Certes nos commentateurs ne vont pas jusqu’à reconnaitre ce fait, et proposer comme nous le faisons que la France quitte l’OTAN et adhère aux BRICS, mais ils sont obligés de concéder que Poutine n’est pas dupe de Trump. Le président russe, comme son homologue chinois, voit, notamment dans les récentes crises américaines, les dérives d’un homme prêt à sacrifier son pays sur l’autel de son pouvoir. Ces mêmes analystes occidentaux, alors, cherchent à limiter à Trump cette « dangerosité ». Ils n’en sont pas à ce que nous affirmons dans notre livre, à savoir que Trump hérite d’une politique dont il est le syndic de faillite. La brutalité dont il fait preuve tient à l’urgence et au caractère inexorable de la faillite de l’hégémonisme qui devait représenter la fin de l’histoire avec l’aspect indépassable de la démocratie, du libéralisme. Les FAITS sont têtus et alors même que le pseudo triomphe de l’impérialisme s’est traduit par l’aggravation des contradictions et l’émergence d’un monde multipolaire, les « vainqueurs » sont toujours plus en train de faire la démonstration de leur incapacité à entrevoir une issue politique. Comme leurs guerriers par procuration, ils ont l’art et la manière de jeter le monde dans une situation qui n’est bonne pour personne.
Dès son retour au pouvoir, Trump a affiché une politique étrangement conciliante avec Moscou : refus de soutenir l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, affirmation que « la Russie gardera la Crimée », et marginalisation – à la demande russe – de certains alliés européens et de l’Ukraine dans les négociations… Autant de décisions de nature à satisfaire Poutine. Pourtant, l’euphorie du Kremlin, déstabilisé par ce revirement, s’est vite dissipée, notent les commentaires. Nous avons proposé dans notre livre de comprendre la politique de la Russie, son partenariat stratégique avec la Chine à travers trois prismes : premièrement, la relation nécessaire de la Russie à l’URSS, tant pour être reconnue comme une grande puissance que pour mobiliser les forces populaires dans une résistance patriotique, le fait que la Russie soit un pays producteur en matière d’énergie, et les liens personnels de Poutine dans l’OPEP+, la trajectoire particulière de Poutine à la fois héritier de l’URSS et appartenant à l’oligarchie qui a bénéficié de la chute de l’URSS. Ces contradictions s’exaspérant dans la phase 2 du monde multipolaire déjà là, mais qui se caractérise par une montée interne et externe de la lutte des classes et l’exigence du socialisme.
L’imprévisibilité de Trump, un obstacle majeur pour la stratégie russe reconnaissent les commentateurs …
Qu’a réellement accompli Donald Trump depuis son retour au pouvoir ? Certes il s’agit pour ces commentateurs de faire croire que la crise que porte dans ses flancs l’hégémonie impérialiste occidentale est due à Trump et qu’elle correspond (ce qui n’est pas faux) à la tendance à la fascisation des puissances occidentales confrontées à leur perte d’hégémonie. Par rapport à ce pouvoir qu’ils feignent de considérer comme un « accident » qui ne remet pas en cause le modèle occidental mais appelle au contraire un retour non critique de ses « vertus » et surtout ne pas poser la question du socialisme, ils reconnaissent néanmoins le rôle stabilisateur du « Kremlin » à mot couvert. Il s’agit néanmoins pour eux d’avancer toujours plus avant dans le conservatisme en montrant que comme Meloni, ils peuvent représenter une force stabilisatrice.
Si le Kremlin a toujours préféré se positionner aux côtés d’un adversaire stable et prévisible – voire hostile, comme ce fut le cas de Biden –, Trump est le parfait contre-exemple des aspirations de Moscou. Il change fréquemment de position, et souvent du jour au lendemain. En effet, Trump, alors qu’il n’occupait même pas encore le siège de la Maison-Blanche, avait affirmé pouvoir « mettre fin à la guerre en Ukraine en 24h », espérant en tirer un succès diplomatique personnel – ce qui renforcerait son prestige international. Force était de constater que le président américain n’a même pas obtenu un cessez-le-feu en trente jours, et que cette ambition s’est avérée n’être qu’un feu de paille.
Le poney de Berlusconi©AFP
Les vieux amis Berlusconi et Poutine se sont offerts de nombreux cadeaux au cours des années, parmi lesquels ce poney offert par le premier ministre italien au président russe en 2005. Vladimir Poutine le caresse ici à Sotchi, en parallèle d’une discussion sur les liens italo-russes.
