Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le divorce financier à venir entre les États-Unis et la Chine

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Oubliez les tarifs douaniers et les guerres commerciales – le découplage complet de la finance mondiale touchera tous les aspects du capitalisme tel que nous le connaissons.Avoir quelque familiarité avec la planète finance, c’est être confronté à une dimension « ludique » qui fait défaut à la plupart des analyses « anti-impérialiste » et c’est dommage. On peut même trouver relativement réjouissant dans la manière dont ceux qui ont imposé une ruine de « l’économie réelle » de bien des nations dont la France, et poursuivent « les licenciements boursiers », voient leurs certitudes, leurs critères habituels tomber en désuétude, devenir une machine folle. Une autre societe d’investissement que nous avons publié par ailleurs décrivait un grand spectacle, une guerre des étoiles devant lequel il ne reste plus qu’à prendre son sachet de pop corn et ses piles d’or pour le contempler médusé. En se demandant si ça va ou non s’arrêter. Dans le fond ce à quoi nous assistons c’est la lutte entre « l’économie virtuelle », ses champions et l’économie réelle, mais aussi entre le capital et le travail à l’ère du numérique. Ce qui est fascinant et prévisible puisque cela a commandé notre réflexion dans notre livre c’est de mesurer à quel point le « système » se détricote en suivant les lignes de l’histoire, une sorte de régression vers « le futur ». La route des affrontement dérisoires est aussi celle du grand jeu capitaliste tel qu’il a avancé derrière le « libéralisme » impérialiste de l’empire britannique au XIX e siècle. Mais l’analogie n’est qu’apparente tant les enjeux sont renouvelés avec la question de l’environnement et celle du développement humain dont la Chine assume la responsabilité comme si tout à coup elle choissait la responsabilité face au délire. (note et traduction de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

par Nigel Green15 avril 2025

Les États-Unis et la Chine se dirigent vers un divorce financier. Image : X Capture d’écran

Le découplage financier entre les États-Unis et la Chine n’est plus une menace lointaine. Elle est là, formalisée, en accélération et profondément disruptive. Pour les investisseurs, la compréhension de cette nouvelle ère n’est pas facultative ; C’est impératif.

Les droits de douane massifs sur les importations chinoises, maintenant codifiés dans la loi, marquent plus qu’une escarmouche commerciale. Ils signalent une réorganisation historique des flux de capitaux mondiaux, des chaînes d’approvisionnement et des écosystèmes technologiques.

Il ne s’agit pas seulement d’économie. Il s’agit de pouvoir économique et de contrôle. Les investisseurs doivent maintenant s’adapter à un monde dans lequel les règles fondamentales du commerce mondial sont redessinées à grande vitesse et sous pression.

Le 2 avril, le président Trump a déclaré le Jour de la Libération, signant une loi universelle de 10 % sur toutes les importations, passant à 60 % sur les produits chinois. Ces nouveaux prélèvements viennent s’ajouter à un mur tarifaire déjà formidable de 85 %, ce qui entraîne des taxes cumulatives de 145 % sur les exportations chinoises vers les États-Unis.

La réaction du marché a été immédiate : les chaînes d’approvisionnement ont commencé à se débloquer, les pressions sur les coûts se sont ravivées dans tous les secteurs et Pékin a lancé les premières salves de représailles, interdisant notamment l’exportation de minéraux critiques essentiels pour les secteurs technologiques et aérospatiaux américains.

Ce qui se déroule n’est pas un différend tactique, mais un découplage structurel des deux plus grandes économies du monde. Alors que le terme « guerre froide » est souvent galvaudé, il est de plus en plus difficile d’ignorer les parallèles. La croyance de longue date selon laquelle l’intégration économique servirait de rempart contre les conflits géopolitiques est en train d’être abandonnée en temps réel.

À quoi ressemblerait un divorce financier à part entière ?

Premièrement, les flux de capitaux deviendront de plus en plus politisés. Les transactions entre les entités américaines et chinoises, autrefois considérées comme routinières, feront l’objet d’un examen et de restrictions croissants. Les activités libellées en dollars pourraient être réduites. Les fonds de pension américains, les fonds de dotation universitaires et les ETF indiciels pourraient faire l’objet d’interdictions pures et simples ou de pressions politiques croissantes pour désinvestir des actifs chinois.

