Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Josep Borell et la politique de l’UE face à la Russie…

EEAS10, Josep Borell Nous avons voulu vous présenter la position du haut représentant de l’UE pour les affaires européennes à son retour de Russie, en regard de la position de Lavrov. Il est clair que pas plus que les États-Unis, ces gens-là ne mesurent à quel point la quasi totalité de la planète en a assez de leurs hypocrites ingérences et a décidé désormais de ne rien tolérer de leur part dans ce domaine. Le plus grand danger réside aujourd’hui dans l’incapacité de l’occident à mesurer la réalité du rapport des forces et de la nécessité de changer d’attitude (note de Danielle Bleitrach)

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Nous vous proposons aujourd’hui la traduction du billet de Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité depuis 2019, publié à son retour de Moscou. Ce papier révèle à quel point la diplomatie européenne est dogmatique, et à quel point les dirigeants à Bruxelles peuvent en certaines occasions porter un discours irresponsable, bien loin de ce que l’on attend d’un diplomate.

Rappelons que M. Borrell, 72 ans, a une formation d’ingénieur aéronautique et de docteur en sciences économiques, et que ce politicien décrié en Espagne, a fini par être exfiltré de son pays vers Bruxelles… Soulignons enfin qu’une centaine de députés va-t-en guerre veut sanctionner Borrell – jugé encore trop laxiste vis-à-vis de Moscou…

07/02/2021 – HR/VP Blog (Blog du Haut-Représentant/Vice-Président, NdT) – Je me suis rendu à Moscou cette semaine pour tenter de savoir, par le biais d’une diplomatie régie par les principes, si le gouvernement russe était désireux d’aborder nos désaccords et inverser la tendance à la dégradation de nos relations. La réaction que j’ai perçue pointe manifestement dans une autre direction. Aussi, en tant qu’UE, il va nous falloir nous interroger sur les implications plus larges et définir une trajectoire pour l’avenir. Nous sommes à la croisée des chemins. Les grandes lignes du paysage géopolitique du XXIe siècle se dessinent aujourd’hui.

Je viens de rentrer d’une visite très compliquée à Moscou, dans le cadre de laquelle j’avais entrepris de discuter des tensions concernant les relations UE-Russie. Elles sont au plus bas depuis déjà plusieurs années, et se sont même dégradées suite aux récents événements liés à l’empoisonnement, l’arrestation et la condamnation d’Alexei Navalny ainsi qu’aux arrestations massives de milliers de manifestants qui en ont découlé. L’objectif de cette mission était d’exprimer clairement la ferme condamnation de ces événements par l’UE, d’aborder, via une diplomatie directe, le problème de la détérioration rapide de nos relations avec la Russie et de faciliter la préparation des discussions du prochain Conseil de l’Europe concernant les relations UE-Russie.

« Les autorités russes n’ont pas voulu saisir cette occasion d’avoir un dialogue plus constructif avec l’UE. C’est regrettable et nous devrons en tirer les conséquences ».

Une conférence de presse au déroulement très musclé et l’expulsion de trois diplomates de l’UE survenus pendant ma visite indiquent que les autorités russes ne désiraient pas saisir cette occasion d’avoir un dialogue plus constructif avec l’UE. Sans être totalement inattendu, ceci est regrettable, également, oserais-je dire, d’un point de vue stratégique russe. En tant qu’UE, nous devrons en tirer les conséquences, réfléchir sérieusement à l’orientation que nous voulons imprimer à nos relations avec la Russie et agir de manière concertée et déterminée.

« La discussion avec mon homologue russe a par moments atteint de hauts niveaux de tension, alors que je demandais la libération immédiate et inconditionnelle de M. Navalny, ainsi qu’une enquête complète et impartiale sur la tentative d’assassinat dont il a été victime ».

