Martin Luther King, USAMerci1
En 2017, lorsque le FBI a encensé le leader des droits civils pour des raisons de relations publiques dans un tweet, Ben Norton a publié un rappel sur l’histoire sale de l’agence.
King s’adressant à un rassemblement contre la guerre du Vietnam à l’Université du Minnesota à St. Paul, le 27 avril 1967. (Société historique du Minnesota, CC BY-SA 2.0, Wikimedia Commons)
« D’abord, ils vous ignorent. Ensuite, ils vous ridiculisent. Et puis ils vous attaquent et veulent vous brûler. Et puis ils construisent des monuments à votre mémoire », déclarait le dirigeant socialiste et organisateur syndical Nicholas Klein en 1914 (dans une citation souvent attribuée à tort au Mahatma Gandhi). Klein a ajouté : « Dans cette déclaration, vous avez l’histoire de tous ces agissements ».
En 2017, près de 50 ans après son assassinat, Martin Luther King Jr. a été adulé par les forces mêmes qui l’ont ridiculisé, attaqué et voulaient le brûler. Les mêmes institutions gouvernementales qui ont menacé la vie de King et l’ont traité de « menteur le plus notoire du pays » et d’« animal sale et anormal » l’ont applaudi.
L’héritage radical de l’icône des droits civils – qui a non seulement vaillamment combattu Jim Crow [Jim Crow est le nom des lois Jim Crow, instituant la ségrégation raciale, ainsi nommées en raison de la popularité de la chanson Jim Crow blues, NdT] mais a aussi sévèrement condamné le capitalisme et s’est courageusement exprimé contre la guerre américaine au Vietnam, s’aliénant ainsi la grande majorité de l’establishment libéral – a été tellement blanchi que les mêmes institutions gouvernementales qui ont souhaité la mort de King font maintenant l’éloge de sa mémoire.
En 2017, à l’occasion de la journée Martin Luther King, le Federal Bureau of Investigation (FBI) a publié un tweet honorant « le révérend Martin L. King Jr. et son incroyable carrière de combattant pour les droits civils ».
King a été arrêté en 1963 pour avoir protesté contre le traitement des noirs à Birmingham. (Wikimedia Commons)
Ce que le FBI n’a pas mentionné dans son tweet, c’est que King, qui a été arrêté 30 fois dans sa vie, était la principale cible de COINTELPRO – le programme de contre-espionnage du FBI qui espionnait, menaçait et même assassinait les dirigeants révolutionnaires des mouvements de libération des Noirs, socialistes et anti-impérialistes.
Le FBI a harcelé et menacé King sans relâche. Il a écouté ses appels téléphoniques. Il a espionné ses liaisons amoureuses. Il l’a nargué et a appelé chez lui à maintes reprises.
Après son célèbre discours « I have a dream » en 1963, le FBI a qualifié King de « leader noir le plus dangereux et le plus efficace du pays ». Les chefs de département du FBI ont tenu une réunion pour discuter « d’une analyse complète des pistes d’approche visant à neutraliser King en tant que leader noir influent ». [I have a dream : Je fais un rêve. NdT]
Au nom de la lutte contre le communisme, le directeur du FBI J. Edgar Hoover a ordonné que King et sa Southern Christian Leadership Conference soient surveillés. Le FBI a placé des dizaines de microphones dans les endroits que King fréquentait et a mis ses téléphones sur écoute, avec l’approbation du procureur général Robert F. Kennedy. Afin d’évaluer l’importance « de l’influence communiste sur lui », le FBI a suivi « tous les déplacements et activités de King ». [Southern Christian Leadership Conference : Conférence du leadership chrétien du Sud. Organisation américaine des droits civiques basée à Atlanta, fondée en 1957 par le pasteur Martin Luther King Jr. et d’autres pasteurs. NdT]
Lorsque King a reçu le prix Nobel de la paix en octobre 1964, le FBI était furieux. Lors d’une conférence de presse tristement célèbre en novembre, Hoover du FBI a clamé que King était « le menteur le plus notoire du pays ». Officieusement, Hoover a également appelé l’icône des droits civils « l’un des personnages les plus vils du pays ».
