Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Youri Afonine : Nous ne nous laisserons pas piéger par cette proposition hypocrite consistant à choisir entre Lénine et Staline

Il y a comme des interdits « religieux », il n’y a pas d’autre terme pour qualifier la censure imposée par la bourgeoisie occidentale et adoptée comme autoflagellation par les partis de l’eurocommunisme face à leur propre histoire. Cette censure veut que l’on continue à ignorer les débats réels qui ont lieu en Russie autour de la dénonciation du rapport Khrouchtchev, basé sur des falsifications démontrées, le tort qu’il a porté à l’Etat soviétique et au mouvement communiste international. Comme il est dit ici, cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu des erreurs, elles étaient inévitables mais l’expérience, elle, mérite d’être connue et discutée. Le « dogmatisme » est en occident et en France, où il accompagne une répression grandissante et la montée de l’extrême-droite. La censure frappe toute réflexion sur le passé, il doit être lu à travers des « valeurs », des choix économiques, politiques, idéologiques dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont en crise profonde. Ce dogmatisme de maintenir des pouvoirs et une classe, des « appareils » ébranlés. Quand la presse dite communiste, la formation des militants, l’Université d’été, les ‘commissions » sont le lieu du verrouillage et du mensonge qui cautionne la propagande, il y a là simplement un appui à l’assaut en Europe contre les communistes, la proclamation d’une équivalence entre nazisme et communisme illustrée par la proposition tchèque récente de criminalisation du communisme, une forfaiture. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

https://svpressa.ru/politic/article/472076

Le XIXe congrès électoral du KPRF, qui s’est tenu le 5 juillet dernier, a clairement défini sa position idéologique : sans le rétablissement de la justice historique à l’égard de Staline, il est impossible pour la Russie d’aller de l’avant.

La résolution adoptée par le congrès souligne que la campagne anti-stalinienne lancée par Khrouchtchev était fondée sur des falsifications et a porté un coup destructeur au parti, à l’État soviétique et au mouvement communiste mondial.

Le congrès a décidé de reconnaître comme erroné et politiquement partial le rapport de Khrouchtchev au XXe congrès, de reconnaître comme destructrices les décisions du XXIIe congrès concernant l’évaluation du rôle historique de Staline, de poursuivre le travail visant à perpétuer la mémoire de Staline et à actualiser son héritage dans le travail du KPRF, et de s’adresser au président de la Russie pour lui demander de rendre à la ville de Volgograd le nom de Stalingrad.

Cela ne signifie pas que nous considérons qu’aucune erreur n’a été commise à l’époque stalinienne. Des erreurs ont été commises.

Il ne pouvait en être autrement dans une situation où le pays devait résoudre des problèmes historiques d’une complexité sans précédent dans un laps de temps extrêmement limité. Mais constater une série d’erreurs n’équivaut en rien à la diffamation aveugle de Staline à laquelle s’est livré Khrouchtchev.

Aujourd’hui, alors que la Russie est en situation de confrontation aiguë avec l’Occident, l’expérience de l’époque stalinienne est particulièrement utile : mobilisation efficace de l’économie pour résoudre les problèmes auxquels le pays est confronté, indépendance technologique, mise à l’honneur de la science et du travail. Pour tirer parti de cette expérience, il faut reconnaître Staline comme un grand homme de notre histoire.

On tente actuellement d’opposer Staline et Lénine. On demande même au KPRF de choisir son camp : avec le bâtisseur de l’État qu’était Staline ou avec Lénine, l’« anti-étatique » ?

Mais céder à cette manœuvre serait pour les communistes un pas vers le suicide idéologique. Pour nous, Lénine et Staline ne sont pas des antagonistes, mais des hommes de la même pensée qui ont construit le grand État soviétique. D’ailleurs, les abonnés de ma chaîne Telegram sont tout à fait solidaires de cette position et comprennent parfaitement où peut mener un tel « choix ».

