dirige vers l’éleveur de porcs. Je le suis. Nous apprenons à nous connaître.
Maria, l’éleveuse de porcs, est une Ukrainienne ordinaire, veuve, qui a perdu son mari pendant la guerre. Fidel l’interroge sur son travail, il connaît bien l’agriculture, cela lui rappelle son enfance dans la ferme de son père à Biran. Puis il dit : “Allons chez Maria et jetons un coup d’œil à votre maison, pouvez-vous nous offrir quelque chose pour le dîner ? Je n’ai pas grand-chose, répond la femme.
Bon, allons-y. Dans la cabane, comme dans une maison de paysan habituelle – tout est simple et modeste.
Maria sort du pain, des pommes au tonneau, des œufs, du lard, des pommes de terre. Le bortsch est chaud dans le four.
Fidel sourit. Maria, gênée par la présence de grands dirigeants, hésite à sortir le samogon [alcool artisanal, NdT]. Mais elle se laisse convaincre, bien que les assistants soient déjà partis chercher du brandy et des verres à alcool.
Le repas tout simple se termine par une conversation à cœur ouvert entre Fidel et Maria sur la vie. Fidel rayonne : “Je n’ai pas besoin de leçons d’économie. Je suis heureux de voir que les gens ordinaires vivent bien”.
À la fin de la réunion, le commandant a reçu l’assurance de Khrouchtchev que Moscou apporterait son aide en cas d’attaque des États-Unis contre l’URSS.
“Face aux provocations continues des milieux militaristes agressifs des États-Unis contre la République de Cuba, le camarade N. S. Khrouchtchev, au nom du Comité central du PCUS et du gouvernement soviétique, a réaffirmé qu’en cas d’attaque contre Cuba en violation des engagements pris par les États-Unis d’Amérique de ne pas l’envahir, l’Union soviétique remplirait son devoir international et apporterait l’aide nécessaire pour défendre la liberté et l’indépendance de la République sœur de Cuba avec tous les moyens dont elle dispose”, indique le communiqué final.
Vues : 146