Cette fois laissons la parole àThe newyorker qui, une fois n’est pas coutume, laisse la parole à ceux qui dénoncent la fausse information inventée par des milliardaires de Hong kong et l’extrême droite américaine. Bien sur au passage tout cela est la faute de la Chine et à son manque de transparence. Alors que la Chine qui au départ ignorait la nature du mal a tout de suite transmis les informations aux scientifiques du monde entier, et le pouvoir central a sanctionné les autorités locales qui n’avaient pas accordé la publicité nécessaire. Mais si l’on excepte ces “détails”, l’article a le mérite d’aborder la question des sources et de la désinformation qui est celle non seulement des USA, mais de ses vassaux (note de danielle Bleitrach pour histoire et société)
Aux États-Unis, l’extrême droite et un pan de la diaspora chinoise se sont alliés pour offrir une tribune médiatique à une chercheuse de Hong Kong et ses théories infondées au sujet de la pandémie.
Credit…Matt Chase
By Amy Qin, Vivian Wang and Danny Hakim
- Nov. 27, 2020Read in English阅读简体中文版
Au départ, la Dre Li-Meng Yan souhaitait garder l’anonymat. C’était la mi-janvier, et la jeune femme, chercheuse à Hong Kong, avait commencé à entendre des rumeurs au sujet de l’émergence en Chine continentale d’un virus nouveau et dangereux, dont le gouvernement minimisait l’importance. Craignant pour sa sécurité personnelle et sa carrière, elle contacta son animateur de chaîne YouTube préféré, connu pour ses critiques du régime chinois.
Quelques jours plus tard, l’animateur en question annonçait à ses 100 000 abonnés que le coronavirus avait été volontairement disséminé par le Parti communiste chinois. Il ne pouvait pas nommer le lanceur d’alerte, disait-il, parce que les autorités risquaient de faire “disparaître” cette personne.
En septembre, la Dre Yan avait renoncé à toute prudence. Elle est apparue sur la chaîne américaine Fox News pour affirmer, sans preuve et devant des millions de téléspectateurs, que le coronavirus était une arme biologique développée par la Chine.
Du jour au lendemain, elle devint la coqueluche des médias de droite. Les principaux conseillers du président américain Donald Trump et les experts conservateurs la qualifiaient de héroïne. Presque aussi rapidement, son interview a été signalée sur les réseaux sociaux comme contenant des “fausses informations”. Des scientifiques ont par ailleurs rejeté les conclusions de ses recherches en disant qu’il s’agissait d’une polémique déguisée en pseudoscience.
Son ascension est le produit de la collaboration entre deux groupes distincts, mais dont l’alliance ne cesse de se renforcer, et qui colportent la désinformation : un pan restreint mais actif de la diaspora chinoise, d’une part, et la très influente extrême droite américaine, de l’autre.
Les deux groupes ont vu dans la pandémie l’occasion de promouvoir leurs objectifs. Pour ceux de la disapora chinoise qui veulent faire tomber le régime chinois, les affirmations infondées de la Dre Yan étaient d’excellents leviers pour parvenir à leurs fins. Quant aux conservateurs américains, ils y ont vu le moyen d’exploiter un sentiment antichinois en pleine croissance et de détourner l’attention de la mauvaise gestion de la pandémie par l’administration Trump.
Les deux camps bénéficiaient de la pénurie d’informations en provenance de la Chine. Pékin a en effet refusé de partager des échantillons du virus et s’est opposé à la tenue d’une enquête transparente et indépendante. Les tentatives initiales de dissimuler l’épidémie ont par la suite alimenté les soupçons sur l’origine du virus.
Une profusion de preuves montre que le virus provient presque certainement d’un animal — sans doute d’une chauve-souris — et qu’il a évolué avant de se transmettre à l’homme. Les services de renseignement américains n’ont pas écarté la possibilité qu’il se soit échappé d’un laboratoire, mais n’ont jusqu’à présent trouvé aucune preuve qui étaierait cette théorie.
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Le parcours de Li-Meng Yan a été soigneusement orchestré par Guo Wengui, un milliardaire chinois qui a fui son pays, et Stephen K. Bannon, un ancien conseiller de Donald Trump.
