Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le capitalisme doit avoir du swing : la guerre silencieuse

en provenance de Cuba: Un vaste réseau de distribution de contenu piège et immerge des millions de citoyens d’aujourd’hui dans un monde irréel, submergé par des informations inutiles, avec très peu d’alternatives valables pour l’enrichissement culturel

Auteur: Raul Antonio Capote | informacion@granmai.cu

31 décembre 2019

L’alliance entre les services spéciaux étasuniens et l’industrie du divertissement ne date pas d’hier. L’une des premières séries télévisées créées dans un but direct de guerre culturelle en Europe a été Music in the Twenties, qui, selon la CIA, devait être l’incarnation du « rêve américain » afin d’atténuer les sentiments anti-étasuniens sur le Vieux Continent dans les années 1960.

La série Dallas en est un autre bon exemple. Dans l’article How Dallas won the Cold War, publié par Nick Gillespie et Matt Welch dans Reason Magazine, les auteurs déclarent : «  Cette caricature de la libre entreprise et du style de vie des cadres étasuniens s’est avérée irrésistible… ce n’était pas une série télévisée comme les autres, mais une force culturelle qui a changé une atmosphère, qui a contribué à définir les années 1980, remplies d’ambitions, dans laquelle le capitalisme, malgré ses défauts moraux, semblait être un système avec plus de swing. »

La série a été présentée pour la première fois le 2 avril 1978 sous forme de mini-série sur le réseau CBS. Au départ, les producteurs n’avaient pas l’intention de réaliser une suite, mais, en raison de sa popularité, elle devint plus tard une série régulière qui dura 14 saisons, du 23 septembre 1978 au 3 mai 1991.

La popularité de la première mini-série dans des pays tels que la Pologne, la RDA et la Tchécoslovaquie eut beaucoup à voir avec l’augmentation du budget des cinéastes. La CIA destina des millions de dollars pour financer Dallas. Des ressources considérables furent destinées à assurer la visibilité de la série dans les pays socialistes d’Europe de l’Est.

Des années plus tard, des documents déclassifiés de la CIA mentionnent l’enthousiasme des cinéastes. Dallas avait réussi à toucher les jeunes d’Europe de l’Est, qui rêvaient de porter des vestes en cuir dans le style des personnages de la série, de conduire des voitures dernier modèle, de passer la nuit dans de grandes discothèques accompagnées de belles filles, dans un monde « divertissant », plein de glamour, éloigné de toute responsabilité et de tout engagement.

La guerre « silencieuse », usine à stéréotypes, à modèles de vie « idéaux », faux comme plaqué or, n’a laissé aucun espace dans la confrontation avec le socialisme. Lors de l’inauguration de l’Exposition nationale étasunienne à Moscou le 24 juillet 1959, présidée par Nikita Khrouchtchev et Richard Nixon, un débat eut lieu sur les avantages supposés du capitalisme et sa prétendue supériorité. La Kitchen-Debate (discussion de cuisine) eut lieu dans la cuisine d’une maison préfabriquée construite expressément pour l’occasion par All State Properties, pour montrer aux Soviétiques « la cuisine que chaque Étasunien pouvait avoir ». Le design fut réalisé par les célèbres architectes de la Maison du Futur, Alison et Peter Smithson, les meubles et autres objets fournis par Macy’s et les appareils par General Electric. À l’intérieur de la cuisine idéale, une jeune femme blonde, élancée et souriante s’activait avec ardeur sous les yeux des observateurs, manipulant habilement tous les équipements électroniques les plus récents. L’effet de cette mise en scène fut dévastateur.

LA BATAILLE SYMBOLIQUE

Durant la guerre symbolique entre les deux systèmes qui a caractérisé les années 1960, 1970 et 1980, une vision idéalisée de la vie culturelle dans le capitalisme a façonné l’imaginaire de beaucoup, surtout des jeunes.

Les films d’Hollywood sont devenus un outil efficace pour «  américaniser », ou simplement transmettre les valeurs du mode de vie étasunien, en propageant les stéréotypes décrits par la psychologie dans ses prestigieuses universités, en direction des cultures et des modes de vie des populations dans le reste du monde.

La relation entre les acteurs, les producteurs, les réalisateurs et autres cadres d’Hollywood s’est amorcée avec le précurseur de la CIA, le Bureau des services stratégiques.

L’écrivain Tom Clancy avait une relation particulièrement intense avec la CIA. En 1984, l’auteur fut invité au quartier général de Langley après avoir écrit À la poursuite d’Octobre rouge, dont fut tiré un film, en 1990, fruit de sa collaboration avec l’Agence.

La CIA le contacta à nouveau alors qu’il travaillait sur le livre Jeux de guerre, dont l’adaptation cinématographique a non seulement compté sur le financement, mais aussi sur l’accès aux installations et à des informations de la CIA. Pour la réalisation du film, George Tenet, alors directeur de la CIA, mit à disposition des cinéastes un groupe de conseillers qui guidèrent la production et apportèrent d’importantes modifications au scénario.

Après le 11 septembre, selon l’historien du cinéma Sasha Knezev, George W. Bush, Cheney et Carl Root demandèrent à Hollywood de coopérer dans la guerre contre le terrorisme et rencontrèrent le président de l’Association cinématographique des États-Unis, Jack Valenti, afin qu’ils fassent en sorte que le cinéma renvoie une image positive des actions de guerre des États-Unis contre « les coins obscurs de la planète ».

Zero Dark Thirty et Argo sont des exemples de la façon dont le cinéma justifie les crimes de sa machine militaire et présente les prisons secrètes de la CIA et la torture des prisonniers comme un mal nécessaire pour garantir la sécurité nationale.

La CIA avait besoin de toute urgence de changer son image, de reconstruire une «  crédibilité perdue », notamment après la révélation des crimes d’Abou Ghraib, des mensonges sur l’existence d’armes de destruction massive. Pour cela, elle avait besoin du soutien d’Hollywood et d’autres médias. Des séries telles 24 heures, qui reçurent un financement important, furent le fruit de cette collaboration.

LA CA ET L’INDUSTRIE DU DIVERTISSEMENT

À l’heure actuelle, la plupart des émissions de télévision sont gérées par des sociétés de médias intéressées par les contrats avec la CIA. Ce sont des programmes qui exaltent la violence au nom du gouvernement étasunien, qui vénèrent l’homme d’action, meurtrier et tortionnaire, évidemment, pourvu qu’il agisse au nom du gouvernement et pour la défense des « intérêts » de la sacro-sainte « sécurité nationale » des États-Unis.

Aux États-Unis, il existe un nombre impressionnant de séries télévisées consacrées aux forces de sécurité, des programmes qui conditionnent le public afin qu’il conserve une bonne opinion à leur égard.

Aucun espace n’est délaissé : celui qui ne regarde pas les journaux télévisés ou ne lit pas la presse, qui consomme des heures de connexion à Internet et interagit sur les réseaux sociaux, ou qui est adepte des émissions de télévision, de la mode ou du sport transnational, ou écoute la radio ou lit des livres et des magazines, tout est connecté. Un vaste réseau de distribution de contenu piège et immerge des millions de citoyens d’aujourd’hui dans un monde irréel, submergé par des informations inutiles, avec très peu d’alternatives valables pour l’enrichissement culturel.

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