Ce texte pourrait figurer dans la catégories « Si on vous le dit », tant les propos rapportés de Merkel font écho à ce que nous avons dit dès le début. La cible était d’abord l’Europe, avant d’être la Russie. La priver de son autonomie énergétique, casser la compétitivité de son industrie en la privant des sources d’énergie bon marché. Comme le souligne Merkel, la Pologne et l’Ukraine ont joué le rôle des alliés les plus atlantistes, au service d’un bloc Angleterre-USA qui fut uni tant que Biden était à la Maison Blanche. Ces deux pays contrôlent à eux seuls l’ensemble des routes terrestres qui relient la Russie à l’Europe continentale. Les « changements de régime » y ont placé des amis des intérêts atlantistes au pouvoir. Les gazoducs NordStream et TurkStream avaient pour but de contourner ce blocage qui se traduisait, comme le souligne Merkel, par des frais de passages exorbitants. L’arrivée de Trump a poussé la logique, demandant et obtenant de l’UE qu’elle se sacrifie financièrement et industriellement, pour payer les frais de cette guerre qui a mal tourné. Ce que n’explique pas Merkel, c’est pourquoi elle-même a consenti à cette politique, par exemple en bloquant jusqu’au bout sous la pression de la Pologne et des USA, l’ouverture du gazoduc NordStream 2, pourtant financé par les industriels allemands et français ? Elle ne fait pas part (peut-être cela viendra-t-il) des pressions et des menaces qui ont abouti à cette situation d’automutilation de l’industrie. Quel est ce contrôle politique qui s’exerce sur les gouvernements au détriment des choix démocratiques ? (note de Franck Marsal pour Histoire&Société).
Oui, il serait temps d’arrêter de se raconter des histoires, l’intervention de Fabien Roussel dans l’Humanité a bien des mérites par rapport à l’alignement actuel sur la désastreuse politique de Macron. Il exige un changement de politique, ce qui ne se fera pas sans de grands investissements comme le fait déjà le chancelier allemand. Mais par rapport à ce dernier, Roussel propose d’autres investissements que ceux du surarmement et se prononce pour ne pas alimenter la guerre en Ukraine. Il propose des investissements correspondant aux besoins et aux capacités du peuple français. Ce discours pourrait se rapprocher de celui de la chancelière Merkel qui a l’audace d’aller jusqu’à reconsidérer le développement de l’industrie allemande par rapport aux BRICS. Il est vrai que l’Allemagne n’attend pas l’UE et elle négocie très activement avec la Chine. Ce texte nous a été envoyé par nos amis allemands proches de junge Welt (note et traduction d’Histoireetsociete)

« Alors que l’Allemagne s’enfonce dans la récession et que les décombres de sa base industrielle autrefois puissante s’accumulent, Angela Merkel est réapparue pour rappeler à tout le monde comment le scénario a été écrit. Dans une rare interview avec Der Spiegel, l’ancienne chancelière a défendu sa décision de garantir le gaz russe bon marché à l’économie allemande, tout en s’en prenant à l’Ukraine et à la Pologne pour leur hypocrisie.
Merkel l’a dit clairement : la Pologne et l’Ukraine étaient heureuses de profiter des frais de transit du gaz russe qui traversait leurs territoires. Elles n’avaient aucune objection morale lorsque l’argent coulait à flot. Mais une fois que Nord Stream a contourné leur racket d’intermédiaires, le tollé est devenu assourdissant. Merkel a souligné à juste titre l’absurdité de présenter la dépendance de l’Allemagne au gaz russe comme un grand péché géopolitique, étant donné que d’autres pays continuent d’acheter à Moscou aujourd’hui encore. En fait, l’UE reçoit encore environ 5 % de ses importations de gaz via le réseau de transit ukrainien, un chiffre qui disparaîtra lorsque l’accord expirera le 31 décembre.
Et le timing ne pourrait pas être plus accablant. L’économie allemande est en chute libre depuis 2023, avec un PIB en baisse de 0,3 % cette année et une nouvelle contraction de 0,1 % en 2024, selon la Commission européenne. Les faillites d’entreprises ont explosé, les coûts de l’énergie restent exorbitants et l’industrie fuit le pays en masse. L’avertissement de Merkel sur les conséquences des prix élevés de l’énergie pour l’Allemagne s’est avéré vrai, mais ce sont ses successeurs (Olaf Scholz) qui n’ont pas su gérer les retombées.
