Il y a bien longtemps, Che Guevara est venu à l’ONU lancer la prophétie de Fidel Castro : après la victoire de l’URSS sur le nazisme, cet impérialisme raciste, il y aurait une lutte des classes à l’échelle mondiale menée par les pays du sud. Il ajoutait cette étrange prophétie, à savoir que le nazisme qui n’avait été jamais été éradiqué en Europe ressurgirait et se prétendrait démocratie. On s’interroge beaucoup sur qui viendra à l’aide du Venezuela attaqué par l’impérialisme qui quoiqu’on en imagine veut conserver sa domination tout en étant contraint au recul devant la Chine, mais il prend d’énormes risques sans même que le Venezuela ait besoin de soutien militaire. Nous restons encore trop dans la répétition et pas dans ce qui se joue y compris dans les compromis. Parce que nous avons manipulé le passé, nous sommes incapables de voir la réalité d’aujourd’hui (note et traduction de Danielle Bleitrach)
12/12/2025
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les délégués,
La délégation cubaine auprès de cette Assemblée se réjouit tout d’abord d’accueillir trois nouvelles nations parmi celles qui débattent ici des problèmes du monde. Nous saluons donc, en la personne de leurs présidents et premiers ministres, les peuples de Zambie, du Malawi et de Malte, et exprimons l’espoir que ces pays rejoindront d’emblée le groupe des pays non alignés qui luttent contre l’impérialisme, le colonialisme et le néocolonialisme.
Nous tenons également à féliciter le président de cette Assemblée [Alex Quaison-Sackey du Ghana], dont l’accession à une fonction aussi élevée revêt une importance particulière, car elle témoigne de cette nouvelle étape historique marquée par des victoires retentissantes pour les peuples d’Afrique, qui, jusqu’à récemment, étaient soumis au système colonial impérialiste. Aujourd’hui, ces peuples, dans leur immense majorité, sont devenus des États souverains grâce à l’exercice légitime de leur droit à l’autodétermination. L’heure du colonialisme a sonné, et des millions d’habitants d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine se lèvent pour bâtir une vie nouvelle et revendiquer leur droit inaliénable à l’autodétermination et au développement indépendant de leurs nations.
Monsieur le Président, nous vous souhaitons plein succès dans les tâches qui vous ont été confiées par les États membres.
Cuba vient ici pour exposer sa position sur les points de controverse les plus importants et le fera avec le plein sens des responsabilités qu’implique l’utilisation de cette tribune, tout en s’acquittant du devoir incontournable de parler clairement et franchement.
Nous souhaitons que cette Assemblée sorte de sa torpeur et aille de l’avant. Nous souhaitons que les commissions se mettent au travail et ne s’arrêtent pas à la première confrontation. L’impérialisme veut transformer cette réunion en un vaine joute oratoire, au lieu de s’atteler à la résolution des graves problèmes du monde. Nous devons l’en empêcher. Cette session de l’Assemblée ne doit pas être réduite à la seule 19e année qui la désigne. Nos efforts convergent vers cet objectif.
Nous estimons avoir le droit et le devoir d’agir ainsi, car notre pays est l’un des foyers de tensions les plus constants. C’est un lieu où les principes qui garantissent le droit des petits États à la souveraineté sont mis à l’épreuve jour après jour, minute après minute. Parallèlement, notre pays est un bastion de la liberté dans le monde, à deux pas de l’impérialisme américain, démontrant par ses actions, par son exemple quotidien, que dans les conditions actuelles de l’humanité, les peuples peuvent se libérer et préserver leur liberté.
Certes, il existe aujourd’hui un camp socialiste qui se renforce de jour en jour et dispose d’armes de lutte toujours plus puissantes. Mais d’autres conditions sont nécessaires à sa survie : le maintien de l’unité interne, la foi en son propre destin et la décision irrévocable de se battre jusqu’à la mort pour la défense de sa patrie et de la révolution. Ces conditions, Mesdames et Messieurs les délégués, sont réunies à Cuba.
Parmi tous les problèmes urgents que cette Assemblée doit traiter, celui de la coexistence pacifique entre États aux systèmes économiques et sociaux différents revêt une importance particulière à nos yeux, et dont nous estimons qu’il est impératif de trouver la solution en premier lieu – afin de lever tout doute –, est celui de la coexistence pacifique. Des progrès considérables ont été accomplis dans le monde en ce domaine. Or, l’impérialisme, et notamment l’impérialisme américain, a tenté de faire croire au monde que la coexistence pacifique était le droit exclusif des grandes puissances. Nous réaffirmons ici les propos de notre président au Caire, et ce qui a été exprimé ultérieurement dans la déclaration de la deuxième Conférence des chefs d’État ou de gouvernement des pays non alignés : la coexistence pacifique ne saurait se limiter aux pays puissants si nous voulons garantir la paix mondiale. Elle doit s’exercer entre tous les États, quelle que soit leur taille, quelles que soient les relations historiques qui les unissent et quels que soient les problèmes qui peuvent surgir entre eux à un moment donné.
À l’heure actuelle, le type de coexistence pacifique auquel nous aspirons est souvent bafoué. Le Royaume du Cambodge, du simple fait d’avoir maintenu une attitude neutre et de ne pas s’être soumis aux machinations de l’impérialisme américain, a été la cible d’attaques perfides et brutales perpétrées depuis les bases américaines du Sud-Vietnam.
