qui a connu Alvaro Cunhal se souvient de son charisme, de la puissance de son engagement. Dans les années quatre-vingt, il a réussi incontestablement à faire échapper son parti au broyeur de l’eurocommunisme… Mais ce livre dans lequel il décrit ce qu’est l’organisation communiste, le choix des cadres, le sens d’un congrès devrait intéresser au-delà des communistes portugais si l’on veut un parti de militants et pas simplement un canada dry de la social-démocratie… (note et traduction de Danielle Bleitrach).
par ALBANO NUNES
PARTIDO , EDITION Nº 367 – JUIL / AOÛT 2020
Il y a 35 ans, en août 1985, a été publiée la première édition du Parti aux murs de verre, un essai (par Álvaro Cunhal) destiné à «la fois aux membres du Parti et à ceux qui l’observent de l’extérieur», conçu dans le but de «dire avec vérité comment nous sommes, comment nous pensons, comment nous agissons, comment nous combattons, comment nous vivons, nous les communistes portugais. Tout sera dit, rendant les murs de notre Parti transparents, pour que les étrangers puissent observer le Parti comme à travers des murs de verre ». 1
«Le Parti aux murs de verre, synthétisant la riche expérience de longues années de lutte et systématisant les principes, analyses, orientations, caractéristiques, comportements, styles de travail, nous montre à la fois le Parti que nous sommes et le Parti que nous voulons être, montre avant tout ce que, étant donné des traits forts et positifs de leur héritage, les communistes portugais doivent préserver et développer comme caractéristiques de l’identité communiste du PCP – le marxisme-léninisme, la nature de classe, la démocratie interne, mais aussi le lien avec la classe ouvrière et les masses, le projet révolutionnaire, l’internationalisme – et les pratiques, comportements et affleurements négatifs qui doivent être contrecarrés, combattus et éliminés ». 2
Lee parti aux murs de verre est donc un travail indispensable pour quiconque veut savoir ce qu’est le PCP et ce qu’il veut être et en même temps un instrument précieux pour la formation politique et idéologique des membres du Parti. La clarté et le sens pédagogique en abordant les principaux aspects de la nature de classe et de la pratique révolutionnaire du Parti et les éléments précieux sur l’histoire du PCP qui illustrent le processus complexe dans lequel les caractéristiques fondamentales du Parti ont été forgées, sont des traits de ce travail au contenu idéologique dense et profondément accessible à sa compréhension. Un travail qui a encore plus de valeur, ayant la marque indubitable de la rigueur et du style didactique d’Álvaro Cunhal et étant signé par lui, fait partie du travail collectif du Parti et sa publication a été approuvée par le Comité politique du Comité central.
Écrit à un carrefour de la vie internationale, quelques années avant les événements dramatiques qui ont conduit à la défaite du socialisme en URSS et en Europe de l’Est, dans un contexte où, si certaines manifestations de faiblesse et de dégénérescence étaient déjà perceptibles, la perspective en ce qui concerne le développement mondial s’est révélé trop optimiste 3, l’œuvre n’a perdu de sa pertinence ni en interne au Portugal, ni par rapport au mouvement communiste et révolutionnaire international. Au contraire. En effet, l’expérience historique concrète du PCP a montré tant de principes et de pratiques qui sont à la base d’une force capable de traverser ensemble les situations les plus complexes et adverses et de rester ferme dans son lien avec les masses populaires et le projet communiste, comme le dangers d’affaiblir et de violer les caractéristiques de base d’un parti communiste comme cela s’est produit dans les processus contre-révolutionnaires dans les pays socialistes, une question que le XIIIe Congrès (extraordinaire) du PCP approfondirait cinq ans plus tard. L’avant-propos d’Álvaro Cunhal à la 6e édition du Parti aux Murs de Verre (Février 2002) est un magnifique exemple de principes fermes, de solides convictions et d’honnêteté révolutionnaire. Tirer les leçons de l’expérience, apprendre des succès et des erreurs est une constante dans l’histoire du Parti qui est très présente dans ce travail unique. Apprendre à consolider ou à corriger, à ne jamais réviser ou renier les principes. «Apprenez, apprenez, apprenez toujours» mais pour continuer le combat avec plus de connaissances, plus de sécurité et plus de confiance. L’«autocritique» due à un optimisme excessif s’accompagne de la démonstration que les défaites du socialisme ne démentent pas les extraordinaires avancées libératrices accomplies avec l’intervention des communistes tout au long du XXe siècle et que le titre du premier chapitre reste pleinement valable – «Temps glorieux de histoire de l’humanité ».
