Amis, lecteurs, camarades, acceptez ce poème offert par notre site Histoireetsociete, assorti de ce facétieux père Noël de Picasso. Ce poème qu’Aragon écrivit avec la veine du surréaliste qu’il ne cessa jamais d’être, Il l’écrivit sur le mode allègre et insolent de l’ouverture du libertinage, ce poème écrit à cinq ans, ce ton était le seul convenable pour dénoncer l’époque: celle où un paltoquet minable du nom de Truman osa Hiroshima. Tout à fait d’actualité! Ils osent tout ! Quand il ne semble plus rester d’alternative que « l’amer plaisir de vitupérer l’époque ». Pourtant, ce Noël est joyeux, c’est un choix, celui de reconnaitre la richesse de la chaleur, de l’amitié, à la joie d’être aimée et entourée… d’accorder ce qu’il faut à cet « encombrement » des « banquets » en laissant monter en soi ce besoin somptueux de solitude, de lecture, d’écriture, imaginer une Saint Sylvestre enfin seule avec mon chat avec une coupe de champagne, un met choisi, et la nuit passée à rédiger quelque chapitre du livre, celui où je dirai enfin… Vieillir est une occupation à temps plein, l’apaisement et pourtant l’infinie curiosité pour ce monde qui nait… Tant que l’on épouve cet ancrage dans l’Histoire la vie vaut la peine d’être vécue… Alors voulez-vous n’en restons pas là où on nous incite à vitupérer l’époque… Ici voulez-vous parlons d’autre chose aujourd’hui, demain et tant qu’il nous restera des jours… Danielle Bleitrach
Poéme / Poémes d’Louis Aragon
Voulez-vous parlons d’autre chose
Il y a des esprits moroses
Des esquimaux des ecchymoses
Desnos disait des maux exquis
Il neige sur les mots en ski
Chez qui chez qui
On ne meurt plus que de cirrhose
On ne lit plus que de la prose
On s’en paye une bonne dose
Desnos disait que c’est la vie
La prose et peignait au lavis
Ce bel avis
Le dernier poème où l’on cause
Le dernier laïtou qu’on ose
Où ai-je mis le sac à
Rrose
Desnos ne vous a pas dit tout
Ni pourquoi les jolis toutous
Vont à
Chatou
Il faut prendre à petite dose
Les lapins animaux qu’on pose
Dans les bois de
Fausse-Repose
Si l’on veut les points sur les i
On a perdu la poésie
A
Vélizy
C’est par un matin de nivôse
Sur l’autoroute l’auto rose
D’un oto-rhino l’on suppose
En passant qui laissa tomber
Dans un numéro de
Libé
Le beau bébé
Il règne des vues diverses
En matière de divorce
On n’en tranche point en
Perse
Comme en
Corse
Il y a des gens simplistes
Devant la gare de l’Est
Qui reprochent aux cyclistes
D’être lestes
Un camelot vend de la crème À raser boulevard du
Crime
Tandis qu’à maquiller les brèmes
Un maquereau s’escrime
C’est un sale métier que de devoir sans fin
N’étant coupeur de bourses
Bonneteur charlatan monte-en-1’air aigrefin
Vendre la peau de l’ours
A
Paris les fourreurs écrivent en anglais
Selon d’anciennes mours
Le mot furs que la rime enseigne s’il vous plaît
À mieux prononcer
FURS
Cela n’attire plus les clientes blasées
Par ces temps de be-bop
Et ni le lapin russe ou le mouton frisé
Dans leurs tristes échoppes
La martre-zibeline allez c’est plus joli
Sur
Madame en
Packard
Que quand le paradichlorobenzène emplit
Le nez et les placards
On demeure parfois pendant des jours entiers
Tout seul dans sa boutique
Et cette odeur de peaux qu’il faut que vous sentiez
N’est pas très romantique
L’opossum à la fin c’est tout aussi lassant
Que la loutre marine
Oh qui dira l’ennui qui prend le commerçant
Derrière ses vitrines
Quand je pense pourtant aux perceurs de plafonds
Dont la vie est si dure
Au cinéma j’ai vu comment ces gens-là font
Et
Dieu sait si ça dure
À ceux qui pour avoir le respect du milieu
Et de belles bottines
Livrent leur sour cadette à de vilains messieurs
Pour des prix de famine
À ces voleurs d’enfants que de stupides gens
Familles inhumaines