Le Laos, pays divisé, a lui aussi été la cible d’agressions impérialistes de toutes sortes. Sa population a été massacrée par des bombardements aériens. Les conventions de Genève ont été violées et une partie de son territoire est constamment menacée par des attaques lâches de la part des forces impérialistes.
La République démocratique du Vietnam connaît ces histoires d’agression comme peu de nations au monde. Une fois de plus, ses frontières ont été violées, des bombardiers et des avions de chasse ennemis ont attaqué ses installations et des navires de guerre américains, violant ses eaux territoriales, ont attaqué ses bases navales. À l’heure actuelle, la République démocratique du Vietnam vit sous la menace que les belligérants américains étendent ouvertement sur son territoire la guerre qu’ils mènent depuis de nombreuses années contre le peuple du Sud-Vietnam. L’Union soviétique et la République populaire de Chine ont adressé de sérieux avertissements aux États-Unis. Nous sommes confrontés à une situation où la paix mondiale est en danger et, de surcroît, où la vie de millions d’êtres humains dans cette partie de l’Asie est constamment menacée et soumise au bon vouloir de l’envahisseur américain.
La coexistence pacifique a également été brutalement mise à l’épreuve à Chypre, en raison des pressions exercées par le gouvernement turc et l’OTAN, contraignant le peuple et le gouvernement chypriotes à adopter une position héroïque et ferme pour défendre leur souveraineté.
Dans toutes ces régions du monde, l’impérialisme tente d’imposer sa conception de la coexistence. Il appartient aux peuples opprimés, alliés au camp socialiste, de leur montrer ce qu’est la véritable coexistence, et il est du devoir des Nations Unies de les soutenir.
Il convient également de préciser que le concept de coexistence pacifique ne doit pas être défini uniquement dans les relations entre États souverains. En tant que marxistes, nous avons toujours soutenu que la coexistence pacifique entre les nations exclut la coexistence entre exploiteurs et exploités, entre oppresseurs et opprimés. Par ailleurs, le droit à la pleine indépendance vis-à-vis de toute forme d’oppression coloniale est un principe fondamental de notre organisation. C’est pourquoi nous exprimons notre solidarité avec les peuples colonisés de ce qu’on appelait la Guinée portugaise, l’Angola et le Mozambique, massacrés pour avoir osé revendiquer leur liberté. Et nous sommes prêts à les aider dans la mesure de nos moyens, conformément à la déclaration du Caire.
Nous exprimons notre solidarité avec le peuple portoricain et son grand leader, Pedro Albizu Campos, qui, comble de l’hypocrisie, a été libéré à 72 ans, presque aphasique, paralysé, après avoir passé toute sa vie en prison. Albizu Campos est un symbole de l’Amérique latine, encore privée de liberté mais indomptable. Des années et des années d’emprisonnement, des pressions carcérales quasi insoutenables, des tortures psychologiques, la solitude, l’isolement total de son peuple et de sa famille, l’insolence du conquérant et de ses laquais sur sa terre natale – rien n’a brisé sa volonté. La délégation cubaine, au nom de son peuple, rend hommage avec admiration et gratitude à ce patriote qui fait honneur à notre Amérique.
Depuis de nombreuses années, les États-Unis s’efforcent de faire de Porto Rico un modèle de culture hybride : une langue espagnole teintée d’anglais, une langue espagnole dont la structure même est bouleversée – afin de mieux se soumettre au soldat yankee. Les soldats portoricains ont été utilisés comme chair à canon dans les guerres impérialistes, comme en Corée, et ont même été contraints de tirer sur leurs propres frères, comme lors du massacre perpétré par l’armée américaine il y a quelques mois contre le peuple panaméen désarmé – l’un des crimes les plus récents commis par l’impérialisme yankee. Et pourtant, malgré cette atteinte à leur volonté et à leur destin historique, le peuple portoricain a préservé sa culture, son identité latine, son sentiment national, qui témoignent de l’ardent désir d’indépendance qui anime les masses de cette île d’Amérique latine. Il convient également de rappeler que le principe de coexistence pacifique n’autorise pas à bafouer la volonté des peuples, comme c’est le cas pour la Guyane britannique. Là-bas, le gouvernement du Premier ministre Cheddi Jagan a été victime de toutes sortes de pressions et de manœuvres, et l’indépendance a été retardée afin de gagner du temps pour trouver des moyens de bafouer la volonté du peuple et de garantir la docilité d’un nouveau gouvernement, placé au pouvoir par des moyens clandestins, dans le but d’accorder une liberté étriquée à ce pays des Amériques. Quels que soient les chemins que la Guyane soit contrainte d’emprunter pour obtenir son indépendance, le soutien moral et militant de Cuba va à son peuple. [15]
De plus, il convient de souligner que les îles de Guadeloupe et de Martinique luttent depuis longtemps pour obtenir leur autonomie, sans l’avoir obtenue. Cette situation est inacceptable. Nous prenons une nouvelle fois la parole pour alerter la communauté internationale sur ce qui se passe en Afrique du Sud. La politique brutale d’apartheid est appliquée sous les yeux du monde entier. Les peuples d’Afrique sont contraints de subir le fait que, sur le continent africain, la supériorité d’une race sur une autre demeure une politique officielle et qu’au nom de cette supériorité raciale, des meurtres sont commis en toute impunité. Les Nations Unies restent-elles les bras croisés face à cette situation ?