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Une caractéristique qui rend ce livre particulièrement didactique et accessible pour comprendre son contenu réside dans la manière concrète et frontale, étroitement liée à la réalité et à l’expérience pratique des membres du Parti, car toutes les questions liées à la vie sont exposées et «discutées». Chacun des militants communistes y trouvera quotidiennement des problèmes traités, du travail du Direction à la politique des cadres, de l’organisation et du fonctionnement du Parti à la question centrale de l’unité et de la cohésion du parti, de la discipline ou à la formation morale des communistes. C’est pourquoi, il faut avertir contre toute illusion d’y trouver des réponses toutes faites – une tentation qu’Álvaro Cunhal a toujours combattue, notamment en se référant à la valeur incalculable des œuvres du marxisme-léninisme classique -, leParti aux murs de verre est un outil précieux pour le développement réussi de votre activité de parti.
Ceci, qui est vrai de tous les aspects de la vie et de l’activité du PCP, est particulièrement vrai des cadres, le bien le plus précieux du Parti. Le chapitre “Cadres et leur valeur” mérite d’être lu et médité à la lumière des tâches exigeantes de renforcement de l’organisation du Parti et du rôle décisif que jouent les cadres, permanents et non-permanents dans la mise en œuvre des orientations et des objectifs indiqués par le Comité Central. Des cadres qui ont les mêmes droits et devoirs que les autres membres du Parti, mais dont l’expérience et la disponibilité révolutionnaire sont indispensables pour le fonctionnement du Parti, pour le dynamisme de sa vie politique interne, pour l’efficacité de son intervention. C’est pourquoi les connaissances, la formation, la responsabilité et la promotion de cet encadrement, ainsi que la solution équitable aux problèmes de l’encadrement, c’est l’un des aspects les plus importants et les plus exigeants du travail de gestion. Un noyau solide et large de cadres est indispensable pour un parti qui vise le dépassement révolutionnaire du capitalisme et la construction d’une nouvelle société sans exploiteurs ni exploités.
À l’heure actuelle, le Parti est particulièrement déterminé à consolider et à élargir son personnel de base. Le succès de l’action des 5 000 contacts avec les travailleurs actifs doit se poursuivre avec l’attribution des tâches et l’insertion de nouveaux membres du Parti dans une organisation, l’attention à leur formation, la sélection et la promotion des camarades qui révèlent les plus grandes qualités. Une promotion réfléchie mais confiante et audacieuse avec la certitude que les cadres se révèlent et se développent dans la lutte elle-même et dans le cadre de la pratique du travail collectif qui est au cœur du fonctionnement démocratique du PCP. En travaillant avec ces orientations, il sera sans aucun doute possible d’atteindre les objectifs de maintien de 100 camarades en charge par cellules et de création de 100 nouvelles cellules d’entreprise, de lieu de travail et de secteur d’ici mars 2021.
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Le Parti aux murs de verre occupe une place de choix dans la bibliographie du PCP et à propos de celui-ci. C’est un travail que tous les cadres et militants communistes doivent toujours avoir sous la main et qui est particulièrement riche à revisiter dans le cadre de la préparation du 21e Congrès du Parti et des célébrations du centenaire du plus vieux et du plus jeune des partis politiques portugais. Nous y trouvons ce que nous devons préserver et améliorer dans notre organisation et notre intervention, comme ce que nous devons éviter ou corriger pour continuer à être une grande force révolutionnaire, avant-garde de la classe ouvrière et de tous les travailleurs.
À propos des congrès du PCP
«Les congrès et conférences nationaux du Parti et les assemblées d’organisations jouent un rôle extrêmement important dans la vie du parti et constituent l’une des manifestations les plus riches du centralisme démocratique.
Dans des conditions de clandestinité, malgré les difficultés existantes et les restrictions imposées pour des raisons de sécurité, les congrès du Parti ont joué un rôle important dans l’établissement de critères démocratiques dans la vie intérieure.
Après le 25 avril, il y a eu de grandes réalisations qui affirment le développement créatif du centralisme démocratique. De congrès en congrès – le VII (extraordinaire) en 1974, le VIII en 1976, le IX en 1979, le X en 1983 – le caractère collectif, en termes politiques, organisationnels et techniques, de toute la préparation et de la réalisation a été souligné.
