Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les États-Unis doivent s’adapter aux réalités du XXIe siècle

Une analyse très perspicace et on a envie d’insister sur la conclusion : le danger pour le monde est l’écart entre la réalité et la perception continue des États-Unis d’elle-même comme la nation indispensable. Le danger est pour tous non seulement parce que l’appel à l’OTAN, à une issue militaire est dans cette logique mais parce que les vassaux européens que nous sommes sont pris dans cet aveuglement qui les coule. Enfin ce dont ne parle pas l’article et qui est pourtant fondamental, la colère des peuples qui ne supportent plus l’ordre capitaliste et ce qu’il engendre de misère, de répression. Un des enjeux est la marginalisation des luttes dans ce contexte de chute de l’empire américain. Et c’est là que l’on comprend mieux l’anticommunisme forcené. Il n’est pas seulement dirigé contre la Chine, ni contre la Russie coupable d’être encore l’URSS, mais contre l’idéologie qui lutte contre la marginalisation des peuples face à leur État national, mais aussi à travers un lien international sur les défis de notre temps, climatiques, sociaux, économiques, sanitaires qui insère les luttes dans une perspective. Marginaliser, interdire les communistes fait partie de cette stratégie décrite par l’article (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoire et société).

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Si d’autres preuves étaient nécessaires pour démontrer que les États-Unis vivent dans une bulle, à l’abri des réalités d’un monde en constante évolution, on les trouve dans le dernier document publié par le groupe de réflexion américain orienté vers l’OTAN, le Conseil atlantique.

Publié fin janvier 2021, le document de 86 pages s’intitule The Longer Telegram: Towards a New American China Strategy. Le document met l’accent sur la politique des États-Unis à l’égard de la Chine. et le titre du document est un indice quant à son orientation. Il s’agit d’une référence directe au Long Télégramme de 1946 écrit par l’ambassadeur des États-Unis à Washington, George Kennan. Ce document de référence peut être vu comme la première pierre posée pour les 60 années suivantes, connues, un peu trompeusement, comme celles de la guerre froide.

L’auteur (s) du document de 2021 a choisi de garder l’anonymat, une pratique quelque peu inhabituelle pour le Conseil de l’Atlantique. Le document est également quelque peu inhabituel en ce que l’accent est mis sur la Chine, plutôt que sur la Russie. Les deux pays sont toutefois inextricablement liés, en ce sens que l’objectif principal de la publication est de suggérer des moyens d’améliorer les relations entre les États-Unis et la Russie. C’est loin d’être un motif altruiste cependant, car l’auteur voit clairement la relation croissante entre la Russie et la Chine comme la plus grande menace pour l’hégémonie des États-Unis.

On est tenté de le dire à ce stade: trop peu, trop tard. Il est évident depuis un certain nombre d’années que la Russie en a assez du mensonge constant, de l’intimidation et des fausses déclarations de l’Occident quant à sa politique étrangère et intérieure. Il n’est manqué aucune occasion de dénigrer les actions de la Russie et de donner une interprétation sinistre à chaque action que la Russie entreprend. Dans cette entreprise, les Américains ont été facilement suivis par un certain nombre de pays européens, y compris notamment les pays qui faisaient officiellement partie de la sphère d’influence soviétique au cours de la période 1945-1990, comme la Pologne et les trois mini-États, la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie.

Qu’il n’y ait pas de fondement rationnel à cette antipathie n’est guère la question. Toutefois, l’Europe occidentale a besoin d’énergie et la seule solution pratique à sa demande est l’énergie russe fournie par le pipeline vers l’Allemagne qui est sur le point d’être achevé. Les Américains désespèrent de bloquer ce développement, et pas incidemment, car fournir à l’Europe leur propre alternative s’avère beaucoup plus coûteux.

C’est dans un tel contexte que les mensonges de plus en plus désespérés racontés sur le petit politicien russe Alexeï Navalny sont le mieux compris, si l’on situe l’opération dans le cadre de cette campagne visant à bloquer l’achèvement du projet Nord Stream 2. Si cette campagne devait réussir, ce qui est sérieusement douteux, ce serait un coup dur pour les Russes, mais pas fatal.

