Par Alicia Garcia Herrero traduit de l’anglais. Nous vous conseillons de retrouver ce texte sur les publications d’alternatives économiques. Il y manque en effet des notes et des tableaux que vous retrouverez dans l’original, mais ce que nous publions ici a le mérite d’apporter des informations de chercheur sur le modèle socialiste chinois et sur son mode de planification. Est-ce que les succès indéniables de ce modèle sont reproductibles s’interroge l’auteur, elle conseille la prudence parce que la Chine est à la fois héritière d’une histoire et a su adopter le modèle soviétique tout en profitant des réussites autant que des échecs. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)
A MESURE QUE L’INFLUENCE MONDIALE DE LA CHINE S’ACCROÎT,
le modèle de prise de décision chinois suscite une plus grande attention – d’autant que la planification
économique de la Chine, si l’on considère la croissance économique du pays et la baisse considérable du nombre de personnes en situation de pauvreté, semble avoir plutôt réussi.
La planification économique chinoise prend ses racines dans le modèle soviétique. Lors de la septième conférence du Comité exécutif de l’Internationale communiste, Staline a affirmé que « l’économie socialiste devait progresser sur la base de plans » [1].
Sous sa direction, l’Union soviétique a mené une planification économique centralisée, le premier plan quinquennal datant de 1927. Quant à la Chine, elle a lancé dès 1953 son premier plan quinquennal qui, depuis lors, est resté le principal outil de planification économique du Parti. Depuis 1953, la Chine a mis en œuvre treize plans, 2021 étant la première année du quatorzième. Au-delà de cette planification à moyen terme, d’autres instruments stratégiques sont utilisés aux niveaux central et local. Parmi les exemples récents, on peut citer le programme China Manufacturing 2025, le système de « crédit social », instituant une notation qui s’applique aux individus comme aux entreprises, les China Standards 2035, etc.
Toutes ces politiques font partie du modèle économique de la Chine, et les dirigeants insistent sur le caractère spécifique de son socialisme. On peut aussi le décrire comme un « capitalisme d’Etat ». La première définition du capitalisme d’Etat a été formulée par Bakounine, dans sa brochure Sur l’Etat et l’anarchisme (1873). Elle se concentre sur le contrôle du crédit et de la propriété privée par la planification centrale. Dans le modèle chinois, la planification va au-delà de l’allocation de crédit (la grande majorité des banques sont contrôlées par les gouvernements centraux ou locaux), puisqu’une part importante des biens et services est produite par des entreprises publiques contrôlées par le gouvernement central – plus précisément, par la Commission de surveillance et d’administration des actifs de l’Etat (State Owned Assets Supervision and Administration Commission ou SASAC) ou par les collectivités locales via leurs propres SASAC.
Il existe une abondante littérature sur les avantages et les inconvénients de ce modèle économique. Pour certains, la réussite de la Chine s’explique dans une large mesure par une planification et un contrôle centralisés des ressources [Lin, 2020]. Pour d’autres, ce modèle économique finira par lui coûter cher : essoufflement de la croissance, poids de la dette, etc. [Naughton, 2015]. Le présent article n’a pas pour but de dire si la planification centrale de la Chine est un moteur ou un obstacle à la réussite économique. Son objectif est de décrire la façon dont la planification est mise en œuvre, quels sont ses principaux outils et leur justification. Nous examinerons d’abord le fonctionnement du système de planification pour les politiques les plus importantes et les principales agences impliquées, puis l’évolution des plans quinquennaux depuis leur introduction. La troisième partie est consacrée à l’évaluation des plans, en prenant comme exemple le douzième. La quatrième partie examine les orientations du quatorzième plan quinquennal, avant de dégager les conclusions de ces analyses.
Le parti et l’Etat, le national et le local
La principale caractéristique du système de planification de la Chine est l’implication du Parti communiste chinois (PCC). Les orientations et les projets les plus importants sont décidés au sein de groupes placés sous l’autorité directe du PCC. Une fois élaborés, c’est aussi au PCC qu’il appartient de les approuver. Sous son autorité, les plus hautes instances décisionnelles sont le Politburo et son Comité permanent (Politburo Standing Committee, PBSC), et le Conseil d’Etat, organe exécutif, tandis que les ministères et les commissions relevant du Conseil d’Etat supervisent les prises de décision dans leurs domaines respectifs. Je [2019] compare les relations entre le parti et le gouvernement dans le processus décisionnel à celles qui existent entre le conseil d’administration d’une entreprise et l’équipe de direction : le PBSC, composé de sept membres, peut être comparé au conseil d’administration, et son secrétaire général s’apparente au président. Le chef du Conseil d’Etat est semblable à un directeur général et occupe toujours la deuxième place au sein du PBSC. La même structure du pouvoir se retrouve au niveau provincial, entre le comité local du parti et son secrétaire (dans le rôle du conseil d’administration et de son président) et le gouvernement provincial qui agit en tant qu’équipe exécutive, son chef occupant la deuxième place au sein du comité permanent local du parti. Cette structure garantit que les politiques économiques les plus importantes soient élaborées par les plus hauts dirigeants du pays.
