Histoire et société

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Déclaration du parti communiste irlandais

Déclaration du Parti Communiste Irlandais

le 12 février 2020

Les résultats des élections générales pour le 33e Dáil [ndlr: ces élections ont eu lieu le 8 février 2020] ont confirmé les frustrations croissantes au sein de la classe ouvrière et le besoin de politiques sociales et économiques alternatives. Ceci est le reflet d’une  conscience de classe grandissante, qui doit être nourrie et développée davantage.

Le déclin des deux principaux partis de l’establishment, le Fianna Fáil et le Fine Gael, qui ont dominé la vie politique nationale pendant plus de huit décennies, a fait l’effet d’une bombe. Ils ont été défaits par la présentation d’un programme économique et sociale alternatif [le Sinn Féin].

Ce résultat électoral exprime le rejet de l’austérité imposée par l’UE et des politiques qui donnent la priorité aux besoins du capital, des riches et des puissants, au détriment des travailleurs – des politiques promues par tous les partis de l’establishment, y compris le Parti travailliste et les médias. Ce résultat fait également suite aux nombreuses mobilisations massives sur l’eau, le logement, la santé, l’abrogation du 8e amendement de la constitution [empêchant alors l’avortement en Irlande] et l’égalité face au mariage [légalisation du mariage homosexuel].

L’élection n’a fait que confirmer que le logement, la santé, les retraites et les crèches restaient des questions centrales et de grande importance pour la classe ouvrière.

Les décennies d’austérité de la troïka européenne ont pesé lourdement sur les conditions de vie des travailleurs, du fait des coupes sauvages dans les dépenses de santé et de logement – dans les dépenses sociales en général – et du fait des conditions de travail de plus en plus difficiles.

Les travailleurs ont porté un coup politique important aux partis de l’establishment et ont clairement fait savoir qu’ils voulaient une véritable transformation, qu’ils exigeaint des changements sociaux et économiques correspondant à leur intérêts, comme à celui de leur famille et de leur communauté. Ils demandent la mise en œuvre de politiques économiques structurelles transformant leurs conditions matérielles réelles, qu’ils vivent au quotidien, et non pas de simples communiqués de presse.

La classe ouvrière est en colère contre la précarité de ses conditions de vie et la multiplication de pratiques d’emploi précaires de la part des employeurs, grands ou petits, aboutissant à faire la queue pour recevoir des soins médicaux urgents ou à s’allonger sur des chariots dans les couloirs des hôpitaux, quand ceux qui peuvent se permettre des soins de santé privés sautent la queue.

Le fait que le Sinn Féin ait peut-être temporairement remporté la majorité du vote populaire et ait fait reculer les deux principaux partis de l’establishment à la deuxième et troisième position est un pas en avant important qui devrait être salué par toutes les forces progressistes de gauche. Mais son rôle dans l’exécutif du Nord [Irlande du Nord] et sa responsabilité dans l’imposition de politiques sociales et économiques promues par l’État britannique, qui ont entraîné de grandes souffrances pour la classe ouvrière nord-irlandaise (au moins aussi dures que celles imposées par les partis de l’establishment dans l’État du Sud), ne présagent rien de bon pour la transformation radicale du système actuel, pourtant politiquement et moralement en faillite.

Au cours des huit dernières décennies, les deux principaux partis d’establishment ont obtenu plus de 80 % des voix ; aujourd’hui, ils peinent à rassembler 40 % des voix à eux deux. Il est clair que la classe ouvrière a utilisé les élections pour maximiser la voix de gauche au Dáil; ce qui est une autre indication de la conscience de classe grandissante.

Les formations politiques “Solidarité” et “People Before Profit” doivent le retour de leurs députés, dans une large mesure, à l’excédent massif et aux transferts de voix de la part du Sinn Féin. Le sectarisme et l’opportunisme politiques de ces groupes leur a été fatal et a joué un rôle important dans le déclin de leurs votes au premier tour.

Un autre facteur ayant poussé les gens à s’éloigner des partis de l’establishment et à espérer une réponse sérieuse de la part d’un gouvernement de gauche fut la prise de conscience à propos de la crise environnementale et la certitude que le gouvernement ne remettrait jamais en cause des intérêts économiques et politiques puissants et bien établis. Cela s’est traduit par un soutien accru au parti des Verts.

Le Sinn Féin a réussi à capter cette colère en se présentant comme le parti capable d’apporter des améliorations importantes et réelles dont notre peuple a si désespérément besoin, dans des domaines tels que le logement, la santé et les droits des travailleurs – et ce malgré les médias de l’establishment et leurs attaques concentrées sur toute politique économique alternative possible. Les partis politiques et les médias de l’establishment poursuivent ainsi leurs tentatives de banaliser ou de diaboliser les aspirations démocratiques nationales, y compris celle de la réunification de l’Irlande.

Le résultat de ces élections peut porter au plus haut niveau de l’agenda politique la question centrale de savoir qui détient le contrôle du pouvoir politique et économique en Irlande.

Au cours des prochains mois, les membres et les partisans du Sinn Féin, et la classe ouvrière dans son ensemble, assisterons aux tentatives l’establishment visant à intégrer le Sinn Féin au système, pour qu’il se rende responsable et agisse dans “l’intérêt national”, et pour qu’il fasse son devoir envers ceux qui détiennent la richesse et le pouvoir économique.