Il est de plus en plus évident que la patience russe face à la duplicité de l’Europe occidentale est épuisée. On peut le voir dans la déclaration du ministre des Affaires étrangères Lavrov qui ne prend même plus la peine de cacher son dégoût du manque de fiabilité et de duplicité des « partenaires européens » de la Russie. La Russie a un partenaire beaucoup plus important avec la Chine. C’est la proximité croissante de la Russie et de la Chine qui est à l’origine de tant d’angoisse américaine, et l’impulsion principale derrière la dernière publication du Conseil atlantique.

La Chine est, depuis quelques années, la plus grande économie du monde, mesurée en termes de parité de pouvoir d’achat, un guide beaucoup plus réaliste et perspicace du pouvoir économique réel que le produit intérieur brut couramment utilisé. Suivant la référence à l’un ou à l’autre vous avez un indice de l’orientation politique du rédacteur. Les Américains, et leurs apologistes, préfèrent le produit intérieur brut car il donne l’illusion que les États-Unis sont toujours le numéro un mondial en termes d’importance économique.

C’est le mariage de la puissance économique chinoise et de la puissance militaire russe qui constitue la plus grande menace pour la domination des États-Unis sur le monde, ou plus exactement sur la domination présumée. En termes réels, le cas se discute désormais, bien que le refus américain d’accepter cette réalité soit ce qui constitue la plus grande menace pour le monde.

Les quatre années de l’administration Trump ont été remarquables en matière de rhétorique sur la menace chinoise en train de supplanter leur domination… Une réponse qui a été marquée par beaucoup de bombements du torse et l’imposition d’une gamme croissante de restrictions sur les entreprises et les personnalités chinoises. Ce qui est remarquable cependant, c’est que tout ce parti pris et toute cette rhétorique n’ont eu absolument aucun effet sur le déficit de la balance commerciale dont souffrent les États-Unis avec la Chine qui continue de croître régulièrement. Il est impossible de voir des mesures significatives que les États-Unis peuvent prendre pour remédier à cette situation.

On voudrait penser que l’administration Biden ne peut pas être assez stupide pour ne pas reconnaître ces réalités, bien qu’au vu de ses performances passées, il n’est pas sage de sous-apprécier la tendance américaine à poursuivre sur une voie désespérée.

Cette vision plutôt pessimiste est renforcée par une lecture de The Longer Telegram. Les auteurs vivent clairement au XXe siècle lorsqu’ils perçoivent la solution au problème américain dans la possibilité d’empêcher les liens toujours plus étroits entre la Russie et la Chine.

Ces liens n’existent pas dans le vide. Ils ont surgi et continuent de croître précisément à cause des politiques des États-Unis, individuellement ou en combinaison avec leurs alliés européens. La politique des États-Unis sous-estime également sérieusement l’effet de multiples autres développements dans la grande région eurasienne. Ces développements transforment toute la structure économique et géopolitique de la région.

La réalité est que la Chine écrit un nouveau livre de jeux sur le commerce et le développement politique, et en cela ils sont de plus en plus aidés par la Russie. Les Américains n’aiment pas ça et on peut être assuré qu’ils feront tout leur possible pour à tout le moins entraver et saboter ces développements. Ces efforts seront vains. Le danger pour le monde est l’écart entre la réalité et la perception continue des États-Unis d’elle-même comme la nation indispensable. Le Conseil de l’Atlantique tombe précisément dans ce piège.

James O’Neill, un ancien avocat australien de Law, exclusivement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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1 Commentaire

  • Mikaty
    Mikaty

    S’attaquer frontalement à la Russie et à la Chine est la grande erreur de l’administration Trump. Toujours la méthode du “big stick” pour montrer qui est le boss… Mais totalement improductif dans ce monde devenu multi-polaire. Le nain Europe sera la victime de ces errements. Macron s’opposant à Merkel sur NordStream 2, sous tous les prétextes de la propagande US (Navalny, Ukraine…), mais devant passer des contrats avec… la Turquie et son nouveau gazoduc, alors que la France s’oppose militairement à la Turquie.. Quelle logique si ce n’est celle des neocons du Quai d’Orsay ? Biden à trouvé son caniche !

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