Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

A propos des « décalages » et du frein que connait le parti : que les bouches s’ouvrent, par Danielle Bleitrach

Il pourrait y avoir une discussion très fructueuse entre ce que nous proposons dans histoireetsociete et cette intervention de Denis Durand au Conseil national, voici quelques jalons qui non seulement favoriseraient cet échange sur le plan des idées mais également et d’abord sur le plan de la vie démocratique du parti et de sa mise en mouvement par rapport à la situation très grave que traverse notre pays.

Notons que Denis Durand intervient en tant que cadre élu dans une instance politique, mais il le fait en s’appuyant sur les travaux de la section économique du PCF qui ne sont pas des décisions de congrès mais prétendent nourrir cette décision des instances politiques et de ce fait doivent donner lieu à des débats. Ce qui par parenthèse devrait être le rôle de toutes les commissions alors qu’avec la remise en cause du fonctionnement démocratique du parti la tendance est que les commissions (en particulier l’internationale) et leurs membres cooptés apparaissent comme faisant « la ligne ». Nous y reviendrons. De surcroît le blog des communistes de Pierre Bénite est un des plus intéressant parce qu’il unit cette réflexion théorique avec une pratique militante, celle d’une section active. Notons que l’on voit se multiplier les blogs de ce type, je pense en particulier non seulement à nos amis de Vénissieux mais à ceux de Moissac Castel sarrazin, ceux de l’Hérault, du Tarn, au journal le Patriote de Nice, à Toulouse, et tant d’autres avec bien sûr l’expérience la plus avancée qu’est liberté actu dans le Pas de Calais. Toute cette richesse éditoriale, les expériences militantes, les solutions proposées et la montée en puissance de cadres dont témoigne un tel essor, mériterait un travail de centralisation de « la vie du parti ». Nous commençons, grâce à notre livre, à découvrir cette richesse intellectuelle et militante du PCF, qui reste malgré son affaiblissement, le premier parti de France en nombre disons d’adhérents qui sont d’ailleurs des militants même si l’on constate partout une inertie avec une difficulté de coordination, il y a la tentative d’y faire face. L’intervention de Denis Durand, enrichie par l’activité de sa section, autant que par ses liens avec la section économique porte d’ailleurs sur la mise en mouvement de ce parti et de sa force militante, comment la décupler. Ce qui est effectivement essentiel.

Mais revenons-en au fond théorique : Si nous suivons l’intervention de Denis Durand, il nous semble que la notion des trois décalages est heuristique (opératoire) et devrait être approfondie parce qu’elle a des implications effectivement dans les freins de l’action militante. Il y a selon nous un approfondissement qui s’impose tout de suite puisque le premier décalage, celui qui de fait dans la démonstration est la contradiction principale du « sujet » traité, est limité à une déclaration :  un décalage entre l’ampleur des bouleversements internationaux, et des périls qui montent dans le pays même d’une part, et d’autre part notre action publique qui s’en tient trop souvent à de la communication au jour le jour. Ce qui est tout de même le problème central du basculement historique que nous sommes en train de vivre et de l’ébranlement de toutes nos représentations et institutions. Est-ce que le fait que le PCF ne traite pas de cette question et la laisse à un bastion qui produit ses propres analyses et organise la censure de fait, la commission internationale qui a constitué avec des financements propres des relais dans le presse du parti, dans les revues, et s’en fait un rempart pour censurer, interdire n’est pas préjudiciable au débat de congrès ? Même si chacun s’en accommode, le résultat est que y compris dans cette analyse sur les trois décalages, nous avons un édifice incomplet et qui ignore la clé de voûte de sa propre démonstration : l’ampleur des bouleversements est tout simplement le fondamental du mode de production, la contradiction nature rapport de production, le passage au socialisme dans le « marchand » sur lequel Paul Boccara a écrit des analyses fondamentales, à l’échelle des rapports nord-sud, l’impérialisme, ce qui frappe les « conquis sociaux comme les retraites et toutes les institutions démocratiques. Denis, dans la logique de ce « décalage » du parti avec le basculement historique vers le socialisme, le phénomène le plus structurel et que l’on ne peut ignorer quand on est un parti communiste, passe tout de suite à l’apport de la section économique concernant le projet retraite et après au  » dépassement du capitalisme à partir des institutions existantes » à l’occasion des élections municipales en perdant de ce fait ou en donnant l’impression d’abandonner le but du socialisme. Si les travaux de Paul Boccara ont été souvent tirés vers un réformisme qui a grevé l’eurocommunisme, Paul a été aussi un des derniers théoriciens dont on peut effectivement utiliser les travaux dans le sens du réformisme ou dans une perspective révolutionnaire, qui dans ce cas ne saurait ignorer la lutte anti-impérialiste et son poids dans le basculement historique actuel.

