La Chine et l’Indonésie ont tenu lundi 21 avril leur première réunion ministérielle dans le cadre du mécanisme de dialogue 2+2, une étape importante vers une coopération bilatérale plus étroite. Il faut bien mesurer et la leçon est aussi essentielle pour l’Europe, et pour la France, que si le choix de la Chine, des BRICS, de l’alternative multipolaire est la seule solution pour être en position de résister à la formidable récession qu’initie la politique des Etats-Unis et celle de l’UE, elle ne résoud pas toutes les questions et les concurrences qui se présentent. mais dans un tel contexte réaffirmer la nécessité d’un ordre international et de fait une politique de non alignement, c’est élargir le concept de sécurité, l’économique en fait partie. C’est ce que dit Galbraith dans l’interview que nous présentons aujourd’hui, et ses perspectives paraissent pleines de bon sens, mais elles devraient s’accompagner d’une réflexion tout aussi indispensable sur la nature de la planification susceptible de limiter les chocs et de tenir les appetits de « la bête sauvage des profits ». Tous ces « accords » doivent être également appréciés dans un contexte politique dans lequel en Asie comme dans le reste du monde, les jeux tarifaires, les corruptions des chefs d’Etat ne sont pas nés d’aujourd’hui mais sont le produit d’une histoire tragique comme celle du Vietnam ou du Cambodge.
L’ordre du jour de la réunion comprenait des propositions visant à faire progresser l’intégration dans divers domaines, y compris des projets dans le cadre de l’ambitieuse initiative « la Ceinture et la Route », ainsi que la mise en place de chaînes d’approvisionnement transfrontalières sûres et stables. Photo : Xinhua.
La Chine et l’Indonésie ont tenu mardi à Jakarta la première réunion de hauts responsables du dialogue ministériel conjoint Chine-Indonésie sur les affaires étrangères et la défense (dialogue ministériel « 2+2 »).Le dialogue, qui a été lancé en 2023, est le premier mécanisme de niveau ministériel « 2+2 » que la Chine ait formé avec un autre pays. Au cours de la réunion, les deux parties ont convenu que la mise en place de ce mécanisme reflétait le caractère stratégique et de haut niveau des relations sino-indonésiennes.
Les pays ont convenu de résoudre pacifiquement leurs différends afin de maintenir la stabilité régionale et de stimuler la coopération et le développement régionaux.
BREF RAPPEL POLITIQUE DES « EVENEMENTS » QUI ONT CREE L’INDONESIE
lors que l’Indonésie historiquement un lieu d’échange et d’équilibre entre la Chine, l’Inde et les autres zones du pacifique est un des plus fervents défenseurs du principe de non-alignement et d’indépendance du tiers monde, le premier président élu Soekarno au cours des années 1960 Soekarno infléchit sa politique vers le communisme en instituant le principe du Nasakom. L’indonésie a été un des premier pays parmi les « non alignés a été un des premiers sur lequel la CIA a exercé son emprise . un faux coup d’Etat communiste permet au chef des forces armées Soeharto d’ordonner la dissolution du PKI, que l’armée accuse d’avoir organisé la tentative de coup d’État. La thèse du complot communiste a plus tard été démontée par des universitaires américains se basant entre autres sur des rapports de la CIA. Ils disent que Soeharto était dans la confidence du coup d’État qu’il a lui-même réprimé. Rapidement le parti communiste est interdit et les militants et sympathisants communistes massacrés de façon systématique. Le nombre de victimes des massacres qui s’ensuivent est estimé entre 500 000 et 3 millions de personnes. Plus d’un million de personnes sont détenues sans procès pendant des années, pour beaucoup torturées. Leurs familles et leurs descendants sont privés de droits politiques comme d’accès à l’université et à l’administration. Le gouvernement américain, a fourni à l’armée indonésienne des listes de militants communistes. Les services secrets britanniques, qui menaient depuis des années une campagne de propagande et de désinformation en Indonésie pour déstabiliser le gouvernement de Soekarno, ont également encouragé l’armée indonésienne à procéder à l’extermination des militants communistes. En mars 1966, Soeharto force Soekarno, dont la force politique est affaiblie, à lui transférer le pouvoir. Celui-ci est nommé officiellement président en mars 1968 avec le soutien du gouvernement américain. « Les massacres de 1965 ont marqué la naissance du régime de l’ »Ordre nouveau”, explique la chercheuse Saskia Wieringa. En détruisant le PKI, le général Soeharto a considérablement affaibli le pouvoir du président Sukarno, proche des idées communistes et cofondateur du Mouvement des pays non-alignés, avant de prendre le contrôle de l’État. »
