Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Dmitri Novikov : « Notre Forum antifasciste a discuté de la lutte contre le néonazisme, l’OTAN et les nouvelles formes de colonialisme ».

Pavel Volkov, auteur de la publication en ligne Ukraina.ru, a évalué le déroulement des préparatifs pour la célébration de la Journée de la Victoire au niveau international. Dans un entretien avec lui, Dmitri Novikov a partagé son évaluation du Forum international antifasciste organisé par le Parti communiste de la Fédération de Russie. Ce texte d’une grande hauteur de vue nous confirme dans ce qu’on va pouvoir attendre de ce jour de la victoire à Moscou, et donc de la manière dont nous pouvons mesurer ce qui avance dans cet affrontement de classe à l’échelle planétaire qui est à l’œuvre dans ce monde multipolaire et combien nous avons besoin des communistes, pas seulement d’individus, ni de groupuscules dont chacun tente de maintenir la flamme, non, il y a la nécessité de véritables partis qui revendiquent le pouvoir d’État, le gouvernail. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

https://kprf.ru/dep/gosduma/activities/234058.html

Qui sont ces partisans occidentaux qui expliquent que la « guerre spéciale » n’est pas un acte d’agression de la part de la Russie, mais un acte d’autodéfense, un acte visant à contenir les ambitions agressives de l’OTAN et un élément de la lutte pour un monde multipolaire contre toutes les formes de néocolonialisme ? Ce sont les représentants d’organisations de gauche de 91 pays qui se sont réunis à Moscou.

Le Jour de la Victoire, la fête la plus importante pour la Russie moderne, approche à grands pas. Cette journée soulève non seulement des questions de mémoire historique, alors que dans plusieurs pays, les vainqueurs sont déjà assimilés aux vaincus et les victimes aux agresseurs, mais aussi des questions sur l’avenir de l’humanité.

Si les pays qui, autrefois, en coalition avec l’Union soviétique, dont la Fédération de Russie est l’héritière, ont vaincu le fascisme au XXe siècle, aujourd’hui, non seulement ils détournent timidement les yeux de la résurgence du nazisme en Ukraine, mais ils le soutiennent aussi avec de l’argent et des armes, alors les représentants d’autres pays se rendent à Moscou pour assister au défilé de la Victoire. Il est d’ailleurs très révélateur de savoir qui sont ces personnes et de quel pays elles viennent. On peut les diviser en plusieurs groupes.

Tout d’abord, il y a les chefs des républiques de l’ex-URSS qui ont directement participé à la défaite des nazis. Mais pas toutes les républiques, seulement celles de la Biélorussie, alliée de la Russie, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, qui entretiennent des relations solides avec la Russie (même si elles sont ennemies entre elles), ainsi que les pays d’Asie centrale : le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Kirghizistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan. Ces pays, et en particulier les travailleurs migrants originaires de ces pays, ont fait récemment l’objet de nombreuses critiques de la part des personnalités d’extrême droite russes, mais ils seront représentés au défilé de la Victoire, contrairement à la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et la Moldavie, pays « européens ».

Deuxièmement, les chefs de la Serbie et de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, Aleksandar Vučić et Milorad Dodik. Ce sont des pays qui ont été autrefois en proie à des guerres civiles en raison de la montée de l’ultranationalisme et de l’agression de l’OTAN.

Troisièmement, les chefs d’État des pays communistes : la Chine, le Vietnam et Cuba.

Quatrièmement, les dirigeants de gauche des pays non communistes que sont le Brésil et le Venezuela, Lula da Silva et Nicolás Maduro. On peut également inclure dans cette catégorie le Premier ministre slovaque Robert Fico, qui se situe au centre gauche.

Cinquièmement, les présidents des pays victimes du colonialisme : Mahmoud Abbas de Palestine, Ibrahim Traoré du Burkina Faso, Denis Sassou-Nguesso de la République du Congo. Sassou-Nguesso a souligné que la victoire sur le nazisme en Europe était extrêmement précieuse pour les peuples africains autrefois opprimés et asservis, et a exprimé son intérêt pour l’adhésion de la République du Congo au BRICS.

