Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Mort de Raphael Geminiani : retour sur le sport, l’antifascisme et le communisme …

Mort du cycliste Raphaël Géminiani, qui fut sept fois vainqueur d’étape du Tour de France, Dira-t-on son histoire réelle et celle de son sport qui mêle inextricablement les terres du Puy de Dôme à l’antifascisme italien et de la défense des athlètes, des équipes à la naissance des “marques”… je n’en sais que des jalons mais ils sont suffisamment parlants quand on les met en relation avec l’histoire de l’immigration, de l’antifascisme et de la marchandisation d’un sport… pour que cela donne envie d’en savoir plus et là aussi de revoir ce qui a été écrit sous l’influence de la critique “eurocommuniste” sur le “bilan du PCF, celui du communisme … Une réécriture qui s’impose face à l’actualité et au combat que mène dans le Puy de Dôme notre camarade André Chassaigne contre le fascisme… la guerre mais aussi le poids de la finance sur la culture et son apport à l’émancipation humaine.

Je sais qu’il découvrit le Tour de France juste après la guerre en 1947, lui l’enfant d’antifascistes italiens réfugiés en France, lui l’auvergnat qui symbolisa comme André Chassaigne cette terre de résistance, avec une gueule et une gouaille d’acteur qu’on ne pouvait oublier. Il avait le sens de la formule qui plaisait aux journalistes, comme quand il racontait le Tour de France 1950 frappé par la canicule : « Quand on ouvrait les portes du camion frigorifique, les cuisses de poulet venaient toutes seules. Les asticots les portaient ! »

C’était le temps dont je me souviens dans lequel enfant, nous écoutions dans une pinède des collines marseillaises, une petite radio juchée sur une table de camping, les étapes d’un tour de France qui demeuraient artisanaux. Parfois nous allions prendre place sur le sommet d’un col, nous attendions des heures le passage du peloton en les reconnaissant… Qui dira non pas seulement la truculence de Geminiani mais ses liens avec les communistes. Cette indépendance qui le faisait s’opposer aux plus grands dans des engueulades mémorables comme avec Léon Bobet qui était un peu la Brigitte Bardot du Tour, un géant mais un peu comédien, mais face à lui comme Poulidor il représentait cette conscience du collectif, des besogneux, des taiseux il y avait aussi Robic dans le même genre. Mais lui il avait la faconde italienne, il alla retrouver à ce titre Fausto Coppi, qui à sa manière symbolisait par rapport à Bartali quelque chose de l’ordre de la rivalité du communiste contre don Camillo. En 1955, il fut le le premier Français à porter le maillot rose, un beau symbole pour cet enfant d’émigrés italiens, ses parents avaient fui l’Italie fasciste pour s’installer en Auvergne en 1923. Il connut l’honneur du maillot jaune sur le tard, en 1958, mais il avait déjà 33 ans et à une période où les Charly Gaul, Jacques Anquetil et Hugo Koblet sévissaient où le cyclisme devenait de plus en plus une question de marque et d’entretien de la machine avec des techniques plus ou moins suspectes, lui-même pour défendre son équipe utilisa son prénom pour s’associer à la marque d’apéritif Saint-Raphaël pour financer son équipe, ouvrant ainsi la porte au sponsoring qui signait la fin des équipes nationales et régionales sur le Tour de France.

Raphaël Geminiani a été un précurseur, il allait ainsi courir en Afrique là où peu de coureurs s’aventuraient, ce fut là aussi un mélange d’anticolonialisme et de contrats juteux. Ça a failli lui coûter la vie, en janvier 1960, il attrapa avec Fausto Coppi qui l’avait accompagné en Haute-Volta (aujourd’hui le Burkina Faso le pays de Sankara et du syndicalisme comme du cinéma), le paludisme. L’Italien succomba quand l’Auvergnat sortit du coma. Et il lui resta à se mettre au service des plus grands noms du peloton de Jacques Anquetil à Eddy Merckx. On dit qu’il resta un conteur jusqu’à la fin de sa vie, celui de l’épopée des enfants du prolétariat devenant des héros grâce à ce que peut représenter le sport.

J’ai vécu dans une famille pour qui le sport faisait partie d’une identité populaire, d’une culture réelle, et je regrette toujours de n’avoir pu avoir dans histoire et société, un chroniqueur apte à tenir une rubrique du type de celle que l’on trouvait dans la constellation communiste, sa presse, ses militants. On ne peut pas aujourd’hui prétendre opérer un retour populaire en ignorant la culture populaire celle du sport, celle de la musique, en menant un combat politique au sein de ce qui s’y passe. Malheureusement ce sont deux domaines sur lesquels je n’ai aucune compétence et je n’ai jamais pu obtenir la moindre aide.

