Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les leçons de la chute de l’Union soviétique que Xi Jinping a retenues de l’histoire pour la Chine

Il y a une prise de conscience grandissante à travers le leadership chinois de ce qui a créé les conditions de la chute de l’URSS et qui encore aujourd’hui empêche un sursaut de l’occident face à la guerre, à la fascisation, c’est exactement le contraire de toutes les errances italiennes, françaises de l’eurocommunisme avec la destruction des partis communistes marxistes léninistes, des Etats souverains au profit de structures bureaucratiques vides de sens et de partis que plus personne ne songe à défendre tant ils sont la proie de luttes de factions et de combats de chefs. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Pour Xi Jinping, l’URSS ne s’est pas effondrée en 1991 : elle s’est lentement désintégrée de l’intérieur, bien avant la chute du mur de Berlin. L’erreur fondamentale, selon son interprétation, a été l’érosion du Parti communiste en tant que noyau du pouvoir réel.

Gorbatchev a laissé le PCUS se transformer en une structure bureaucratique vide de sens, dépourvue de foi et de discipline. Xi Jinping l’a exprimé sans détour dans un discours interne resté célèbre : « Personne n’a eu le courage de défendre le Parti le moment venu. »

La conclusion est claire : sans un Parti fort, il n’y a pas d’État fort ; sans discipline idéologique, il n’y a pas de souveraineté. L’URSS, aux yeux de Xi Jinping, n’a pas été vaincue par l’Occident, mais par un nihilisme idéologique interne.

Le marxisme-léninisme est devenu un rituel vide de sens ; le récit historique s’est érodé ; le passé révolutionnaire a été ridiculisé, même par les élites. Xi Jinping tire la leçon inverse : sans récit, le pouvoir se corrompt. C’est pourquoi il réhabilite l’idéologie (adaptée, sans le dogmatisme soviétique), fait de la « Pensée de Xi Jinping » la doctrine officielle et contrôle strictement les universités, les médias, la culture et l’histoire. Il ne s’agit pas de l’appliquer au pied de la lettre, mais d’empêcher le cynisme de devenir l’idéologie dominante. Pour Xi, le plus grand danger n’est pas la dissidence ouverte, mais la raillerie silencieuse. Gorbatchev a fait deux choses à la fois : la perestroïka et la glasnost.

Pour Xi, ce fut l’erreur fatale. Ouvrir l’économie sans perdre le contrôle politique est acceptable ; ouvrir le système politique est suicidaire. Le capitalisme chinois n’est pas une dérive vers le libéralisme : c’est un instrument du pouvoir d’État et du Parti. Lorsque le capital menace l’autonomie – technologie, finance, immobilier –, le Parti intervient sans autorisation.

Autre traumatisme soviétique : l’Armée rouge n’a pas défendu le système lors de la crise. Elle avait cessé d’être le bras idéologique du Parti et était devenue une institution professionnelle distante et ambiguë. Xi tire la leçon inverse : « Le Parti commande le fusil. » L’interprétation chinoise de la fin de l’Union soviétique n’est pas bienveillante envers l’Occident. Pour Xi Jinping, les États-Unis et l’Europe ont profité de la faiblesse interne de l’URSS, sans en être la cause.

Le véritable poison résidait dans l’importation aveugle des valeurs occidentales : individualisme, pluralisme, relativisme historique. Xi Jinping gouverne la Chine avec une URSS imaginaire toujours au bord de l’effondrement. Son autoritarisme ne découle ni d’un caprice ni de la seule tradition chinoise : il découle d’une crainte historique.

Peur d’un lent déclin, du cynisme interne, de la perte de confiance des élites, d’un Parti qui cesserait de gouverner. En ce sens, le projet de Xi n’est pas révolutionnaire : il est préventif. Il ne vise pas à accélérer l’histoire, mais à en figer les risques. Là où Gorbatchev misait sur l’ouverture pour sauver le système, Xi mise sur le contrôle pour éviter même la tentation de l’effondrement. La Chine a appris de l’URSS comment ne pas s’effondrer, mais ce faisant, elle a renoncé à toute perspective de libéralisation future. Le prix à payer pour ne pas être l’Union soviétique est de devenir quelque chose de nouveau : un État hypercentralisé.

Vigilance idéologique et patience stratégique. Non pas la fin de l’histoire, mais sa gestion continue. 

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1 Commentaire

  • Marianne
    Marianne

    Je pense qu’il y a là une des leçons. Une autre leçon, essentielle à mes yeux, qui se rapporte plutôt à la période précédant la glasnost, est au contraire obtenir une ouverture maximale, dans tous les domaines où cela est possible et souhaitable. Cela permet de prendre le meilleur de l’expérience des autres, de mieux connaitre son ennemi et de n’avoir aucune illusion sur lui.

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