Narendra Modi, de l’Inde, et Ukhnaagiin Khurelsukh, de Mongolie, sont attendus, mais n’ont pas encore confirmé leur présence. De même, on ne sait pas encore très bien ce qu’il adviendra du chef de la Corée du Nord, Kim Jong-un, qui a récemment noué une alliance avec la Russie. Il semble que sa venue ne soit pas prévue pour l’instant, mais fin 2024, la Russie lui a proposé d’envoyer une unité de l’Armée populaire coréenne pour défiler en l’honneur du 80e anniversaire de la Victoire à Moscou. Et maintenant, après que le chef de l’état-major général des forces armées russes, Valery Gerassimov, a officiellement reconnu que « les militaires de la RPDC, agissant côte à côte avec les militaires russes dans la région de Koursk, ont fait preuve de ténacité et d’héroïsme », le rapprochement maximal entre les deux pays ne fait plus aucun doute.

Ainsi, la fraternelle Biélorussie, encerclée par les impérialistes, la Serbie, les républiques non européennes de l’ex-URSS, les communistes, les centristes de gauche et le Sud global constituent les alliés réels et potentiels de la Russie contemporaine.

Apparemment, cette situation est bien comprise par les dirigeants de la Fédération de Russie. Le président Vladimir Poutine a ainsi salué le deuxième Forum international antifasciste organisé à Moscou par le Parti communiste de la Fédération de Russie, qui a réuni des représentants de partis et d’organisations de gauche du monde entier. Il a déclaré que la Russie établirait de bonnes relations avec tous ceux « qui ont à cœur les idéaux de paix et de justice » et qui préservent la mémoire historique « de la guerre la plus sanglante du XXe siècle, de l’exploit immortel des soldats et des commandants de l’Armée rouge qui ont écrasé le nazisme ». Selon le président, « il est important aujourd’hui d’unir nos efforts pour empêcher la propagation du racisme, du nazisme, du fascisme, de la russophobie, de l’antisémitisme et d’autres idéologies agressives fondées sur l’incitation à la haine, l’intolérance et la propagande de l’exclusivité nationale ».

Le forum a pris une dimension quasi mondiale. Il a réuni des représentants de partis et d’organisations de gauche de Grèce, de Serbie, d’Allemagne, de Suisse, de France, de Chypre, de Turquie, de Géorgie, du Mexique, du Portugal, d’Italie, d’Espagne, de Biélorussie, du Venezuela, du Brésil, d’Afrique du Sud, d’Inde, du Nicaragua, du Népal, du Bangladesh, du Pérou, des États-Unis, d’Ouzbékistan, d’Italie, du Sri Lanka, de Colombie, du Mexique, d’Iran, du Mozambique, de la République de Corée, d’Allemagne et d’autres pays.

Il y a deux ans, Minsk avait accueilli le premier Forum international antifasciste, réunissant des représentants de diverses organisations de 50 pays. La représentation au deuxième forum a presque doublé : 91 États étaient représentés par des partis, des mouvements et des organisations. Dans certains cas, il s’agissait de structures internationales : l’Union internationale des antifascistes, la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique et d’autres, soit au total plus de 150 organisations de 91 pays du monde. Il s’agit parfois du parti au pouvoir, comme c’est le cas en Chine, à Cuba ou au Nicaragua, parfois de partis d’opposition parlementaires très influents, parfois d’organisations moins importantes, mais qui défendent des positions antifascistes claires.

L’un des organisateurs de l’événement, Dmitri Novikov, vice-président du Comité central du Parti communiste de la Fédération de Russie et premier vice-président de la commission des affaires internationales de la Douma, a expliqué à Ukraine.ru l’importance du forum.

« Hitler et Mussolini se seraient imposés beaucoup plus rapidement au pouvoir s’ils n’avaient pas rencontré de résistance au niveau national et international à l’époque. Certes, cette résistance n’a pas immédiatement abouti à la victoire. Les opposants, comme Ernst Thälmann, ont été jetés en prison, assassinés, mais ils ont joué leur rôle pour retarder la Seconde Guerre mondiale. Cela a en grande partie permis à l’Union soviétique de préparer son potentiel de défense, de préparer son armée à l’inévitable combat contre le nazisme ».

Aujourd’hui, selon Dmitri Novikov, des processus extrêmement inquiétants sont également à l’œuvre, qui exigent la consolidation des personnes de bonne volonté de différents pays. Il semblait que les leçons de la Seconde Guerre mondiale auraient mis fin à jamais aux tentatives de réincarnation du fascisme sous toutes ses formes, mais la seconde moitié du XXe siècle a été marquée par des tentatives de revanche fasciste. En Europe et aux États-Unis, les groupes néonazis sont restés pour la plupart marginaux, mais ils ont aidé les réactionnaires à prendre le pouvoir ailleurs. La junte du général Pinochet au Chili en est un exemple frappant.

