Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Chine pose la question de savoir par qui les Etats-Unis se sentent menacés

L’article par ailleurs très informé et très subtil que je viens de publier sur la Chine se termine par l’anecdote suivante : À cette question de l’avenir de la puissance chinoise, il est probable que personne ne connaît la réponse, pas plus en Chine qu’ailleurs. En effet, la Chine est à la fois une puissance au sens classique du terme et une « non-puissance », pas seulement un pays encore largement sous-développé, mais une civilisation marquée par le syndrome de Zheng He, cet amiral qui, au XV° siècle, doté d’une marine phénoménale, se contenta de reconnaître les mers adjacentes puis remisa ses navires en cale sèche. C’est vrai sauf qu’il oublie de dire que l’eunuque Zhen He fut renversé par des intrigues de cour et que ce fut toute la Chine qui fut traumatisé par cette expérience qui n’empêcha pas cependant qu’aux alentours de 1880 la Chine possédait encore une importante marine. Ensuite le fait est que la Chine si elle s’intéresse surtout à la nation chinoise a toujours été préoccupée de son environnement immédiat et de la région asiatique.

La question que je pose est donc face à ce que la Chine analyse de la situation internationale, de la manière dont les Etats-Unis et leurs alliés mettent en péril sa sécurité n’est-elle pas contrainte à intervenir au plan international pour se protéger comme nation?

Le très officiel quotidien du peuple gourmande sa majesté impérialiste aujourd’hui : ” Les Etats-Unis peuvent-ils réduire un peu leurs dépenses militaires et leur dette, quand ils parlent de la “menace militaire chinoise “?”

Puisque dans ce blog nous avons choisi de traiter de l’Histoire au présent, dans ses points de tension et dans les lignes forces qui président aux changements fondamentaux, je crois qu’il faut lire avec attention les réactions chinoises parce que c’est là que se préparent de nouveaux et peut-être prochains affrontements. Comme  l’analyse avec beaucoup de finesse Eric de la Maisonneuve,  la Chine est une puissance atypique mais nous avons coutume parfois non sans un certain folklore de comparer les réactions politiques chinoises aux arts martiaux encore faut-il savoir lire ces chorégraphies comme les caractères de l’écriture chinoise, savoir que chaque combinaison, chaque geste est pensé non seulement pour aujourd’hui mais dans le temps, les Chinois sont visiblement les derniers stratèges dans un monde dominé par la tactique.  Et ils ne peuvent ignorer qu’ils sont désormais propulsés sur la scène internationale et peut-être demain obligé à un combat qu’ils ne cessent de repousser mais qui ne dépend pas que d’eux…

Voici un fait d’actualité qui nous dit l’histoire au présent, celle dont les tensions sont déjà l’avenir, celui de la planète…

L’affaire du porte-avion chinois

Mercredi 10 août 2011, alors que la Chine mettait à la mer son premier porte-avion, les États-Unis ont aussitôt  fait savoir  le même jour qu’ils aimeraient que la Chine explique pourquoi elle a besoin de porte-avions. “Nous saluerions tout type d’explication de la part de la Chine sur son besoin d’un tel équipement”, a dit la porte-parole du département d’État, Victoria Nuland, lorsque des journalistes lui ont demandé si le premier porte-avions chinois, qui a effectué mercredi son baptême en mer, attiserait les tensions dans la région.”Cela participe d’une inquiétude plus générale qui tient au fait que la Chine n’est pas aussi transparente que d’autres pays. Elle n’est pas aussi transparente que les États-Unis concernant ses acquisitions militaires et le budget de sa défense”, a souligné Mme Nuland. “Et nous aspirons à une relation ouverte et transparente dans les affaires militaires”, a-t-elle ajouté.L’affaire du porte-avion manifestait d’autant plus l’arrogance des Etats-Unis que ce pays possède pas moins de treize unités, dont onze sont à propulsion nucléaire  Ceci leur  permet  d’assurer leur suprématie sur les mers et océans du globe en déployant de par le monde deux à trois porte-avions en permanence, toujours entourés de leur groupe de combat aéronaval. Bien peu de pays ont des porte-avion dont la France avec le Charles De gaulle recemment déployé sur le terrain Libyen.de surcroît,  la Chine est encore loin de disposer d’un groupe aéronaval, sans lequel le porte-avions n’a qu’une utilité relative. Pour ce faire, la Chine doit avoir trois porte-avions et construire d’autres navires d’escorte et un groupe aérien, estime Ashley Townshend, de l’institut Lowy de politique internationale à Sydney. Selon lui, Pékin mettra dix ans à acquérir ce symbole de la puissance maritime.