Donc je me contenterai de reproduire ici une partie d’une thèse de l’université de Rennes sur cette relation méconnue entre le sport et le communisme… du Front populaire à la chute de l’influence communiste qui correspond aux années 1980, avec le mitterrandisme.

1923-1934 : radicalisation politique et choix du sport

En 1908, certains militants socialistes s’engagent sur le terrain sportif et fondent la Fédération sportive athlétique socialiste (FSAS) dans un but prophylactique et de loisirs. Une ambition socialiste confirmée après la guerre de 1914-1918 par la création de la FST en 1919 et la participation française à l’édification de l’Union internationale d’éducation physique et de sport travailliste (UIEPST) en septembre 1920.

  • 14 Archives nationales du monde du travail (ANMT Roubaix), cote 2009 015 002.

Cependant, après la Grande Guerre, ce premier pas en direction du sport connaît une inflexion idéologique notable, lors de la constitution du mouvement communiste mondial. En 1923, la FST passe sous influence communiste grâce à la présence massive de membres des Jeunesses communistes (JC) en son sein14. Au lendemain de l’affrontement avec le courant socialiste, fondateur de la fédération, le réseau FST communiste, quoique modeste, compte alors quelque 8 000 membres et près de 130 clubs, majoritairement issus du département de la Seine. Le congrès fédéral de Montreuil-sous-Bois des 12 et 13 avril 1925, fait respectivement de Georges Naze, André Teychenné et Charles Tisserand le secrétaire général, le trésorier et le secrétaire sportif de l’organisation.

  • 15 Bernard Delétang, op. cit.

Désormais, les communistes français défendront durablement les destinées du sport ouvrier français, même si de modestes fédérations sportives d’obédience socialiste persisteront pendant tout ou partie du siècle. De façon générale, à cette époque, l’entrisme communiste au sein des fédérations sportives réformistes eut raison des nombreuses initiatives socialistes en Europe, à l’exception notable du cas allemand. Ainsi, la doctrine bolchevique « des courroies de transmission » a contribué à la formation du conglomérat militant communiste français et a conduit au déplacement du sport sur le terrain de la lutte politique. C’est dès lors au nom de l’idéologie communiste que s’ouvre, entre 1923 et 1934, une décennie de militantisme sportif « rouge »15.

  • 16 Sport ouvrier, 17 novembre 1923.
  • 17 L’ensemble des numéros de revues de la FST et de la FSGT des années 1923 à 2000 a été consulté.
  • 18 Sport ouvrier, n° 11, 11 janvier 1924.
  • 19 Sport ouvrier, n° 20, 17 mai 1924.

Au cours de cette période, les statuts16 et les engagements discursifs ou concrets de la FST prennent une tonalité ouvertement révolutionnaire. Dans la presse sportive rouge17, les commémorations de la Commune de Paris de 1871 et de la révolution bolchevique de 1917 côtoient la célébration de Lénine, Jaurès, Trotski, Liebknecht ou Luxemburg18. Cet attachement révolutionnaire s’accompagne fréquemment d’un appel à la révolution mondiale au travers d’extraits de discours ou d’écrits des grands protagonistes de la révolution russe. Ainsi Léon Trotski, comme bien d’autres, est « convoqué » pour rappeler la filiation entre le mouvement d’Octobre et l’expérience fondatrice de la Commune19.

Le militantisme se structure autour du refus de la militarisation de la jeunesse, de la défense de l’URSS, de la lutte contre le capitalisme, de la promotion de l’internationalisme et d’une timide dénonciation du colonialisme. En outre, la valorisation de l’expérience politique, sociale et sportive soviétique sert systématiquement de référence au modèle de société à bâtir en France.

Si des journées d’adieux aux conscrits au chant de La Jeune Garde et de L’Internationale sont mises en place, la fédération dénonce également le fascisme sportif, bourgeois ou socialiste qui sert de préparation militaire pour la jeunesse et distille le « poison » nationaliste. Ce rejet du nationalisme se traduit également dans des prises de position défavorables au Traité de Versailles, matérialisées par l’accueil d’équipes sportives travaillistes allemandes. Cette militance trouve également son expression dans la critique du « brigandage colonial », selon l’expression fréquemment utilisée à l’époque.

  • 20 Sport ouvrier, n° 40, 7 octobre 1925.
  • 21 Depuis le Traité de Fès en 1912, le Maroc est un protectorat français, mais deux zones d’influence (…)
  • 22 l’Humanité, 23 mai 1925.
  • 23 On notera l’appel à l’engagement de la CGT, pourtant syndicalement et politiquement opposée aux org (…)

À partir de 1925, la FST s’engage très officiellement « contre la guerre du Rif20 » et s’associe alors au mouvement de contestation politique initié par le PCF une année plus tôt21. La fédération sportive mobilise ses adhérents en faveur du mouvement de grève du 12 octobre 1925 au nom de la fraternisation avec les peuples opprimés et répond à l’ambition politique du PCF qui affiche clairement sa volonté « d’aller vers un mouvement de protestation générale22 » incluant l’ensemble des organisations ouvrières révolutionnaires et réformistes23. Un engagement du « sport rouge » qui reste toutefois dans le strict cadre de l’agit-prop communiste jusqu’à l’année 1926, moment où la fédération se lance dans la création d’un embryon de réseau sportif en Algérie.