Au niveau national, les décisions sur les sujets majeurs sont prises par le Comité central (en pratique, le PBSC), et elles sont mises en œuvre par le gouvernement central (le Conseil d’Etat), qui supervise l’action des ministres et des gouvernements locaux. Au niveau local (provincial, municipal, de comté et de canton), le comité permanent du parti prend les décisions finales, et le gouvernement local est responsable de leur mise en œuvre.
Le modèle fonctionne également de bas en haut, afin de recueillir les informations pertinentes pour la prise de décision. Des enquêtes approfondies sur le terrain sont régulièrement menées au niveau local, ainsi que des consultations avec des experts, des fonctionnaires de tous niveaux et des personnalités publiques. Les entreprises et les banques publiques font également remonter des informations. La planification chinoise n’est donc pas seulement descendante. L’information bottom up complète le modèle top down de prise de décision. Ces canaux ascendants peuvent également mettre en lumière les dissidences et les désaccords – la tolérance face à l’expression de points de vue divergents ayant d’ailleurs varié au fil du temps, au niveau central comme au niveau local.
Dans ce cadre, la Commission nationale pour le développement et la réforme (National Development and Reform Commission, NDRC) est l’institution chargée de rassembler toutes les contributions et de les mettre en ordre pour l’élaboration du plan quinquennal ou d’autres décisions. On peut considérer la NDRC comme le secrétariat du Conseil d’Etat, chargé de la formulation du plan. Des NDRC locales existent également pour aider à rédiger les versions provinciales du plan quinquennal.
L’évolution du plan quinquennal : de l’industrialisation à l’ouverture puis l’innovation
Le PCC arrive au pouvoir en 1949, et la Chine lance en 1953 son premier plan quinquennal, couvrant la période 1953–1957. On peut identifier trois axes majeurs dans les plans qui se sont succédé depuis : l’industrialisation d’abord, puis l’ouverture et, plus récemment, l’innovation (voir tableau 1).
Du premier au cinquième plan quinquennal, l’accent a été mis sur le développement industriel rapide. L’essentiel des investissements de l’Etat était orienté vers ce secteur. Cela s’est évidemment fait au détriment d’autres pans de l’économie. Par exemple, l’agriculture, qui occupait à l’époque plus des quatre cinquièmes de la population active, a dû dépendre de ses maigres ressources en capital. Au-delà de la concentration excessive des ressources dans l’industrialisation, le manque de données statistiques et d’expertise technique a rendu difficile la correction des erreurs. En particulier lors du Grand bond en avant, où l’industrialisation rapide à tout prix était devenue une obsession.
Depuis la réforme économique de 1978, l’accent des plans quinquennaux s’est déplacé vers l’ouverture au monde, décidée par Deng Xiaoping. A partir du sixième plan quinquennal, (1981-1985), des lignes directrices plus précises ont été tracées pour les mesures de restructuration et de libéralisation. Des
changements de procédure ont également été introduits, comme la convocation d’une session du Politburo visant à proposer des recommandations pour le prochain plan quinquennal. Sur la base de ces recommandations, il revenait au Conseil d’Etat de définir les grandes lignes de l’élaboration du plan. En outre, une fois le plan finalisé, l’Assemblée nationale populaire a été chargée de son approbation.
Après cette deuxième phase, la crise financière mondiale de 2008 et l’énorme plan de relance mis en œuvre par la Chine pour sauver son économie ont eu un impact sur l’orientation des plans quinquennaux. Le douzième plan, élaboré en 2010 et couvrant la période 2011-2015, différait nettement des précédents : son objectif central était d’assurer une croissance à long terme, appuyée essentiellement sur l’innovation. Y figuraient aussi d’autres thèmes comme la croissance durable, la remontée dans les chaînes de valeur, la réduction des inégalités de revenus, l’amélioration de la vie des citoyens, l’éducation, l’urbanisation, l’efficacité énergétique et la consommation domestique. Ce dernier thème, associé à celui de l’innovation, restera très présent dans les plans suivants, jusqu’à aujourd’hui.