Il faut savoir perdre du temps pour en gagner pour surmonter les divisions en allant jusqu’au bout des réflexions. on ne traite pas de la même manière un adversaire et un autre soi-même, qui on peut le penser, peut mettre à jour des réalités d’une lutte commune, nous avons trop souffert des exclusions, des censures a priori, il ne s’agit pas de se substituer aux instances officielles de décision des militants mais d’aller jusqu’au bout dans une approche théorico-pratique des travaux de chercheurs susceptible d’éclairer la décision.

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Il y a d’autres chercheurs qui pourraient utilement contribuer à ce dialogue et je pense aux travaux de Remy Herrera mais aussi aux nôtres, alors que nous en sommes à la troisième édition de notre livre quand la France s’éveillera à la Chine la longue marche vers un monde multipolaire, est-il normal malgré la préface de Fabien Roussel que la commission internationale ait imposé une omerta dans l’Humanité et dans toutes les revues du parti alors que beaucoup de blogs et de sections du PCF en assurent la diffusion ? Pourtant le « décalage », le premier selon la présentation de Denis Durant est bien là et il concerne concrètement l’activité du parti et le fait que les communistes de Pierre Bénite avec lesquels j’ai toujours eu personnellement des discussion courtoises et productives observent à son égard un étrange mutisme.

Parce que ce qui se joue ici est un « vrai décalage » , celui qui est intervenu dans la vie démocratique du parti avec l’abandon à travers « la mutation » du centralisme démocratique, et qui n’a été remplacé par rien si ce n’est le calque du fonctionnement de la social démocratie. Les principales victimes outre la formation et l’organisation des militants, ont été les cellules d’entreprise et l’on commence à mesurer la nécessité de les recréer à travers l’avancée de la réflexion de Fabien Roussel sur le travail, on peut considérer qu’il y a dans certaines commissions héritées de la période antérieure à la mutation de Hue comme la section économique, et aussi le travail de la revue progressiste vers les milieux scientifiques, des points d’appui importants, parce que les membres de ces commissions n’ont jamais renoncé à ce lien avec la production.

Mais là aussi, il faut que cela ne demeure pas sous le prisme des commissions qui ont tendance à devenir des forteresses qui n’ouvrent pas le débat mais l’imposent, c’est un vrai décalage dans la vie du parti et on l’a vu avec la manière dont chacun a tiré le livre sur le parti pris du travail vers sa « boutique » ce qui est naturel mais contribue à clore le débat avant même de l’avoir entamé, ce qui favorise incontestablement la social démocratisation instantanée de toutes les avancées puisqu’elles demeurent partielles et sans possibilité de mise en oeuvre militante de fait.

Intervention de Denis Durand au CN du PCF du 16 mai

Publié le 18 mai 2025 par Les communistes de Pierre Bénite

Intervention de Denis Durand au CN du PCF du 16 mai

Je constate trois décalages.

En premier lieu, un décalage entre l’ampleur des bouleversements internationaux, et des périls qui montent dans le pays même d’une part, et d’autre part notre action publique qui s’en tient trop souvent à de la communication au jour le jour.

Je prends un seul exemple, celui des retraites. On annonce que les parlementaires communistes vont déposer une proposition de loi pour abroger la réforme Macron. Mais Macron a dit non à un référendum. La seule façon de faire évoluer les choses, c’est une mobilisation comparable à celle de 2023 : mais nous savons maintenant qu’on ne réussira pas une telle mobilisation sur la retraite à 62 ans. Seule une perspective de progrès, la retraite à 60 ans avec prise en compte des années d’études et de la pénibilité, peut réveiller la combativité. La CGT tient bon sur ces revendications, mais aujourd’hui elle est seule. Toutes les forces politiques ont accepté qu’elles soient écartées de l’ordre du jour. 

La responsabilité d’un Parti communiste, et nous pouvons le faire, c’est de montrer comment une alternative est possible. Comment on peut augmenter les ressources de la Sécurité sociale en générant des cotisations. Pour cela, nous proposons d’agir sur les entreprises en modulant à la hausse les cotisations pour celles qui font des profits financiers au lieu d’augmenter l’emploi et les salaires. Ce sont ces propositions très précises qui devraient faire l’objet d’une proposition de loi. C’est comme cela que nous aiderons vraiment le mouvement syndical, et non pas en nous ralliant au défaitisme dès qu’on arrive sur le terrain politique, c’est-à-dire sur celui du financement.