Je voudrais évoquer tout particulièrement le cas douloureux du Congo, unique dans l’histoire du monde moderne, qui montre comment, en toute impunité, avec le cynisme le plus insolent, les droits des peuples peuvent être bafoués. La raison directe de tout cela est l’immense richesse du Congo, que les pays impérialistes veulent garder sous leur contrôle. Dans le discours qu’il a prononcé lors de sa première visite aux Nations Unies, Fidel Castro a observé que tout le problème de la coexistence entre les peuples se résume à l’appropriation illicite des richesses d’autrui. Il a déclaré : « Mettez fin à la philosophie du pillage et la philosophie de la guerre prendra fin elle aussi. »
Mais la philosophie du pillage non seulement n’a pas disparu, mais elle est plus forte que jamais. C’est pourquoi ceux qui ont utilisé le nom des Nations Unies pour assassiner Lumumba massacrent aujourd’hui, au nom de la défense de la race blanche, des milliers de Congolais. Comment oublier la trahison de l’espoir que Patrice Lumumba avait placé dans les Nations Unies ? Comment oublier les machinations et les manœuvres qui ont suivi l’occupation du pays par les troupes de l’ONU, sous l’égide desquelles les assassins de ce grand patriote africain ont agi en toute impunité ? Comment oublier, Mesdames et Messieurs les délégués, que celui qui a bafoué l’autorité de l’ONU au Congo – non pas par patriotisme, mais en raison de conflits entre impérialistes – fut Moïse Tshombe, qui a initié la sécession du Katanga avec le soutien de la Belgique ? Comment justifier, comment expliquer qu’à la fin de toutes les activités des Nations Unies sur place, Tshombe, délogé du Katanga, revienne en seigneur et maître du Congo ? Qui peut nier le rôle déplorable que les impérialistes ont contraint les Nations Unies à jouer ? [16]
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En résumé : des mobilisations spectaculaires ont été menées pour éviter la sécession du Katanga, mais aujourd’hui Tshombe est au pouvoir, les richesses du Congo sont entre les mains des impérialistes – et ce sont les nations honorables qui doivent payer la facture. Les marchands de guerre font de bonnes affaires ! C’est pourquoi le gouvernement cubain soutient la juste position de l’Union soviétique qui refuse de financer ce crime.
Et comme si cela ne suffisait pas, nous sommes maintenant confrontés à ces derniers actes qui ont suscité l’indignation dans le monde entier. Qui sont les coupables ? Des parachutistes belges, transportés par des avions américains, qui ont décollé de bases britanniques. Nous nous souvenons comme si c’était hier d’avoir vu un petit pays d’Europe, un pays civilisé et industrieux, le Royaume de Belgique, envahi par les hordes d’Hitler. Nous étions aigris de savoir que cette petite nation avait été massacrée par l’impérialisme allemand, et nous éprouvions de l’affection pour son peuple. Mais l’autre face de la médaille impérialiste, beaucoup d’entre nous ne l’ont pas vue. Peut-être les fils de ces patriotes belges morts pour la liberté de leur pays assassinent-ils maintenant de sang-froid des milliers de Congolais au nom de la race blanche, tout comme ils ont souffert sous le joug allemand parce que leur sang n’était pas suffisamment aryen. Nos yeux, désormais libres, s’ouvrent sur de nouveaux horizons et nous permettent de voir ce qu’hier, dans notre condition d’esclaves coloniaux, nous ne pouvions percevoir : que la « civilisation occidentale » dissimule derrière sa façade ostentatoire un tableau de hyènes et de chacals. C’est le seul nom qui convienne à ceux qui sont allés accomplir de telles missions « humanitaires » au Congo. Un animal carnivore qui se nourrit de peuples sans défense. Voilà ce que l’impérialisme fait aux hommes. Voilà ce qui caractérise l’« homme blanc » impérialiste.
Tous les hommes libres du monde doivent être prêts à venger le crime du Congo. Nombre de ces soldats, déshumanisés par la machine impérialiste, croient peut-être sincèrement défendre les droits d’une race supérieure. Dans cette Assemblée, cependant, la majorité est constituée par les peuples dont la peau est noircie par un autre soleil, colorée par d’autres pigments. Et ils comprennent pleinement que la différence entre les hommes ne réside pas dans la couleur de leur peau, mais dans les formes de propriété des moyens de production, dans les rapports de production. La délégation cubaine adresse ses salutations aux peuples de Rhodésie du Sud et d’Afrique du Sud-Ouest, opprimés par des minorités colonialistes blanches ; aux peuples du Basutoland, du Bechuanaland, du Swaziland, de la Somalie française, aux Arabes de Palestine, d’Aden et des Protectorats, d’Oman ; et à tous les peuples en conflit avec l’impérialisme et le colonialisme. Nous leur réaffirmons notre soutien.
J’exprime également l’espoir qu’une solution juste sera trouvée au conflit qui oppose notre république sœur d’Indonésie à la Malaisie. Monsieur le Président : L’un des thèmes fondamentaux de cette conférence est le désarmement général et complet. Nous exprimons notre soutien à un désarmement général et complet. De plus, nous préconisons la destruction complète de tous les engins thermonucléaires et nous soutenons la tenue d’une conférence réunissant toutes les nations du monde afin de concrétiser cette aspiration de tous les peuples. Dans son discours devant cette assemblée, notre Premier ministre a averti que les courses aux armements ont toujours mené à la guerre. De nouvelles puissances nucléaires émergent dans le monde et les risques de confrontation augmentent. Nous pensons qu’une telle conférence est nécessaire pour obtenir la destruction totale des armes thermonucléaires et, dans un premier temps, l’interdiction totale des essais. Parallèlement, nous devons affirmer clairement l’obligation pour tous les pays de respecter les frontières actuelles des autres États et de s’abstenir de toute agression, même avec des armes conventionnelles.