Objectifs et réalisations
Chaque plan quinquennal comprend un certain nombre d’objectifs, certains quantifiables et d’autres non, qui sont réexaminés une fois achevée la période couverte par le plan. La NDRC qui, dans son rôle de secrétariat, assure la rédaction du plan, est également chargée de cette évaluation. Elle le fait sur la base des évaluations réalisées par chaque ministère sur ses propres activités. Le dernier plan pour lequel cet examen est allé jusqu’à son terme est le douzième (2011-2015), le treizième n’ayant pas encore été évalué.
Le douzième plan a été approuvé en mars 2011 par l’Assemblée nationale du peuple. Il mettait en évidence sept domaines clés pour le développement économique et social de la Chine, quelques objectifs étant chiffrés. Certains étaient classés comme obligatoires, d’autres étaient plus souples. Le tableau 2 indique
quelques indicateurs économiques cibles. Le douzième plan quinquennal comprend également des objectifs quantitatifs en matière d’environnement, en particulier la proportion de sources non fossiles dans le bouquet énergétique. Ces objectifs sont plus nombreux et détaillés dans le treizième plan (et élargis à des indicateurs tels que la qualité de l’air et de l’eau), signe des préoccupations environnementales croissantes de la Chine.
Le douzième plan vise clairement à orienter la croissance vers un modèle davantage axé sur la consommation, avec un rôle plus important pour les services. Ce changement, par rapport à l’accent mis précédemment sur la production industrielle et les investissements en capital fixe, est une réaction à la crise financière mondiale. En réalité, la Chine n’a pas eu d’autre choix que de s’appuyer encore plus sur les investissements lourds pour résister à l’impact d’un effondrement soudain des exportations dû à la crise financière. Compenser ces investissements excessifs et de moins en moins productifs par une consommation accrue, tel est le sens du modèle de rééquilibrage. Ainsi, parmi les objectifs du plan, la part des services dans le PIB a encore été relevée à 47 % pour la période 2020-2015, contre 43,3 % dans le onzième plan. Cette réorientation visait aussi à favoriser la réalisation des objectifs environnementaux. La plupart des objectifs
de croissance fixés dans le douzième plan ont été dépassés.
Le douzième plan mettait particulièrement l’accent sur le taux de chômage, compte tenu des énormes réserves de maind’œuvre souhaitant migrer des villages vers les villes. Un indicateur difficile à établir, car les statistiques sur les travailleurs migrants sont rares. L’objectif était que le taux de chômage officiel reste inférieur à 5 %, ce qui s’est produit pendant toute la période de cinq ans (il était de 4,05 % à la fin de 2015). Une des raisons de ce relatif succès est la mutation structurelle vers une économie de services, plus gourmande en main-d’œuvre.
Un autre thème important du douzième plan était l’innovation : les dépenses de recherche et développement ont augmenté d’une manière substantielle, non seulement en termes nominaux, mais aussi en proportion du PIB, lui-même en croissance rapide.
L’objectif du plan était d’augmenter les dépenses de R & D de 1,8 % du PIB en 2010 à 2,2 % en 2015. En outre, sept industries ont été désignées comme stratégiques : les énergies non fossiles, les technologies environnementales, les nouveaux matériaux, la fabrication haut de gamme, les
biotechnologies pharmaceutiques, la nouvelle génération de technologies de l’information, et les véhicules à propulsion non thermique. Des objectifs plus détaillés concernant ces secteurs ont été annoncés dans le programme Made in China 2025.
Pourtant, malgré l’importance évidente prise par l’innovation dans le modèle de croissance chinois, l’objectif de 2,2 % du PIB pour les dépenses de R & D n’a pas été atteint en 2015. On peut attribuer cet échec au niveau encore relativement faible d’éducation et, plus généralement, au manque de compétences. Cela dit, l’ambition de la Chine de se hisser aux premiers rangs dans ce domaine reste évidente.
Le programme Made in China 2025, élaboré par le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information et finalisé en 2015, tire les leçons de l’expérience des dernières années. L’objectif principal est de s’affranchir d’une dépendance excessive à l’égard de l’industrie manufacturière.