Les deux hommes ont fait venir la jeune femme par avion aux États-Unis, lui ont fourni un logement sur place, l’ont formée à la prise de parole devant les caméras et aidée à obtenir des interviews avec des animateurs conservateurs populaires comme Tucker Carlson et Lou Dobbs, qui ont des émissions sur Fox News. Ils ont conforté sa conviction, apparemment profonde, que le virus a été fabriqué génétiquement, et accepté sans sourciller les preuves qu’elle avançait.
“Je le dis depuis le premier jour: il n’y a pas de complot”, a déclaré M. Bannon dans une interview. “Mais je dis aussi qu’il n’y a pas de coïncidences.”
Contrairement à la Dre Yan, M. Bannon ne croit pas que le gouvernement chinois “ait agi intentionnellement”. Il est toutefois partisan de la théorie que le virus se serait accidentellement échappé d’un laboratoire de recherches à haut risque et il s’est montré déterminé à soulever un débat quant aux origines du nouveau coronavirus.
“La Dre Yan est une petite voix parmi d’autres, mais, au moins, elle est une voix”, dit-il.
Les médias qui s’adressent à la diaspora chinoise — un mél de sites web indépendants, de chaînes YouTube et de comptes Twitter appartenant à une mouvance anti-Pékin — sont une chambre de résonance en pleine expansion de la désinformation. Comme il existe très peu de sources fiables en langue chinoise qui permettraient de verifier les faits, les rumeurs se cristallisent rapidement en réalité déformée. Elles alimentent de plus en plus fréquemment les médias américains d’extrême droite — et inversement.
Wang Dinggang, l’animateur de la chaîne YouTube contacté par la Dre Yan, se trouve être un proche associé de M. Guo. Il semble avoir été le premier à lancer des rumeurs au sujet de Hunter Biden, un fils du président élu Joseph R. Biden Jr. Un site appartenant à M. Guo a en effet relayé des affirmations infondées sur l’implication présumée de Hunter Biden dans un réseau d’exploitation d’enfants, affirmations reprises ensuite par Infowars et d’autres sites extrémistes américains. M. Bannon, M. Wang et M. Guo défendent maintenant tous trois l’idée fausse selon laquelle l’élection présidentielle a été truquée.
Les grandes entreprises de technologie commencent à réagir, Facebook et Twitter cherchant notamment à mieux contrôler leurs contenus. Twitter a suspendu de façon permanente l’un des comptes de M. Bannon parce qu’il violait sa politique en matière d’incitation à la violence. L’ancien stratège de Donald Trump avait en effet proposé, dans son podcast, que les têtes du directeur du FBI et du Dr Anthony S. Fauci, le principal expert américain en matière de maladies infectieuses, soient placées sur des piques.
Mais leur notoriété sur les plateformes grand public n’a fait que renforcer leur crédibilité auprès de ceux qui contestent l’ordre établi. Le nombre d’abonnés à la chaîne YouTube de M. Wang a quasiment doublé depuis janvier. D’après SimilarWeb, une entreprise qui compile des données sur le web, le trafic sur deux des sites de M. Guo est passé de moins de cinq millions de visites en décembre 2019 à plus de 135 millions le mois dernier. De nombreux conservateurs qui affirment que Facebook et Twitter censurent les voix de droite migrent également vers de nouveaux réseaux sociaux tels que Parler — où la Dre Yan, M. Wang et M. Guo les ont déjà rejoints.
Par l’intermédiaire de représentants de M. Bannon et de M. Guo, la Dre Yan a rejeté nos multiples demandes d’interview. M. Wang a fait de même en citant “la réputation du New York Times en matière de fake news”, ou fausses nouvelles.
Dans une déclaration transmise par voie d’un avocat, M. Guo a indiqué qu’il n’avait fait qu’“encourager” les efforts déployés par la Dre Yan pour “s’opposer à la mafia du Parti communiste chinois et dévoiler au monde la vérité sur la Covid-19″.
“Je serais volontiers prêt à aider d’autres personnes à faire connaître la vérité”, a-t-il dit.
