Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Déclaration de Vassili Nebenzia, Ambassadeur permanent de la Fédération de Russie, le 13 juin 2025, lors d’une réunion d’information du Conseil de sécurité des Nations Unies à la suite des frappes israéliennes contre l’Iran.

Source : Mission permanente de la Russie à l’ONU

Traduction : lecridespeuples.substack.com

Madame la Présidente,

Nous souhaitons remercier Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, et Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA, pour leur exposé. Nous leur en sommes reconnaissants. Tout d’abord, nous souhaitons adresser nos condoléances au peuple et aux dirigeants de la République islamique d’Iran suite aux nombreuses victimes, y compris civiles, causées par les frappes israéliennes.

Sous nos yeux, les actes d’Israël provoquent une escalade extrêmement dangereuse dans la région du Moyen-Orient, ce qui nécessite l’attention urgente du Conseil de Sécurité. Nous sommes reconnaissants à la présidence guyanaise d’avoir convoqué cette réunion dans des délais si courts. Il est symptomatique que, initialement, le Conseil devait se pencher aujourd’hui, exactement à ce moment, sur les conséquences humanitaires des actes inhumains d’Israël contre la population de la bande de Gaza. Au lieu de cela, nous sommes contraints de discuter d’une nouvelle aventure dangereuse et irresponsable de Jérusalem-Ouest [la Russie ne considère pas Tel-Aviv, mais Jérusalem-Ouest comme la capitale d’Israël], susceptible de conduire la région vers une catastrophe nucléaire de grande ampleur.

Aux premières heures du 13 juin, Israël a lancé une série de frappes massives contre le territoire de la République islamique d’Iran. Ces attaques ont visé des villes paisibles plongées dans le sommeil, des infrastructures civiles et des installations nucléaires pacifiques placées sous le contrôle de l’AIEA. Nous avons appris aujourd’hui que des civils figurent parmi les victimes. Cette agression, complètement non provoquée (quoi que l’État d’Israël puisse alléguer), constitue une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international. Les dirigeants israéliens semblent convaincus de bénéficier d’une « carte blanche » dans la région et pensent apparemment pouvoir s’affranchir de toutes les bases légales et se substituer aux structures multilatérales, y compris le Conseil de sécurité des Nations Unies et l’AIEA.

La Fédération de Russie condamne fermement cette action de Jérusalem-Ouest, dont les aventures militaires poussent la région au bord d’une guerre majeure. La responsabilité de toutes les conséquences de ces actes incombe donc entièrement aux dirigeants israéliens et à ceux qui les cautionnent. La perspective de conséquences radiologiques en cas de frappes contre des installations nucléaires est particulièrement inquiétante. Depuis des années, la Russie met en garde contre toutes tentatives de régler par la force des questions liées au programme nucléaire iranien, une option inacceptable, lourde de conséquences désastreuses non seulement pour le Moyen-Orient, mais aussi pour le monde entier. Cependant, nos avertissements sont restés lettre morte, et la situation prend le tour le plus négatif et le plus imprévisible.

Madame la Présidente,

Les actes d’Israël visent à saper les efforts de négociation en cours, sous divers formats, afin de trouver des solutions pour apaiser les tensions entourant le programme nucléaire pacifique de l’Iran. Alors que le monde entier attend avec espoir le résultat du prochain cycle de contacts indirects entre l’Iran et les États-Unis (initialement prévu le 15 juin), Israël a décidé de les court-circuiter de la manière qu’il a jugée la plus appropriée, en commençant le bombardement de l’infrastructure nucléaire de l’Iran. Cette action dénote le mépris d’Israël pour le droit, les normes, les accords, les réglementations — toutes les bases de l’interaction civilisée entre États.

Toutefois, la responsabilité de ce qui s’est passé n’incombe pas seulement à Israël, mais également à ses plus proches alliés. Cette situation est la conséquence directe de la complicité des États occidentaux, qui, pendant des mois, ont sciemment et méthodiquement attisé l’hystérie anti-iranienne, tant au Conseil de sécurité de l’ONU qu’au Conseil des gouverneurs de l’AIEA. Ces États n’ont même pas cherché de solution constructive à la crise entourant le Plan d’action global conjoint et la résolution 2231 du Conseil de sécurité qui l’a approuvé. Leur objectif était tout autre : faire pression sur l’Iran par tous les moyens, le rendre responsable de tous les maux de la région et décrire de manière infondée les contre-mesures légitimes de Téhéran — par exemple le recours aux mécanismes de protection prévus par le JCPOA (accord sur le nucléaire iranien) — comme une violation de ses obligations en matière de non-prolifération. Pourtant, les Iraniens ont fait preuve de patience pendant des années et n’ont pas refusé de coopérer avec l’AIEA ni d’engager le dialogue afin de trouver des solutions négociées.

