“Les filles de Karl Marx étaient fans de Confessions, un passe-temps de salon très populaire en Angleterre victorienne. En 1865, les jeunes Laura et Jenny invitent leur père à répondre aux questions du jeu, connu aujourd’hui sous le nom de Quiz de Proust. Il y a probablement un jeu paternel dans les réponses mais par moment elles ouvrent des aperçus d’une grande actualité comme la référence à Diderot que l’on retrouve dans la redécouverte d’un texte d’Aragon paru chez Seghers (1), cela va avec les apparentes contradictions dans les réponses : la détermination dans le combat avec la nécessité de douter de tout, sont pourtant les deux pôles nécessaires et sans lesquels l’engagement communiste devient soit petit bourgeois et faussement humaniste ou bigot, sectaire. Allez en Hollande c’est face à Hegel, retrouver Spinoza, ce que la clarté gauloise de Diderot fait à merveille, malgré notre incapacité à voir les tenants et les aboutissants de nos mises en mouvement en matière de lutte des classes. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Voici les réponses de Marx.
Elles ont été notées par Laura et nous les présentons ici traduites de l’anglais en espagnol :
Ta vertu préférée ………………………… La simplicité
Ta vertu préférée chez un homme… La force
Ta vertu préférée chez une femme… La faiblesse
Votre principale caractéristique………. La détermination : n’avoir qu’un seul but
Votre idée du bonheur… Combattre
Ton idée de la misère………. La soumission
Le défaut que tu excuses le plus …… La crédulité
Le défaut que tu détestes le plus… La servilité
Ta principale antipathie… Martin Tupper (écrivain de l’Angleterre victorienne, auteur d’un best-seller sur les enseignements moraux)
Occupation préférée……….. Souris de bibliothèque
Poète préféré ……………… Shakespeare, Eschyle, Goethe
Écrivain en prose préféré………… Diderot
Héros préféré………………. Spartacus, Kepler
Héroïne préférée ……………. Gretchen (de Goethe Faust)
Fleur préférée………………… Le laurier
Couleur préférée………………. Le rouge
Nom préféré…………… Laura, Jenny (les prénoms de leurs filles)
Plat préféré………………. Le poisson
Maxime préférée…………… « Nihil humani a me alienum puto » (Rien de l’humain ne m’est étranger)
Devise préférée………………. “De bus dubitandum” (Il faut douter de tout. )
Sources : Fromm, Erich. 1991. « Le concept de l’homme de Marx ». New York, Continuum, p. 257.Kamenka, Eugène (éd). 1983. “Le portable Karl Marx”. Livres Pingouin, p. 55.Quand, Francis. 2000. “Karl Marx : une vie”. New York, W. W. Norton and Company, pp. 387-388.
(1) Au moment où l’on redécouvre les poèmes d’Aragon dans le “voyage en Hollande” il est bon de se souvenir que Diderot est l’auteur proclamé favori de Marx et qu’il a écrit lui aussi un voyage en Hollande assez méconnu et publié à La Découverte :
Voyage en Hollande
Denis Diderot, Louis Aragon
Le Voyage en Hollande de Diderot est l’une des œuvres les moins connues et les moins souvent éditées du philosophe.
Il constitue pourtant une étape significative de la réflexion politique de Diderot dans ses dernières années. Au XVIIIe siècle, en effet, aller en Hollande, c’est aller voir comment fonctionne une république, comment s’appliquent la tolérance et la liberté d’expression. Éventuellement, c’est aller dans un pays qui est terre d’asile pour les hommes, mais aussi pour les textes, qu’on peut y faire éditer assez facilement. L’enquête de Diderot participe de cet esprit-là ; et comme il n’est pas le premier à découvrir la Hollande républicaine, libre (et bourgeoise, bien sûr), on ne saurait s’étonner qu’il puise sans fausse pudeur dans les documents déjà amassés par ses prédécesseurs.
La présente édition – établie par l’historien Yves Benot en 1982 – est la première à indiquer toutes les variantes des trois copies essentielles de ce texte souvent amusant. Elle s’est efforcée de multiplier les rapprochements susceptibles d’éclairer les sources de nombreux passages, parfois de signaler les erreurs commises au fil de la plume par le philosophe. Elle permet de mieux comprendre la Hollande d’avant la monarchie de 1815, mais aussi le voyage philosophique au XVIIIe siècle. Mais n’est-ce pas là par Spinoza que nous devons passer? Le choc qu’a été l’assassinat des frères de Witt symbolisant cette République… la relation avec Machiavel? Non pas celui que l’on voit comme un complotiste mais celui qui pose la nécessité de l’insurrection et qui face aux Medicis défend Savonarole ?
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