En nous joignant à tous les peuples du monde qui réclament un désarmement général et complet, la destruction de tous les arsenaux nucléaires, l’arrêt immédiat de la construction de nouvelles armes thermonucléaires et de tout essai nucléaire, nous estimons nécessaire de souligner également que l’intégrité territoriale des nations doit être respectée et la main armée de l’impérialisme contenue, car ce dernier n’en est pas moins dangereux lorsqu’il recourt uniquement à des armes conventionnelles. Ceux qui ont assassiné des milliers de citoyens congolais sans défense n’ont pas utilisé la bombe atomique. Ils ont utilisé des armes conventionnelles. L’impérialisme a lui aussi eu recours à des armes conventionnelles, causant d’innombrables morts.
Même si les mesures préconisées ici devenaient efficaces et rendaient inutile d’en parler, il convient de souligner que nous ne pouvons adhérer à aucun pacte régional de dénucléarisation tant que les États-Unis maintiennent des bases militaires agressives sur notre territoire, à Porto Rico, au Panama et dans d’autres États d’Amérique latine où ils estiment avoir le droit de déployer des armes conventionnelles et nucléaires sans aucune restriction. Nous estimons devoir être en mesure d’assurer notre propre défense, compte tenu de la récente résolution de l’Organisation des États américains contre Cuba, qui autorise une attaque en invoquant le Traité de Rio. [17] Si la conférence que nous venons d’évoquer atteignait tous ces objectifs – ce qui, malheureusement, serait difficile –, nous pensons qu’elle serait la plus importante de l’histoire de l’humanité. Pour ce faire, la présence de la République populaire de Chine serait indispensable, et c’est pourquoi une telle conférence doit être organisée. Mais il serait beaucoup plus simple pour les peuples du monde de reconnaître la vérité indéniable de l’existence de la République populaire de Chine, dont le gouvernement est le seul représentant de son peuple, et de lui accorder la place qui lui revient, actuellement usurpée par la bande qui contrôle la province de Taïwan, avec le soutien des États-Unis.
La question de la représentation de la Chine aux Nations Unies ne saurait en aucun cas être considérée comme une nouvelle admission à l’organisation, mais plutôt comme le rétablissement des droits légitimes de la République populaire de Chine.
Nous devons rejeter avec vigueur le complot des « deux Chines ». La clique de Tchang Kaï-chek à Taïwan ne peut rester aux Nations Unies. Ce dont nous avons affaire, nous le répétons, c’est l’expulsion de l’usurpateur et l’installation du représentant légitime du peuple chinois.
Nous mettons également en garde contre l’insistance du gouvernement américain à présenter la question de la représentation légitime de la Chine à l’ONU comme une « question importante », afin d’imposer l’exigence d’une majorité des deux tiers des membres présents et votants. L’admission de la République populaire de Chine aux Nations Unies est certes une question importante pour le monde entier, mais non pour les rouages de l’ONU, où elle doit constituer une simple question de procédure. Ainsi, justice sera rendue. Presque aussi important que de rendre justice, il serait toutefois essentiel de démontrer, une fois pour toutes, que cette auguste Assemblée est capable de voir, d’entendre, de parler et de disposer de critères solides pour prendre ses décisions. La prolifération des armes nucléaires parmi les États membres de l’OTAN, et en particulier la possession de ces engins de destruction massive par la République fédérale d’Allemagne, rendrait la perspective d’un accord de désarmement encore plus improbable, et la question de la réunification pacifique de l’Allemagne est indissociable d’un tel accord. Tant qu’un accord clair n’est pas trouvé, il faut reconnaître l’existence de deux Allemagnes : celle de la République démocratique allemande et celle de la République fédérale. La question allemande ne pourra être résolue qu’avec la participation directe et pleine de droits de la République démocratique allemande aux négociations. Nous n’aborderons ici que les questions de développement économique et de commerce international, largement représentées à l’ordre du jour. En 1964 même s’est tenue la conférence de Genève, au cours de laquelle de nombreux sujets relatifs à ces aspects des relations internationales ont été traités. Les avertissements et les prévisions de notre délégation se sont pleinement confirmés, au grand dam des pays économiquement dépendants.
Nous tenons simplement à souligner que, concernant Cuba, les États-Unis n’ont pas appliqué les recommandations explicites de cette conférence et que, récemment, le gouvernement américain a également interdit la vente de médicaments à Cuba. Ce faisant, il s’est définitivement dépouillé du masque humanitaire dont il tentait de dissimuler le caractère agressif de son blocus contre le peuple cubain.
De plus, nous réaffirmons que les séquelles du colonialisme, qui entravent le développement des peuples, ne se manifestent pas uniquement dans les relations politiques. La prétendue détérioration des termes de l’échange n’est autre que le résultat d’échanges inégaux entre pays producteurs de matières premières et pays industrialisés, qui dominent les marchés et imposent l’illusion d’une justice équitable en matière de valeur.
