Grâce à Starmer, Macron et Merz, l’OTAN est au bord du gouffre. Effectivement on a le sentiment d’avoir des dirigeants suicidaires mais aussi une classe politique qui l’est à peine moins. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
par Stephen Bryen 10 décembre 2025

Deux événements ont marqué le lundi 8 décembre : la rencontre entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le Premier ministre britannique Keir Starmer, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz.
Zelensky a clairement indiqué (et a développé le sujet sur le chemin de Bruxelles après la réunion) que l’Ukraine ne céderait aucun territoire à la Russie.
Dans le même temps, les trois dirigeants ont fermement soutenu l’utilisation des avoirs russes saisis (245 milliards de dollars) pour financer la guerre en Ukraine. Keir Starmer a affirmé que lors de sa rencontre avec Zelensky, ils avaient « discuté des progrès positifs accomplis concernant l’utilisation des avoirs souverains russes immobilisés pour soutenir la reconstruction de l’Ukraine ».
Concernant l’utilisation des ressources russes, une forte opposition se manifeste, notamment de la part de la Belgique, de l’Italie, de la Hongrie et de la Slovaquie. De sérieuses réserves sont exprimées en France et en Allemagne, malgré l’apparente approbation de leurs dirigeants envers Starmer. Le gouvernement américain s’y oppose fermement.
Les trois dirigeants européens, tous profondément impopulaires et confrontés à des électorats hostiles, pensent peut-être sauver Zelensky d’un Poutine prédateur et de Donald Trump, le président américain détesté, mais en réalité, ils ont dispensé l’administration Trump de tout compromis sur l’Ukraine.
Grâce à leur soutien à Zelensky et à leurs efforts pour saper ceux de Trump, ce dernier peut désormais se concentrer sur les priorités géopolitiques des États-Unis. Au même titre que la Chine, la Russie est un acteur crucial de la politique américaine. La Stratégie de sécurité nationale 2025 indique clairement que les États-Unis souhaitent « rétablir la stabilité stratégique avec la Russie ».
Que signifie « stabilité stratégique avec la Russie » ? Cela signifie un retour à une relation plus équilibrée entre les deux superpuissances.
Une partie de la restauration implique évidemment de mettre fin à l’élargissement de l’OTAN et d’exclure l’Ukraine de l’alliance. La nouvelle stratégie de sécurité nationale s’inscrit dans cette perspective. Cela suppose une profonde remise en question de l’alliance atlantique. L’OTAN ne peut s’opposer au leadership géopolitique américain si elle veut perdurer. Grâce à Starmer, Macron et Merz, l’OTAN est au bord du gouffre.
La Stratégie nationale de sécurité 2025 s’inquiète ouvertement du déclin industriel, social et politique de l’Europe et de la perte des libertés, non seulement à la périphérie (en Roumanie, par exemple), mais aussi au cœur même du pays, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni (où même certaines élections locales ont été reportées d’au moins deux ans et où le gouvernement britannique a tenté d’intimider et de réprimer l’opposition).
Dans une déclaration stupéfiante concernant l’Europe, la Stratégie de sécurité nationale affirme : « Si les tendances actuelles se poursuivent, le continent sera méconnaissable d’ici 20 ans, voire moins. Dès lors, il est loin d’être évident que certains pays européens disposeront d’économies et de forces armées suffisamment robustes pour demeurer des alliés fiables. »
Les États-Unis ne rompront pas ouvertement avec l’OTAN, mais ils reportent la responsabilité sur l’Europe, déclarant qu’ils ne continueront plus à financer « injustement » la sécurité européenne. Si les Européens s’efforcent désormais d’accroître leurs investissements dans la défense (jusqu’à 5 % du PIB), il faudra des années avant qu’un véritable changement ne s’opère au sein des forces armées européennes.
Dans l’ensemble, les jeunes Européens ne souhaitent pas effectuer leur service militaire, et l’inquiétude est telle que la France instaure une forme limitée de service militaire et que les Allemands mettent en place un système de loterie volontaire , considéré comme une première étape vers la conscription.
L’armée britannique est en déclin et le recrutement s’avère difficile, tandis que ses effectifs continuent de diminuer. Le manque de fonds au Royaume-Uni rend sa reconstitution quasi impossible. Ailleurs, en Pologne, le Premier ministre Donald Tusk a annoncé un projet de service militaire obligatoire pour tous les hommes polonais.
Il existe donc un fossé immense entre les intentions et la réalité en matière de réarmement européen ou de capacité à remplacer les États-Unis pour garantir la stabilité en Europe. Dans ces conditions, la décision des « trois grands » et de Zelensky de saper les initiatives américaines concernant l’Ukraine et la Russie apparaît suicidaire, et elle l’est.
Il est possible que certaines négociations sur l’Ukraine progressent tant bien que mal, mais à moins que le gouvernement de Kiev ne change de mains (Trump appelle à des élections) et ne modifie sa politique, les chances de négociations sont quasi nulles.
L’administration s’efforcera d’améliorer ses relations avec la Russie, malgré les Européens, et cherchera à abaisser le seuil nucléaire par le biais d’accords sur les armes, si elle le peut et si les Russes y consentent.
Parallèlement, Washington pourrait commencer à lever les sanctions ou à accorder des dérogations à certaines d’entre elles, autorisant ainsi les transactions commerciales et les investissements américains en Russie. Cette démarche crée une dynamique propre et entraîne des modifications du paysage géopolitique, Washington se recentrant sur ses intérêts fondamentaux.
Stephen Bryen est un ancien sous-secrétaire adjoint à la Défense des États-Unis. Cet article a initialement paru dans sa lettre d’information « Armes et Stratégie
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Aussaris
Les bourgeois occidentaux ne sont pas suicidaires, ils sont vaincus. Ils n’ont pas causé eux-mêmes leur défaite, ils sont défaits par leurs ennemis. On essaye de retirer tout mérite à ceux-ci en prétendant qu’ils n’y seraient pour presque rien, que les occidentaux auraient fait eux-mêmes leur malheur, presque tout seuls. Or il s’agit, encore et toujours des effets de la révolution ouvrière-paysanne russe et de la chinoise, indissociables.