  • 24 Rose Guérard, Carnet de voyage aux spartakiades de Moscou, été 1928, archives privées de Gérard Cha (…)

La décennie révolutionnaire s’apprécie également par la participation de sportifs FST à quelques grandes compétitions sportives organisées par les Soviétiques entre 1928 et 1933, véritables caisses de résonance militante de la construction d’une URSS armée et bâtisseuse d’une société égalitaire24.

  • 25 André Gounot, « Les Spartakiades internationales, manifestations sportives et politiques du communi (…)
  • 26 Rose Guérard prit la parole au cours d’un meeting à la maison des syndicats et Henri Sarrazin chez (…)

L’URSS met sur pied à partir de 1928 des manifestations sportives internationales destinées à concurrencer les olympiades sociale-démocrates de l’Internationale sportive ouvrière socialiste (ISOS) et les Jeux olympiques organisés par le CIO25. Pendant près d’une décennie, l’Internationale rouge des sports (IRS) et le Comité supérieur de la culture physique de Russie (CSCP) s’attachent à promouvoir des spartakiades mondiales destinées à assurer la propagande du modèle sociopolitique communiste auprès des « inorganisés » et parfois des sportifs issus des fédérations sportives réformistes. La FST rencontre les plus grandes difficultés à y envoyer une délégation, mais y parvient malgré de nombreux obstacles financiers et politiques. Une petite trentaine de membres, athlètes masculins et féminins, entraîneurs et journalistes, quitte la France pour Moscou. L’Humanité et la revue Sport ouvrier s’appliquent à restituer, avec engouement, le déroulement des compétitions. Une fois en France, la mise en récit du séjour, fondée sur l’exaltation de certains membres de la délégation, est associée aux conversions de retour d’URSS. Les membres les plus aguerris de la délégation sont conviés à s’exprimer dans divers meetings26 pour souligner l’existence d’une jeunesse prolétarienne en armes au service de l’édification de l’Union soviétique. Cette première grande spartakiade à l’été 1928, en présence de plus de 7 000 athlètes, est suivie d’autres tentatives moins réussies, mais qui symbolisent bien la volonté soviétique et communiste de forger une génération de sportifs politiquement et symboliquement voués à la révolution.

  • 27 Sport ouvrier, n° 11, 11 janvier 1924, p. 1.
  • 28 Fondée en 1918, le Wessobutch est une organisation qui utilisait la pratique physique comme outil d (…)
  • 29 André Gounot, « Le sport travailliste européen et la Fitzkultura soviétique : critiques et appropri (…)
  • 30 Stéphano Pivato, « Socialisme et antisportisme. Le cas italien (1900-1925) », Les Origines du sport (…)
  • 31 Paul Dietschy, « Sport et communisme en Italie : Le cas de l’Union italienne du sport populaire », (…)

Mais parallèlement, c’est le débat sur la forme que doit prendre la pratique corporelle prolétarienne qui s’amorce dès 1923. Deux options distinctes sont affichées, opposant partisans d’une culture corporelle prolétarienne et promoteurs d’un usage politique des sports « britanniques ». Mais la demande de certains militants de la FST de retrait du modèle sportif compétitif – « fait de championnats et de prix » – au bénéfice de la mise sur pied d’une culture physique exempte de toute idée d’émulation, ne débouche sur aucune mise en œuvre durable. Seulement quelques mois après la prise de contrôle de la fédération par les communistes, les licenciés sont informés par la revue du choix de l’URSS en faveur des sports ; l’article « Du Wessobutch au développement des sports27 » retrace, auprès des sportifs de la FST, la généalogie du choix soviétique28. Le ralliement de l’URSS au sport moderne29 engage l’ensemble des fédérations sportives communistes, FST en tête, dans une voie similaire. Au début des années 1930, l’IRS renonce donc à élaborer un projet alternatif au sport bourgeois en préconisant de couvrir tout l’éventail des activités proposées par les associations gymniques et sportives de la bourgeoisie dans la perspective d’une politisation ouvrière. Cette mise en débat sur l’usage du sport n’est cependant pas une spécificité soviétique ou française, voire communiste. Les Suédois et Italiens discutent également de la légitimité d’une pratique susceptible de devenir un véritable « opium pour le peuple ». En France, au sein de la SFIO naissante, cette pratique incarne pour certains le contre-modèle culturel par excellence de l’émancipation réussie des travailleurs. Il provoque également dès le début du siècle de vives tensions dans les rangs socialistes en Italie30, ainsi que chez les communistes où le débat est conduit en particulier au sein de L’Ordine Nuovo31. En outre, les quelques tentatives étrangères d’alternative sportive se révèlent infructueuses.