Tant que les peuples économiquement dépendants ne s’affranchiront pas des marchés capitalistes et ne s’uniront pas fermement aux pays socialistes pour instaurer de nouvelles relations entre exploités et exploiteurs, il n’y aura pas de développement économique solide. Dans certains cas, on assistera même à une régression, où les pays les plus faibles tomberont sous la domination politique des impérialistes et des colonialistes.
Enfin, Mesdames et Messieurs les délégués, il convient de préciser que dans la région des Caraïbes, des manœuvres et des préparatifs d’agression contre Cuba sont en cours, notamment sur les côtes du Nicaragua, mais aussi au Costa Rica, dans la zone du canal de Panama, sur l’île de Vieques à Porto Rico, en Floride et peut-être dans d’autres parties du territoire américain, voire au Honduras. Dans ces lieux, des mercenaires cubains, ainsi que des mercenaires d’autres nationalités, s’entraînent dans un but qui ne saurait être pacifique. Suite à un important scandale, le gouvernement costaricien aurait ordonné le démantèlement de tous les camps d’entraînement d’exilés cubains présents sur son territoire.
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Nul ne sait si cette position est sincère ou s’il s’agit d’un simple alibi, les mercenaires en formation sur place s’apprêtant à commettre un acte répréhensible. Nous espérons que l’on prendra pleinement conscience de l’existence réelle de fondements à une agression, que nous avons dénoncée depuis longtemps, et que la communauté internationale s’interrogera sur la responsabilité internationale du gouvernement d’un pays qui autorise et facilite la formation de mercenaires en vue d’attaquer Cuba. Il convient de noter que les informations concernant la formation de mercenaires dans différentes régions des Caraïbes et la participation du gouvernement américain à de tels actes sont présentées comme tout à fait naturelles dans la presse américaine. À notre connaissance, aucune voix latino-américaine ne s’est élevée contre cela. Cela témoigne du cynisme avec lequel le gouvernement américain manipule ses pions.
Les fins observateurs des Affaires étrangères de l’OEA savaient reconnaître les symboles cubains et trouver dans les armes exhibées par les Américains au Venezuela une preuve « irréfutable », mais ils ne voyaient pas les préparatifs d’agression aux États-Unis, tout comme ils n’ont pas entendu la voix du président Kennedy, qui s’est pourtant explicitement déclaré agresseur de Cuba à Playa Girón (débarquement de la Baie des Cochons en avril 1961). Dans certains cas, il s’agit d’un aveuglement provoqué par la haine que nourrissent les classes dirigeantes des pays d’Amérique latine à l’égard de notre révolution. Dans d’autres cas – et ceux-ci sont plus tristes et plus déplorables –, il est le fruit de l’éclat éblouissant de Mammon.
Comme chacun sait, après la vive agitation de la crise caribéenne, les États-Unis ont pris certains engagements envers l’Union soviétique. Ceux-ci ont abouti au retrait de certains types d’armes que les actes d’agression répétés des États-Unis — tels que l’attaque mercenaire de Playa Girón et les menaces d’invasion contre notre territoire — nous avaient contraints à installer à Cuba au titre de notre légitime défense.
Les États-Unis ont par ailleurs tenté d’obtenir une inspection de notre territoire par l’ONU. Mais nous refusons catégoriquement, car Cuba ne reconnaît pas le droit des États-Unis, ni de quiconque au monde, de déterminer le type d’armes que Cuba peut posséder sur son territoire.
À cet égard, nous ne respecterons que les accords multilatéraux, avec des obligations égales pour toutes les parties concernées. Comme l’a dit Fidel Castro : « Tant que le concept de souveraineté existera comme prérogative des nations et des peuples indépendants, comme droit de tous les peuples, nous n’accepterons pas que notre peuple soit exclu de ce droit. Tant que le monde sera gouverné par ces principes, tant qu’il sera gouverné par ces concepts qui ont une validité universelle parce qu’ils sont universellement acceptés et reconnus par les peuples, nous n’accepterons aucune tentative de nous priver de ces droits, et nous n’y renoncerons pas. » Le Secrétaire général des Nations Unies, U Thant, a compris nos raisons. Néanmoins, les États-Unis ont tenté d’établir une nouvelle prérogative, arbitraire et illégale : celle de violer l’espace aérien d’un petit pays. Ainsi, nous voyons survoler notre pays des avions U-2 et d’autres types d’avions espions qui, en toute impunité, survolent notre espace aérien. Nous avons lancé tous les avertissements nécessaires pour que cessent les violations de notre espace aérien, ainsi que les provocations de la marine américaine contre nos postes de garde dans la zone de Guantánamo, le survol à basse altitude de nos navires ou de navires d’autres nationalités par des aéronefs dans les eaux internationales, les attaques de pirates contre des navires naviguant sous différents pavillons et l’infiltration d’espions, de saboteurs et d’armes sur notre île.
Nous voulons construire le socialisme. Nous avons déclaré soutenir ceux qui œuvrent pour la paix. Nous nous sommes déclarés membres du groupe des pays non alignés, bien que marxistes-léninistes, car les pays non alignés, comme nous, luttent contre l’impérialisme. Nous voulons la paix. Nous voulons bâtir une vie meilleure pour notre peuple. C’est pourquoi nous évitons, autant que possible, de tomber dans les provocations des Américains. Mais nous connaissons la mentalité de ceux qui les gouvernent. Ils veulent nous faire payer un prix exorbitant pour cette paix. Nous répondons que ce prix ne saurait dépasser les limites de la dignité humaine.
