Histoire et société

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Mais pourquoi s’obstinent-ils à se référer aux erreurs de la Chine ? par Jim O’neill, président de Chatham House

« Ce qui est moins clair, c’est pourquoi d’autres pays pensent qu’il est dans leur intérêt de continuer à se référer aux erreurs initiales de la Chine, plutôt que de travailler à des solutions. »

Ainsi parle le président de Chatham House, le thinktank semi officiel du gouvernement britannique depuis exactement cent ans en matière d’affaires étrangères.

Chatham House est une autorité et une source d’information pour les organisations cherchant des connaissances de fond ou d’expertise sur des sujets impliquant des grandes questions internationales.

En plus des membres corporatifs que sont les ministères, les grandes entreprises, les institutions académiques, les banques d’investissement, des ONG, des compagnies d’énergie et d’autres organisations, les membres individuels de Chatham House comprennent actuellement des leaders internationaux du monde des affaires, de la diplomatie, des sciences, de la politique et des médias.

Chatham House est donc une autorité en matière d’affaires étrangères.  Il est à espérer que le gouvernement britannique ne soit pas sourd à ses conseils, et le reste de l’Europe à leur suite. (traduction et note de Catherine Winch pour histoire et societe)

Texte de Jim O’Neill, président de Chatham House

15 avril 2020

Les premiers efforts des responsables chinois pour dissimuler l’épidémie de coronavirus étaient terriblement malavisés. Mais quiconque continue à se concentrer sur les manquements de la Chine au lieu de travailler à une solution commet essentiellement la même erreur.

Alors que la crise COVID-19 fait rage, les débats sur le rôle de la Chine dans cette crise se poursuivent. D’après ce que l’on sait, il est clair que certains responsables chinois ont commis une grave erreur fin décembre et début janvier, lorsqu’ils ont tenté d’empêcher la divulgation de l’épidémie de coronavirus à Wuhan, allant même jusqu’à faire taire les professionnels de la santé qui tentaient de sonner l’alarme.

Les dirigeants chinois devront vivre avec ces erreurs, même s’ils parviennent à résoudre la crise et à adopter des mesures adéquates pour prévenir une nouvelle épidémie. Ce qui est moins clair, c’est pourquoi d’autres pays pensent qu’il est dans leur intérêt de continuer à se référer aux erreurs initiales de la Chine, plutôt que de travailler à des solutions.

Pour de nombreux gouvernements, faire honte à la Chine semble être une manœuvre visant à détourner l’attention de leur propre manque de préparation. Tout aussi inquiétantes sont les critiques croissantes contre l’Organisation mondiale de la santé (OMS), notamment par Donald Trump qui a attaqué l’organisation – et menace de retirer le financement américain – pour avoir soi-disant manqué à son obligation de faire rendre des comptes au gouvernement chinois.

Inutile et dangereux

À l’heure où la première priorité mondiale devrait être d’organiser une réponse globale et coordonnée à la double crise sanitaire et économique déclenchée par le coronavirus, ce jeu des reproches n’est pas seulement inutile mais dangereux.

Au niveau mondial et national, nous devons tous faire tout notre possible pour accélérer la mise au point d’un vaccin sûr et efficace, tout en intensifiant les efforts collectifs pour déployer les outils diagnostiques et thérapeutiques nécessaires pour maîtriser la crise sanitaire.

Étant donné qu’il n’existe aucune autre organisation mondiale de la santé ayant la capacité de faire face à la pandémie, l’OMS restera l’élément central de la solution, que cela plaise ou non à certains dirigeants politiques.

Ayant eu affaire à l’OMS à un degré modeste lorsque j’étais président de la commission indépendante britannique sur la résistance aux antimicrobiens (AMR), je peux dire que cette organisation est similaire à la plupart des grandes organisations internationales bureaucratiques.

Comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et les Nations unies, elle n’est pas particulièrement dynamique ni encline à sortir des sentiers battus. Mais plutôt que de critiquer ces organisations du dehors, nous devrions nous efforcer de les améliorer.

Dans la crise actuelle, nous devrions tous faire tout notre possible pour aider l’OMS et le FMI à jouer un rôle efficace et de premier plan dans la réponse mondiale. Comme je l’ai déjà dit, le FMI devrait élargir la portée de ses évaluations annuelles au titre de l’article IV pour y inclure les systèmes nationaux de santé publique, étant donné qu’il s’agit de déterminants essentiels de la capacité d’un pays à prévenir ou au moins à gérer une crise comme celle que nous traversons actuellement.

J’ai même soulevé cette idée auprès des fonctionnaires du FMI eux-mêmes, pour me faire dire que ces rapports ne relèvent pas de leur compétence parce qu’ils n’ont pas l’expertise nécessaire. Cette réponse n’était pas satisfaisante à l’époque, et elle ne l’est certainement pas aujourd’hui.

Si le FMI ne dispose pas de l’expertise nécessaire pour évaluer les systèmes de santé publique, il devrait l’acquérir. Comme la crise COVID-19 l’a clairement montré, il n’y a pas de distinction utile à faire entre la santé et la finance. Les deux domaines sont profondément interconnectés et doivent être traités comme tels.

Si l’on réfléchit à une réponse internationale à l’urgence sanitaire et économique actuelle, l’analogie évidente est la crise financière mondiale de 2008 qui a débuté par une bulle immobilière américaine ingérable, alimentée par l’épargne étrangère en raison du manque d’épargne intérieure aux États-Unis.