  • 32 Red Star Journal, n° spécial, mai 1929, archives privées Fabien Sabatier.

Le choix d’un sport fortement politisé conduit à l’atrophie numérique du sport communiste français qui prend acte en ce début des années 1930 de l’aspect contre-productif du « tout politique » et amorce une première réflexion sportive autour de la création de sections pour les enfants ou d’études sur les techniques sportives. Ainsi, à partir de 1932, une première forme de recentrage vers une approche plus sportive a lieu, perceptible lors du congrès national de Saint-Denis du 14 au 16 mai de la même année. Diverses mises en œuvre accompagnent cette réorientation timide, telle la création de bureaux sportifs régionaux destinés à coordonner l’activité des différentes commissions sportives ou l’ouverture plus nette des clubs aux enfants. Ce modeste glissement vers la ligne « Allez aux masses ! » est parfaitement visible à l’échelle locale. Ainsi, le bulletin mensuel du Red Star Club ouvrier (RSCO), club FST situé à Montreuil-sous-Bois, reprend très fidèlement cette réorientation militante modérée32.

  • 33 André Gounot, « Jacques Doriot : l’impact sportif d’un homme politique », dans Jean-Michel Delaplac (…)
  • 34 Marc Giovaninetti, « 1928-1929, “classe contre classe” : les sportifs ouvriers peuvent-ils se mesur (…)

Cette décennie révolutionnaire plonge ses racines dans le projet prosoviétique d’extension de la révolution en Europe, même si à partir de 1928 cette ambition n’est plus guère d’actualité pour la haute hiérarchie soviétique. La radicalité de ce choix a néanmoins provoqué des tensions au sein de la FST entre partisans de la ligne dure et promoteurs d’un retour à une conception sportive ouvrière moins dogmatique. Certains militants chevronnés professèrent au grand jour le nécessaire retour à une ligne apolitique et contestèrent ouvertement l’option défendue. Ce courant d’opposition, dont les leaders rejoindront en 1930 le Parti d’unité prolétarienne (PUP), s’appuie sur de jeunes sportifs militants regroupés au sein du Comité pour l’indépendance du sport ouvrier. Face au risque encouru, les majoritaires, défenseurs de la ligne Barbé-Celor, entamèrent une lutte contre les « traîtres et les renégats » avant le congrès fédéral d’Ivry-sur-Seine de janvier 1930, congrès qui débouche sur le maintien de la fédération sur la ligne orthodoxe ; victoire parfaitement symbolisée par l’arrivée de Jacques Doriot à la présidence de l’organisation33, quasi simultanément à l’infléchissement de la ligne « classe contre classe34 ».

1934-1939 : entre ouverture politique antifasciste et réformisme sportif militant

  • 35 La victoire électorale est toutefois liée à l’alliance des forces de gauche et non à un glissement (…)
  • 36 Sylviane Paoli, Le sport travailliste en France sous le Front populaire (1943-1939), maîtrise d’his (…)

À partir de 1934, le vaste rassemblement des forces de gauche se traduit par la réunification de la CGT et plus précocement encore par la constitution d’une fédération sportive travailliste unifiée en décembre 1934. Les Français optent35, dans un contexte de fascisation d’une partie croissante de l’Europe continentale, pour un projet politique de permanence républicaine, humaniste et favorable à une vaste relance économique. Dans ce contexte, la FST propose en juin 1934 à sa rivale socialiste une action antifasciste conjointe dans le cadre d’un rassemblement sportif international prêt à accueillir plusieurs milliers de sportifs français et étrangers. Ce premier pas vers l’alliance entre les deux organisations est confirmé lors du conseil national de l’Union des sociétés sportives et gymnastiques du travail (USSGT), fin septembre 1934, au cours duquel la démarche unitaire est validée. Le 23 octobre de la même année, une commission paritaire débute ses travaux dans le but de définir les contours et les conditions d’une fusion entre les deux entités sportives. Elle précise explicitement que la première ambition de la future fédération vise la défense des revendications sportives des travailleurs et la lutte contre les tentatives fascistes dans le sport en toute indépendance organique au regard du « politique36 ».