Mais en avril, quelques mois seulement après le retour de son administration au pouvoir, le président et son secrétaire Marco Rubio avaient averti que Washington se retirerait de son initiative de paix entre la Russie et l’Ukraine si « des avancées concrètes n’étaient pas constatées dans les prochains jours » (Le Point). « Nous ne voulons pas perdre de temps », avait martelé Trump.
Visiblement déterminé à décrocher une victoire diplomatique, le président américain pourrait en outre radicalement changer de cap s’il estime avoir été marginalisé (The Atlantic). Une telle situation le pousserait non seulement à maintenir – voire intensifier — les livraisons d’armes à Kiev, mais aussi à accuser Moscou de torpiller délibérément le processus de paix.
Mais cela ne s’arrête pas là : Trump se montre volage, colérique, même provocateur. Il change de ton sans avertissement, alternant entre flatteries envers Poutine et accusations publiques – comme lorsqu’il le qualifie de « FOU » pour ses frappes sur l’Ukraine alors que des pourparlers étaient en cours (BBC).
Poutine aurait-il été dupe ?
Trump avait délégué Steve Witkoff, un promoteur immobilier new-yorkais sans aucune expérience diplomatique au poste de… « responsable Russie ». Son approche « déroutante et affectueuse envers Poutine » continue de désorienter les médias occidentaux, alors que ses rencontres avec Poutine durent « des heures ». Lors de ces rencontres, aucun traducteur officiel n’est présent. Et Witkoff, en sortant de ces rendez-vous, répète des éléments de langage russes… sans même connaître la carte de l’Ukraine (The Atlantic).
Pour une puissance qui place la solennité, les codes d’État et la stature des interlocuteurs au sommet de ses aspirations, être traité par-dessus la jambe semble être humiliant… et très risqué.
Depuis 1999 – date à laquelle Poutine prend possession du Kremlin –, le président russe a tenté de cultiver l’image d’un homme fort, rationnel, et surtout, dominant des relations internationales avec une main de fer. Mais avec Trump, il est souvent réduit à réagir, à « suivre le mouvement », voire à faire des gestes conciliants pour calmer le jeu ou ménager Trump.
Nous ne disons pas que cette vision soit totalement fausse et les mises en garde répétées du KPRF sont là pour le prouver. Le KPRF dont nous ignorons malheureusement totalement les positions à cause de la censure atlantiste exercée en particulier par la gauche et par les liquidateurs du PCF et de la presse communiste se méfient concrètement de la 5e colonne des oligarques qui entoure Poutine et s’est faite berner ou plutôt n’a cessé de trahir. Les communistes russes voient même dans les « réhabilitations de Staline » à la fois la nécessité pour Poutine de s’appuyer sur ce que représente l’URSS en Russie et au-delà (même en Ukraine, en Moldavie, etc…) tout en prétendant imposer un gouvernement autocratique qui selon eux est en rupture y compris avec la réalité de l’URSS. Ils sont à ce titre grâce à la perspicacité de Ziouganov, dans une démarche de connaissance historique et ils appuient de toute leur force les liens avec le socialisme chinois et son primat des conquêtes populaires.
Malheureusement nous ignorons tout cela et nous en restons à soit une caricature de Poutine, soit au contraire une absence totale de compréhension de la dynamique qui le pousse à développer ses liens avec le parti communiste chinois et à mettre ses pas dans ceux de l’URSS. Ce qui finit par le faire reconnaitre par les commentateurs les plus « éclairés » comme :
La Russie : une puissance ordonnatrice face au chaos américain
Si l’ex-URSS s’est toujours érigée en bastion anti-occidental, œuvrant à saper l’influence des États-Unis, le discours de Poutine peinait à convaincre. Comment prétendre combattre l’Occident quand Washington lui-même, son pilier historique, oscille entre provocations et accommodements envers Moscou ? Et surtout, comment composer avec un « allié » si capricieux, capable de traiter son homologue de « FOU » sur la place publique numérique ?
La machine propagandiste russe, si prompte à dépeindre les États-Unis sous un jour catastrophique, doit changer le fusil d’épaule. Il lui faut présenter Washington comme un partenaire « présentable » – alors même que l’Amérique traverse une crise majeure, avec son président déployant l’armée et la Garde nationale pour contenir les émeutes à Los Angeles.
Trump joue les trouble-fêtes dans le récit du Kremlin, selon lequel la Russie s’entoure de partenaires « fiables ». Le chaos ne provient plus de la société américaine, mais émane du sommet de l’État. La propagande russe est prise en tenaille : comment continuer à attaquer l’Occident tout en courtisant son chef d’orchestre ? Un équilibre tout aussi précaire qu’absurde.
