Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Allemagne déclare Marx « inconstitutionnel » : la démocratie bourgeoise s’affirme dictature

Nous poursuivons notre réflexion d’aujourd’hui sur la contradiction dans les termes entre libéralisme/ capitalisme, auxquels s’identifie officiellement l’UE, et la réalité de leur pratique politique vers la guerre impérialiste, l’exploitation à outrance extérieure et intérieure, l’exacerbation de toutes les divisions prolétariennes et la pratique de la censure comme une forme de mise à mort des idées comme celle des êtres humains. Marx interdit dans sa patrie, l’extrême-droite qui prétend ériger un monument aux victimes du communisme en France, le tout en appui à la politique erratique, belliciste de Macron contre la Russie et la Chine qui voudraient « manger la France »… On est passés, comme l’avait prévu Mao, de Staline à Lénine, et de Lénine à Marx… en évitant tout « bilan réaliste » à partir des buts et moyens révolutionnaires, à la seule diabolisation qui crée une unité fictive entre démocratie et capitalisme parce que l’impérialisme en crise profonde n’a plus qu’à aller jusqu’au bout de lui-même, c’est-à-dire au fascisme par peur des masses qu’il opprime. (note et traduction de Danielle Bleitrach)

18/08/2025

par Gustavo Burgos

Le tribunal administratif de Hambourg a pris une mesure qui devrait déclencher toutes les alarmes de ceux qui prétendent faire partie de la tradition révolutionnaire. Dans un arrêt de juillet, dont les antécédents viennent tout juste d’être révélés, le tribunal déclare que les enseignements de Karl Marx sont « fondamentalement incompatibles avec l’ordre démocratique libre » de la République fédérale d’Allemagne.

Le paradoxe est brutal : le même arrêt acquitte l’association culturelle Masch (École marxiste de politique et de culture), qui avait poursuivi l’État allemand pour avoir été inclus dans des rapports d’« extrémisme de gauche ». Cependant, en l’exonérant, le tribunal le fait avec un argument qui semble être écrit à l’encre empoisonnée : Masch ne constitue pas un danger parce qu’elle n’a pas l’« attitude militante active » pour mettre en pratique ce qu’elle étudie. En d’autres termes, lire Marx n’est pas un crime, mais c’est suspect par définition.

Le capitalisme blindé comme Constitution

Le cœur de l’arrêt révèle un principe inquiétant : la Cour considère que le marxisme lui-même est en dehors de la légalité constitutionnelle, parce qu’il postule la dictature du prolétariat, entendue de manière réductionniste comme l’exclusion « antidémocratique » des autres groupes sociaux. Ce faisant, la décision révèle quelque chose que les bourgeoisies européennes disent rarement à haute voix : que la démocratie libérale est inséparablement liée au capitalisme.

La Cour rejette la lecture classique du juriste socialiste Wolfgang Abendroth, qui soutenait que la Loi fondamentale allemande est neutre en matière économique et n’interdit pas une voie socialiste si elle est décidée démocratiquement. Au contraire, l’arrêt de Hambourg place le capitalisme comme le noyau intangible de l’ordre constitutionnel.

Un boomerang contre la critique radicale

La victoire de Masch, qui organise depuis 1981 des lectures du Capital et des débats à l’Université de Hambourg, est devenue un boomerang judiciaire. L’avocat du groupe avertit que le raisonnement du tribunal ouvre la porte à la mise sous surveillance de tout cercle marxiste, puisqu’il suffit que ses activités tournent autour de Marx pour être qualifié d’« incompatible » avec l’ordre démocratique.

Ce qui est puni, ce n’est pas la violence, ni même le militantisme, mais le simple fait de penser au dépassement du capitalisme. Une démocratie qui se proclame libre montre ici ses limites : ce qui est interdit, c’est la critique radicale de la propriété privée et de l’État bourgeois.

L’Europe et la dérive autoritaire

Cet épisode n’est pas un accident isolé. Alors que l’extrême droite progresse électoralement sur tout le continent, les appareils d’État renforcent un autoritarisme préventif dirigé contre la gauche. Le capitalisme européen, assiégé par les crises économiques, les guerres impérialistes et la délégitimation sociale, aveugle toute issue autre que la répression.

La décision de Hambourg n’est pas sans rappeler les proscriptions historiques : de même que dans l’après-guerre, les communistes étaient persécutés au nom de la « défense démocratique », aujourd’hui le scénario est répété contre les simples cercles d’étude. À contre-courant, d’autres tribunaux, comme celui de Berlin, ont admis que la transformation socialiste pourrait même être constitutionnelle si elle est menée sans violence. Mais Hambourg opte pour la ligne dure : protéger le capitalisme, même au prix d’une restriction de la pensée critique.

Un miroir pour le Chili

La leçon est claire. Ce qui s’est passé en Allemagne anticipe ce que signifie la « démocratie blindée » que le Chili cherche à consolider : une démocratie basée sur la criminalisation de toute perspective anticapitaliste. Non pas à cause de l’action directe des masses, mais à cause de l’existence même d’un horizon révolutionnaire. Dans ce scénario, nous voyons comment le capitalisme démocratique européen adopte la même logique de contre-insurrection qui cherche à déraciner l’idée de révolution.

La décision du tribunal de Hambourg et la relation avec notre propre système juridique ne devraient pas surprendre. En effet, le modèle juridique allemand a servi de base depuis l’installation de la Constitution de 1980 – qui était basée sur la Loi fondamentale de l’Allemagne fédérale susmentionnée – pour l’ensemble du cycle de réformes sur lequel le régime chilien s’est construit, y compris la vaste réforme de la procédure pénale chilienne.

Ce n’est pas seulement la Fondation Konrad Adenauer qui a financé les chrétiens-démocrates à cette époque. Une grande partie des cadres du Parti socialiste ont été formés dans des universités allemandes et à ce jour, cette école de droit reste une référence incontestée même pour la formulation du projet constitutionnel « progressiste » frustré de 2022, celui de Fernando Atria précisément.

Pour cette raison, la décision de Hambourg n’est pas un petit geste juridique : c’est une déclaration de guerre idéologique contre Marx et contre la tradition de la lutte ouvrière. Face à cela, les révolutionnaires ne peuvent pas répondre par un silence académique. La défense du marxisme en tant qu’outil critique et émancipateur est aujourd’hui une tâche politique de premier ordre. Parce que si la démocratie bourgeoise a besoin de déclarer Marx inconstitutionnel pour survivre, c’est parce que la crise du capitalisme a atteint un point où la vérité du marxisme est à nouveau insupportable pour les classes dirigeantes.

CatégoriesDROIT,OPINIONÉtiquettesDroits de l’hommeGustavo Burgos VelásquezMarxismeNavigation de l’article

Views: 31

Suite de l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.