Trouver une tribune
Au début de 2020, M. Wang était occupé à faire ce qu’il fait le mieux, à savoir attaquer le Parti communiste chinois sur YouTube. Il dénonçait la répression menée par les autorités chinoises contre les musulmans et pontifiait sur la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis.
Puis, le 19 janvier, il a soudain focalisé son attention sur l’épidémie qui commençait à sévir à Wuhan, dans le centre de la Chine. C’était au commencement de la crise, avant que la ville ne soit confinée, avant que la Chine ne révèle que le virus se transmettait entre humains et que le monde ne prête attention à la situation.EL TIMES: El boletín diario de The New York Times en Español.Sign Up
Dans une vidéo de 80 minutes consacrée à un lanceur d’alerte anonyme, M. Wang affirmait que “la sommité, l’expert mondial absolu sur le coronavirus” lui avait dit que les autorités chinoises n’étaient pas transparentes. “Je trouve que c’est très plausible et que ça fait très peur”, a-t-il ajouté.
M. Wang, un homme d’affaires en Chine avant qu’il ne déménage aux États-Unis pour des raisons inconnues, est l’un des commentateurs de plus en plus nombreux qui ont fait leur apparition sur l’Internet en langue chinoise. Leurs émissions, qui proposent à la fois des avis d’experts, des analyses sérieuses et de pures rumeurs, s’adressent à une diaspora qui, souvent, ne fait pas confiance aux médias d’État chinois et n’a accès qu’à de rares sources d’information fiables dans sa langue maternelle.
Depuis qu’il a lancé sa chaîne YouTube il y a plusieurs années, M. Wang, dont le nom à l’écran est Lu De, est devenu l’une des personnalités les plus populaires du genre, notamment pour son adhésion à des théories farfelues. Il a accusé des responsables chinois d’avoir recours “au sexe et à la séduction” pour piéger leurs ennemis. Il a aussi exhorté son public à stocker des provisions alimentaires en prévision de l’effondrement du Parti communiste.
Sa vidéo en janvier sur le lanceur d’alerte anonyme avait recours au même mélange de faits et de fiction. Il décrivait sa source comme étant un expert — elle se révéla plus tard être la Dre Yan — mais en exagérait largement les qualifications.
La jeune femme avait étudié la grippe avant la pandémie, mais pas les coronavirus. Elle travaillait bien dans l’un des laboratoires de virologie les plus réputés au monde, à l’Université de Hong Kong, mais c’était un domaine relativement nouveau pour elle. D’après deux employés de l’Université qui l’ont côtoyée, elle avait été recrutée en raison de son expérience sur les animaux de laboratoire. Elle aidait à enquêter sur la nouvelle épidémie, mais n’était pas chargée de superviser l’opération.
La vidéo diffusée sur YouTube attira l’attention de M. Bannon, qui dit avoir commencé à s’inquiéter du virus quand la Chine a annoncé les premières mesures de confinement. Quelqu’un, dit-il, sans préciser de qui il s’agit, lui avait signalé l’enregistrement et en avait traduit le contenu.
Quelques mois plus tard, M. Wang a soudain prévenu la Dre Yan que, pour sa propre sécurité, elle devait fuir Hong Kong. C’est ce qu’il a expliqué dans des vidéos diffusées par la suite, ajoutant que M. Guo, son principal bailleur de fonds, avait payé pour elle un billet d’avion en première classe.
Le 28 avril, la jeune femme prenait discrètement la route de l’aéroport. D’après Jean-Marc Cavaillon, professeur d’immunologie à l’Institut Pasteur à Paris maintenant à la retraite, qui connaît la Dre Yan depuis 2017, sa famille et ses amis ont paniqué mais ne parvenaient pas à la joindre. Un signalement de personne disparue a été déposé à Hong Kong.
Deux semaines plus tard, Li-Meng Yan refaisait surface, cette fois aux États-Unis.
“Je suis à New York, détendue et en sécurité”, avec “les meilleurs gardes du corps et avocats”, écrivit-elle sur WeChat, selon une capture d’écran obtenue par The New York Times. “Ce que je fais maintenant, c’est aider le monde entier à contrôler la pandémie.”