Lorsque la bulle a finalement éclaté, de nombreux autres pays ont subi plus de dommages que les États-Unis, tout comme la pandémie COVID-19 a frappé certains pays beaucoup plus durement qu’elle n’a frappé la Chine.

Et pourtant, peu de pays dans le monde ont cherché à montrer du doigt les États-Unis pour avoir provoqué une bulle immobilière massivement destructrice, même si les cicatrices de cette précédente crise sont encore visibles. Au contraire, nombreux sont ceux qui ont salué le retour de l’économie américaine à une croissance soutenue ces dernières années, car une économie américaine forte profite au reste du monde.

Ainsi, plutôt que d’appliquer deux poids deux mesures et de nous focaliser sur les erreurs indubitablement importantes de la Chine, nous ferions mieux de considérer ce que la Chine peut nous apprendre. Plus précisément, nous devrions nous attacher à mieux comprendre les technologies et les techniques de diagnostic que la Chine a utilisées pour maintenir son bilan – apparent – si bas par rapport à d’autres pays, et pour relancer certaines parties de son économie dans les semaines qui ont suivi le pic de l’épidémie.

Et dans notre propre intérêt, nous devrions également réfléchir aux politiques que la Chine pourrait adopter pour se remettre sur la voie d’une croissance annuelle de 6 %, car l’économie chinoise jouera inévitablement un rôle important dans la reprise mondiale.

Si le modèle de croissance post-pandémique de la Chine met à profit les efforts déployés par ses dirigeants ces dernières années pour stimuler la consommation intérieure et les importations du reste du monde, nous nous en porterons tous mieux.

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3 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    A ajouter au florilège des belles phrases “intelligentes” de notre Président de la République, en parlant de la Chine : “Il y a manifestement des choses qui se sont passées, qu’on ne sait pas”
    Bon….Il sait ou il ne sait pas?

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  • Jean-Pierre
    Jean-Pierre

    La Chine a bon dos. Mais dans cette affaire, elle est pourtant le pays, qui a parlé le premier, et comme l’Occident s’est mis à faire toute la publicité possible tant que c’était uniquement connu publiquement en Chine, cet Occident ne pouvait plus dès lors étouffer l’affaire quand elle a pris chez lui trop d’ampleur : pris à son propre jeu. Mais le problème est qu’ensuite, la Chine a pris le problème à bras-le-corps suivant ses principes, tandis que les puissances occidentales se sont révélées pour ce qu’elles étaient : dépourvues de moyens pour la santé de leur population, ce que celle-ci découvre chaque jour davantage, dans des proportions inimaginables.
    Alors il faut charger la Chine.
    Mais néanmoins, les statisticiens médicaux ont déduit que le coronavirus était déjà présent hors en Italie et semble-t-il auparavant aux Etats-Unis, bien avant les cas chinois détectés.
    Une étude mathématique permettrait de déterminer le temps T=0 où le virus est apparu, pour autant qu’on ait des données…
    Cette étude permettrait d’ailleurs de mieux faire face à la pandémie.
    Mais elle se heurte pratiquement au fait que le pays où T=0 ne fournit pas les données.
    Reste que le système capitaliste fonctionnant suivant le principe intangible de la concurrence de plus en plus effrénée des capitaux, toute véritable mise en commun des moyens et des données pour éradiquer cette pandémie et d’autres est plus encore inconcevable qu’auparavant. C’est bien la faute au capitalisme, à ce stade. C’est pour cela qu’au lieu d’imiter la Chine ( ou Cuba, le Vietnam, le Kérala, ou d’autres pays non impérialistes), il est urgent de l’accabler, malgré les chiffres plus qu’éloquents …
    Et toujours pas de masques ni de tests ..Ah vraiment ces Chinois sont déplorables !

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  • DRON Jean François
    DRON Jean François

    je suis d’accord avec Jean Pierre. quelle que puisse être les erreurs de certains chinois dans le décompte des morts à Wuhan, les dirigeants occidentaux sont vraiment mal placés pour critiquer la Chine et en particulier un certain Macron qui depuis le début nous raconte n(importe quoi et son contraire. le laboratoire P4 de Wuhan mis en avant pour insinuer qu’il serait à l’origine de la création du virus laisse plus qu’à désirer car rien que les USA eux possèdent en moins 13 labos P4 dans des pays sous leur emprise politique afin d’échapper à tout contrôle interne. la recherche d’arme bactériologiques et chimiques n’est absolument pas arrêtée coté occidental mais ils passent leur temps à accuser les autres de le faire.L’impérialisme est devant un écueil mortifère pour lui et se projette violemment dans une fuite en avant aussi inutile que destructrice. Mais avant tout pour les peuples ce qu’il est bon de savoir c’est qu’il n’y a pas de pouvoir pyramidal dans le capitalisme mais une association d’égos prèts à en découdre entre eux si besoin. le capitalisme ne survit que par la non prise en charge des pays par les peuples qui ont bêtement abandonner la gestion de leurs affaires à une bande de Kapos à la solde des tenants de la finance. Il est désormais indispensable et très urgent d’en finir aec les différentes variantes de ce bouffeur de peuples qu’est le capitalisme. Le nazisme n’était pas une exception mais bien une des formes les plus avancée de l’impérialisme. Ne vous trompez pas. vous n’avez ni à craindre le péril jaune ou rouge mais bien celui de Wall Steet et du NASDAC.

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