Voici la deuxième partie de notre réflexion sur le conflit qui a éclaté entre la Thaïlande et le Cambodge, et dans lequel les USA tentent à la fois de porter l’idée d’une mise en tension régionale qui les opposerait à la Chine et d’apparaître comme soucieux de la recherche de la paix. La première partie, proposée par Xuan, nous a donné la position exprimée par la Chine dans le Global Times. Ici, Danielle Bleitrach analyse cette position et prolonge la réflexion sur la politique de l’impérialisme. (note de Franck Marsal pour Histoire&Société)
Comme souvent en citant la position chinoise qui invite à se méfier de l’existence d’une guerre par procuration sino-américaine (la Thaïlande défendant les intérêts des USA et le Cambodge ceux de la Chine) Xuan dit un positionnement essentiel qui nous renseigne sur la stratégie chinoise et sa volonté de pacifier. On ne peut qu’approuver cette mise en garde et la répercuter en tant que militant communiste. J’ai souvent observé que dans notre quatuor, Xuan est celui qui dit la position politique, celle qui permet d’agir. Mais car il y a bien sur un mais L’ATTITUDE CHINOISE EST SI EXEMPLAIRE D’UNE ORIENTATION STRATÉGIQUE QUI FAIT DÉFAUT A NOS « PITRES » QUE JE NE RÉSISTE PAS AU PLAISIR DE LA COMMENTER.
LE FAIT EST QU’ENTRE LE CAMBODGE ET LA THAÏLANDE, LA GUERRE EST SUR LES RAILS. ÉLUCIDONS CETTE BOUTADE A TRAVERS UNE « MÉTHODE » : CONNAITRE LA GÉOGRAPHIE, L’ESPACE, ET SAVOIR QUE L’HISTOIRE EST TOUJOURS L’EMPILEMENT DE TEMPS. L’ÉVÉNEMENT D’AUJOURD’HUI EST UNE MISE A FEU DE CES COUCHES DE POUDRE ACCUMULÉES. LA PREMIÈRE OBSERVATION EST DE SAVOIR QUI A INTÉRÊT A CETTE MISE A FEU. C’EST POUR CELA QUE LES PEUPLES ET LES DIRIGEANTS QUI ONT ENCORE UNE VISION HISTORIQUE SAVENT QUE LA DIPLOMATIE EST NÉCESSAIRE MAIS LENTE. PARFOIS SEUL LE COMBAT PEUT TRANCHER, MAIS IL VAUT MIEUX L’ÉVITER ET PRENDRE LE TEMPS POUR DÉNOUER L’ENCHEVÊTREMENT. LA DIPLOMATIE A BESOIN DE CRÉDIBILITÉ DES NÉGOCIATEURS ALORS QUE LA GUERRE EST MENSONGE : SAVOIR QUI SONT CEUX RECONNUS PAR TOUS COMME AYANT L’AUTORITÉ ET LE « POIDS » POUR TRANCHER EST ESSENTIEL A LA NÉGOCIATION. LA CHINE EST MIEUX PLACÉE QUE L’OCCIDENT BRUTAL TOUT EN AYANT PERDU UNE BONNE PART DE SON POUVOIR DE COERCITION. IL FAUT DONC PRENDRE CE QUE DIT LA CHINE ET QU’EXPOSE XUAN COMME UN POSITIONNEMENT ÉTABLISSANT CETTE CRÉDIBILITÉ, CE POIDS PLUTÔT QUE CELUI DE BELLIGÉRANT. ET LA MISE EN GARDE DE LA CHINE, UNE FOIS DE PLUS PROUVE QU’ELLE EST EN POSITON DE FORCE, CELLE OÙ ELLE CALME LE JEU.
Sur le fond, on peut considérer que l’analyse proposée par Xuan à partir des déclarations officielles chinoise est exacte, le poids est bien celui de la colonisation, mais le conflit est aussi révélateur de la manière dont ce passé remonte dans les enjeux du présent.
D’ailleurs cela s’agite beaucoup et le très imprévisible président des Etats-Unis est déjà là, il témoigne de ce mélange qui le caractérise, la volonté fondamentale de faire la peau à ceux qui menacent sa paranoïa de puissance sur le déclin et le narcissisme avec sa volonté d’apparaître comme le faiseur de paix et de recevoir un prix Nobel, comme OBAMA, dont il poursuit « le pivot asiatique ».
Phumtham Wechayachai et le Premier ministre cambodgien Hun Manet doivent se rencontrer à Putrajaya, la capitale administrative malaisienne, à 15H00 heure locale (07H00 GMT), selon Bangkok. Le chef du gouvernement malaisien Anwar Ibrahim joue le rôle de médiateur, son pays occupant la présidence tournante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) dont la Thaïlande et le Cambodge sont membres.
– Paix « le plus tôt possible » – Comme d’habitude, en Ukraine, à Gaza, en Afrique… La réunion sera aussi « co-organisée par le Etats-Unis, avec la participation de la Chine », a précisé Hun Manet. Le président américain Donald Trump, qui a appelé le chef des deux camps samedi, a exhorté les deux pays à s’entendre autour d’un accord rapide, sous peine de geler les discussions portant sur les droits de douane prohibitifs qui doivent frapper ces deux économies dépendantes des exportations le 1er août. Des représentants américains sont en Malaisie pour « soutenir les efforts de paix », a déclaré le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio. « Nous voulons que ce conflit se termine le plus tôt possible. » Les affrontements ont officiellement fait 22 morts côté thaïlandais, dont huit soldats, et 13 morts, dont cinq militaires, côté cambodgien. Plus de 138.000 Thaïlandais ont évacué les zones à risques, selon Bangkok, et plus de 80.000 Cambodgiens ont fait de même, d’après Phnom Penh.