  • 37 ANMT 2009 015 004. Dossier congrès nationaux ordinaires et extraordinaires (1934-1955).
  • 38 Auguste Delaune, portrait ANMT 2009 015 776. Né le 26 septembre 1908 à Graville-Saint-Sauveur, comm (…)

Le rapprochement amorcé conduit dans la salle de la Grange-aux-Belles en décembre 193437 à la création de la FSGT par fusion de l’USSGT et de la FST. Georges Marrane et Antonin Poggioli président alors aux nouvelles destinées de la fédération, tous deux très bien implantés dans les « familles » communiste et socialiste et, respectivement, maires d’Ivry-sur-Seine et du Bourget. Pour sa part, Auguste Delaune38 conserve le poste de secrétaire général de la fédération jusqu’à l’éviction de la fédération de tous les communistes en 1939. Cette nouvelle fédération enracine d’emblée son programme d’action dans ce vaste mouvement de lutte, telle une réponse sportive française à la dissolution du mouvement sportif ouvrier allemand. La charte constitutive de la FSGT précise très clairement le motif premier de la fusion :

  • 39 Charte constitutive de la FSGT, adoptée les 10 et 11 novembre 1934, Dossier congrès nationaux ordin (…)

« Devant les menaces fascistes et les dangers de la guerre, les organisations sportives des travailleurs ne sauraient prolonger plus longtemps leur division, car elles ne méconnaissent pas les enseignements qui se dégagent des durs combats que la classe ouvrière des autres pays (Allemagne, Autriche, Italie, Lettonie) a dû engager contre des adversaires dont la victoire n’a été possible qu’en raison de la division ouvrière. »39

La toute récente FSGT participe activement à la mise sur pied du comité français de défense de l’idée olympique et participe à la conférence constitutive d’un comité international.

  • 40 Fabien Sabatier, « Regards du sport ouvrier français sur l’olympisme au cours du siècle », dans Cla (…)

Aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans de nombreux pays d’Europe continentale, des voix s’élèvent contre les limites imposées à la pratique sportive des juifs. À l’instar du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA) (1936) ou du mouvement Amsterdam Pleyel (1933), un « comité de sauvegarde de l’idée olympique » est créé début 1935 sous l’égide du mouvement ouvrier européen, d’obédience réformiste et communiste. La FSGT s’y implique largement et s’engage contre la tenue des Jeux sous « bannière nazie » en mobilisant ses clubs en vue du financement et de la participation à la contre-olympiade de Barcelone40.

Mise en place par le Comité catalan pour le sport populaire (CCEP) avec l’appui d’autres fédérations sportives « ouvrières » telles la FSGT ou son homologue suisse, cette manifestation sportive de grande ampleur a pour ambition, quelques semaines avant les Jeux de Berlin, d’amoindrir la tribune sportive nazie et d’offrir une autre symbolique politique en Europe. En dénonçant le dévoiement fasciste de l’olympisme, la FSGT assure dans le même temps pour la première fois son adhésion à l’idée olympique. La fédération affinitaire s’adresse ainsi à la délégation française en partance pour l’Allemagne, en évoquant le nécessaire respect de la charte olympique et l’espoir des plus vifs succès français sur le stade olympique.

  • 41 Pascal Ory, La Belle illusion. Culture et politique sous le signe du Front populaire, 1935-1938, Pa (…)

Au côté du combat antifasciste international, la fédération devient le fer de lance d’une politique sportive nationale progressiste destinée à la masse. Elle appuie la constitution du brevet sportif populaire (BSP) du 10 mars 1937. Véritable brevet d’hygiène, il est une incontestable réussite au regard de l’intérêt que lui portent les Français. La FSGT collabore pareillement à son organisation et à son contrôle sur le plan régional en sa qualité de membre des comités régionaux des sports mis en place par la nouvelle administration. Elle œuvre également à l’évaluation des besoins en équipements sportifs du pays et soutient activement les orientations prises en ce domaine par le pouvoir politique. Cette politique d’inclusion se lit également dans les protocoles d’accord signés avec certaines fédérations sportives unisport ou multisports et dans l’adhésion des Amis de la nature, mouvement excursionniste alsacien fondé à la fin du XIXe siècle, qui devient, courant avril 1937, la branche Tourisme de la FSGT. Cette fusion d’un mouvement d’origine germanique est complétée par l’adhésion des campeurs de l’Université ouvrière un mois plus tard41.

  • 42 ANMT 2009 015 135. Dossier Effectifs adhérents (1938-1985).

Son investissement dans la vie sportive nationale est à la hauteur de son propre développement numérique, à l’instar de ses succès dans le domaine du sport d’entreprise que la dynamique syndicale favorise sensiblement. Ainsi, le volume d’adhérents de la fédération quintuple en l’espace de trois années, et cette dernière peut subséquemment se prévaloir à la veille de la guerre d’une centaine de milliers d’adhérents et d’un maillage territorial composé de 47 comités régionaux42.

  • 43 Sport, 11 décembre 1935.
  • 44 Jean Clauzel, La France d’Outre-mer (1930-1960), Paris, Karthala, 2003, p. 27.
  • 45 Alain Ruscio, La question coloniale dans l’Humanité, Paris, La Dispute, 2004, p. 187.