Et Cuba réaffirme une fois de plus son droit de maintenir sur son territoire les armes qu’elle juge appropriées, et son refus de reconnaître le droit de toute puissance sur terre — aussi puissante soit-elle — de violer notre sol, nos eaux territoriales ou notre espace aérien.
Si Cuba contracte des obligations collectives au sein d’une quelconque assemblée, elle les respectera scrupuleusement. Tant que cela ne se produit pas, Cuba conserve tous ses droits, au même titre que toute autre nation. Face aux exigences de l’impérialisme, notre Premier ministre a énoncé les cinq points nécessaires à l’instauration d’une paix durable dans les Caraïbes. Les voici :
1. La levée du blocus économique et de toutes les pressions économiques et commerciales exercées par les États-Unis, dans toutes les parties du monde, contre notre pays.
2. L’arrêt de toutes les activités subversives, le lancement et le largage d’armes et d’explosifs par voie aérienne et maritime, l’organisation d’invasions mercenaires, l’infiltration d’espions et de saboteurs, actes tous menés depuis le territoire des États-Unis et de certains pays complices.
3. L’arrêt des attaques de pirates menées à partir des bases existantes aux États-Unis et à Porto Rico.
4. L’arrêt de toutes les violations de notre espace aérien et de nos eaux territoriales par les aéronefs et les navires de guerre américains.
5. Retrait de la base navale de Guantánamo et restitution du territoire cubain occupé par les États-Unis.
Aucune de ces revendications élémentaires n’a été satisfaite, et nos forces continuent d’être provoquées depuis la base navale de Guantánamo. Cette base est devenue un repaire de voleurs et leur sert de tremplin pour infiltrer notre territoire. Nous ennuierions cette Assemblée si nous devions détailler le grand nombre de provocations de toutes sortes. Il suffit de dire que, pour la seule année 1964, en incluant les premiers jours de décembre, on en dénombre 1 323. Cette liste comprend des provocations mineures telles que la violation de la ligne de démarcation, le lancement d’objets depuis le territoire contrôlé par les États-Unis, les actes d’exhibitionnisme sexuel commis par du personnel américain des deux sexes et les insultes verbales. Elle inclut également des provocations plus graves, comme les tirs d’armes de petit calibre, les tirs d’armes pointées vers notre territoire et les atteintes à notre drapeau national. Parmi les provocations extrêmement graves figurent le franchissement de la ligne de démarcation, les incendies volontaires d’installations du côté cubain et les tirs de fusil. On a dénombré 78 coups de feu cette année, et le bilan tragique d’un mort : celui de Ramón López Peña, un soldat tué par deux balles tirées depuis le poste américain situé à trois kilomètres et demi de la côte, sur la frontière nord. Cette provocation extrêmement grave a eu lieu le 19 juillet 1964 à 19h07, et le Premier ministre de notre gouvernement a déclaré publiquement le 26 juillet que si un tel incident se reproduisait, il ordonnerait à nos troupes de repousser l’agression. Simultanément, l’ordre a été donné de replier la ligne de front des forces cubaines vers des positions plus éloignées de la frontière et de construire les fortifications nécessaires. Mille trois cent vingt-trois provocations en 340 jours représentent environ quatre par jour. Seule une armée parfaitement disciplinée, dotée d’un moral comme le nôtre, pouvait résister à autant d’actes hostiles sans perdre son sang-froid.
Quarante-sept pays réunis à la deuxième Conférence des chefs d’État ou de gouvernement des pays non alignés au Caire ont convenu à l’unanimité :
Constatant avec préoccupation que les bases militaires étrangères constituent en pratique un moyen de pression sur les nations et d’entraver leur émancipation et leur développement, en s’appuyant sur leurs propres conceptions idéologiques, politiques, économiques et culturelles, la Conférence déclare son soutien sans réserve aux pays qui s’efforcent d’obtenir le démantèlement des bases étrangères sur leur territoire et appelle tous les États qui maintiennent des troupes et des bases dans d’autres pays à les retirer immédiatement. La Conférence considère que le maintien à Guantánamo (Cuba) d’une base militaire des États-Unis d’Amérique, au mépris de la volonté du gouvernement et du peuple cubains et des dispositions de la Déclaration de Belgrade, constitue une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de Cuba.
Prenant acte du fait que le gouvernement cubain se dit prêt à régler son différend avec les États-Unis d’Amérique concernant la base de Guantánamo sur un pied d’égalité, la conférence exhorte le gouvernement américain à ouvrir des négociations avec le gouvernement cubain en vue de l’évacuation de cette base.
Le gouvernement des États-Unis n’a pas répondu à cette demande de la conférence du Caire et tente de maintenir indéfiniment par la force son occupation d’une partie de notre territoire, d’où il commet des actes d’agression tels que ceux détaillés précédemment.
L’Organisation des États américains – que l’on surnomme aussi le ministère des Colonies des États-Unis – nous a condamnés avec véhémence, alors même qu’elle venait de nous exclure de ses rangs, ordonnant à ses membres de rompre leurs relations diplomatiques et commerciales avec Cuba. L’OEA a autorisé une agression contre notre pays à tout moment et sous n’importe quel prétexte, violant les lois internationales les plus fondamentales et faisant fi des Nations Unies. L’Uruguay, la Bolivie, le Chili et le Mexique se sont opposés à cette mesure, et le gouvernement des États-Unis du Mexique a refusé de se conformer aux sanctions approuvées. Depuis lors, nous n’entretenons aucune relation avec aucun pays d’Amérique latine, à l’exception du Mexique, ce qui constitue l’une des conditions nécessaires à une agression impérialiste directe.
