Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Russie et la Chine préparent l’accord du siècle, par Olga Samofalova

Voici une analyse qui présente concrètement tant au niveau des prix qu’à celui des étapes des réalisations comment se posent entre la Chine et la Russie les questions de l’énergie, y compris le passage à une énergie verte (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://ria.ru/20250514/sdelka-2016751172.html

Pour la première fois depuis longtemps, des avancées ont été réalisées dans le projet de livraison de 50 milliards de mètres cubes de gaz à la Chine via le gazoduc « Force de Sibérie 2 ». Cette question a été discutée au plus haut niveau par les chefs d’État Vladimir Poutine et Xi Jinping lors de la visite du dirigeant chinois à Moscou. Les livraisons par gazoduc russe présentent un avantage important par rapport aux livraisons maritimes de GNL : elles ne sont pas soumises à l’influence des États-Unis.

Le projet d’un deuxième gazoduc vers la Chine a été évoqué il y a dix ans, après la signature du premier contrat historique sur le gaz. Cela s’est produit en 2014, lors du voyage de Vladimir Poutine en Chine et après le retour de la Crimée dans le giron de la Russie. L’annexion sans effusion de sang de la Crimée a été le premier choc pour l’Occident. La signature, peu après, d’un contrat gazier historique avec la Chine a suscité une nouvelle surprise. Cela a encore renforcé le statut et l’importance de la Russie aux yeux de la communauté internationale.

La signature d’un contrat commercial avec la Chine pour le gazoduc « Force de Sibérie 2 », qui traversera le territoire mongol, revêtira une importance presque aussi grande. La conclusion de ce contrat est attendue depuis très longtemps. À la fin de l’année 2021, non seulement le tracé du gazoduc, long de plus de 960 kilomètres, avait été défini, mais l’étude de faisabilité technique et économique du projet avait également été préparée. Deux années supplémentaires ont été nécessaires pour la conception détaillée, de sorte que le début des travaux était prévu pour 2024. Cependant, le contrat commercial n’a toujours pas été conclu au cours de ces années, et sans lui, il est impossible de commencer la construction, car cela renforcerait immédiatement la position de négociation de l’acheteur de gaz.

Le plus difficile a été de s’entendre sur la formule de tarification. Il est compréhensible que l’acheteur, à savoir la partie chinoise, souhaite obtenir le prix le plus bas possible, tandis que la partie russe souhaite obtenir le prix le plus élevé possible. Il n’y a aucun intérêt à vendre son gaz à perte. Le modèle économique de Gazprom est tel qu’il vend le gaz aux Russes à des prix fixes bas sur le marché intérieur, mais réalise des bénéfices colossaux à l’exportation, qui alimentent les recettes budgétaires de la Fédération de Russie. L’annonce de l’accélération de la mise en œuvre du projet « Forces de Sibérie 2 » après la rencontre entre Poutine et Xi Jinping en mai signifie que les parties sont proches d’un accord sur le prix. Les chances de signature d’un accord ont augmenté. Cela pourrait se produire soit lors du Forum économique de Saint-Pétersbourg cet été, soit à l’automne, lors de la visite de Poutine en Chine. La dernière fois, en tout cas, le contrat a été signé en Chine.

Cela signifierait un rapprochement encore plus grand entre la Chine et la Russie, en opposition à la coalition occidentale. L’Occident lui-même contribue très activement à notre amitié avec Pékin, ce dont nous pouvons le remercier. En premier lieu, les États-Unis et l’Union européenne, qui, par leurs restrictions, leurs sanctions et leurs droits de douane, repoussent fortement la Chine.

L’Europe, par exemple, aspirait à devenir le leader mondial de l’énergie verte, notamment le principal producteur de voitures électriques et d’équipements pour les énergies renouvelables. Mais elle n’en a pas eu la force : Bruxelles ne s’attendait pas à voir apparaître un concurrent aussi puissant et agile que la Chine, qui a déjà dépassé l’Europe sur de nombreux indicateurs verts.

Et les États-Unis craignent de plus en plus la Chine, devenue si puissante sur le plan économique, qu’ils tentent depuis plusieurs années déjà de lui couper les ailes. Sinon, ce sont les États-Unis qui seront écrasés par la Chine.