Cela pourrait déclencher une vague de radiations des bourses américaines, des examens plus stricts par le Comité sur l’investissement étranger aux États-Unis (CFIUS) et des contrôles des investissements à l’étranger ciblant des secteurs clés. Déjà, les conseillers de Trump envoient des signaux clairs : le capital américain ne devrait pas « financer l’essor de la Chine ».

Deuxièmement, le fossé technologique va s’élargir et s’approfondir. Au cours des années précédentes, des entreprises comme Huawei, ZTE et DJI ont été soumises à une pression importante. Aujourd’hui, l’attention se tourne vers l’IA, la fabrication de semi-conducteurs, les plateformes d’énergie verte et les industries de nouvelle génération. Washington ne vise pas seulement à restreindre les exportations ; Il s’apprête à cloisonner des écosystèmes d’innovation entiers.

Attendez-vous à des régimes de licence plus stricts, à des interdictions d’investissement plus larges et à des sanctions plus agressives visant à la fois les entreprises chinoises et celles des pays alliés qui entretiennent des liens étroits avec Pékin. Il s’agit d’affirmer sa domination technologique et de refuser à la Chine l’accès aux capacités fondamentales.

Troisièmement, la plomberie même de la finance mondiale est contestée. Pendant des décennies, le système basé sur le dollar a servi d’arbitre neutre du commerce international. Cette neutralité est en train de s’éroder.

La Chine, anticipant des restrictions sur son accès au dollar, pousse agressivement à l’internationalisation du yuan. Son système de paiement interbancaire transfrontalier (CIPS) se positionne comme une alternative à SWIFT, dans le but de créer un écosystème monétaire rival moins vulnérable aux sanctions occidentales.

L’émergence de systèmes financiers parallèles remodèlera les flux de capitaux, reconfigurera les règlements commerciaux et injectera de nouvelles couches de complexité sur les marchés des changes.

Pour les investisseurs, cette période de transition sera synonyme de volatilité, mais aussi d’opportunités.

D’un côté, les pays alignés sur les États-Unis deviendront des aimants pour les capitaux stratégiques. L’Inde, le Vietnam, le Mexique et certaines parties de l’Europe de l’Est connaissent déjà des afflux importants, car les entreprises diversifient leur empreinte manufacturière en dehors de la Chine.

La relocalisation et la délocalisation amicale – autrefois des mots à la mode pour les entreprises – sont devenues des politiques gouvernementales explicites, soutenues par des incitations financières substantielles et une volonté politique. D’autre part, la Chine ne bat pas en retraite ; C’est le repositionnement.

La cour active du président Xi Jinping aux pays du Sud souligne la stratégie de Pékin visant à approfondir ses liens avec les pays en développement qui se trouvent sous pression face au protectionnisme occidental.

Les récentes visites de M. Xi au Vietnam, en Malaisie et au Cambodge – des pays directement touchés par les droits de douane de Trump – mettent en évidence la volonté de Pékin d’intégrer ces économies dans sa sphère d’influence par le biais de partenariats dans les domaines de la 5G, de l’IA, de l’énergie verte et de la fabrication de pointe.

Les investisseurs doivent reconnaître qu’il ne s’agit plus de batailles tarifaires tactiques ou d’escarmouches qui font les gros titres.

Il s’agit d’une bifurcation de l’ordre financier mondial, d’un réalignement structurel qui touchera toutes les dimensions de l’allocation des capitaux, de la stratégie de change, des cadres ESG et de la composition des indices. La vieille hypothèse selon laquelle la mondialisation était une force irréversible est en train d’être démantelée sous nos yeux.

Bien que le divorce financier ne soit pas encore définitif, l’élan qui le sous-tend suggère qu’il devient irréversible. Et comme pour toute séparation désordonnée, les fortunes ne seront pas faites par ceux qui réagissent émotionnellement, mais par ceux qui anticipent où les actifs, l’influence et les opportunités migreront une fois que l’ancien ménage sera divisé.

Pour l’investisseur averti, les décennies à venir ne seront pas définies par un retour au familier mais par une maîtrise de la nouveauté.

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