En matière coloniale, l’équation militante s’accorde avec la politique de démocratisation du sport nouvellement érigée. Dès lors, le discours de l’émancipation nationale pour les peuples sous joug colonial est abandonné au bénéfice, in fine, d’un recentrage sur la nation impériale43. Ce changement de cap idéologique et politique se confirme avec l’expansion d’un réseau sportif au Maghreb, tout particulièrement en Algérie et plus modestement en Tunisie et au Maroc. Au plan politique général, l’alliance de Front populaire exigeait sur ce point un accord entre les différents partis signataires. Le réformisme du gouvernement Blum dut répondre à un certain réalisme politique précédemment formalisé dans le programme colonial du Rassemblement populaire et rendu public le 12 janvier 1936. Ce programme évoquait la formation d’une commission parlementaire sur « la situation politique, économique et morale dans les territoires d’outre-mer », qui eut mission en janvier 1937 de commencer un travail préparatoire sur la réforme du système colonial français. Mais la chute du second gouvernement Blum eut raison en février 1938 de ce groupe de travail réformiste44 dans lequel se trouvait la figure d’André Gide, auteur des très critiques Voyage au Congo et Retour d’URSS. En février 1939 dans l’Humanité, Maurice Thorez « officialisait » cette position en développant, après son second voyage en Algérie, la thèse de la « Nation en formation45 ».

La fédération sportive travailliste promeut alors, conformément à l’esprit des positions coloniales du Front populaire, la démocratisation du sport chez les populations autochtones. Ce choix entérine pour deux décennies le projet de développement d’un réseau sportif communiste en Afrique du Nord au bénéfice des « indigènes », préparant une intégration civile par l’adoption du droit à la gestion des clubs, comités et fédération.

  • 46 Sport, 15 mai 1936.

Ainsi, le comité du département d’Alger compte au cours de l’année 1936 quelques centaines de licenciés et appuie son premier développement sur les pratiques du cross-country, du football, du cyclisme et du basket-ball. L’ancrage politique et social s’entrevoit au travers de la symbolique des coupes et challenges organisés, et du nom des clubs formant les comités d’Algérie : L’Étoile sportive rougeLa Jeunesse sportive ouvrière d’Hussein Dey ou encore La Prolétarienne d’Orléansville. Le soutien de la presse locale de gauche (Algérie ouvrière, Algérie socialisteLutte sociale et Alger républicain), de la même façon qu’en métropole avec l’Humanité ou Le Populaire, se traduit par la promotion du développement sportif ouvrier dans le Maghreb46.

1945-1980 : vers l’autonomisation politique et la refonte éducative du projet sportif militant

  • 47 Bernard Delétang, op. cit., p. 73.
  • 48 Après l’éviction des cadres socialistes compromis sous Vichy lors du congrès national FSGT des 30 j (…)
  • 49 André Fontaine, Histoire de la guerre froide. De la révolution d’Octobre à la guerre de Corée, 1917 (…)

Évincée de la direction de la FSGT après la signature du pacte germano-soviétique, pour certains incarcérés dans les camps de Pithiviers ou de La Lande à Monts au cours des premières années de guerre, la composante communiste de la FSGT refait surface en 1944. Son premier « fait d’armes » réside très symboliquement dans l’occupation par les militants du mouvement « Sport libre » du siège fédéral de l’ex-FSGT pendant l’insurrection parisienne du 21 août 194447. Cette génération de dirigeants reprend assez largement les rênes de la fédération aux temps bien distincts de la Libération48 puis de relance de la guerre froide49, avant le renouvellement sensible des cadres de l’organisation deux décennies plus tard. La longue période, postérieure à la Seconde Guerre mondiale, qui couvre globalement la phase la plus aiguë de la guerre froide en Europe continentale (1947-1956), va servir de matrice à l’émergence d’une nouvelle génération de militants. Au temps d’un soviétisme particulièrement exacerbé entre 1947 et 1962, se dessine l’indispensable renouveau FSGT fondé sur une volonté de désenclavement sportif et politique, que les années 1960 et 1970 favoriseront amplement.

  • 50 On notera l’influence du matérialisme dialectique dans cette refonte du sport FSGT où la pensée de (…)
  • 51 Né le 5 novembre 1920 à Chamalières (Puy-de-Dôme), décédé le 27 août 2011 à Paris (XIIe arr.) ; pro (…)
  • 52 Sur les stages Maurice Baquet, des recherches restent à conduire. Pour une vue des fonds disponible (…)
  • 53 Marianne Borrel, op. cit., p. 344-354.