Dans ce contexte, l’accent mis sur l’innovation s’est traduit, de façon plus précise, par des investissements ciblés en R & D, ce qui suggère qu’une augmentation soutenue de ces dépenses est à prévoir. A cette fin, la Chine a rendu sa politique de soutien à l’innovation plus explicite, et a développé le concept d’innovation domestique, financée par les entreprises nationales (et non par des banques étrangères opérant en Chine).
Le quatorzième plan quinquennal
Lors de la cinquième session plénière du 19e Comité central du PCC, le 9 octobre 2020, un aperçu du quatorzième plan quinquennal a été publié, suivi, le 3 novembre, d’un document de planification plus détaillé intitulé « Propositions pour la formulation du quatorzième plan quinquennal (2021-2025) pour le développement économique et social national et les objectifs à long terme à l’horizon 2035 ». Le titre est intéressant dans la mesure où il élargit les objectifs au-delà de la période 2021-2025 couverte dans le plan. Le document complet, assorti d’objectifs quantifiés et d’orientations politiques précises, ne sera rendu public qu’après l’approbation formelle par l’Assemblée populaire nationale en mars 2021. Puis les
gouvernements locaux et les différents ministères publieront leurs plans d’actions spécifiques pour la mise en œuvre des grandes orientations.
Parmi les nombreuses annonces faites lors de la cinquième session plénière, figure l’intention que la Chine devienne un pays « modérément développé » d’ici 2035. Elle abandonnerait donc son statut de pays
en développement et tout ce qu’il implique. Si cet objectif n’est pas encore précisément
défini en termes de revenu par habitant, ce statut est couramment situé aux environs de 20 000 dollars. Indépendamment du chiffre exact, il est clair qu’il s’agit d’une cible audacieuse aux conséquences profondes. Elle peut être interprétée comme la deuxième phase du « grand rajeunissement » de la nation chinoise, voulue par le président Xi Jinping et annoncée lors du troisième plénum en 2013. Depuis lors cependant, la croissance potentielle de la Chine a considérablement baissé. Il faudra plus que ce que la plupart des estimations projettent pour les quinze prochaines années, au mieux 4 % de croissance potentielle en moyenne, pour atteindre une cible de revenu par habitant de l’ordre de 20 000 dollars.
Les outils pour atteindre un objectif aussi ambitieux sont associés à la stratégie de « double circulation », ainsi nommée car elle vise à stimuler simultanément le marché intérieur (circulation intérieure) et le marché extérieur (circulation internationale), mais dont l’objectif est de renforcer l’autonomie du pays [2].
Face à un environnement extérieur plus hostile, en particulier au durcissement des relations de Pékin avec les Etats-Unis et à la volonté américaine de découpler les chaînes d’approvisionnement mondiales, une mise à niveau technologique plus rapide est nécessaire pour éviter les goulots d’étranglement potentiels dans le développement économique de la Chine. La tratégie de « double circulation » est un corollaire du précédent programme Made in China 2025 pour le développement des capacités technologiques du pays. Elle exprime la volonté de réduire la dépendance vis-à-vis des importations, en particulier des équipements et des intrants de fabrication haut de gamme.
Cette recherche d’autonomie technologique aura des coûts pour les économies qui se sont habituées à exporter des biens intermédiaires sophistiqués vers la Chine, tels que le Japon, la Corée du Sud et l’Allemagne.
Stimuler la demande intérieure passe notamment par un programme d’urbanisation soutenu. Pour cela, une réforme plus rapide du « hukou », le système d’enregistrement et de contrôle de la population, permettrait de transformer les travailleurs migrants en citadins. Comme le hukou donne droit à toute une série de prestations sociales, allant de l’achat d’une voiture à l’admission des enfants à l’école, la réforme implique une redistribution importante des prestations et des droits ce qui pourrait réduire les inégalités en renforçant le filet de sécurité sociale. La plupart des nouveaux citadins seront concentrés dans
quelques régions urbaines, notamment dans le delta de la rivière des Perles et le delta du Yangtze, ainsi qu’à Pékin, Tianjin et dans les régions avoisinantes. La nouvelle stratégie modifiera donc considérablement la répartition géographique de la population et des activités économiques de la Chine.
Pour autant, il semble clair que la Chine ne veut pas renoncer
aux marchés d’exportation, au contraire. Le pays va continuer
à s’ouvrir de manière ciblée, dans le cadre de la « circulation », pour tirer profit des ventes sur les marchés étrangers tout en protégeant l’économie de leur volatilité.
