Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Poutine a avancé des idées de gauche à l’échelle planétaire

Une vision de Poutine qui tranche résolument sur l’image que nous en avons en occident, mais qui n’a rien d’étonnant. Dans le fond c’est le choix de l’ultime forme du réformisme que propose “la gauche moderne”. Tenter de faire face à l’impérialisme destructeur et autophage en retenant ce qui peut être sauvé par l’intervention de l’Etat, quelque chose entre Keynes et Marx. Ziouganov, le président du KPRF, a apprécié la tonalité du discours mais je ne suis pas sûre qu’il en soit de même de tous les communistes de Russie qui non seulement détestent Poutine mais rêvent d’une démarche révolutionnaire plus radicale. Pour ma part je crois que nous allons être contraints d’avancer ensemble. (note de danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)

Gleb Kouznetsov, politologue, chef du conseil d’experts de l’EISS

27 janvier 2021

https://vz.ru/opinions/2021/1/27/1082337.html

Discours de Poutine au Forum de Davos. Le discours d’un homme politique de gauche moderne. Pas centre-gauche du parti Michèvremichou, mais gauche moderne, dont la philosophie politique est basée sur Naomi Klein, Thomas Piketty, David Graber et autres auteurs de ce cercle. Les thèses de son discours recouvrent complètement les problèmes de la «nouvelle gauche».

– Le problème principal est l’inégalité croissante, qui repose sur les mauvais principes de construction de la croissance économique («croissance basée sur la dette privée»).

– Les inégalités ont cessé d’être un problème du tiers monde et des pays en développement, mais ont atteint les pays du «milliard d’or».

– La crise du modèle de croissance économique engendre le populisme et le radicalisme qui, à leur tour, conduisent à la «fragilité» du monde au sens socio-politique.

– Les institutions internationales et le système de sécurité mondial se dégradent, ce qui conduit non seulement à une augmentation du nombre de conflits régionaux, mais aussi à l’imprévisibilité générale de la situation.

 – Les seuls bénéficiaires de la situation sont les grandes entreprises supranationales appartenant au monde euro-américain, mais cela ne se répercute pas dans un sens positif sur la vie en Europe et en Amérique, où il y a aussi de plus en plus de pauvreté et de stratification sociale.

– De plus en plus de personnes se retrouvent globalement inutiles (pas au sens d’être au chômage concrètement aujourd’hui, mais fondamentalement inutilisables par le monde moderne) – et leur nombre s’est multiplié en raison de la pandémie.

– La ressource de croissance due aux anciens instruments – «assouplissement quantitatif» et dette privée avec de faibles impôts sur les bénéfices des entreprises – a été épuisée, car, entre autres, le principal problème de l’économie est celui des personnes pauvres et non solvables.

– L’intervention de l’État du côté du «peuple» contre les «corporations» est la seule chose qui puisse sauver l’humanité en général et la classe moyenne dans le «monde civilisé» en particulier.

– Les géants mondiaux du numérique représentent une menace particulière pour l’humanité. «Du point de vue des entreprises elles-mêmes, leur position de monopole est optimale pour l’organisation des processus technologiques et commerciaux. C’est peut-être le cas, mais la société se pose une question: dans quelle mesure ce monopole correspond-il aux intérêts publics? Où se situe la frontière entre le succès des affaires mondiales, les services rendus, la consolidation des mégadonnées et les tentatives grossières, selon leur bon vouloir, de gouverner la société, de remplacer les institutions démocratiques légitimes, en fait d’usurper ou de restreindre le droit naturel d’un personne à décider par elle-même: comment vivre, que choisir, quelle position exprimer librement? “

– La décision appartient à l’Etat, aux incitations budgétaires, et “le rôle clé sera joué par les budgets de l’Etat et les banques centrales”.

– Et puis, les quatre priorités de développement pour une personne, qui sont aussi les «garanties» que doit lui assurer le gouvernement du futur: logement / cadre de vie; travail / revenu; accès aux soins médicaux; accès à l’éducation. Dans cet ordre.