En fait la Chine a acheté à l’Ukraine un vieux navire soviétique et elle entrain de le bricoler  dans ses chantiers de Dalian pour en faire un porte-avion, mais cette annonce avait une portée symbolique :”La construction d’une marine puissante, à la hauteur du nouveau statut de la Chine, est une étape nécessaire et un choix incontournable pour le pays s’il veut sauvegarder ses intérêts nationaux, qui sont de plus en plus globaux”.

Ce qui est par parenthèse un manière de renouer avec l’ambition de la Révolution chinoise doublement puisqu’en  1949 à la fin de la Guerre civile chinoise, les révolutionnaires s’emparent de 123 navires abandonnés par la marine de l’armée nationaliste fuyant vers Taïwan. Mao Zedong affirme peu après l’indépendance : « Pour nous opposer à l’agression impérialiste, nous devons construire une marine puissante ». Dès 1950,avec l’aide de l’URSS, et l’aviation navale est créée deux ans plus tard. En 1954, 2 500 conseillers de la marine soviétique passent en Chine et les premières livraisons de navires soviétiques commencent. Avec les flottes du Nord, de l’Est et du Sud de l’armée soviétique, les deux parties envisagent sérieusement la création d’une flotte du Pacifique commune.

En fait cet exemple montre à quel point a pesé la querelle sino-soviétique pour dessiner notre histoire actuelle marquée par une seule hégémonie, celle des Etats-Unis et de leurs alliés, le triomphe du capitalisme. Depuis la Chine et la Russie de Poutine ont tenté de recréer l’unité de la Coopération de Shangai mais ce n’est qu’une amorce d’union défensive qui n’a rien à voir avec ce qu’aurait pu représenter une URSS et une Chine unie pour faire basculer l’hégémonie des Etats-Unis. Celle-ci  hier comme aujourd’hui demeure la force impose son mode de développement économique, politique et culturel au monde. Et chacun doit compter avec elle alors que l’on sait que les Etats Unis n’accepteront plus jamais une situation comparable à celle de 1949.

Le fait est que la Chine en observant la montée des interventions de l’OTAN redécouvre l’impérialisme et son bellicisme.

Face à la crise, son inquiétude est grande  et pas  seulement en tant que pays créancier des Etats-Unis mais par l’organisation de la montée des tensions comme réponse , fuite en avant devant la crise autant que volonté de s’approprier les énergies.

Mais cette inquiétude est surtout tenue en alerte par ce qui se passe du côté de la septième flotte, celle du Pacifique. Le quartier-général de la flotte se trouve à la base navale de Yokosuka au Japon.Et ce que nous mesurons mal omnubilés comme nous le sommes par la Méditerranée et le proche orient, à quel point les forces américaines se font menaçantes et surtout délèguent à certains pays comme la Corée du Sud ou le Japon le soin de mener des provocations. Tout est fait pour créer à la Chine une situation d’insécurité permanente et d’intervenir pour dégrader ses relations avec d’autres pays riverains y compris le Viet-Nam. la Chine passe son temps à jouer les pompiers en calmant les tensions et les crises suscitées en Asie par les Etats-unis directement ou par le biais des alliés. Elle intervient en général en proposant une politique d’avantages économiques mutuels et en insistant sur une diplomatie de paix et de respect des souverainetés. Mais elle sait que la pression se fait chaque jour plus dure.  

La Chine ne se fait aucune illusion sur le fait que les Etats-Unis la vise et que son cas est infiniment plus préoccupant que le Moyen Orient ou l’Afrique que L’Amérique a plus ou moins délégué à l’OTAN et dont il fait supporter le coût aux anciens colonialistes et aux saoudiens, comme il avait déjà fait supporter la première guerre du Golfe aux Allemands et aux saoudiens.

Ce qui se joue ici aussi est de rassembler des forces autour de l’hégémonie étatsunienne et comme le seul véritable challenger est la CHine, nul et surtout pas la Chine ne se trompe sur le but ultime. Mais il ne faut pas donner de prétexte aux Etats-Unis, tout en manifestant son mécontentement en particulier de créancier.

Selon son habitude la Chine ne répond pas officiellement mais elle faait intervenir une voix officieuse publié dans Le Quotidien du peuple qui renvoie la question à l’envoyeur : Par qui les Etats-Unis se sent-il menacé pour se suramer ainsi ?