Les gazoducs étaient plus que de simples infrastructures énergétiques ; ils étaient des bouées de sauvetage pour la puissance industrielle de l’Allemagne et des symboles d’une Europe qui pouvait, en théorie, se tenir debout sur ses deux pieds. En 2021, le gazoduc Nord Stream fournissait à lui seul la moitié de la demande annuelle de gaz de l’Allemagne et représentait 16 % des besoins totaux en gaz naturel de l’UE. Sa destruction en 2022 n’était pas seulement une attaque contre les infrastructures, mais un acte de guerre économique, enfermant l’Allemagne dans une dépendance au GNL américain hors de prix et assurant sa soumission aux diktats de Washington. Et où était Berlin pendant cet acte de sabotage ? Silencieux, complice, castré.
Les remarques de Merkel révèlent également le mensonge des accords de Minsk. De son propre aveu, ces accords n’avaient pas pour but la paix, mais de donner du temps à l’Ukraine pour s’armer contre la Russie. L’hypocrisie de faire la leçon à l’Allemagne sur l’indépendance énergétique tout en orchestrant une guerre éternelle à sa porte est stupéfiante.
Alors que la date butoir de décembre pour l’accord de transit de gaz entre l’Ukraine et la Russie approche, l’Europe est confrontée à une nouvelle crise de sa propre création. L’UE reçoit toujours 5 % de ses importations de gaz via l’Ukraine, mais lorsque ce robinet sera à sec, les conséquences seront un nouveau chapitre du pacte de suicide économique du continent.
Les prochaines élections allemandes sont la dernière chance pour son peuple de se réveiller. Les aveux de Merkel sont un avertissement : le système est truqué et les ficelles de Berlin sont tirées de l’autre côté de l’Atlantique. Le théâtre de la démocratie ne sauvera pas l’Allemagne de sa voie actuelle. Si les Allemands ne rejettent pas la mascarade et n’exigent pas un réalignement avec la Russie, les BRICS et la majorité mondiale, alors leur sort d’État vassal vidé de sa substance sera scellé.
Gerry Nolan »
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Xuan
Dans une vidéo de 2018, où Bush se vantait d’avoir fait virer le procureur d’Ukraine pour éviter un procès en corruption à son rejeton, on l’entend dire de Merkel « elle est solide », c’est-à-dire une alliée fidèle.
Mais l’année suivante, lors du débat sur le budget fédéral pour 2020, elle déclarait devant le Bundestag : «L’Europe est liée à cette superpuissance par les valeurs, malgré toutes les divergences d’opinion. Il y a beaucoup de points communs, mais il n’y a plus d’automatisme dans le fait qu’ils joueront le rôle de défenseurs de l’Europe, comme pendant la guerre froide» et «Nous avons besoin d’une contribution plus significative de l’Europe ».
En 2020 elle avait rejeté l’invitation de Trump au sommet du G7 officiellement à cause de la pandémie. Mais elle déclarait le 20 mai « que ce soit une vidéoconférence ou une autre organisation, je lutterai certainement pour le multilatéralisme. C’est très clair, tant au G7 qu’au G20 ». Ceci faisait suite à des débats avec Trump sur les sanctions US contre le nord stream 2 et les relations avec la Chine.
Selon l’envoyé spécial des USA Richard Grenell, Washington pourrait imposer des amendes aux entreprises qui assurent la maintenance technique du gazoduc pour enrayer son entrée en service.
Mais « l’empoisonnement » à point nommé de Navalny est venu redistribuer les cartes.
En France, alors que la compagnie Engie – dont l’Etat est actionnaire majoritaire – est investie dans Nord Stream 2 pour près d’un milliard d’euros, Macron a confié, fin août, à des journalistes de l’Association de la presse présidentielle ses «réserves» sur la construction du gazoduc. Pour Emmanuel Macron «l’approche qu’on doit avoir auprès de la Russie» ne devait pas se nourrir d’un accroissement de notre dépendance».
Et Norbert Röttgen, président de la commission des affaires étrangères de l’Allemagne au Bundestag et candidat à la direction de la CDU est allé plus loin en appelant, le 3 septembre sur Twitter, à renoncer à ce projet : «Après l’empoisonnement de Navalny, nous avons besoin d’une réponse européenne forte, ce que Poutine comprend. L’UE devrait décider conjointement d’arrêter Nord Stream 2.»
Mais la tabloïd Bild écrivait «Merkel ne tolérera pas que les États-Unis continuent de saper le projet de gazoduc, qui bénéficie du soutien de son gouvernement».
Et le 1er février 2021 l’Allemagne rejetait l’appel de la France à suspendre le construction du gazoduc en raison de la détention de Navalny :
https://www.defenddemocracy.press/germany-rejects-frances-call-to-halt-construction-on-nord-stream-2-pipeline-over-navalny-detention/