Pendant les trente années suivantes, Soeharto exerce un pouvoir dictatorial. Les restes du PKI qui cherchent à se reconstituer en sont les premières victimes : en 1968-1969, dans la province de Purwodadi (Kabupaten de Grobogan, au centre de Java), deux cents villages « infectés » de communistes sont purgés par l’armée, sans doute au prix de 6 000 victimes environ. En décembre 1975, l’Indonésie envahit et annexe l’ancienne colonie portugaise du Timor oriental, soumettant la population locale à une terrible répression. Les massacres causent la mort d’environ 200 000 Timorais, soit le quart de la population du pays.Le mécontentement populaire s’amplifie et mène aux émeutes de Jakarta de mai 1998. Soeharto démissionne et son vice-président, Bacharuddin Jusuf Habibie, devient président.
En août 1999 se tient à Timor oriental un référendum proposant à la population du territoire une autonomie régionale dans le cadre d’un maintien dans la république d’Indonésie. Près de 80 % des votes refusent la proposition. Après 25 ans d’occupation militaire par l’Indonésie qui fut marquée par la condamnation par la communauté internationale de la répression brutale qui y sévissait les Timorais de l’Est expriment leur souhait d’un détachement de l’Indonésie. Cette même année se tiennent les premières élections démocratiques d’Indonésie depuis 1955. Celles-ci voient la victoire d’Abdurrahman Wahid, destitué en 2001. Sa vice-présidente, Megawati Sukarnoputri, la fille de Soekarno, prend alors la présidence.Depuis 2000, l’Indonésie fait face à une vague d’attentats terroristes islamistes dont l’attentat de la Bourse de Jakarta en 2000 et celui de Bali en 2002 que l’on soupçonne être fomentés par la CIA. En 2004, grâce à un amendement de la constitution, se tient la première élection présidentielle au suffrage direct. Susilo Bambang Yudhoyono est élu président. Le pays peine à se défaire de la corruption institutionnalisée qui prévalait sous le dictateur Soeharto et connaît encore de nombreuses affaires de corruption impliquant aussi bien les milieux d’affaires que les autorités.
Ce contexte politique est toujours présent en Indonésie, l’anticommunisme y est devenu une idéologie nationale. C’est dire dans quelle poudrière la Chine aujourd’hui vient rappeler les principes de Bandung et affronte au nom des intérêts commun l’influence des Etats-Unis et de l’Angleterre qui par le biais de l’Australie n’est jamais éloignée de ces manœuvres.
L’EQUILIBRE ENTRE LA CHINE ET LES ETATS UNIS
On se souvient peut-être du récent coup de téléphone entre le président indonésien et Trump, le mépris que celui-ci lui avait témoigné, le félicitant de parler correctement l’anglais et le président se confondant en courbettes en expliquant qu’il était de « culture » américaine et suppliant Trump de l’entendre.
La solution de coopération avec la Chine de la plupart des pays asiatiques est la seule possible pour ces pays celle qui peut leur éviter l’écroulement total après des années d’effort pour se développer y compris dans le sillage de la Chine mais également dans un marché ouvert avec l’occident. Et il en est de même du Vietnam, de la Malaisie, du Cambodge dans lequel s’est rendu Xi. Même le Japon sait que ce couplage économique avec la Chine est la seule chose qui l’aidera y compris à négocier avec les Etats-Unis. Est-ce que pour autant ce couplage protégera totalement les économies qui le choisiront comme semble s’orienter l’Indonésie? Pas plus que la Chine elle-même qui est loin d’avoir résolu le problème manufacturier de ses zones côtières du sud en particulier même si elle peut se féliciter des résultats de la foire de Canton.