Faute de déposer dans un arbre l’argent
A l’assassinat mènent
À ceux pour hériter qui se trouvent réduits
A saigner dans des cuves
Des femmes qu’en morceaux fort longuement on cuit
Sur un fourneau
Becuwe
Je me dis caressant mes descentes de lit
Mes manchons mes écharpes
Qu’il ne faut pas céder à la mélancolie
Et se joindre aux escarpes
Qu’un magasin vaut mieux que de faire en prison
Des chaussons de lisière
Et mieux cent fois brosser les manteaux de vison
Que buter les rentières
Mieux lustrer le renard que d’aller proposer
L’héroïne à tant l’once
Mieux chez soi demeurer où sont entreposés
Le castor et le skunks
Et puis qu’on ait ou non vendu son chinchilla
Son hermine ou son phoque
Il vous reste du moins cet amer plaisir-là
Vitupérer l’époque
Vous direz ce que vous voudrez
Mais le progrès c’est le progrès
Tout change et se métamorphose
Avec le temps il est des choses
Qu’on croyait de bon placement
Et qui n’ont duré qu’un moment
Par exemple l’eau de mélisse
Dont nous avons fait nos délices
Croyez-vous toujours qu’il y a
Des
Dames au
Camélia À présent mourir poitrinaire
Est tout ce qu’on fait d’ordinaire
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
Qu’un banquier voulût se choisir
Pour successeur tout à loisir
Un jeune homme propre et rangé
Il lui suffisait de bouger
Un peu ses rideaux sur la tringle
Et de le voir pour une épingle
Traversant la cour se baisser
Le professeur
Freud est passé
Refermez donc vos brise-bise
Rien de fait sans psychanalyse
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
Ceux qui faisaient tirer naguère
Leur ressemblance par
Daguerre
Et qui pour leur salon s’offraient
Un petit
Dagnan-Bouveret
Ah les cochons comme ils ornèrent
Leurs vaches de cosy-corners
Mais aujourd’hui c’est à
Dali
Qu’ils demandent leurs ciels-de-lit
Ils remplacent leurs lampadaires
Par des mobiles de
Calder
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
Quand je pense que l’on s’obstine
A user de la guillotine
Moyen qui peut être excellent
Mais un peu lent mais un peu lent
Mandrin de nos jours et
Cartouche
Font enfantin pour ce qui touche
Aux modernes philosophies
La bagnole et le rififi
Il faut bien donner au trafic
Son visage scientifique
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
Il a fui le temps des apaches
Plus de surins et plus d’eustaches
Plus d’entôleuse au coin des rues
La cuisinière de
Landru
Relève de la préhistoire
Depuis qu’on a les crématoires
Qui déjà soit dit entre nous
Font un peu conte de nounou
Quand on pense à ce qu’on peut faire
En passant par la stratosphère
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
On n’a pas épargné les phrases
Quand
Guillaume employa les gaz À plus rien tout ça ne rima
Au lendemain d’Hiroshima
Sans doute l’homme vient du singe
C’est un singe qui a du linge
Des lettres des traditions
Nous sommes en progression
De l’homme sur le quadrumane
Du pithécanthrope à
Truman
Vous dire ce que vous voudré
Il y a prograis et prograis
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Xuan
Merci pour cette parenthèse de fantaisie savante Danielle.
Nous avons aussi besoin de douceur et de gaité, d’enguirlander les sapins et d’illuminer les fenêtres, et de boire un bon vin.
Bonnes fêtes à toutes et à tous
Danae Bravarski
Merci Danielle pour ce cadeau collectif. Je le partage sur mon mur avec celles et ceux qui voudront bien le lire, mais aussi avec mon père (s’il était encore là) car ce poème parle aussi de lui… fourreur il était et l’odeur des peaux dans l’atelier juste après la guerre, je ne l’ai jamais oubliée… Je le revois faire une couverture en lapin pour ma poupée… Que les lapins nous pardonnent, il faisait si froid en ce temps-là. Merci et Bonnes Fêtes à toi et à l’équipe du Blog.