On tente de présenter Lénine comme un « destructeur de l’État », en s’appuyant sur sa position vis-à-vis de la Première Guerre mondiale et sa politique nationale. Mais ce sont des manipulations flagrantes.

En réalité, au moment de la révolution d’octobre, l’État était déjà au bord de l’effondrement. Les mouvements séparatistes dans les régions périphériques étaient soutenus par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Turquie, puis par l’Entente.

Dans ces conditions, ce sont les bolcheviks qui ont réussi à rassembler le pays. Certes, sous une autre forme, celle d’une union de républiques nationales. Mais c’est précisément cela qui a permis de préserver l’intégrité de l’État, de tenir compte de la montée de la conscience nationale des peuples et d’empêcher leur départ de la Russie.

Lénine n’a pas détruit, il a construit. Sous sa direction, l’Armée rouge a été créée, qui comptait déjà 5 millions de personnes en 1920. Cette armée a vaincu les interventionnistes et leurs marionnettes, les gardes blancs et les nationalistes séparatistes.

Dans le grand plan créatif du GOELRO [plan d’électrification du pays], Lénine a jeté pour la première fois dans l’histoire mondiale les bases d’une planification globale du développement économique et social de tout un pays. Sous son règne, la lutte contre l’analphabétisme a été lancée et des centres scientifiques ont été créés, dont l’Institut du radium. C’est sous Lénine que les travaux de Tsiolkovski [concepteur des fusées] ont reçu un soutien.

En d’autres termes, la mise en œuvre de projets sans lesquels il n’y aurait ni industrie atomique ni conquête spatiale a commencé. Ce fut un bond en avant colossal vers la construction à partir d’une situation de ruine totale.

Quant à la position de Lénine à l’égard de la Première Guerre mondiale, elle n’était pas « traîtresse ». Il s’est opposé à la guerre que le gouvernement tsariste menait dans l’intérêt des banquiers de Paris, Londres et New York, et contre les intérêts du peuple. Et Staline n’a pas contesté cette approche de Lénine.

D’ailleurs, Staline a toujours souligné : « Je suis un disciple de Lénine ». Le modèle d’État stalinien est un développement du modèle léniniste, et non sa négation.

Tenter d’opposer ces deux grands leaders de notre pays est une tactique utilisée par ceux qui rêvent de démanteler définitivement l’héritage soviétique. Nous avons déjà vécu cela pendant la perestroïka, lorsque nous avons renoncé à Staline et à Lénine, ce qui a conduit à la catastrophe des années 1990.

Notre choix ne se fait pas entre Lénine et Staline. Notre choix, c’est la vérité historique, la continuité et la force des idées de justice sociale qu’ils ont défendues ensemble. Nous protégerons et développerons leur héritage. C’est la seule façon de parvenir au socialisme du XXIe siècle.

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1 Commentaire

  • étoile bleue-étoile rouge
    étoile bleue-étoile rouge

    Brillante analyse de Y.Afonine. Merci à Marianne pour la traduction de ce texte important. Le KPRF souligne la continuité entre Lénine et Staline, les 2 épées comme disaient les communistes chinois. Le PC de Russie dénonce très justement la tentative de certains cercles nationalistes de « récupérer » Staline, patriote et homme d’État, pour l’opposer à un Lénine présenté comme destructeur de l’État russe (pourquoi pas agent des juifs et de l’impérialisme allemand…). Afonine démontre qu’au contraire Lénine et les bolcheviks ont sauvé la Russie en la régénérant sous la forme d’un État socialiste fédéral respectant les droits et l’identité des peuples de l’ancien empire tsariste, prison des peuples. Ce qui est, notons le, également la thèse (les bolcheviks défenseurs et sauveurs de l’État russe) du grand penseur marxiste italien Domenico Losurdo dans son ouvrage sur Staline. Afonine met en lumière également le rôle de Lénine dans l’élaboration des premiers plans de développement du jeune pays des soviets. Une fois encore le KPRF livre à tous les communistes et progressistes authentiques une analyse qui éclaire notre combat. Vive le socialisme !

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