Il faut prendre cette déclaration dans « un focal élargi » qui manque singulièrement à nos politiciens français. Même quand ils accomplissent des pas de géant en faveur de la paix, il leur manque ce sur quoi nous insisterons demain : une connaissance approfondie de la politique chinoise face à la volonté de Trump d’exercer son leadership sur l’Occident et ses « dépendances ». Le ministère chinois des Affaires étrangères a récemment publié son troisième document de politique générale sur l’Amérique latine et les Caraïbes. Ce document, d’une grande portée, aborde des sujets allant de la diplomatie à la coopération en matière de sécurité et aux échanges culturels. Il témoigne de l’engagement croissant de la Chine dans l’hémisphère occidental et de son approche de plus en plus globale. Cet éditorial du très officiel Global Times témoigne non pas d’une déclaration de principe mais d’un engagement stratégique « multipolaire ». (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Par Global Times 22 décembre 2025 
Cette capture d’écran, extraite d’une vidéo publiée sur le compte X de la secrétaire américaine à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, montre un avion des garde-côtes américains survolant un pétrolier, dont le dernier mouillage avait eu lieu au Venezuela, avant son interception le 20 décembre 2025. Photo : VCG
L’escalade des actions américaines contre le Venezuela a suscité une vive inquiétude au sein de la communauté internationale. Le 20 décembre, les États-Unis ont arraisonné un deuxième pétrolier au large des côtes vénézuéliennes. Le même jour, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a averti qu’« une intervention armée au Venezuela serait une catastrophe humanitaire pour l’hémisphère et un dangereux précédent pour le monde ».
Auparavant, des alliés des États-Unis, tels que le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas, auraient suspendu ou limité leur partage de renseignements avec les États-Unis concernant la région. La réaction internationale montre clairement que les actions américaines n’ont pas rallié de soutien ; au contraire, elles ont placé les États-Unis en porte-à-faux avec les normes morales internationales.
Le pétrole est vital pour l’économie vénézuélienne, avec une production d’environ un million de barils par jour. Le blocus américain a entraîné une forte baisse des exportations de pétrole vénézuélien, de nombreux pétroliers chargés de pétrole brut étant immobilisés dans les eaux vénézuéliennes, incapables de prendre la mer. Ce blocus qui frappe le poumon économique d’une nation aura des conséquences désastreuses pour la vie des Vénézuéliens. Le gouvernement vénézuélien a déjà indiqué être prêt à décréter l’état d’urgence face à la menace d’« agression » américaine, ce qui laisse présager une escalade de la situation.
Dans le contexte des conflits russo-ukrainiens et israélo-palestiniens, la crainte d’une nouvelle crise dans les Caraïbes grandit.
L’histoire des relations entre les États-Unis et l’Amérique latine révèle les conséquences néfastes de la doctrine Monroe. Du déclenchement des guerres américano-mexicaine et hispano-américaine à l’occupation directe de Cuba, en passant par l’imposition d’un embargo prolongé et la prise de contrôle du canal de Panama ; de l’incitation à des rébellions par procuration pour renverser les gouvernements légitimes du Guatemala et du Chili à l’envoi de troupes pour « capturer » le chef d’État panaméen, les États-Unis ont exploité les ressources naturelles et recherché le profit en Amérique latine, entraînant des conséquences catastrophiques pour la région et violant gravement les droits humains fondamentaux des populations latino-américaines, notamment leur droit à la survie et au développement.
Les pays d’Amérique latine sont depuis longtemps conscients de l’ingérence américaine dans leur souveraineté et leur indépendance et la déplorent profondément. Plus les États-Unis les répriment, plus leur hostilité envers eux s’accroît. L’éloignement entre les États-Unis et l’Amérique latine continuera de s’accélérer, de s’approfondir et de s’étendre.
Le droit au développement est un droit fondamental de chaque nation. Le Venezuela a le droit de choisir sa propre voie de développement et de rechercher une coopération mutuellement avantageuse avec ses partenaires. C’est un consensus partagé par les pays du Sud. Lorsque le Venezuela a demandé une session d’urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies, de nombreux pays d’Amérique latine ont exprimé leur soutien. Le Brésil a même proposé sa médiation entre les États-Unis et le Venezuela. Il est clair que la communauté internationale comprend et soutient la position du Venezuela quant à la sauvegarde de ses droits et intérêts légitimes, tout en souhaitant empêcher les États-Unis de créer un précédent fâcheux. Un tel précédent constituerait une grave violation du droit international ; les avoirs d’un pays à l’étranger pourraient être mis en péril par un abus de droit national de la part des États-Unis.
La communauté internationale devrait renforcer son unité pour défendre conjointement le multilatéralisme, l’équité et la justice internationales, et soutenir les efforts du Venezuela pour préserver sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale.
Actuellement, les pays d’Amérique latine privilégient la croissance économique, la stabilité sociale et l’amélioration du bien-être de leurs citoyens. En 2014, l’Amérique latine et les Caraïbes ont été déclarées zone de paix. Si les États-Unis entreprennent une action militaire contre le Venezuela, ils compromettraient les nobles aspirations des peuples de la région. Si les États-Unis persistent à attiser les tensions, à s’ingérer dans les élections d’autres pays et même à déployer « la plus importante présence militaire depuis des décennies » dans le sud des Caraïbes, ils ne feront que perturber le développement des pays de la région et entraîner une régression économique. Imaginez un hémisphère en proie à la récession, aux troubles internes, voire à la guerre : comment pourrait-il devenir une « zone de stabilité » pour les États-Unis ? La crise humanitaire de grande ampleur, les vagues migratoires massives et la criminalité organisée, conséquences de la perte de contrôle gouvernemental effectif, auront inévitablement des répercussions sur les États-Unis eux-mêmes.
L’intervention militaire engendre souvent davantage de problèmes. L’afflux incontrôlé de migrants, la croissance des réseaux criminels transnationaux et la montée du sentiment anti-américain dans la région épuisent les ressources diplomatiques et la crédibilité stratégique des États-Unis.
Cette situation fait l’objet d’une prise de conscience grandissante aux États-Unis. Selon un sondage Quinnipiac publié mercredi, 63 % des Américains interrogés s’opposent à une action militaire contre le Venezuela, contre seulement 25 % qui y sont favorables. La nouvelle stratégie de sécurité nationale place l’hémisphère occidental au cœur des intérêts américains, mais il est évident qu’une Amérique latine qui se sent « éloignée » des États-Unis, voire qui nourrit de l’hostilité à leur égard, ne fera qu’affaiblir l’attrait et l’influence américains dans la région. L’influence américaine en Amérique latine ne doit pas reposer sur l’abus de force, mais sur le respect mutuel et une coopération mutuellement avantageuse.
Au début du XIXe siècle, les États-Unis ont soutenu la résistance des pays d’Amérique latine contre les puissances coloniales européennes, s’attirant ainsi une certaine bienveillance de la part des populations latino-américaines. Cependant, à mesure que les États-Unis ont acquis de la puissance, ils sont devenus un facteur majeur d’instabilité et de sous-développement en Amérique latine. Les États-Unis sont aujourd’hui confrontés à un nouveau choix stratégique crucial.
L’histoire a maintes fois démontré qu’« une cause juste rassemble un large soutien, tandis qu’une cause injuste en recueille peu ». Seuls le respect mutuel et l’égalité peuvent instaurer une paix et un développement durables, conformes aux intérêts communs de tous les pays, et notamment au bien-être à long terme du peuple américain.
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