Il s’agit au fond simplement de mener bataille sur notre projet pour les retraites. Nous en avons le potentiel militant, et nos propositions s’inscrivent dans un projet de société, pour la France, pour le monde et pour l’Europe, qui été discuté, amendé, travaillé, adopté de façon très démocratique à nos congrès.

Et c’est là le deuxième décalage. Notre projet n’est pas souverainiste, étatiste, autoritaire comme le projet de résolution, dans son état actuel, pourrait en donner l’impression. C’est une extension sans précédent de la démocratie pour la prise de pouvoir par les travailleurs sur l’économie. Par exemple, les formes de planification que nous proposons sont radicalement différentes de tout ce qui a été fait dans le passé.

Ce décalage entre notre projet et notre discours nous a coûté très cher aux élections européennes. Mais nous sommes aujourd’hui dans un moment où la cohérence du projet communiste permet d’ouvrir un dialogue très productif et très rassembleur à gauche, comme nous en avons eu l’expérience, entre autres exemples, à la rencontre contre l’austérité, organisée par Économie&Politique le 29 mars dernier, et on le verra encore samedi 24 mai à la rencontre de la fondation Gabriel Péri sur la crise du capitalisme monopoliste d’État.

Enfin, troisième décalage lié au précédent, le décalage entre ce qui est fait et ce que les militants voudraient. Les communistes sont très conscients de l’importance des élections municipales, des alliances nécessaires, ils vont mettre toutes leurs forces dans la campagne et nous aurons des élus. Mais cela ne suffira pas pour satisfaire les attentes des communistes et construire l’unité du Parti. 

Nous ne construirons pas un parti puissant et influent en nous coulant dans le moule des institutions existantes. L’engagement des communistes est d’agir pour transformer l’ordre existant, dans un projet et avec des actions qui intègrent toutes les avancées de la démocratie bourgeoise, et les développent jusqu’à aller bien au-delà de ses limites et de ses délégations de pouvoirs.

Il faut réduire ces trois décalages. Avec notre potentiel militant et la force de notre projet, nous en avons la possibilité, à condition de faire davantage confiance au Parti.

Publié dans PCF

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2 Commentaires

  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    Oui, il faut ouvrir le débat et ne pas le craindre car la situation changeant rapidement, une réflexion collective ouverte est indispensable. Les situations de changement accéléré crée des évolutions rapides dans les consciences et rendent rapidement obsolètes toutes tentatives de rattacher les positions à une chapelle ou à une autre. Il y a alors deux solutions, soit accepter le débat ouvert, et le mener de manière constructive en ayant confiance dans notre capacité collective à résoudre les questions, notamment en allant à l’écoute de la société, soit tenter de le bloquer en imposant à chacun de se ranger de tel ou tel côté, en caricaturant par avance les positions avec des procès d’intention, ou avec des phrases du genre « ça, il ne faut pas le dire comme ça parce que ça va crisper tel ou tel ».

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  • Xuan
    Xuan

    Je relève « La seule façon de faire évoluer les choses, c’est une mobilisation comparable à celle de 2023 ». Seul un mouvement des masses peut faire avancer l’histoire, mais ce mouvement devrait être dans une large mesure organisé par le parti communiste.

    « Une extension sans précédent de la démocratie pour la prise de pouvoir par les travailleurs sur l’économie.  » reste quelque chose de très flou.
    A l’évidence la bourgeoisie ne laissera jamais s’étendre la démocratie tant qu’elle conservera le pouvoir. Par conséquent c’est la prise du pouvoir qui peut permettre cette « extension sans précédent » et non l’inverse. Même si les grands mouvements de masse s’accompagnent généralement d’immenses débats dans tout le pays, ces débats n’ont pas l’écho des médias bourgeois.

    D’autre part il ne s’agit pas prendre le pouvoir sur l’économie parce que dans ce domaine la seule prise de pouvoir est une grève politique de masse comme le proposait Thorez. Et alors c’est un combat destructeur et non constructif.
    Si on regarde la quasi totalité des conflits majeurs, même l’action syndicale devient très rapidement une action politique, et c’est un trait caractéristique du capitalisme monopoliste d’Etat. Seule la prise du pouvoir d’Etat peut permettre de prendre le pouvoir « sur l’économie ».

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