« Les choses sont allées si loin qu’au XXIe siècle, sur le territoire de notre chère Ukraine, qui a elle-même apporté une contribution colossale à la défaite du nazisme, un régime présentant tous les critères du néofascisme s’est installé : à commencer par l’héroïsation des partisans de Bandera et en finissant par l’interdiction et la persécution du parti communiste, d’autres organisations de gauche, puis de toutes les organisations jugées pro-russes, puis de toutes les organisations jugées simplement démocratiques, et enfin par l’interdiction de tous les médias d’opposition ».

Tout le monde en Occident n’est pas d’accord avec ce qui se passe actuellement en Ukraine. Par exemple, les membres du Parti communiste grec ont à plusieurs reprises empêché la livraison d’armes à l’Ukraine qui tentaient de transiter par leur pays. L’activité anti-OTAN est un point important à l’ordre du jour des organisations de gauche dans les pays de l’OTAN. C’est le cas, par exemple, de la Plateforme internationale anti-impérialiste. Cette organisation n’existe que depuis quelques années, mais elle a déjà réussi à organiser toute une série de conférences internationales en Italie, aux États-Unis et dans d’autres pays.

« Ils se sont donné pour mission d’expliquer à l’Occident les raisons de l’opération militaire spéciale, explique Dmitri Novikov. L’Occident dispose d’une machine de propagande très puissante qui, jour après jour, présente la Russie comme un agresseur, oubliant qu’avant le début de l’opération militaire spéciale, la Russie avait proposé un plan global pour la mise en place d’un nouveau système de sécurité collective, mais que celui-ci n’avait pas été entendu. Nos homologues occidentaux expliquent donc que l’opération militaire spéciale n’est pas un acte d’agression de la part de la Russie, mais un acte d’autodéfense, un acte visant à contenir les ambitions agressives de l’OTAN et un élément de la lutte pour un monde multipolaire et contre toutes les formes de néocolonialisme. »

Parmi les petites organisations, le Parti communiste américain (PCA) joue un rôle particulièrement actif dans l’explication des véritables causes du conflit en Ukraine. Son représentant, Christopher Helali, s’est rendu à Moscou et a partagé avec nous ses impressions :

« Ce fut un excellent forum qui a rassemblé tant de camarades du monde entier qui s’opposent à l’impérialisme occidental, au fascisme, au néonazisme et au bandérisme en Ukraine. Ils se prononcent en faveur de la paix, de la fraternité et de la solidarité. Mon organisation, le Parti communiste américain, a participé activement à cet événement. Ce fut une excellente occasion non seulement de commémorer le 80e anniversaire de la victoire sur le fascisme lors de la Grande Guerre patriotique, lorsque les États-Unis et l’Union soviétique ont combattu ensemble contre l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et le Japon impérialiste, mais aussi de rencontrer des camarades d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, qui luttent pour leur souveraineté, leur indépendance vis-à-vis des organisations impérialistes et des forces armées occidentales.

Si l’on parle des représentants des pays du Sud qui ont participé au forum, leur expérience présente un intérêt particulier. Il n’y a pas si longtemps, beaucoup de ces pays étaient dirigés par des régimes d’extrême droite, mais ils ont été remplacés par des gouvernements de gauche et de centre gauche qui cherchent à établir de bonnes relations avec la Russie. La Brésil en est un exemple frappant : son ancien président, « de droite », était très proche des États-Unis, tandis que l’actuel, « de gauche », se rend à Moscou pour assister au défilé de la Victoire. Il est très symbolique que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ait précisément profité du sommet des BRICS au Brésil afin d’énoncer les exigences de la Russie pour mettre fin à la guerre en Ukraine (retrait de l’Ukraine de l’OTAN, reconnaissance des nouvelles régions, levée des sanctions et restitution des biens, abrogation des lois discriminatoires en Ukraine, etc. etc.), qui coïncident parfaitement avec la vision des participants au forum antifasciste.

Beaucoup aiment répéter l’expression courante selon laquelle la Russie n’a historiquement que deux alliés : l’armée et la marine. En réalité, si c’était le cas, ce serait très grave. Mais ce n’est pas le cas. La Russie a un grand nombre d’alliés à travers le monde. Et le fait que ces alliés ne se trouvent souvent pas au sein des gouvernements (même s’ils y sont également présents), mais dans les structures civiles de base, devrait être pris en compte dans l’établissement des relations internationales.

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