La Chine veut sauvegarder son accès aux marchés tiers par différents moyens, comme les nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative),
mais aussi par de nouveaux accords commerciaux et
d’investissement, comme le partenariat économique régional
global signé en novembre avec les dix économies de l’ASEAN, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud. Enfin, et tout en préservant les racines de son modèle économique, la Chine s’efforce
également d’ouvrir certains secteurs à la concurrence étrangère,
comme le secteur financier.
Au début de cette année, Pékin a approuvé une nouvelle loi sur les investissements étrangers qui
s’appuie, non plus sur une liste des investissements autorisés, mais sur une liste négative, où tous les secteurs sont ouverts sauf ceux qui sont spécifiés. Dans le même temps, cependant, la Chine renforce sa loi sur la sécurité nationale afin de protéger ses intérêts stratégiques contre les intentions malveillantes.
Dans l’ensemble, la stratégie de la double circulation favorise l’autonomie, afin d’être prêt pour une éventuelle guerre froide, tout en continuant à profiter des marchés extérieurs tant que les portes restent ouvertes. Le concept de réforme est remplacé par celui d’innovation et l’ouverture économique est pertinente
pour autant qu’elle sert l’objectif de parvenir à l’autonomie et à un meilleur fonctionnement de l’économie.
De plus, la participation de la Chine aux affaires mondiales doit tenir compte de sa Weltanschauung.
En d’autres termes, la vision chinoise du monde devra être intégrée dans la gouvernance mondiale, car la Chine ne sera plus prête à accepter des règles préexistantes.
L’engagement en faveur du changement climatique en est un bon exemple. Sans faire encore l’objet
d’initiatives détaillées, les propositions pour le quatorzième plan quinquennal confèrent un fondement politique solide à ses objectifs en matière de climat et d’énergie. Et le président Xi a récemment annoncé que la Chine deviendrait neutre en carbone d’ici 2060.
Pour conclure : la planification économique en Chine a survécu à la disparition de l’Union soviétique, où elle trouve son origine, et
est restée centrale dans l’élaboration des politiques jusqu’à
aujourd’hui.
L’instrument phare de la planification à moyen terme est, depuis 1953, le plan quinquennal, qui distribue,
depuis le sommet, des objectifs spécifiques à poursuivre par chaque acteur. Au cours des derniers mois, les discussions sur le prochain plan quinquennal (2021-2025) se sont animées et ont abouti à un certain nombre de lignes directrices lors du cinquième plénum.
Le quatorzième plan quinquennal, comme tous les plans précédents, est principalement un exercice descendant dirigé par le Politburo et son Comité permanent, les plus hautes instances décisionnelles du PCC – avec des contributions de différentes parties prenantes de la société.
Comme pour les autres plans, il appartiendra à la Commission nationale de développement et de réforme (NDRC) de rédiger une formulation de ces directives. En outre, la NDRC sera chargée d’évaluer le degré de réussite du treizième plan quinquennal, avec l’aide des différents ministères concernés. Les objectifs
les plus difficiles à atteindre sont les objectifs non quantitatifs, qui nécessitent des réformes structurelles. En ce qui concerne les cibles quantitatives, les dépenses de R & D seront scrutées de près car elles pourraient ne pas être la hauteur des ambitieux objectifs fixés. Au-delà des dépenses elles-mêmes, il va sans
dire que les questions de qualité sont importantes, pas uniquement d’ailleurs en matière de R & D .
Cela nous amène au point délicat d’évaluer si la planification économique de la Chine peut être considérée comme réussie. La réponse dépend vraiment de ce que l’on recherche. Si les objectifs de croissance quantitative sont le critère déterminant, la réponse est certainement positive. Cependant, si l’on considère
la transformation structurelle de l’économie, le processus a été relativement lent. Toujours est-il que la planification économique offre la possibilité d’analyser attentivement les objectifs et de les évaluer. Que les objectifs soient bien choisis et tiennent compte des forces du marché est une autre question, qui sera analysée par les historiens de l’économie. Jusqu’à présent, la croissance a accompagné la planification, mais aussi d’autres problèmes tels que la montée de l’endettement et la dégradation de l’environnement. Les vertus de la planification pèsent-elles plus que ses inconvénients ? Il est vraiment difficile de se prononcer.
Une chose est certaine: pour tout pays qui tenterait d’imiter le capitalisme d’Etat et la planification économique de la Chine, il est important de s’assurer que les différents aspects menant au succès sont reproductibles, et les écueils évitables. Ce n’est pas une tâche facile étant donné les différences de structures
économiques et politiques entre les pays.
Traduit de l’anglais par Maud Seror
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