Les questions relatives aux droits humains et aux libertés fondamentales, et en particulier le cas d’Alexei Navalny, ont été au cœur même de ma visite et de mes échanges avec le ministre des affaires étrangères Lavrov. La discussion avec mon homologue russe a par moments atteint de hauts niveaux de tension, alors que je demandais la libération immédiate et inconditionnelle de M. Navalny, ainsi qu’une enquête complète et impartiale sur la tentative d’assassinat dont il a été victime. J’ai rappelé au ministre Lavrov que les obligations de la Russie dans le domaine des droits humains découlent d’engagements internationaux auxquels celle-ci a librement souscrits (c’est-à-dire la Convention européenne des droits humains du Conseil de l’Europe), et ne peuvent donc être écartées au motif d’ingérence dans des affaires intérieures. J’ai réaffirmé ces points lors du point-presse.

J’ai également rencontré des représentants de la société civile, des groupes de réflexion et des représentants des milieux d’affaires européens. Malgré les défis énormes et un espace qui s’amenuise, la société civile continue de jouer un rôle essentiel dans la défense du respect de la démocratie, des libertés fondamentales et des droits humains. Je rends hommage à leur travail et à ce qu’ils représentent. Mon équipe a eu des contacts avec l’entourage proche de M. Navalny et lui ont témoigné notre soutien. Malheureusement, je n’ai pas pu le rencontrer car il comparaissait devant le tribunal pendant ma visite. J’ai également exprimé l’attachement de l’UE aux droits humains et aux libertés politiques en rendant hommage, sur le pont où il a été assassiné il y a 6 ans, à Boris Nemtsov, figure de proue de l’opposition.

Lors de mes échanges avec le ministre Lavrov, outre les questions relatives aux droits humains et à nos divergences de vues, nous avons également évoqué des aspects plus larges de nos relations, notamment le potentiel de coopération face aux défis mondiaux tels que la pandémie de Covid-19, la crise climatique ainsi que la région arctique, qui sont des secteurs au sujet desquels nous pourrions trouver des intérêts communs.

Nous avons également discuté des conflits qui sévissent dans notre voisinage immédiat, et j’ai insisté sur la nécessité d’avancer vers la pleine mise en œuvre de l’accord de Minsk et sur le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. J’ai également insisté sur la nécessaire prise en compte de l’appel du peuple biélorusse – qui se manifeste haut et fort depuis six mois maintenant – pour choisir librement son président. Le respect de l’intégrité territoriale de la Géorgie, la situation dans le Haut-Karabakh et les crises syrienne et libyenne ont également fait partie des questions que nous avons abordées dans le cadre d’un examen de notre voisinage troublé, où la Russie et l’Union européenne restent le plus souvent en désaccord. En discutant de tout cela, j’ai souligné ici qu’il fallait respecter pleinement les engagements de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), y compris le respect de l’intégrité territoriale.

Nous avons également convenu de la nécessité de maintenir une bonne coopération sur l’accord nucléaire avec l’Iran (le PAGC : Plan d’Action Global Commun) et de la possibilité d’un engagement commun pour soutenir les efforts de paix et de réconciliation dans le conflit israélo-palestinien.

« Ma rencontre avec le ministre Lavrov a montré que l’Europe et la Russie s’éloignent l’une de l’autre. La Russie semble se déconnecter peu à peu de l’Europe ».

J’avais organisé ce voyage pour faire part des positions de l’UE et pour souligner nos préoccupations majeures, mais également pour vérifier si, dans certains des secteurs où nos intérêts convergent, nous pouvions essayer de coopérer et commencer à instaurer une certaine confiance. Hélas, à la toute fin de notre réunion, nous avons appris, par le biais des réseaux sociaux, l’expulsion de trois diplomates de l’UE sur la base d’allégations infondées selon lesquelles ils n’auraient pas respecté leur statut diplomatique en participant à des manifestations. J’ai demandé au ministre Lavrov de revenir sur cette décision, mais sans succès.

Je suis rentré à Bruxelles animé de vives inquiétudes quant aux perspectives de développement de la société russe et aux choix géostratégiques de la Russie. Ma rencontre avec le ministre Lavrov et les messages envoyés par les autorités russes au cours de cette visite ont confirmé que l’Europe et la Russie s’éloignent l’une de l’autre. La Russie semble se déconnecter peu à peu de l’Europe et considérer les valeurs démocratiques comme une menace existentielle.