L’événement a des airs de déjà vu…
On pourrait dire avec ironie que « La guerre est sur les rails » et que dans ce cas les Etats-Unis et leur avorton, les Britanniques ne sont pas loin, n’en déplaise à la déclaration officielle des Chinois que rapporte Xuan. Le 24 juillet 2025, tout semble avoir commencé comme une confrontation latente entre la Thaïlande et le Cambodge au sujet du temple contesté de Ta Muen Thom, conflit religieux comme les Britanniques savent les exploiter. D’ailleurs il s’est transformé en le conflit interétatique le plus intense que l’Asie du Sud-Est ait connu depuis plus d’une décennie. En quelques heures, des obus d’artillerie tombaient de l’autre côté de la frontière, des F-16 thaïlandais décollaient et des roquettes GRAD cambodgiennes pleuvaient sur des cibles militaires et civiles. Plus de 30 soldats et civils sont morts, et plus de 170 000 civils sont désormais déplacés le long de la frontière contestée. Et là, nous sommes passés à Apocalypse now de la décolonisation interdite par l’impérialisme avec des flambées nationalistes autour d’une frontière.

place du temple sur la frontière…

La première des choses est d’avoir une vision géographique… parce que comme le notent très justement les Chinois dans toute leurs analyses, dans tout conflit il y a la nécessité de savoir que cette réalité perdurera et que le voisin restera, comme la Chine continuera à devoir subir les USA et l’UE pendant un bon bout de temps.
L’antagonisme autour du temple renvoie à l’arbitraire des frontières mais aussi à diverses temporalités historiques concernant les guerres du Vietnam, et les contradictions autour du Cambodge y compris l’épisode des Khmers rouges. Le Prasat Ta Muen Thom est un temple khmer situé à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande et revendiqué par les deux pays. Le nom de Prasat Ta Muen Thom vient du nom du village voisin de Ta Miang et signifie le grand château (des dieux) ou temple de Ta Miang ; de la même façon, le nom du Prasat Ta Muen Toch signifie le petit château (des dieux) ou temple de Ta Miang. La proximité de ces trois prasat (Prasat Ta Muen, Prasat Ta Muen Thom et Prasat Ta Muen Toch) -quelques centaines de mètres-, montre que ce lieu était une halte importante sur une route majeure de l’empire khmer, la route d’Angkor à Phimai. Mais cette revendication du Cambodge à reprendre possession d’un de ses lieux historiques se double d’une crise majeure beaucoup plus récente qui relève de la manière dont la région a été déchirée par les guerres dites du Vietnam. Il se trouve non loin des Prasat Ta Muen et Prasat Ta Muen Toch, sur l’un des cols des monts Dângrêk (ou Dongrak), dans une forêt dense, dont l’accès est interdit, la zone n’ayant pas été totalement déminée. De nombreuses pièces d’architecture ont été volées par les khmers rouges, et plus particulièrement les sculptures de valeur, de façon parfois brutale en utilisant de la dynamite.
Ce qui peut être interprété par et pour le public occidental naïf comme une flambée nationaliste localisée de peuples décidément incapables de se gérer tant ils sont la proie de divisions archaïques non seulement renvoie comme le souligne justement l’article de Global Times à des blessures de la mondialisation colonialiste sur un ou deux siècles avec les difficultés de s’en abstraire, mais il y a les enjeux d’aujourd’hui celui du monde multipolaire et ce conflit révèle en réalité une fois de plus une poudrière géopolitique avec des implications mondiales. Au cœur du différend se trouvent des griefs territoriaux séculaires, des temples contestés et les cicatrices des frontières coloniales. Mais sous la surface historique se cache une lutte plus profonde : une lutte de l’Occident contre la Chine sur l’avenir économique et infrastructurel de l’Asie du Sud-Est.
L’occident cherche la mise à feu et la Chine démontre qu’il n’y a aucune contradiction fondamentale, celle qui exigerait la guerre entre les peuples riverains, ils ont tous intérêt au développement. Elle refuse d’être impliquée en tant que puissance belligérante, mais marque les limites d’une interprétation partisane et donne du temps au temps… Et là un constat s’impose : il faut bien mesurer que ce qui empêche partout les négociations en Ukraine, à Gaza, c’est l’impossibilité de faire confiance aux parties qui négocient, Zelensky, Netanyahou et même leur « parrain » n’offrent aucune garantie, c’est pour cela que la guerre ne s’arrête pas… Ce qui est vrai sur les champs du massacre qui font la une, l’est dans d’autres lieux de la planète et Trump ne fait rien pour améliorer la situation, les Européens non plus… et Macron… Bref ! La Chine est en train de s’imposer pour créer d’autres instances en particulier sud-sud et recrédibiliser les instances existantes, l’ONU en tête, et dans ce cas l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean)
Il y a ce qui caractérise le monde d’aujourd’hui, derrière les plaies de la colonisation, l’utilisation par le colonialisme britannique la tentative d’utiliser ces fractures pour empêcher que se mettent en place les réseaux de transport et de commerce de l’Asie – en particulier le chemin de fer panasiatique soutenu par la Chine. Le projet de chemin de fer panasiatique, porté par la Chine, ambitionne de relier Kunming à Singapour via la Thaïlande et la Malaisie grâce à un réseau de lignes à grande vitesse. Certains segments sont déjà achevés, comme Kunming–Vientiane. D’autres sont en construction. L’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) est le regroupement essentiel pour ce projet mais il y a aussi derrière la BRI (routes de la soie) et les BRICS.
Danielle Bleitrach
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