Nous tenons à réaffirmer que notre préoccupation pour l’Amérique latine repose sur les liens qui nous unissent : la langue que nous parlons, la culture que nous perpétuons et le maître commun que nous avons subi. Nous n’avons aucune autre raison de souhaiter la libération de l’Amérique latine du joug colonial américain. Si l’un des pays latino-américains ici présents décide de rétablir des relations avec Cuba, nous serions disposés à le faire sur un pied d’égalité, sans considérer la reconnaissance de Cuba comme un pays libre comme un cadeau fait à notre gouvernement. Nous avons conquis cette reconnaissance au prix de notre sang lors de la lutte pour la libération. Nous l’avons obtenue au prix de notre sang en défendant nos côtes contre l’invasion yankee.
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Bien que nous rejetions toute accusation d’ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays, nous ne pouvons nier notre sympathie envers celles et ceux qui luttent pour leur liberté. Il est du devoir de notre gouvernement et de notre peuple d’affirmer clairement et catégoriquement au monde entier notre soutien moral et notre solidarité avec les peuples qui, partout dans le monde, combattent pour faire du droit à la pleine souveraineté proclamé dans la Charte des Nations Unies une réalité.
Ce sont les États-Unis qui interviennent. Ils l’ont fait historiquement en Amérique latine. Depuis la fin du siècle dernier, Cuba en a fait l’expérience ; mais le Venezuela, le Nicaragua, l’Amérique centrale en général, le Mexique, Haïti et la République dominicaine l’ont également vécu. Ces dernières années, outre notre peuple, le Panama a subi une agression directe, où les marines de la zone du canal ont ouvert le feu de sang-froid sur une population sans défense ; la République dominicaine, dont les côtes ont été violées par la flotte américaine pour éviter que la colère populaire, justifiée, ne s’embrase après la mort de Trujillo ; et la Colombie, dont la capitale a été prise d’assaut à la suite d’une rébellion provoquée par l’assassinat de Gaitán. [18] Les interventions clandestines se font par le biais de missions militaires participant à la répression intérieure, organisant des forces conçues à cette fin dans de nombreux pays, et aussi par des coups d’État, qui se sont multipliés sur le continent latino-américain ces dernières années. Concrètement, les forces américaines sont intervenues dans la répression des peuples du Venezuela, de Colombie et du Guatemala, qui luttaient par les armes pour leur liberté. Au Venezuela, les forces américaines ne se contentent pas de conseiller l’armée et la police ; elles orchestrent également des actes de génocide perpétrés depuis les airs contre la population paysanne dans de vastes zones d’insurrection. De plus, les entreprises américaines qui y opèrent exercent des pressions de toutes sortes pour accroître leur ingérence directe. Les impérialistes se préparent à réprimer les peuples des Amériques et sont en train d’établir une Internationale du crime.
Les États-Unis interviennent en Amérique latine au nom de la défense des institutions libres. Le moment viendra où cette Assemblée aura acquis davantage de maturité et exigera du gouvernement américain des garanties pour la vie des Noirs et des Latino-Américains qui vivent dans ce pays, dont la plupart sont citoyens américains d’origine ou d’adoption.
Ceux qui tuent leurs propres enfants et les discriminent quotidiennement en raison de la couleur de leur peau ; ceux qui laissent les assassins de Noirs impunis, les protégeant et, de surcroît, punissant la population noire parce qu’elle revendique ses droits légitimes d’hommes libres – comment ceux qui agissent ainsi peuvent-ils se considérer comme les gardiens de la liberté ? Nous comprenons que l’Assemblée n’est pas aujourd’hui en mesure d’exiger des explications sur ces actes. Il doit toutefois être clairement établi que le gouvernement des États-Unis n’est pas le champion de la liberté, mais bien l’auteur de l’exploitation et de l’oppression des peuples du monde et d’une grande partie de sa propre population.
Au langage ambigu avec lequel certains délégués ont décrit le cas de Cuba et de l’OEA, nous répondons par des mots clairs et nous proclamons que les peuples d’Amérique latine feront payer à ces gouvernements serviles et vendus leur trahison.
Cuba, distingués délégués, État libre et souverain, sans aucune chaîne qui le retienne, sans investissements étrangers sur son territoire, sans proconsuls dictant sa politique, peut s’exprimer la tête haute dans cette Assemblée et démontrer la justesse de l’expression qui la désigne : « Territoire libre des Amériques ». Notre exemple portera ses fruits sur le continent, comme c’est déjà le cas dans une certaine mesure au Guatemala, en Colombie et au Venezuela.