– La solidarité internationale. La solution des crises «militaro-politiques», mais pas seulement. La coopération internationale ne doit pas et ne peut  pas être réduite au règlement de situations «militaires». La crise pandémique, la crise climatique, la crise des réfugiés (crise «humanitaire») ne peuvent être résolues sans le travail conjoint de tous les pays importants, tout d’abord pour éliminer les inégalités, pour «égaliser» les indicateurs de développement socio-économique.

Du registre conservateur traditionnel, la seule mention est que notre valeur fondamentale est la famille, et plusieurs interventions dans la description détaillée du rôle de la Russie dans le règlement des conflits militaires. Le reste est extrêmement marqué à gauche, et je le répète, très actuel. La critique du globalisme libéral n’est pas motivé par une position du genre – «nous on n’est  pas d’accord» et «laissez-nous tranquilles», mais de la position du globalisme des personnes et de leurs besoins. L’ennemi n’est pas la mondialisation en tant que telle (c’est au contraire un allié – car seule l’humanité entière est capable de résoudre les problèmes), mais les bénéficiaires du modèle actuel de mondialisation sont les sociétés transnationales qui mettent l’accent sur les «détenteurs de plates-formes numériques».

Un discours très cohérent, sur tous les principaux points “douloureux” de l’ordre du jour et sur une base théorique solide. Un discours étonnant et un appel clair à des initiatives précisément mondiales dans le domaine de toutes sortes de «solidarité» dans le nouveau monde post-coronavirus, perçu comme une fenêtre d’opportunité.

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2 Commentaires

  • Undertaker
    Undertaker

    Mouais, je n’aime pas trop Thomas Piketty, il se dit économiste mais ne connait pas Marx comme le souligne le livre de A.Bihr et M. Husson “Une critique illusoire du Capital”. Une présentation du livre https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/241020/piketty-bases-theoriques-fallacieuses-et-programme-reformiste-illusoire

    Critique de ce livre par Morin : Le livre de A. Bihr et M. Husson sur T. Piketty – Une critique décisive, mais inaboutie sur le blog de mediapart : https://blogs.mediapart.fr/francois-morin/blog/140121/le-livre-de-bihr-et-m-husson-sur-t-piketty-une-critique-decisive-mais-inaboutie
    L’article re-corrigé par l’auteur : https://nrt.hypotheses.org/3627 plus récent.

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  • Méc-créant

    Comme le note Arias, peut-on parler se simple vaccin quand il s’agit d’utiliser par une nouvelle technologie l’ARN dit messager? On sait pourtant depuis quelques années que l’ARN peut ne peut pas être QUE “messager” mais être “agissant” (transcriptase inverse…). Il s’agit donc d’une méthode sur laquelle on ne possède aucun recul et, en particulier, aucune connaissance des effets “secondaires” sur les humains. Les vaccins plus classiques, il en existe plusieurs, présentent toujours quelques dangers éventuels, comme tous les vaccins, mais au moins a-t-on plus de chance de pouvoir en maîtriser les effets secondaires dangereux par l’expérience acquise chez les humains.Si c’est bien la destruction d’un grand service public de recherche et de santé, en livrant tout au privé, qui est en cause, il me semble que, bien davantage encore que la recherche de vaccins, c’est l’absence d’étude de traitements efficaces qui est inacceptable. En pensant au Plaquénil, aux antibiotiques anti-viraux, l’ivermectine, l’artémisia,…on se dit que plusieurs pistes méritaient largement d’être étudiées pour combattre et enrayer la pandémie. Sans oublier l’usage du zinc ou de vitamines particulièrement utiles. Mais, en effet, cela nécessiterait un service public de santé et de recherche…au service… de la santé et de la recherche et non au service de Big-pharma….
    Méc-créant.
    (Blog: “Immondialisation: peuples en solde!” ).

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