Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Leçon de la Chine pour les pays en développement : pourquoi le programme PLI de l’Inde échoue

Tandis que nos « élites » politico médiatiques se disputent la palme de qui lancera le débat le plus inutile, celui le plus apte à diviser ceux qui devraient s’unir pour laisser toute latitude au petit personnel déconsidéré d’un impérialisme en bout de course capable de perdurer, il existe d’autres débats. Ceux-ci portent sur la nouvelle révolution des forces productives liée au numérique, ce que l’on résume comme l’Intelligence artificielle. Les capitalistes et leurs analystes ont perçu le nouveau dispositif de la Chine qui tend à transformer les obstacles (les politiques douanières des USA, la population qui vieillit, la réorganisation des emplois et des formations) une opportunité. Ils perçoivent la manière dont la Chine a réorganisé non seulement pour elle mais en sous-traitant de fait une part de sa production manufacturière, la production internationale. Nous mettons d’ailleurs en lecture aujourd’hui un des textes qui analyse cette réorganisation d’un point de vue capitaliste. Mais il nous semble encore plus indispensable de faire connaitre les conseils que les Chinois donnent ici à l’Inde qui cherche à les imiter et qui a espéré bénéficié de l’apport de l’occident dont selon ce pays toujours aliéné à la Grande-Bretagne comme le notait Marx : il faut vous « décoloniser » et privilégier le facteur humain ce que vous ne pourrez pas faire dans l’orbite de l’impérialisme. Le conseil est valable pour la France qui veut se réindustrialiser et prétend à la souveraineté (note et traduction de Danielle Bleitrach)

OPINION / OBSERVATEUR

Par Global Times 23 mars 2025

Illustration : Liu Rui/GT

Quatre ans après le lancement de son programme d’incitation liée à la production (PLI) de 23 milliards de dollars visant à contester la domination manufacturière de la Chine, l’initiative phare de l’Inde « Make in India » est devenue un exemple édifiant de l’inertie institutionnelle. Comme l’a révélé Reuters vendredi, ce programme autrefois très attendu et ambitieux a dévié de sa trajectoire.

Selon les données de la Banque mondiale, l’industrie manufacturière ne représente qu’environ 13 % du PIB de l’Inde, bien moins que les 26 % de la Chine et les 24 % du Vietnam. Bien qu’il s’agisse de données de 2023, il est clairement impossible d’augmenter le secteur manufacturier de l’Inde à 25 % du PIB d’ici 2025, comme l’envisage le Premier ministre Modi.

Ces chiffres reflètent un malaise systémique plus profond. La réalité du développement manufacturier de l’Inde démontre que le facteur humain reste déterminant, nécessitant de s’éloigner des institutions coloniales et des cadres idéologiques. Il ne s’agit pas seulement d’un ajustement institutionnel et d’une innovation, mais plus profondément, d’une révolution prolongée de la pensée. Les investisseurs étrangers signalent constamment que ces obstacles structurels limitent considérablement le développement de la main-d’œuvre, la réforme du système des castes et l’efficacité administrative – des ingrédients clés pour un décollage manufacturier.

Les efforts de réforme de l’Inde ressemblent à un patchwork de l’époque coloniale – des ajustements superficiels qui préservent une bureaucratie conçue à l’origine pour servir l’extraction impériale plutôt que de favoriser une gouvernance industrielle moderne. À la base, ce système sert l’élite dirigeante plutôt que de cultiver une main-d’œuvre moderne. Les structures de gouvernance coloniales, conçues pour le contrôle plutôt que pour le développement, continuent d’étouffer la capacité d’innovation et l’exécution des politiques de l’Inde. Les efforts de réforme de l’Inde en matière d’éducation et de discrimination de caste restent des vents contraires pour la croissance industrielle.

Les défis de l’Inde vont au-delà de la complexité réglementaire ou des goulets d’étranglement politiques. Les lois foncières de l’époque coloniale, les processus d’approbation alambiqués et un système judiciaire inefficace continuent de supprimer l’investissement et l’innovation. Le modèle de gouvernance fragmenté, avec des régions fonctionnant en silos, a créé des disparités et un chaos opérationnel au niveau local, laissant les centres manufacturiers privés du soutien politique cohérent et agile dont ils ont cruellement besoin.

La stagnation du système éducatif indien met en évidence le problème de l’héritage institutionnel colonial. Dans une étude conjointe, Nitin Kumar Bharti, chercheur postdoctoral à l’Université de New York à Abu Dhabi, et Li Yang, chercheur au Centre Leibniz pour la recherche économique européenne, affirment que la principale raison du retard manufacturier de l’Inde réside dans la dépendance historique de son système éducatif. Ils soulignent que le modèle d’éducation formé pendant la domination coloniale britannique a entraîné l’accent mis de longue date par l’Inde sur l’enseignement supérieur plutôt que sur l’éducation de base, et une préférence pour les disciplines des sciences humaines par rapport aux matières STEM.

La voie à suivre réside dans une réforme institutionnelle systémique qui s’adapte aux réalités de l’Inde. Pour rejoindre les rangs des puissances manufacturières, l’Inde doit se débarrasser des chaînes de son héritage colonial : rationaliser les structures de gouvernance, promouvoir l’autonomisation locale et favoriser une main-d’œuvre industrielle par l’égalité en matière d’éducation. Cela nécessite d’aller au-delà de l’approche du « pansement financier » du régime PLI vers un alignement complet entre l’appareil de l’État et les exigences de l’industrie moderne.

Cette divergence offre une leçon cruciale : une industrialisation réussie exige une reconstruction institutionnelle, et non une simple imitation. Se libérer de l’héritage colonial et des cadres occidentaux, ainsi que mettre en place des institutions adaptées aux conditions nationales, peut libérer un potentiel de transformation.

À mesure que les chaînes d’approvisionnement mondiales évoluent rapidement, la fenêtre de réforme se rétrécit. L’avenir de l’Inde ne dépend pas de la copie des autres, mais de la réécriture de son système de fonctionnement économique. Il s’agit à la fois d’une leçon importante pour les pays en développement et d’une validation convaincante de la poursuite d’une voie de développement ancrée dans le contexte national.

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