Pour la première fois, l’innovation éducative va façonner l’identité militante de la FSGT en s’appuyant sur le projet de démocratisation du sport lancé sous le Front populaire, mais en s’inspirant du matérialisme dialectique. Par la conceptualisation d’un autre sport, pensé en terme philosophique50 et scientifique, s’écrit une nouvelle période de l’histoire du mouvement affinitaire. Largement arrimée au Conseil pédagogique et scientifique (1967) dominé par la figure de Robert Mérand51, cette césure dans le militantisme s’accompagne au mitan de la décennie 1970 d’une autre rupture, cette fois contre le conglomérat communiste dans lequel la FSGT, dans la continuité de la FST, est amplement insérée. Si les stages Maurice Baquet, qui eurent cours entre 1964 et 1980, symbolisent le renouveau éducatif52, l’autogestion et la fin du centralisme démocratique représentent, pour leur part, le refus de la tutelle du Parti sur la vie de l’organisation et la mise en œuvre d’une autre approche de l’activité militante FSGT53.

  • 54 Né le 16 février 1922 à Calais (Pas-de-Calais), décédé le 9 janvier 2010 à Fontenay-aux-Roses (Haut (…)
  • 55 ANMT 2009 015 317-333
  • 56 Paul Goirand, René Moustard & aliiLes stages Maurice Baquet, 1965-1975. Genèse du sport de l’enfa (…)
  • 57 Les mémentos servent pendant plusieurs années de vecteurs de diffusion des bilans des stages. ANMT (…)
  • 58 Pour une vision synthétique des conceptions de l’éducation physique et sportive, consulter Annick D (…)

Le développement d’une conception éducative marquée par le refus de la spécialisation précoce et la promotion avant 14 ans d’une motricité sportive générale, prend une tournure plus institutionnelle avec la mise en œuvre des stages Maurice Baquet en pleine République gaullienne. Lancée par René Deleplace54 pour la première fois en 1964 dans la ville de Malakoff en banlieue parisienne, cette nouvelle expérience de recherche-action se développe l’année suivante à Sète, dans un centre de l’Enfance ouvrière nîmoise55. Durant une longue décennie, la colonie Gai-Soleil de l’Enfance ouvrière nîmoise au grand air (EONAGA) sert la cause du renouveau FSGT, fondé sur l’invention collective d’un sport de l’enfant56 et l’affirmation d’une orientation plus socioculturelle que sociopolitique. Le glissement du politique vers l’éducatif conduit alors au changement de référent de l’action collective pour toute une génération de militants. En outre, le travail conduit et les publications afférentes aux stages57 (mémentos) intéressent de façon croissante le monde de l’éducation physique et sportive, de plus en plus sensible à l’innovation FSGT, quand le tissu associatif de la fédération ne représente qu’un terrain d’application limité au moins dans un premier temps. En EPS, l’orientation prosportive et éducative prise officiellement en 1967 est toutefois précédemment liée à une diversité de facteurs, en particulier le primat progressif de l’approche sportive, dans sa version éducative et active, défendue par l’Institut national du sport (INS) face aux enseignants des écoles normales supérieures d’éducation physique (ENSEP) largement favorables à la tradition méthodiste, c’est-à-dire au primat de l’exercice physique rationnel dénué pour l’essentiel de référence à des pratiques sociales de masse, le lancement en 1950 de la Revue EPS, pourvoyeuse de nombreux articles sur les différentes spécialités sportives, le renforcement numérique du corps des maîtres d’EPS favorable à l’enseignement du sport et le décret du 25 mai 1950 intégrant trois heures forfaitaires d’association sportive dans le service des enseignants d’EPS. La réorientation doctrinale de cette discipline scolaire a favorisé l’innovation et la pénétration de ce militantisme FSGT dans le domaine scolaire. En outre, le Syndicat national de l’éducation physique (SNEP), au sein duquel le courant communiste devient majoritaire en 1969, joue en partie un rôle signifiant de relais de l’approche FSGT en matière d’apprentissage sportif scolaire. Dans cette décennie 1980, certaines UFR STAPS deviennent les premiers foyers universitaires de poursuite de la réflexion et de l’expérimentation en matière de sport éducatif58.

Ainsi, de la transformation de la sociologie militante de la haute hiérarchie résulte un changement sans précédent menant à la mise en minorité des cadres provenant du mode ouvrier au bénéfice des professeurs d’EPS formés au sein des écoles normales supérieures d’éducation physique. Cette volonté de rupture très profonde ne se limite pas au travail d’innovation sportive largement conçue sous la bannière du matérialisme dialectique. Si le frémissement, puis l’affirmation d’un tel projet court de la fin des années 1940 aux années 1970, une autre ambition se dessine pendant la décennie 1970, celle de réformer puis de révolutionner le mode de gouvernance de la fédération. Le projet autogestionnaire saisit l’organisation au moment où l’expérience des stages Maurice Baquet est à son apogée.