En fait, sur quoi mise Israël ?
L’attaque des 12 et 13 juin a particulièrement touché l’élite militaire iranienne, indique le média en ligne The Insider. Le commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC) et le chef d’état‑major de l’armée ont été tués, ainsi que plusieurs autres officiers supérieurs. Les défenses aériennes, déjà dépassées dans les précédents raids, auraient été neutralisées dans une démonstration israélienne reprise pour argent comptant par nos médias aux ordres.
Ils oublient que comme toujours la démonstration est plus psychologique que strictement militaire. Malgré la paralysie de l’armée de l’air, puisque Trump a reconnu lui-même que les Etats-Unis contrôlaient le ciel iranien, Téhéran parvient toujours à riposter par des tirs de missiles de longue portée. Toujours la même affirmation de Trump : les Etats-Unis sont en situation d’assassiner le guide suprême mais n’ont pas encore pris la décision, comme d’ailleurs celle d’envoyer leur mégabombe larguée par des avions furtifs… un effet d’annonce dont le moins que l’on puisse dire est que non seulement elle n’a pas la moindre justification en droit international pas plus qu’elle n’est pas assurée d’apporter une efficacité définitive. Ni dans les armes employées ; ni dans l’intervention qui devrait être suivie d’une invasion au sol.
Israël prétend avoir gravement endommagé l’arsenal de missiles stratégiques de l’Iran, rien n’est moins sûr et les frappes de ces derniers jours contre des villes israéliennes montrent que Téhéran conserve des capacités de représailles. On peut même penser que l’Iran les conserve encore pour en user si les Etats-Unis entrent officiellement en guerre En effet, Benyamin Netanyahou espérait entraîner tout de suite les États‑Unis dans le conflit, mais Donald Trump reste encore en-deçà de ce qui est espéré et la question n’est pas seulement celle de son désir, ce sur quoi il est longuement glosé, mais des possibilités d’une telle intervention.
La révolte de la population iranienne unanime dans son refus d’être libérée par Israël et les USA laisse mal augurer d’une révolution populaire, en revanche de grands espoirs sont placés par le « narratif » occidental dans quelque dirigeant de l’Armée de la République islamique d’Iran (Artesh), dont on souligne en occident qu’elle a été sacrifiée par les mollahs à l’IRGC, et qui a vu ses effectifs et son recrutement chuter après les manifestations de 2022-2023. Le statut de l’armée a été affaibli, jouant désormais les figurants derrière l’IRGC. Ils sont probablement en train de fabriquer un personnage de ce type, faut-il en espérer plus que des appels du descendant du shah qui achève de se marginaliser en redoublant les appels de Netanyahou.
Il y a aussi le scénario à la syrienne, des groupes armés d’opposition Kurdes et Baloutches ont bénéficié d’un afflux de fonds et d’armes en provenance d’alliés israéliens, préparant une possible insurrection aux frontières. Mais c’est prendre le risque de voir la poudrière que constituent les zones sur lesquelles sont déjà intervenu ces groupes s’allumer dans un incendie dans lequel personne n’est assuré de voir s’installer la solution la plus favorable à ses intérêts. La Russie joue dans ce monde qu’elle connait bien une partie qui sait attendre et intervenir avec des alliances préparées de longue date, ce qui n’est pas le cas des Etats-Unis comme l’ont prouvé la plupart des guerres dans lesquelles l’empire est intervenu.
Alors que l’Iran affirme disposer de près de 2.000 missiles balistiques, la durée et l’intensité de l’offensive israélienne restent incertaines. Le risque de voir le conflit se transformer en guerre économique est réel avec comme victime l’UE, les pays en développement mais aussi la Chine qui ne laisserait pas faire. Les frappes israéliennes sur les infrastructures pétrolières et de transport se veulent décisives pour affaiblir les capacités de résistance du régime iranien dans l’espérance de son effondrement, surtout si les États-Unis décidaient d’entrer véritablement dans la partie. Mais le résultat de toute cette politique du pire est totalement inconnu.
Oui, ce sont ces réalités-là, malgré la tentative des dirigeants européens de leur accorder de la crédibilité, qui font que de plus en plus nombreux sont les peuples et les gouvernements qui voient effectivement dans la Russie et dans son partenariat avec la Chine le grand facteur de paix et de stabilité.
Danielle Bleitrach
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