Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

‘George Orwell ou la lutte de la CIA contre le “totalitarisme”

En toute simplicité et parce qu’il faut bien appeler un chat un chat, il me paraît nécessaire de dénoncer ceux que l’on promeut au panthéon de la gauche, j’ai quelques antipathies particulières qui vont d’Olympes de Gouges à Orwell, en passant par le démocrate Juan Carlos et les “résistants” Mitterrand, Gaston Deferre dans un genre mineur, ces gens dont la promotion relève du négationnisme historique. Ces personnages sont destinées à nous faire avaler au nom d’une vision petite bourgeoise de l’émancipation, la haine de la Révolution. A tout seigneur tout honneur, voici un des pires : Georges Orwell.

22JAN

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Paradoxalement les révélations de Julian Assange et le rôle de big brother joué par la CIA y compris grâce à nos objets de la vie quotidienne ont conduit certains commentateurs à  multiplier les références à l’œuvre de Georges Orwell: 1984.

Pourtant le personnage fut lui-même par anticommunisme forcené un agent de ladite CIA. Il ne se contenta d’ailleurs pas d’établir des fiches sur les communistes mais également sur les homosexuels, sur des noirs, des juifs soupçonnés d’être sensibles à l’URSS et à son rôle dans la décolonisation comme dans la lutte contre le nazisme. La « liste d’Orwell » livrée à la CIA telle qu’elle est parvenue à notre connaissance est riche en remarques antisémites, anti-Noirs et antihomosexuelles (à une période où l’accusation d’homosexualité pouvait entraîner des poursuites judiciaires).

Le 11 juillet 1996, un article, publié dans le quotidien anglais The Guardian, explique que George Orwell, en 1949, a collaboré avec l’Information Research Department (une section du ministère des Affaires étrangères britannique liée aux services de renseignements) par l’intermédiaire d’une fonctionnaire de celui-ci : Celia Kirwan. Orwell aurait livré à cet agent une liste de noms de journalistes et d’intellectuels « cryptocommunistes », « compagnons de routes » ou « sympathisants » de l’Union soviétique. La réalité de cette collaboration est prouvée par un document déclassifié la veille par le Public Record Office.

L’information est relayée en France principalement par les quotidiens Le Monde (12 et 13 juillet 1996) et Libération (15 juillet 1996). Le public français apprend à cette occasion que l’auteur de 1984 « dénonçait au Foreign Office les « cryptocommunistes » » (Le Monde, 13 juillet 1996). Dans son numéro d’octobre 1996, le magazine L’Histoire va plus loin encore, expliquant qu’Orwell aurait « spontanément participé à la chasse aux sorcières » organisée contre les intellectuels communistes par le Foreign Office.

Mais c’est le livre de la Britannique Frances Stonor Saunders The CIA and the Cultural Cold War (Granta, 1999) (Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle, Denoël, 2003, épuisé mais que je possède et qui mériterait une réédition) qui va avec d’autres non traduits (1) révéler réellement qui était le personnage et pourquoi il est logiquement l’idole qui a accompagné la révolution conservatrice et certains trotskistes qui sont en fait les meilleurs alliés de Soros, même s’ils feignent un anti-impérialisme de bon aloi. On les retrouve partout où effectivement Soros mène ses bonnes œuvres, en Crimée, par exemple toujours prêt à dénoncer le nouveau big brother, celui que désigne la CIA qu’il s’agisse de quelques pays du Moyen orient ou de la Chine… ce sont les mêmes qui ne craignent pas de taxer Aragon d’être une crapule « stalinienne ». Bref les disciples d’Orwell… qui ont désormais leurs entrées à l’Humanité et dans la presse dite communiste…

Mais selon le livre très documenté de Frances Stonor Saunders celui avec qui va s’élaborer la théorie n’est pas Orwell mais Koestler : « la destruction du mythe communiste ne pouvait être accomplie qu’en mobilisant les personnalités aussi bien de gauche que non communistes dans une campagne de persuasion (…) Effectivement, pour la CIA, la stratégie de promotion de la gauche non communiste allait devenir le fondement théorique des opérations de l’Agence contre le communisme durant les deux décennies suivantes (2) » (cité par Frances Stonor saunders p.73-74)

L’Humanité et ceux qui depuis des décennies dirigent le PCF semblent incontestablement « agis » et il a fallu que je passe par Cuba où on est très attentif et pour cause à ce genre d’influence pour le découvrir, mais il est évident que le travail idéologique accompli depuis des décennies sur les communistes a émoussé l’attention. Le fait est que la direction de l’Humanité et celles du PCF, voire syndicales, ont exactement suivi la tactique de la CIA: mobiliser contre le marxisme et contre l’histoire du parti des gens de gauche non communiste et même clairement anti-communiste et faire régner une censure impitoyable sur tous les intellectuels désignés comme « staliniens », en fait communistes.