La théorisation et la mise en pratique de l’autogestion prennent forme dans la Yougoslavie titiste avant d’interpeller les partis communistes dans les phases d’ouverture poststalinienne. L’arrivée de Waldeck Rochet au poste de secrétaire général du Parti a, en effet, ouvert une période de déstalinisation après les fortes tensions ayant scandé la relation Thorez-Khrouchtchev sur la nature du bilan des années Staline. Mais la disparition prématurée du tout nouveau secrétaire général conduit Georges Marchais à la tête du Parti. Ce dernier promeut, un temps seulement, l’assouplissement du fonctionnement interne du Parti, quand l’impulsion autogestionnaire mène à une réelle décentralisation au sein de la FSGT.

En 1972, le refus de la signature du programme commun de la gauche marque le premier pas vers l’abandon de la tutelle du PCF. Un choix reconduit en 1977, étendu à l’échelle communale, qui ne va pas sans poser de réelles difficultés aux dirigeants de clubs particulièrement liés aux édiles communistes. Cette césure dans le conglomérat militant communiste, en outre non exclusif au domaine sportif, s’intensifie jusqu’à la fin du siècle.

La transformation partielle de la sociologie militante du mouvement communiste français, façonnée par l’accroissement significatif des professions intellectuelles (dont les enseignants), favorise la montée des revendications relatives au desserrement du fonctionnement de l’appareil dirigeant. Finalement, tenue en échec au sein du PCF, cette dynamique aboutit à de réels résultats au sein de la fédération affinitaire, car c’est bien l’arrivée des professeurs d’éducation physique et sportive à sa tête qui explique en grande partie une « bataille éclair » pour le renouvellement des cadres et la gestion des relations centre-périphérie.

  • 59 ANMT 2009 015 491. Dossier congrès Port-de-Bouc, 1980.
  • 60 Marianne Borrel, op. cit., p. 345.

Deux temps forts marquent l’affirmation du projet autogestionnaire. Au congrès de Colomiers en 1976, pour la première fois, le débat est ouvert avec l’ensemble des délégués. À cet instant, d’une certaine façon, le centralisme démocratique a vécu. Mais c’est surtout quatre années plus tard, lors du congrès de Port-de-Bouc59, qui tente de prendre en compte l’acteur-participant dans la définition du projet FSGT, que la nouvelle gouvernance est entérinée. La grande nouveauté réside dans l’absence de résolution finale et dans la production par les délégués départementaux de textes d’orientation destinés à être mis en œuvre dans leur espace d’action spécifique60.

  • 61 Yves Baloup, « Fratrie d’alternance-Fratrie d’alternative : quel nouveau chantier de médiation pour (…)

Ce mode de gouvernance conduit à la formulation de projets multiples. Par exemple en cette fin de siècle, la Haute-Garonne offre à ses adhérents un projet fondé sur l’accès et la maîtrise des activités physiques et sportives, alors qu’en Gironde le modèle de développement choisi fonctionne, comme à Pessac, sur la participation sportive, l’émancipation des populations « marginalisées » et la mobilisation du tissu associatif local de nature non exclusivement sportive61.

Cette génération militante se construit contre la bolchevisation. Robert Mérand et René Moustard conduisent le désenclavement politique de la fédération affinitaire. Les tensions entre le PCF et la FSGT, omniprésentes pendant les années 1950, prennent alors un tour irrévocable. Les choix de l’élaboration d’un sport éducatif fondé sur la base de la pensée wallonienne puis piagétienne et la fin du centralisme démocratique restent ceux de militants qui entendent sortir de l’impasse du « tout politique » et qui souhaitent construire de l’intérieur l’identité militante de la FSGT.

  • 62 Né le 17 juin 1935 à Bar-sur-Aube (Aube) ; professeur d’éducation physique puis permanent de la FSG (…)
  • 63 Entretiens avec René Moustard, avril 2007 et mai 2013. Il souligne dans nos échanges l’importance d (…)

René Moustard62, impliqué dans l’appareil central de la FSGT, candidat aux élections municipales de Troyes en 1965, formé à l’ENSEP et idéologiquement nourri, tel qu’il se présente, de l’URSS khrouchtchévienne63, conduit la débolchevisation de la fédération. Le virage socioculturel et autogestionnaire de l’organisation en 1960/1970 n’entame pas son ambition, maintes fois affichée, d’implication dans les grands « débats politiques » du siècle, que le cas sud-africain illustre parfaitement. Ces longues décennies sont bien celles d’une réforme profonde de la culture militante de la FSGT, qui se diffuse toutefois de façon contrastée au plan local dans le tissu associatif FSGT. Mais en ce qui concerne l’éducation physique scolaire secondaire, le processus de diffusion des conceptions sportives éducatives FSGT est bien lancé.

La période suivante sera à son tour touchée par une refonte profonde des engagements militants de l’organisation, même si la mutation précédemment opérée portera ses fruits encore quelques temps.

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