Nous tenons à rappeler — et ce point revêt désormais une importance fondamentale — que tous les problèmes relatifs au JCPOA ont débuté avec le retrait unilatéral des États-Unis de l’« accord sur le nucléaire » en 2018, et en raison du refus délibéré du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne de respecter les engagements qui leur incombent en vertu du JCPOA, notamment celui de créer les conditions permettant à Téhéran de tirer un bénéfice matériel de la levée des sanctions unilatérales imposées par l’Union européenne jusqu’en 2015. Par la suite, ces pays ont réintroduit des sanctions unilatérales, en violation de l’article 25 de la Charte des Nations unies. L’Union européenne s’est elle aussi associée à cette politique de pression, bafouant ainsi ses responsabilités en tant que coordinatrice impartiale de la Commission conjointe du JCPOA.

Le dernier exemple frappant en date est la résolution partiale adoptée hier à Vienne par le Conseil des gouverneurs de l’AIEA. Ce document, totalement déconnecté de la réalité, évoque une prétendue « menace pour la paix et la sécurité internationales » que ferait peser le programme nucléaire iranien. Et ce, alors même que l’Iran respecte scrupuleusement ses obligations au titre du Traité sur la non-prolifération (TNP) et de l’Accord de garanties généralisées. Il reste d’ailleurs l’État le plus rigoureusement inspecté par l’AIEA, dont les rapports attestent clairement l’absence de tout risque de prolifération.

En d’autres termes, les parties occidentales au JCPOA n’ont cessé d’attiser l’escalade — elles en sont, dans les faits, les instigatrices. Elles ont artificiellement alimenté les tensions sur la scène internationale, ce qui n’a fait qu’encourager Israël à adopter des mesures radicales et a renforcé le sentiment d’impunité de Jérusalem-Ouest.

Dans le contexte des frappes actuellement menées par Israël, un point mérite une attention particulière : il s’agit d’informations faisant état d’une possible coordination entre Israël et les services spéciaux britanniques — immédiatement après les frappes israéliennes sur l’Iran, les avions israéliens impliqués dans l’opération auraient été accueillis sur une base britannique à Chypre. Nous avons également relevé les déclarations israéliennes selon lesquelles l’Allemagne, partie au JCPOA, et l’Italie auraient été préalablement averties des attaques. Il apparaît par ailleurs que nos collègues américains avaient également été informés. Les frappes israéliennes ont en outre reçu le soutien de la France, qui en était manifestement informée à l’avance. Dans ce contexte, il ne serait guère surprenant que les membres de ce « groupe de pays partageant les mêmes vues » en viennent à condamner l’Iran pour ses actions de riposte, pourtant menées en pleine conformité avec l’article 51 de la Charte des Nations unies [qui énonce le droit naturel de légitime défense].

Dans la situation actuelle, nous suivons de près les agissements du Secrétariat de l’AIEA, dont le personnel voit sa vie et sa sécurité compromises par cette aventure militaire israélienne. Nous attendons du directeur général de l’Agence qu’il fournisse une évaluation objective de l’évolution de la situation, y compris en ce qui concerne les conséquences radiologiques.

Madame la Présidente,

Les attaques non provoquées contre le territoire souverain de l’Iran, de même que les frappes ciblées contre ses installations nucléaires à vocation pacifique, sont injustifiables en toutes circonstances. La communauté internationale ne peut et ne doit rester passive face à de telles provocations. Tolérer de tels actes, c’est ouvrir la voie à une guerre majeure dans la région et faire peser une menace grave sur la sécurité mondiale.

Nous sommes convaincus que le Conseil de sécurité des Nations unies doit apporter une évaluation juridique et politique claire et sans équivoque des actions d’Israël, et exiger l’arrêt immédiat de tout recours à la force ainsi que le rejet de toute mesure militaire unilatérale. Il nous faut soutenir sans réserve tous les efforts diplomatiques visant à apaiser les tensions et à relancer les négociations.

Je tiens à souligner à nouveau que le règlement des questions relatives au programme nucléaire iranien ne peut être envisagé que par des voies pacifiques, politiques et diplomatiques. Aucune solution militaire ne saurait, dans ce contexte, être légitime ni viable. C’est d’ailleurs ce qu’ont reconnu à plusieurs reprises les États-Unis eux-mêmes, en réaffirmant leur volonté de poursuivre les négociations.

La Russie demeure fermement attachée au renforcement du droit international, au respect de la Charte des Nations unies, et à la recherche de solutions permettant d’éviter que la région ne bascule dans une nouvelle guerre destructrice. Nous sommes prêts à coopérer avec toutes les parties qui privilégient la diplomatie et s’emploient à résoudre les différends par des moyens pacifiques.

Je vous remercie.

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