Légitimement tout en sachant que le lien affirmé avec la Chine est la seule chance de survivre économiquement et de poursuivre un développement craignent maintenant que les flots d’importations chinoises bon marché, autrefois destinées aux États-Unis, ne submergent bientôt les marchés locaux, forçant la désindustrialisation d’un large éventail d’entreprises, notamment les textiles emblématiques du pays.La gestion de cette question est délicate pour l’Indonésie. La Chine est le plus grand partenaire commercial de l’Indonésie. En 2024, l’Indonésie a importé pour 72,7 milliards de dollars de marchandises en provenance de Chine, principalement des équipements de télécommunications, des ordinateurs et des machines, selon l’Agence centrale des statistiques (BPS) indonésienne. À son tour, elle a exporté et exporté pour 62,4 milliards de dollars vers la Chine, principalement du charbon, de l’huile de palme et des ferroalliages.
La Chine est également un partenaire et un investisseur clé dans un certain nombre de secteurs stratégiques en Indonésie, notamment les infrastructures, le nickel et les véhicules électriques. BYD est déjà en train de construire une usine en Indonésie. C’est une question qui ne date pas d’aujourd’hui mais que la guerre tarifaire de Trump rend plus prégnante : en juin de l’année dernière, le ministre du Commerce de l’époque, Zukifli Hasan, a annoncé son intention d’imposer des droits de douane allant jusqu’à 100 à 200 % sur une variété de produits chinois en provenance de Chine, notamment les textiles et les céramiques.
La Chine a exprimé sa volonté d’importer davantage de produits en provenance d’Indonésie, comme l’a déclaré le ministre des Affaires étrangères Wang Yi lors d’une réunion avec son homologue indonésien lundi. Les deux nations ont été décrites comme des « défenseurs de la mondialisation économique et du libre-échange ».
Lors d’une rencontre avec le ministre indonésien des Affaires étrangères Sugiono à Pékin, Wang Yi avait souligné la nécessité de renforcer la confiance mutuelle et la coopération entre les pays. Il a également mis en avant l’importance de sauvegarder conjointement le système commercial multilatéral et de défendre l’équité et la justice internationales, selon un compte-rendu du ministère chinois des Affaires étrangères.
Sugiono, quant à lui, a affirmé que les partenariats avec la Chine et les États-Unis revêtent une importance égale pour cette nation d’Asie du Sud-Est. Cette information a été publiée dans un communiqué du ministère indonésien des Affaires étrangères lundi. Le communiqué n’a toutefois pas mentionné l’intention de la Chine d’augmenter ses importations de produits indonésiens.
Le ministère indonésien des Affaires étrangères a souligné que le dialogue était la méthode préférable pour résoudre la guerre commerciale mondiale en cours. Cette déclaration intervient après des discussions sur les tarifs douaniers qui ont eu lieu à Pékin. Le ministère n’a pas fourni plus de détails sur ces discussions ou l’impact potentiel sur les relations commerciales futures.
Notons qu’il s’agit d’une réunion interministérielle et pas de la rencontre inaugurée par la visite du président Xi au Vietnam, en Malaisie et au Cambodge.
La réunion, coprésidée par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des deux pays, s’est déroulée dans une atmosphère de haute confiance mutuelle stratégique, selon le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, qui a également souligné que ce nouveau mécanisme ministériel visait à enrichir la « communauté de destin bilatérale ». renforcer la coopération en matière de sécurité politique et de défense, en l’élevant à de plus en plus, ce qui pourrait générer un impact positif aux niveaux régional et mondial.Les deux parties ont exprimé leur appréciation pour le développement des relations sino-indonésiennes et leur volonté de renforcer la communication et la collaboration, de renforcer la coopération politique et sécuritaire et de faire progresser la communauté de destin sino-indonésienne.