Un relooking médiatique
Dès l’arrivée de la Dre Yan aux États-Unis, M. Bannon, M. Guo et leurs alliés entreprirent de la relooker en une lanceuse d’alerte qui passerait bien auprès du public américain.
Ils l’installèrent dans un “endroit sûr” à l’extérieur de la ville de New York et engagèrent des avocats, dit M. Bannon. L’anglais n’étant pas sa langue maternelle, ils ont recruté un coach média. Comme la Dr Yan l’a elle-même raconté plus tard, l’ancien conseiller de Donald Trump lui a également demandé d’écrire une série d’articles résumant ses prétendues preuves.
“Assurez-vous de pouvoir démontrer tout cela logiquement”, se rappelle lui avoir dit M. Bannon.
M. Bannon et M. Guo cherchent ouvertement, depuis des années, à provoquer la chute du Parti communiste chinois.Tracking Disinformation ›
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Guo Wengui, qui est aussi connu sous le nom de Miles Kwok, était un magnat de l’immobilier en Chine, bien introduit auprès de hauts responsables du Parti, avant de fuir le pays il y a environ cinq ans à la suite d’allégations de corruption. Depuis, il se désigne lui-même comme un combattant de la liberté, mais beaucoup sont sceptiques quant à ses motivations réelles.
Steve Bannon, qui a patrouillé sur la mer de Chine méridionale lorsqu’il était jeune officier de la marine, s’intéresse depuis longtemps à la Chine. Pendant son séjour à la Maison-Blanche, il a conseillé à M. Trump d’adopter une approche ferme envers le pays, qu’il décrit comme “la plus grande menace existentielle à laquelle les États-Unis ont jamais fait face”.
Grâce aux généreux moyens financiers de M. Guo et au vaste réseau de M. Bannon, les deux hommes ont beaucoup d’influence. Ils ont monté un fonds de 100 millions de dollars pour enquêter sur la corruption en Chine. Ils ont propagé des théories complotistes au sujet du décès accidentel en France d’un magnat chinois, le qualifiant de faux suicide orchestré par Pékin.
À la fin janvier, ils étaient tous deux très concentrés sur l’épidémie qui sévissait en Chine.
Le coronavirus devint le sujet central du podcast de M. Bannon. Il l’appelait “le virus du PCC”, acronyme du parti communiste chinois, bien avant que Donald Trump ne se mette à à tenir un langage xénophobe au sujet de la pandémie. Il s’entourait dans son émission de critiques virulents du régime chinois, pour parler du fait que la pandémie incarnait parfaitement la menace mondiale que représente le Parti communiste chinois.
M. Guo, quant à lui, s’est mis à affirmer que le virus était une attaque ordonnée par le vice-président chinois. Il diffusait des affirmations similaires sur son réseau de médias, qui inclut GTV, une plateforme vidéo, et GNews, un site dont la couverture de M. Guo et ses associés est toujours élogieuse. Il a même enregistré une chanson intitulée “Take Down the CCP”, ou abattez le PCC, qui s’est brièvement hissée au premier rang mondial sur iTunes.
Les deux hommes continuent de prendre le gouvernement chinois pour cible alors même qu’ils font chacun face à des problèmes juridiques. Le milliardaire chinois ferait l’objet d’une enquête des autorités fédérales américaines au sujet de collectes de fonds menées par son entreprise média. M. Bannon a été arrêté cet été à bord du yacht de M. Guo, accusé quant à lui de fraude en liaison avec une association qu’il a aidé à créer pour la construction d’un mur le long de la frontière avec le Mexique.
En la personne de Li-Meng Yan, les deux hommes ont trouvé pour leur campagne un visage idéal.
Elle a révélé son identité pour la première fois le 10 juillet lors d’une interview de 13 minutes sur le site web de Fox News. Elle y affirmait que le gouvernement chinois avait dissimulé des preuves de la transmission du virus entre humains. Sans preuve aucune, elle accusait des professeurs de l’Université de Hong Kong d’avoir participé aux manœuvres visant à étouffer l’affaire. (L’établissement a rapidement démenti ses accusations, les qualifiant de “ouï-dire”.)