Le rapport des Etats-Unis sur le développement militaire et la situation de sécurité de la Chine pour 2011

Le 25 août, les Etats-Unis ont publié un « Rapport sur le développement militaire et la situation de sécurité de la Chine » pour 2011. Ce rapport annuel parle toujours de la « menace militaire chinoise ».

Le Quotidien du peuple ne l’envoie pas dire aux Etats-Unis et affirme clairement que ce type de rapport est destiné à assurer le vote d’un budget au Pentagone en inventant un ennemi redoutable, oui mais on connaît l’Occident et les Etats-Unis en particulier, à force de s’inventer un ennemi ils finissent par l’attaquer dans la mesure où comme le soulignait déjà Eisenhower en son temps c’est le complexe industrialo militaire qui pour une part importante détermine la politique étrangère des Etats-Unis.

L’auteur de l’article affirme : ” Je pense que les Etats-Unis sont le plus grand pays débiteur du monde et le plus grand pays en terme de dépenses militaires. Est-ce qu’ils peuvent réduire un peu leurs dépenses militaires et leur dette ?”

“Les dettes des Etats-Unis sont si importantes que le pays connaît une crise de la dette. Depuis qu’il est Président, M.Obama a trois fois relevé le plafond de la dette. Le volume total de la somme relevée était de 2 980 milliards de dollars. A l’heure actuelle, la dette américaine représente plus de 90% du PIB de ce pays. Si l’Administration américaine augmente les revenus fiscaux et réduit les dépenses, il ne sera pas difficile d’éviter la crise de la dette. Cependant, selon le projet de budget que le gouvernement de M.Obama a présenté au Congrès pour l’année fiscale de 2011, le déficit du gouvernement américain en 2011 s’élèvera à 1 650 milliards de dollars, record historique. Et selon les prévisions du Bureau du Congrès pour le budget, en 2035, la dette américaine représentera 190% du PIB de ce pays.

Quant aux dépenses militaires, elles n’ont cessé d’augmenter : 612 milliards de dollars en 2009, 698 milliards de dollars en 2010 et le budget militaire pour 2011, qui vient d’être adopté, est de 725 milliards de dollars. En outre, les frais destinés à la recherche et au développement des armes nucléaires ne sont pas compris dans ce projet. Les dépenses réelles pourraient très probablement augmenter. Par exemple, en 2007, le budget militaire était de 448 milliards de dollars, mais les dépenses réelles se sont élevées jusqu’à 546,8 milliards de dollars.

Devant ces chiffres, je ne puis m’empêcher de me demander : Est-ce que les Etats-Unis sont menacés de quelque danger de guerre ? En fait, depuis la fin de la guerre froide, les Etats-Unis n’ont pu trouver un adversaire de force égale sur le plan militaire. Les dépenses militaires américaines représentent presque 50% de la totalité des dépenses militaires mondiales et dépassent le total de celles des 9 autres pays, qui figurent parmi les dix premiers pays du monde, en terme de dépenses militaires. Rappelons qu’à l’époque où la Grande-Bretagne était la plus grande puissance mondiale, son but n’était que celui-ci : le tonnage global de sa marine devait être le total des tonnages des deux pays qui étaient classés immédiatement après elle.”

Je crois qu’il faut que l’on mesure bien deux faits essentiels que les Chinois qui sont parmi les rares pays à avoir une pensée stratégique sont tout à fait conscients.

  • Nous avons une situation de crise si profonde que personne ne sait comment elle évoluera vu que toutes les dispositions prises aujourd’hui par les puissances hégémoniques ne font que l’approfondir parce qu’il y a un refus dramatique des changements fondamentaux.
  • La réponse est une fuite en avant pour contrôler les ressources énergétique et imposer de force un modèle hégémonique, d’où le bellicisme.

Il est clair que sur cette lancée on ne s’arrêtera pas à la conquête de la Libye et c’est la Chine qui est logiquement dans la ligne de mire. Dans combien de temps nul ne le sait… >mais la CHine qui doit faire face à des défis monstrueux dans son propre développement sait de surcroît qu’elle est menacée. Tout ce que l’on peut espérer c’est qu’elle continuera à manifester le professionnalisme politique et stratégique qui est le sien. Quant à nous nous avons intérêt à mieux comprendre la Chine.

Danielle Bleitrach

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