Nous avons vu ce qui arrive aux partis de gauche et aux partis radicaux lorsqu’ils entrent dans des gouvernements de coalition avec des partis de l’establishment. Cela ne peut que revitaliser les partis de l’establishment et démoraliser les travailleurs, en semant la confusion et le défaitisme.

Le Fianna Fáil et le Fine Gael pourraient bien tenter de sauver leur pouvoir et leur influence politique en déclin par une forme quelconque de coalition. C’est à la gauche au sein du Dáil, et au Sinn Féin en tant que sa plus grande composante, de mobiliser la classe ouvrière pour faire en sorte que se réalise l’alternative d’un gouvernement de gauche progressiste tant espérée par la classe ouvrière.

Au cours des prochaines semaines, nous assisterons à la série des négociations et petits accords en coulisses pour déterminer la combinaison de partis qui formera le prochain gouvernement. L’opportunisme du parti travailliste, des sociaux-démocrates et des Verts les rendra très disposés à former ou soutenir un gouvernement avec le Fianna Fáil.

Bien que nous, communistes irlandais, nous nous félicitons de ces avancées progressistes, nous savons par l’histoire des luttes de classes et à la bataille pour l’indépendance et la souveraineté nationales, la facilité avec laquelle les revendications et l’énergie des travailleurs ont pu être étouffé dans le passé, en maintenant la croyance que le système électoral, seul, peut apporter un changement réel ou durable.

Les travailleurs ne peuvent pas se permettre de rester les bras croisés et de laisser leur avenir se décider par des accords conclus en coulisses. Nous savons des récentes luttes comment l’énergie et les revendications a propos de l’eau ont été marginalisées et enterrées dans les couloirs sombres du Dáil [de la dernière représentation nationale]. Les gens n’ont pas été vaincu dans les rues mais ont perdu leur autorité au profit de ces institutions qui contrôlent nos vies – institutions sur lesquelles nous n’avons que très peu de contrôle.

Quel que soit le contrôle limité que les travailleurs irlandais exercent sur le Dáil Éireann [Parlement], nous n’en avons aucun sur les institutions de l’Union européenne. Tout gouvernement progressiste sera confronté à l’opposition de ces puissantes forces économiques et politiques, auquel seule la mobilisation populaire peut résister.

Les nouvelles conditions créées par le résultat des élections doivent être utilisées comme une opportunité pour renforcer les luttes populaires sur toute une série de questions. Le moment est clairement propice pour un syndicalisme de lutte des classes, plus combattant et militant.

Toutes les forces de gauche et progressistes doivent se mobiliser pour garantir que les changements sociaux et économiques promis se concrétisent ; or la seule garantie pour que cela se produise est la lutte du peuple elle-même. L’enjeu est maintenant de savoir si les aspirations et la demande de changement réel peuvent se traduire en changements et progrès structurels à long terme.

L’élection a clairement montré que notre peuple souhaitait une transformation démocratique de notre société, une société dans laquelle le peuple était souverain, et non une société dans laquelle le bien commun est sacrifié pour répondre aux besoins et aux intérêts de la propriété privée et des intérêts particuliers. Le peuple veut clairement un changement démocratique qui transforme les structures de pouvoir à tous les niveaux, une transformation démocratique qui permette la participation et la contribution des travailleurs à toutes les décisions, à tous les niveaux de la vie économique et politique.

Nous savons que l’adoption des changements sociaux, économiques et politiques nécessaires nécessite une classe ouvrière mobilisée, la construction et le renforcement de sa capacité d’organisation comme de sa conscience de classe idéologique. Si la classe ouvrière veut faire avancer et garantir ses propres intérêts, elle doit développer la clarté et la force politiques nécessaires pour défier et repousser les intérêts impérialistes représentés par l’Union européenne, les États-Unis et la Grande-Bretagne, et par leurs alliés assujettis au sein de la classe capitaliste irlandaise.

Dans la période immédiate, les travailleurs doivent présenter leurs revendications, telle que:
– l’abrogation de toutes les lois anti-travailleurs, y compris la loi sur les relations industrielles (1990)
– des garanties législatives et constitutionnelles pour donner aux travailleurs le droit à la négociation collective
– un éventail complet et exhaustif de politiques visant à protéger et à faire progresser les droits des travailleurs
– une disposition constitutionnelle relative à la propriété du peuple sur l’eau et sur toutes les ressources naturelles
– l’adoption d’une stratégie de logement qui modifie les règles de propriété, notamment en transformant le parc de logements vacants en un parc de propriété public
– un investissement massif dans un programme de logement public et universel
– la fin du système de santé à deux vitesses en interdisant au secteur privé d’utiliser le système de santé public
– la mise en place d’un système de transport public gratuit et élargi à tout le pays
– le rejet de l’odieuse dette bancaire de l’UE imposée à notre peuple
– l’adoption d’une stratégie progressiste pour parvenir à l’unité nationale
– la fin de l’utilisation de l’aéroport de Shannon comme instrument de guerre au profit des États-Unis et de l’OTAN
– l’entérinement de la neutralité dans la Constitution de l’Irlande
– le retrait de l’Irlande du PESCO [la collaboration militaire Européenne] et de tous les engagements militaires avec l’UE
– la construction d’une stratégie économique alternative afin de briser le pouvoir des sociétés transnationales.

http://solidarite-internationale-pcf.fr/2020/02/declaration-du-parti-communiste-irlandais-le-visage-changeant-de-l-irlande-et-la-conscience-de-classe-grandissante.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

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