Le Directeur du FBI J. Edgar Hoover.
Quelques jours après la conférence de presse, le FBI a envoyé à King une lettre anonyme effrayante, le faisant chanter et lui demandant de se suicider. Le FBI a qualifié King de « bête malfaisante et anormale » et « de parfait imposteur et portant une grande responsabilité envers » les Noirs américains. « Votre fin est proche », a écrit le FBI, le décrivant comme « non pas un leader mais un imbécile moralement débauché et anormal ».
Grâce à sa surveillance, le FBI a recueilli des preuves des galipettes de King, et a menacé de les exposer au monde entier. « Tu es fini… Je répète que tu es fini… Tu es fini… King tu es fini… Tu es fini », réitère la lettre.
« King, il ne te reste qu’une seule chose à faire. Tu sais ce que c’est », a conclu le FBI, faisant fortement allusion au suicide. « Tu es fini. Il n’y a qu’une seule issue pour toi. Tu ferais mieux de la prendre avant que ton sale et anormal ego d’imposteur ne soit dévoilé à la nation. »
King a persévéré pendant encore trois ans jusqu’à son assassinat en 1968. En 1999, un jury a déclaré, dans un procès civil au Tennessee, que le gouvernement américain était complice du meurtre de King.
En mars 1968, un mémo du FBI, datant du mois précédant la mort de King, discutait des moyens d’« empêcher la montée d’un « messie » qui pourrait unifier et galvaniser le mouvement militant nationaliste noir ». Le mémo, qui a été expurgé, laissait entendre qu’un leader comme King « pourrait être un vrai candidat à ce poste s’il abandonnait sa prétendue « obéissance » aux « doctrines libérales blanches » (la non-violence) et embrassait le nationalisme noir ».
« Grâce au contre-espionnage, il devrait être possible d’identifier les fauteurs de troubles potentiels et de les neutraliser », précise le mémo. L’année suivante, le FBI a été impliqué dans le meurtre de Fred Hampton, le président de la section de l’Illinois du Black Panther Party et un autre « messie noir » potentiel que l’agence avait ciblé.
Fred Hampton.
Et cinquante ans plus tard, malgré cette histoire bien documentée sur sa tentative de détruire King, le FBI et d’autres institutions gouvernementales l’utilisent maintenant pour tenter de blanchir leurs sordides histoires.
Le vrai King était un radical politique inébranlable. Il a admis que le gouvernement américain était « le plus grand pourvoyeur de violence dans le monde ». Il a imploré les gens de « remettre en question l’économie capitaliste » et a insisté : « Nous ne pourrons pas résoudre notre problème tant qu’il n’y aura pas une redistribution radicale du pouvoir économique et politique. »
King a assimilé la suprématie blanche à l’impérialisme et Jim Crow aux États-Unis à l’apartheid en Afrique du Sud. Lorsqu’il s’est prononcé contre la guerre barbare du Vietnam, qui allait faire des millions de morts, il a été fustigé par les libéraux et les conservateurs. Les comités de rédaction du New York Times et du Washington Post ont affiché leur mépris envers King ; en une journée, 168 journaux différents l’ont fustigé.
Pourtant, King a persévéré. Il a déclaré que « les maux du racisme, de l’exploitation économique et du militarisme sont tous liés, et on ne peut vraiment pas se débarrasser de l’un sans se débarrasser des autres ». Il a également déclaré que les militants doivent « faire comprendre que l’Amérique est une nation hypocrite » et a persisté dans l’idée que « toute la structure de la vie américaine doit être changée ».
Ben Norton est journaliste et écrivain. Il est reporter pour The Grayzone et producteur du podcast « Moderate Rebels », qu’il co-anime avec Max Blumenthal. Son site web est BenNorton.com, et il tweete sur @BenjaminNorton.
Source : Consortium News, Ben Norton, 20-01-2020
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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