Le nouveau contrat gazier avec la Chine est également important pour rétablir les volumes d’approvisionnement en gaz russe et les recettes budgétaires. En raison des sanctions et des sabotages de l’infrastructure gazière en Europe, Gazprom a perdu 140 milliards de mètres cubes de gaz par an. Sans parler des pertes liées à la perte de parts dans des coentreprises, des gazoducs et des installations de stockage dans l’UE.

La réorientation vers la Chine ne compensera pas entièrement les pertes européennes, mais aidera Gazprom à récupérer des volumes importants d’exportations de gaz. Dans dix ans, la Russie pourrait fournir à la Chine environ 100 milliards de mètres cubes de gaz uniquement via son réseau de gazoducs. Sans compter les livraisons maritimes de GNL russe, qui pourraient également augmenter d’ici là.

Ainsi, en 2025, la Chine recevra 38 milliards de mètres cubes de gaz via « Force de Sibérie 1 », soit le niveau maximal possible pour ce gazoduc. En 2027, Pékin commencera à recevoir 10 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz russe acheminés via la route extrême-orientale. Au total, cela représente 48 milliards de mètres cubes. La mise en œuvre du projet « Force de Sibérie 2 » permettra de doubler les livraisons de gaz à la Chine, soit 50 milliards de mètres cubes supplémentaires par an. Les premières livraisons de gaz via ce gazoduc pourraient commencer en 2030, et le gazoduc pourrait atteindre sa pleine capacité de 50 milliards de mètres cubes d’ici 2035. Ce projet ne se contente pas de porter le partenariat à un niveau supérieur, il augmentera également considérablement le commerce entre la Russie et la Chine, qui continue de croître rapidement.

Gazprom pourrait percevoir plus d’un billion de roubles de recettes supplémentaires par an grâce à la vente à la Chine de 50 milliards de mètres cubes de gaz via « Force de Sibérie 2 », en supposant que le prix soit de 250 dollars pour mille mètres cubes (et que le taux de change soit de 90 roubles pour un dollar). Le budget sera alimenté de 350 à 400 milliards de roubles uniquement grâce au paiement de la taxe sur l’extraction des ressources minérales, grâce à l’augmentation de la production de gaz pour la Chine. À cela s’ajoutent les droits d’exportation et autres taxes que Gazprom devra payer après la mise en œuvre du nouveau projet.

Quant à la Chine, ce projet ne signifie pas seulement une augmentation des volumes de gaz importés, mais aussi un besoin croissant en ressources énergétiques pour son économie en pleine expansion. Pour la RPC, l’approvisionnement en gaz russe via les infrastructures pipelinières est un gage de fiabilité et de sécurité. Les livraisons maritimes de GNL ne peuvent pas se prévaloir de telles caractéristiques. L’exportation de GNL est moins fiable, et pas seulement parce que le marché du GNL ne prévoit pas de contrats à long terme comme ceux conclus par Gazprom, mais aussi parce que les prix dépendent du marché spot du gaz, plus volatil. Et ce n’est pas seulement parce que deux régions, l’Europe et l’Asie, se disputent le GNL, faisant grimper les prix du marché pendant les périodes de pointe.

Les livraisons maritimes de GNL depuis le sud vers la Chine sont moins fiables, car elles empruntent toutes le même itinéraire via le détroit de Malacca, y compris celles en provenance du Qatar et du Moyen-Orient. Le risque est que les États-Unis puissent, d’un simple clic, couper les livraisons maritimes de ressources énergétiques vers la Chine. Et pas seulement les livraisons de GNL, mais aussi celles de pétrole et d’autres ressources. Ainsi, si elles le souhaitent, les États-Unis peuvent provoquer une pénurie d’énergie en Chine. Et les seules livraisons auxquelles les États-Unis ne peuvent pas accéder sont celles qui sont acheminées par gazoduc. Or, la Russie prévoit de devenir le plus grand fournisseur de gaz par gazoduc de la Chine.

Il ne fait aucun doute que les États-Unis ne laisseront pas la Chine tranquille. Même la réduction mutuelle des droits de douane par les États-Unis et la Chine pour une durée de 90 jours ne signifie pas que Washington renonce à son objectif à long terme d’affaiblir Pékin.

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