Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les Etats-Unis ont mis en garde les pays qui voulaient participer à un sommet pour avancer la ‘solution à deux états’ dans le conflit israélo-palestinien.

Traduction par Jean-Luc Picker d’un article paru dans Haaretz, le quotidien israélien de gauche, le 11 juin 2025, une diplomatie française erratique, toujours plus ridiculisée par son allégeance aux Etats-Unis qui font la démonstration de la continuité de la politique des Etats-Unis d’Obama-Biden à Trump ce dont nous n’avons jamais douté. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Dans un télégramme envoyé aux autres nations, les Etats-Unis signalent qu’ils considéreront la participation à la conférence convoquée par la France et les Etats-Unis entre le 17 et le 20 juin comme une action ‘anti-israélienne’ et hostile à leurs intérêts.

L’agence de presse Reuters rapporte qu’elle a consulté ce télégramme de l’administration Trump cherchant à dissuader les gouvernements du monde entier de participer à cette conférence des Nations-Unies organisée la semaine prochaine pour remettre sur la table la solution à deux états comme règlement du conflit israélo – palestinien.

Cette démarche diplomatique, jusque-là passée inaperçue, se heurte de front à la diplomatie de deux de ses plus proches alliés, la France et l’Arabie Saoudite. Les deux coorganisateurs de la conférence  de New York la semaine prochaine visaient la mise en place d’une feuille de route pour la reconnaissance d’un état palestinien respectant la sécurité d’Israël.

Le télégramme « prie les gouvernements de ne pas prendre part à cette conférence, que nous considérons comme contre-productive à l’égard des efforts vitaux en cours pour mettre un terme à la guerre à Gaza et libérer les otages ».

Le président français, Emmanuel Macron, a suggéré que, à cette occasion, la France pourrait reconnaître l’état Palestinien sur les territoires occupés par Israël. Les diplomates français ont déclaré avoir œuvré pour éviter un conflit avec les USA, le plus proche allié d’Israël.

Le président Trump, à droite, serre la main du président français Emmanuel Macron, à gauche, sous le regard du président finlandais Alexandre Stubb, pendant les funérailles du pape François sur la place Saint Pierre au Vatican (Photo : Evan Vucci/AP)

Le télégramme ajoute que : « les Etats-Unis sont opposés à toute démarche qui aboutirait à la reconnaissance unilatérale d’un état palestinien hypothétique. [Une telle démarche] ajouterait des obstacles supplémentaires légaux et politiques à la résolution éventuelle du conflit et exercerait une pression sur Israël en temps de guerre, ce qui reviendrait à soutenir ses ennemis ».

Il y a quelques jours, le Royaume Uni et le Canada, d’autres alliés des Etats-Unis et membres du G7, ont décidé avec certains autres pays d’imposer des sanctions sur deux ministres d’extrême droite du gouvernement israélien pour contraindre le premier ministre, Benjamin Netanyahu, de mettre un terme à la guerre de Gaza.

Le télégramme continue : « Les Etats-Unis sont opposés au soutien implicite apporté par la conférence à des actions potentielles telles que boycotts, sanctions contre Israël et autres mesures punitives ».

Israël a critiqué à plusieurs reprises la tenue de la conférence, soutenant que cela équivaudrait à récompenser les militants islamistes du Hamas pour leur attaque contre Israël le 7 octobre 2023 qui a déclenché la guerre à Gaza. Il a fait pression sur la France pour la dissuader de reconnaître un état palestinien.

Contactés par nos soins, le département d’état des Etats-Unis et le ministère des affaires étrangères de la France n’ont pas répondu à nos demandes de commentaires.

Commentaires du traducteur jean luc Picker

Cette information, largement passée inaperçue, est un puits d’instruction sur le réel état des rapports de force et des alliances dans le camp pro-occidental.

D’abord, on y voit clairement que la stratégie moyen-orientale des Etats-Unis de Trump n’a de différence avec celle de Biden que par la couleur de la peinture. Une défense acharnée, hargneuse, jamais remise en question de l’état génocidaire d’Israël. Quitte à employer les gros moyens, comme ce télégramme de menaces à peine voilées.

Cette évidence remet en cause ce que beaucoup de commentateurs (et moi-même) avaient évoqué il y a quelques semaines après la série de meetings du POTUS avec les dirigeants très démocratiques des pays du Golfe. J’espère que la difficulté à saisir la prochaine pitrerie du Donald pourra servir d’excuse à mon égarement passager. Cela me servira de leçon pour avoir pu mettre en doute pendant quelques jours mon meilleur jugement : les intérêts de l’empire sont défendus, en réalité, de façon identique par le personnel politique qui gère l’administration états-unienne, qu’il soit peint en rouge ou en bleu. Défendus par la contrainte, la force et le chaos.

Le deuxième enseignement de ce télégramme, c’est le niveau de ridicule où en est arrivé la diplomatie française, après 4 décades de ‘néolibéralisme’ et de veulerie atlantiste. Il faut bien sûr comprendre les quelques timides, si timides, velléités de Macron pour élever un filet de voix contre le génocide perpétré par Israël. Elles lui sont dictées par de vagues réminiscences de livres d’histoire où la France pouvait établir des lignes Sykes-Picot et mettre sous son aile protectrice et intéressée des pays comme la Syrie et surtout le Liban. Mais il sait mieux que nous que cette période est totalement révolue, que la France n’est même plus une marionnette dans le jeu terrible qui se joue dans cette région du monde. Voir par exemple le strapontin brisé qui lui a été laissé dans le mécanisme tripartite chargé de surveiller la trêve au Liban Sud et dont les Etats-Unis ont pris, sans façon, la présidence.

Ce télégramme ne peut plus laisser aucun doute sur la place de Macron et de la diplomatie française dans le conflit du Moyen Orient. Comme avec ses prédécesseurs depuis Miterrand, cette place est sur le tapis, en boule aux pieds du maître.

Et notre Macron s’est dépêché de nous le confirmer dès hier. En rupture totale avec la doctrine française de ne pas prendre parti pour un état agresseur, en contradiction totale avec la théorie de ‘l’agression non-provoquée de la Russie contre l’Ukraine’, il a donné sa bénédiction à l’agression d’Israël contre l’Iran, ânonnant contre toute évidence ‘le droit d’Israël à se protéger et à assurer sa sécurité’, allant jusqu’à se féliciter que les frappes aient « eu des effets recherchés depuis longtemps ».

Et, au cas où l’on douterait encore de son courage diplomatique, il a humblement plié l’échine devant l’empereur. La conférence à l’ONU sur l’Etat de Palestine, nous dit-il, doit être reportée « pour des raisons logistiques et sécuritaires ». Le voilà donc excusé du bide que cette conférence nous promettait et de son renoncement sans combat à reconnaître l’état de Palestine. Encore une bonne raison pour lui de soutenir l’agression israélienne contre Téhéran.

De toutes façons, cette risible macronade n’a jamais eu vocation à décider de l’avenir de la Palestine. Avec la déclaration de guerre contre l’Iran, c’est maintenant l’embrasement régional qui tranchera.

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