La théorie fondatrice de la CIA qui permettait d’établir une forte convergence entre les membres recrutés fut présentée par Schlesinger dans The Vital center, l’un des trois livres les plus influents publiés en 1949 et dont la CIA assura la promotion (les deux autres étant Le Dieu des Ténèbres de Koestler et 1984 d’Orwell).

Le thème de Schlesinger est celui du ralliement possible de la gauche non communiste dont Frances Saunder décrit les importants moyens financiers, presse, revue dont ils vont jouir : il « dresse une carte du déclin de la gauche et son éventuelle paralysie morale à la suite de la Révolution corrompue de 1917, et définit « l’évolution de la gauche non communiste » comme l’étendard auquel il fallait se rallier pour tailler un « espace de liberté ». Il ne fallait laisser aucune « lampe à la fenêtre pour guider les communistes ».

Quand un gouvernement européen qu’il s’agisse de la France du Programme commun sur laquelle Mitterrand a fait une OPA, sur le gouvernement portugais actuel et même sur l’espagnol, tout l’enjeu reste de minimiser la place des communistes et d’organiser une pression sur leur totalitarisme par rapport à une gauche elle considérée comme défendant les libertés. Il est évident comme je l’analyse dans mes mémoires qu’un certain nombre de dirigeants communistes ont trempé dans ce projet et il faut voir ce qu’a été l’eurocommunisme. Il est probable que cela ne se fera pas de mon vivant.

D’ailleurs l’art et la manière de certains “dirigeants” du PCF, qui n’ont plus d’autre politique internationale que celle d’une gauche passée avec arme et bagage dans l’atlantisme, de tomber toujours du côté des “bonnes œuvres de la CIA” interroge: devant une telle constance il y a là un défi du calcul des probabilités de la simple incompétence…

Danielle Bleitrach

(1) Annie Lacroix dans un article au Monde Diplomatique cite un certain nombre des autres auteurs anglo-saxons qui ont éclairé ce rôle désormais bien connu de Georges Orwell, on citera en particulier : Richard J. Aldrich, The Hidden Hand : Britain, America, and Cold War Secret Intelligence (John Murray, 2001) ; James Smith, British Writers and MI5 Surveillance, 1930-1960 (Cambridge University Press, 2013), en particulier le chapitre sur Orwell et Arthur Koestler, p. 110-151 ; Andrew Defty, Britain, America and Anti-Communist Propaganda, 1945-1953 : The Information Research Department (Routledge, 2004). Orwell, idole des neocons de plus en plus vénérée depuis les années 1980 ? Il n’y a pas maldonne.

2) Michaël Warner « Origin of The Congress for cultural Freedom. studies in Intelligence, vol 38/5, été 1995. Historien travaillant pour la CIA, Michaël Warner, a pu consulter les dossiers classés inaccessibles aux autres chercheurs mais étant de la maison il commet inexactitudes et omissions dont il faut se méfier.

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4 Commentaires

  • papadopoulos georges
    papadopoulos georges

    Et bien oui, article eclairant sur la descente aux enfers de l’anti communisme. Certains de mes amis, democrates ou de gauche me donnent des maux de tete dans des discutions sans fin ou finalement se revele un anti communisme digne des pires des propagandes. Et cela un peu malgre eux, dans la mesure ou ils se desalterent politiquement dans des sources tres biens organisees comme l’indique cet article. La bataille ideologique n’est pas encore gagnee, je dois en convenir, et la vigilence du PCF a depuis belle lurette ete prise en defaut. C;est le moins que je puisse dire. En fait c’est d’une trahison qu’il s’agit.

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  • Andrés Bryant
    Andrés Bryant

    Le titre de l’article donne à entendre pour le lecteur non-averti, tout juste le contraire de ce qu’on trouve (heureusement) dans l’article. C’est grave pour ceux qui ne liront pas l’article et se trouveront confirmés ainsi un peu plus dans leur (fausse) opinion. La lutte contre le totalitarisme de la CIA ce n’est pas un combat d’Orwell comme le suggère le titre tel qu’il est formulé. C’est le contraire : il faut lire (corriger) ‘George Orwell : la lutte de la CIA contre le “totalitarisme” ‘ Eh oui.

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  • Bernard Trannoy
    Bernard Trannoy

    Attention défaut sur ton site il ne semble plus gérer les flux RSS

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  • Gilson Jean-Marie
    Gilson Jean-Marie

    Plus moyen d’avoir l’article en entier

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