“Si je suis venue aux États-Unis, c’est pour livrer la vérité sur la Covid-19”, disait-elle.
À dessein, elle ne faisait aucune mention de M. Guo ou de M. Bannon.
Dans sa propre émission, M. Guo raconte avoir dit à la Dre Yan : “Ne parle pas de Bannon, ne parle pas de Guo Wengui. Si tu parles de nous, les Américains d’extrême gauche t’attaqueront et diront que tu poursuis des objectifs politiques.”
Après la première interview sur Fox News, la Dre Yan entrepris une vaste tournée des médias de droite où elle abordait les sujets chers aux conservateurs. Elle a affirmé qu’elle prenait de l’hydroxychloroquine pour se protéger du virus, même si la FDA, l’agence américaine chargée d’autoriser la vente de médicaments, avait averti que le médicament n’était pas efficace. Elle a laissé entendre que l’Organisation mondiale de la santé avait contribué à dissimuler l’ampleur de l’épidémie.
Ces interviews ont été relayées sur les réseaux sociaux par des abonnés proclamant leur allégeance à M. Guo. Ils ont traduit ses interventions en langue chinoise, publié de multiples versions sur YouTube, et ont partagé sur Twitter des publications d’autres comptes pro-Guo.
Certains de ces comptes comptent des dizaines de milliers d’abonnés — à l’identité douteuse. Beaucoup ont des comportements dits non-authentiques, d’après une analyse par First Draft, une organisation sans but lucratif qui étudie la désinformation. Toujours selon cette analyse, ces comptes ont été créés dans les deux dernières années, contiennent très peu de photos et ont comme noms d’utilisateurs des séries de lettres et de chiffres.
Collectivement, ces abonnés ont prêté une grande visibilité aux médias conservateurs sur le web, ceux-ci dynamisant à leur tour les comptes pro-Guo. “Ils s’alimentent les uns les autres”, explique Anne Kruger, directrice de First Draft pour la région Asie-Pacifique.
Le passage aux médias grand public
Début septembre, Li-Meng Yan rencontra le Dr Daniel Lucey, un spécialiste des maladies infectieuses de l’Université Georgetown qui avait évoqué la possibilité que le virus soit le résultat d’une expérience menée en laboratoire. Le Dr Lucey dit que les associés de la Dre Yan, qui avaient organisé la rencontre, cherchaient un scientifique crédible pour appuyer leurs affirmations. “C’est la seule raison qui explique qu’on m’ait contacté”, dit-il.
Pendant plus de quatre heures, la jeune femme lui a exposé son parcours et ses recherches, tandis qu’un de ses associés, que le Dr Lucey n’a pas souhaité nommer, entrait et sortait fébrilement de la pièce. Le Dr Lucey dit que la scientifique semblait véritablement croire que le virus avait été instrumentalisé à des fins d’agression, mais qu’elle peinait à expliquer pourquoi.
À la fin, l’associé a demandé au Dr Lucey s’il estimait que la Dre Yan avait entre les mains “des preuves irréfutables”. Il a répondu que non, et la rencontre a très vite pris fin.
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Quelques jours plus tard, la Dre Yan publiait un article de recherche de 26 pages qui, affirmait-elle, prouvait que le virus avait été fabriqué. Le document s’est rapidement diffusé en ligne.
L’article, qui n’a pas fait l’objet d’une évaluation par des pairs ni été publié dans aucune revue scientifique, a été mis en ligne sur un site web en libre accès. Il bénéficiait du soutien de deux organisations sans but lucratif financées par M. Guo. Les trois autres auteurs de l’article, dit M. Bannon, ont utilisé des pseudonymes pour des raisons de sécurité.
Le document a rapidement été réfuté par nombre de virologues comme étant de la “pseudoscience” dont le contenu est “fondé sur des conjectures”. Certains se sont inquiétés que le document — bourré de schémas et de jargon scientifique comme “site unique de clivage de la furine” ou “liaison RBM-hACE2” — donnait à ses affirmations une apparence de crédibilité.