Nous sommes à la croisée des chemins. Les choix stratégiques que nous faisons aujourd’hui détermineront la dynamique internationale des pouvoirs au XXIe siècle, et tout particulièrement la question de savoir si nous irons vers des modèles plus coopératifs ou au contraire plus divisés, fondés sur des sociétés fermées ou alors plus libres. L’Union européenne peut exercer une influence sur ces évolutions mais cela exige une vision et des objectifs clairs, en parallèle d’un engagement diplomatique très actif, appuyé sur les nombreux moyens d’action extérieure et de rayonnement d’influence dont nous disposons.

Nous discuterons de ces questions avec mes collègues ministres des affaires étrangères de l’UE. Comme toujours, il appartiendra aux États membres de décider des prochaines étapes, et oui, celles-ci pourraient inclure des sanctions. Nous disposons en outre d’un autre outil en la matière, grâce au régime de sanctions de l’UE en matière de droits humains récemment approuvé.

La nature même du défi que nous devons relever est claire. Nous enfermer derrière des murs et nous adresser aux autres du haut de notre fortin n’apportera pas une plus grande sécurité à l’UE. Et ce n’est pas de cette façon que j’envisage mon rôle de premier diplomate de l’UE. Nous devons relever des défis, dont celui de rencontrer les autres sur leur propre terrain, précisément lorsque des événements négatifs se produisent, afin de nous permettre de mieux analyser les difficultés auxquelles nous sommes confrontés et les mesures que nous devrions prendre. Plutôt que de rester réactif et attendre que les choses se passent je privilégie cette approche. Si nous voulons un monde plus sûr pour demain, nous devons agir aujourd’hui avec détermination et être prêts à prendre des risques.

“Boris Nemtsov a voué sa vie à la défense des valeurs démocratiques et du pluralisme politique en Russie. Il reste une source d’inspiration pour tous à une époque où l’opposition politique, la société civile et les médias indépendants sont de plus en plus entravés et les libertés restreintes.”

Josep Borrell Fontelles

Au terme de ma visite en Russie, j’ai rendu hommage à ceux qui ont sacrifié leur vie et leur liberté pour défendre les droits fondamentaux et les droits humains. Je me suis rendu à l’endroit où Boris Nemtsov a été assassiné en 2015. Voici le résumé de ma visite : europa.eu/!Dx93bv

Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité / vice-président de la Commission européenne

Source : EEAS10, Josep Borell, 07-02-2021

Traduit par les lecteurs du site Les-CrisesLesCrise | 2 mars 2021 à 6 h 50 min | Tags: Josep BorellRussieUnion européenne | Catégories : l’Europe | URL : https://wp.me/p17qr1-15PF

Vues : 189

Suite de l'article

1 Commentaire

  • etoilerouge commune
    etoilerouge commune

    ceci doit être mis en exergue de la déclaration des “élus” de l’UE de septembre 2019 assimilant communisme et nazisme. La fin de la déclaration parle de la Russie et de ses peuples asiates , le terme s’y trouve et que la question se pose de l’européanité d’un tel pays. tout cela par des mots moins forts est proche des conceptions antiégalitaires nazies et de l’asiate comme untermensch. Borrel dit que la Russie s’éloigne de l’europe ce qui veut dire en clair que l’homme russe n’est pas européen mais asiate et donc untermensch: la démocratie serait une oeuvre européenne ce qui est faux. Historiquement la Révolution française pose l’égalité des droits de tous les hommes avec ROUSSEAU et DIDEROT comme NECESSITE. C’est la ligne de partage ; n’est pas Républicain le seul fait d’élections libres mais que ces élections doivent mener à la raison politique ds le cade de l’égalité de tous les hommes et de toutes les classes donc sans classes. Tout autre chemin mène fatalement aux fascismes.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.