Il n’y a plus d’ennemi faible ni de force insignifiante, car il n’existe plus de peuples isolés. Comme le stipule la Seconde Déclaration de La Havane :
Aucune nation d’Amérique latine n’est faible, car chacune fait partie d’une famille de 200 millions de frères, qui souffrent les mêmes misères, qui nourrissent les mêmes sentiments, qui ont le même ennemi, qui rêvent du même avenir meilleur et qui comptent sur la solidarité de tous les hommes et femmes honnêtes du monde entier…
Cette épopée qui s’ouvre à nous sera écrite par les masses indiennes affamées, les paysans sans terre, les travailleurs exploités. Elle sera écrite par les masses progressistes, les intellectuels honnêtes et brillants, si nombreux dans nos terres latino-américaines souffrantes. Luttes des masses et des idées. Une épopée portée par nos peuples, maltraités et méprisés par l’impérialisme ; notre peuple, ignoré jusqu’à présent, qui commence à se réveiller. L’impérialisme nous considérait comme un troupeau faible et soumis ; et maintenant, il commence à être terrifié par ce troupeau ; un troupeau gigantesque de 200 millions de Latino-Américains en qui le capitalisme monopolistique yankee voit désormais ses fossoyeurs…
Mais aujourd’hui, d’un bout à l’autre du continent, ils proclament haut et fort que l’heure est venue — l’heure de leur revanche. Cette masse anonyme, cette Amérique de couleur, cette Amérique sombre et taciturne, qui à travers tout le continent chante la même tristesse et la même désillusion, cette masse commence à entrer définitivement dans sa propre histoire, à l’écrire de son propre sang, à souffrir et à mourir pour elle.
Car aujourd’hui, dans les montagnes et les champs d’Amérique, dans ses plaines et ses jungles, dans la nature sauvage ou au cœur des villes, sur les rives de ses grands océans et de ses fleuves, ce monde commence à trembler. Des mains anxieuses se tendent, prêtes à mourir pour ce qui leur appartient, pour conquérir ces droits bafoués de tous pendant cinq siècles. Oui, l’histoire devra désormais prendre en compte les pauvres d’Amérique, les exploités et les méprisés d’Amérique, qui ont décidé d’écrire leur propre histoire pour l’éternité. Déjà, on les voit sur les routes, à pied, jour après jour, dans une marche incessante de centaines de kilomètres vers les instances gouvernementales, pour y obtenir leurs droits.
Déjà, on les voit, armés de pierres, de bâtons, de machettes, sillonner les terres, s’enraciner dans le sol qui leur appartient et le défendre au péril de leur vie. On les voit brandir des pancartes, des slogans, des drapeaux, les laissant flotter au vent des montagnes ou des prairies. Et la vague de colère, de demandes de justice, de revendications de droits bafoués, qui commence à déferler sur l’Amérique latine, ne s’arrêtera pas. Cette vague grossira de jour en jour. Car cette vague est composée du plus grand nombre, des majorités à tous égards, de ceux dont le labeur amasse les richesses et fait tourner le cours de l’histoire. À présent, ils s’éveillent du long et brutal sommeil auquel ils ont été plongés.
Car cette immense masse humaine a dit : « Assez ! » et s’est mise en marche. Et leur marche de géants ne s’arrêtera pas tant qu’ils n’auront pas conquis la véritable indépendance — pour laquelle ils ont vainement péri plus d’une fois. Aujourd’hui, cependant, ceux qui meurent mourront comme les Cubains à Playa Girón. Ils mourront pour leur propre indépendance, véritable et inaliénable.
Mesdames et Messieurs les délégués, cette volonté nouvelle de tout un continent, de l’Amérique latine, se manifeste dans le cri lancé chaque jour par nos masses comme l’expression irréfutable de leur décision de combattre et de paralyser la main armée de l’envahisseur. C’est un cri qui trouve un écho et un soutien unanime parmi tous les peuples du monde, et en particulier dans le camp socialiste, mené par l’Union soviétique.
Ce cri est : Patria o muerte ! [Patrie ou mort]
notes de bas de page
[15] Au moment de la rédaction de cet article, le Parti uni de la révolution socialiste (PURS) était en cours de formation. En mars 1962, son prédécesseur, les Organisations révolutionnaires intégrées (ORI) – nées de la fusion du Mouvement du 26 juillet, du Parti socialiste populaire et du Directoire révolutionnaire – avait entamé une réorganisation qui aboutit, au cours du second semestre 1963, à la consolidation du nouveau parti. Cette réorganisation s’articulait autour d’assemblées tenues dans des milliers de lieux de travail à travers Cuba. Chaque réunion désignait, parmi les employés, celui ou celle qui devait être considéré(e) comme un travailleur exemplaire. Les personnes sélectionnées étaient ensuite examinées en vue de leur adhésion au parti.
[16] Situé dans la Sierra Maestra, le Turquino est la plus haute montagne de Cuba.
[17] Le 17 avril 1961, 1 500 mercenaires cubains envahirent Cuba à la baie des Cochons, sur la côte sud, dans la province de Las Villas. Cette action, organisée directement par Washington, visait à établir un « gouvernement provisoire » afin de solliciter une intervention directe des États-Unis. Les envahisseurs furent vaincus en moins de 72 heures par les milices et les Forces armées révolutionnaires. Le 19 avril, les derniers envahisseurs se rendirent à Playa Girón (plage de Girón), nom depuis donné par les Cubains à cette bataille.
[18] De la fin de 1960 à 1961, le gouvernement révolutionnaire a entrepris une campagne d’alphabétisation visant à apprendre à lire et à écrire à un million de Cubains. Au cœur de cette initiative figurait la mobilisation de 100 000 jeunes envoyés à la campagne, où ils vivaient avec les paysans et leur dispensaient un enseignement. Grâce à cette action, Cuba a pratiquement éradiqué l’analphabétisme.
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