“C’est un ramassis de termes pseudoscientifiques assemblés pour donner une impression de compétence, mais qui, en réalité, n’ont aucun fondement”, selon Gigi Kwik Gronvall, une immunologue à l’Université Johns Hopkins qui a participé à la rédaction d’une réponse à l’article de la Dre Yan.
D’autres fausses informations circulant au sujet de la pandémie s’appuient, de la même façon, sur une présumée expertise. Au printemps, une vidéo de 26 minutes, dans laquelle une scientifique américaine discréditée accusait les hôpitaux de gonfler les chiffres des décès liés au virus, est devenue virale. Une autre vidéo postée en juillet montrait des femmes et des hommes en blouses blanches qui se décrivaient comme “les médecins des États-Unis” et laissaient entendre que les masques étaient inefficaces. La vidéo a été retirée par les principaux réseaux sociaux parce qu’elle contenait des informations fausses.
Le lendemain de la publication de l’article, le 15 septembre, la Dre Yan décrochait une tribune particulièrement convoitée : elle était invitée au talk-show de Tucker Carlson sur Fox News. La populaire émission de M. Carlson sert souvent de porte-voix pour la droite.
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L’animateur demanda à la Dre Yan si elle pensait que les autorités chinoises avaient introduit le virus intentionnellement ou par accident. La jeune femme répondit sans hésiter : “Intentionnellement, bien sûr”.
L’interview est devenue virale.
En dépit des mises en garde par Facebook et Instagram qui l’ont signalée comme contenant de fausses informations, la video a atteint 8,8 millions de vues en ligne. D’importantes figures conservatrices l’ont partagée sur Twitter, dont la sénatrice du Tennessee Marsha Blackburn. Un post au sujet de la Dre Yan par Franklin Graham, un révérand évangéliste et supporter de M. Trump, a été le lien le plus partagé ce jour-là à partir d’un compte Facebook basé aux États-Unis.
Lou Dobbs, un autre animateur de Fox, a publié sur Twitter une vidéo dans laquelle il évoque avec un invité le “formidable argumentaire” présenté par la Dre Yan. M. Trump a partagé la publication sur son compte.
C’est un public convaincu d’avance qui accueillait la Dre Yan. Un sondage réalisé en mars révélait que près de 30 % des Américains croient que le virus a très probablement été fabriqué en laboratoire.
“Une fois que Tucker Carlson en parle, ce n’est plus un sujet marginal”, explique Yotam Ophir, un professeur de l’Université de Buffalo qui étudie la désinformation. “Ça devient un sujet grand public.”
Fox News a refusé de commenter.
Quelques semaines plus tard, M. Carlson a dit lors de son émission qu’il ne saurait endosser les théories de la Dre Yan. Il l’a malgré tout réinvitée pour l’interroger sur sa plus récente affirmation, à savoir que sa mère avait été arrêtée par le gouvernement chinois.
Il n’est pas rare que les autorités chinoises punissent les critiques du régime en harcelant leur famille. Mais quand le New York Times a joint la mère de la Dre Yan sur son téléphone portable, en octobre, elle a dit qu’elle n’avait jamais été arrêtée et qu’elle cherchait par tous les moyens à prendre contact avec sa fille, à qui elle n’a pas parlé depuis des mois.
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Elle n’a pas voulu en dire plus et a demandé à garder l’anonymat. Elle craint en effet que sa fille ne soit manipulée par ses nouveaux alliés.
“Ils empêchent notre fille de nous parler”, a dit sa mère à propos de M. Guo et M. Wang. “On veut que notre fille sache qu’elle peut nous appeler en vidéo-chat à n’importe quel moment.”
Amy Chang Chien a contribué aux recherches pour cet article.
Amy Qin is an international correspondent for The New York Times covering the intersection of culture, politics and society in China. @amyyqin
Vivian Wang is a China correspondent. Previously, she covered New York State politics for the metro desk. She was raised in Chicago and graduated from Yale University. @vwang3
Danny Hakim is an investigative reporter for the business section. He has been a European economics correspondent and bureau chief in Albany and Detroit. He was also a lead reporter on the team awarded the 2009 Pulitzer Prize for Breaking News. @dannyhakim • Facebook
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