Impliquant tout le Parti, du Comité central aux organisations de base, les congrès sont une affirmation exaltante du grand collectif qu’est le PCP. Les congrès sont le collectif pour penser, travailler, réaliser, décider, dans un engagement conjoint enthousiaste qui donne une juste mesure de la façon dont l’orientation politique du PCP, l’activité intense, l’unité et la discipline sont inséparables de la démocratie interne. »
Le parti aux murs de verre, 6e éd., 2002, p. 124-125
Sur les connaissances et la formation des cadres
«S’agissant de la politique des cadres du Parti, trois aspects fondamentaux sont généralement mentionnés: la connaissance des cadres, leur préparation et leur formation, leur sélection et leur promotion.
La politique des cadres comporte de nombreux autres aspects importants. Mais il a pour pierre angulaire la définition de lignes directrices liées aux trois aspects mentionnés.
La connaissance du cadre est l’un des aspects les plus complexes, sinon les plus complexes, de la politique des cadres.
La connaissance des cadres peut être considérées dans un sens restreint et large.
Dans un sens restreint, il se limite à vérifier l’activité que chaque membre du Parti exerce à un moment donné ou dans une période de temps donnée. Cette connaissance est relativement facile, même si le jugement de valeur de cette activité n’est pas toujours certain.
Au sens large, la connaissance signifie la connaissance de sa personnalité, de ses qualités et défauts, de ses potentialités, impliquant une opinion sur la perspective de son développement, c’est une connaissance extrêmement plus difficile.
Il est faillible, parfois dangereux, de fonder la connaissance de tel ou tel cadre du Parti sur une seule opinion individuelle.
L’expérience montre que les critères d’évaluation individuels sont très différents. Il y a des camarades qui apprécient chez les autres le dynamisme de leur action, d’autres le sérieux de la conduite partisane, d’autres la capacité politique, d’autres la discipline, d’autres qualités et caractéristiques diverses. De même, il y a des camarades qui, dans leur appréciation, accordent plus ou moins d’importance à tels ou tels défauts.
L’expérience montre que, avec une fréquence relative, l’opinion sur les images, qui se forme dans un organisme par l’information ou l’opinion personnelle d’un camarade, doit être corrigée plus tard, parfois radicalement.
La complexité même de la question suggère que la connaissance du personnel est le résultat d’un travail collectif.
Il est également faillible, et aussi parfois dangereux, de fonder la connaissance de tel ou tel cadre sur l’appréciation d’une qualité ou d’un défaut isolé, d’une attitude ou d’une procédure positive ou négative, d’un succès important ou d’une erreur grave, d’un ou un autre moment isolé de votre vie et de votre activité.
L’évaluation correcte doit prendre en compte les multiples caractéristiques, les vertus et les défauts, son présent et son histoire.
La complexité même de la question suggère que l’évaluation du personnel est globale.
La préparation et la formation du personnel est un travail aux aspects extrêmement diversifiés, mais qui contient, comme ligne directrice fondamentale, l’assimilation de principes liés à l’activité pratique.
Parfois, lorsqu’on parle de préparation et de formation du personnel, c’est presque exclusivement en vue de leur préparation et de leur formation idéologique.
Ils ont sans aucun doute un rôle important dans la préparation et la formation du cadre. Pour cette raison, l’aide politique, l’étude en général et l’étude du marxisme-léninisme en particulier, la participation aux débats, la fréquence des cours, sont des aspects significatifs et parfois déterminants de la préparation du personnel.
Mais la préparation et la formation du personnel ne se limitent pas à la préparation et à la formation idéologiques. D’autres aspects inséparables sont la capacité acquise dans l’exécution des tâches qui leur sont confiées, le sens croissant des responsabilités, la formation du caractère.
C’est dans ces différentes directions que se développe l’accompagnement et l’aide du personnel pour sa préparation et sa formation. »
Álvaro Cunhal, Le parti aux murs de verre, 6e éd., 2002, p. 149-151
Notes
(1) Álvaro Cunhal, La Fête aux murs de verre, éditions «Avante!» , 6e éd., Lisbonne, 2002, p. 27-28. ↲
(2) «Le Parti que nous sommes et voulons être», dans O Militante , mai-juin / 2010, p. 14. ↲
(3) «La perspective présentée dans l’essai doit donc être présentée avec un esprit autocritique que, au XXe siècle, les victoires du socialisme en concurrence avec le capitalisme se poursuivraient de manière irréversible jusqu’à la victoire finale». ( En préface à la 6e édition de The Party with Glass Walls, p. 13). ↲
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