La Chine a également réitéré sa position sur les questions touchant à ses intérêts fondamentaux et à ses préoccupations majeures, telles que la région de Taiwan et la mer de Chine méridionale. L’Indonésie a réaffirmé son adhésion au principe d’une seule Chine et a plaidé pour une résolution pacifique des différends afin de maintenir la stabilité régionale.
L’ordre du jour de la réunion comprenait des propositions visant à faire progresser l’intégration dans divers domaines, y compris les projets de l’initiative « la Ceinture et la Route », ainsi que la mise en place de chaînes d’approvisionnement transfrontalières sûres et stables. L’importance d’élargir la coopération dans les principaux forums multilatéraux tels que les Nations Unies (ONU), les BRICS et le Groupe des 20 (G20) a également été soulignée, dans le but de défendre la justice internationale et de promouvoir conjointement le développement mondial.
La Chine a donné un aperçu des résultats de la troisième session plénière du 20e Comité central du Parti communiste chinois, soulignant l’engagement de la Chine à approfondir les réformes, à promouvoir un développement de haute qualité et à faire progresser la modernisation chinoise. Ces efforts devraient créer de nouvelles opportunités pour la coopération sino-indonésienne et le développement régional, a déclaré la partie chinoise.
Pour sa part, le ministre chinois de la Défense, Dong Jun, a souligné que les relations militaires entre la Chine et l’Indonésie constituaient un exemple à suivre dans le contexte de la région asiatique. À cet égard, il a préconisé la construction d’un nouveau schéma de coopération en matière de défense basé sur une profonde confiance stratégique entre les deux nations.
Le ministre indonésien des Affaires étrangères et le ministre indonésien de la Défense se sont accordés sur le caractère stratégique de la relation bilatérale et ont exprimé leur ferme intérêt à renforcer le dialogue et la coopération dans des domaines d’importance vitale tels que la sécurité maritime et le développement numérique, ce qui augure d’une collaboration de plus en plus étroite et coordonnée entre les deux puissances asiatiques.
Les deux parties ont souligné l’importance de défendre les cinq principes de coexistence pacifique et l’esprit de Bandung, d’adhérer conjointement à un véritable multilatéralisme, de maintenir une architecture régionale ouverte et inclusive et de mener des réformes et une construction de la gouvernance mondiale, contribuant ainsi à la paix, à la stabilité, à la coopération et au développement régionaux et mondiaux.
La réunion a également porté sur des questions internationales et régionales d’intérêt commun, telles que la situation palestinienne. La Chine a déclaré qu’elle défendait un concept de sécurité commun, global, coopératif et durable, et qu’elle était disposée à travailler avec l’Indonésie pour renforcer le dialogue, la communication et la coordination autour de la mise en œuvre des trois principales initiatives mondiales, en défendant conjointement l’équité et la justice internationales.
NUL NE PEUT ESPERER S’EN SORTIR SEUL : IL FAUT ACCEPTER LE MONDE MULTIPOLAIRE TEL QU’IL EST ET NON TEL QU’ON L’IMAGINE
Il faut bien mesurer et la leçon est aussi essentielle pour l’Europe, et pour la France, que si le choix de la Chine, des BRICS, de l’alternative multipolaire est la seule solution pour être en position de résister à la formidable récession qu’initie la politique des Etats-Unis et celle de l’UE, elle ne résoud pas toutes les questions et les concurrences qui se présentent. C’est ce que dit Galbraith dans l’interview que nous présentons aujourd’hui, et ses perspectives paraissent pleines de bon sens, mais elles devraient s’accompagner d’une réflexion tout aussi indispensable sur la nature de la planification susceptible de limiter les chocs et de tenir les appetits de « la bête sauvage des profits ».
danielle Bleitrach
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