Voilà aussi ce dont j’ai tenté de parler quand j’avais encore des illusions sur ma capacité à être entendue par la France telle qu’elle est… (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
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2025-02-13 13:51 China News Gao Zhimiao, Fan Zhonghua
L’éminent philosophe chinois Yang Guorong explore, dans un entretien accordé à China News, les fondements d’une conception chinoise des droits de l’homme, en s’appuyant sur des concepts clés tels que le ren (compassion) et le minben (pensée orientée vers le peuple).
En fin d’année 2024, l’Académie Yueli de l’Université du Hunan en Chine a organisé un colloque intitulé « Les droits de l’homme à travers les classiques traditionnels chinois ». Réunissant des experts chinois et internationaux, cet événement a permis d’explorer la conception chinoise des droits de l’homme telle qu’elle se reflète dans les classiques traditionnels. Quels droits fondamentaux sont mis en avant par la philosophie chinoise ? En quoi cette conception diffère-t-elle de celle promue en Occident ? Nous avons posé ces questions à Yang Guorong, directeur de l’Académie des sciences humaines de l’Université Normale de Chine de l’Est.
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Les classiques chinois sont riches en réflexions sur « l’homme » et « le peuple ». Quelle vision des droits de l’homme en découle ?
La notion de « droits de l’homme », bien qu’étroitement liée à la tradition occidentale, trouve des échos dans les philosophies orientales, notamment chinoises. Le concept de ren, ou compassion, au cœur du confucianisme, en offre un exemple éloquent. Il ne se limite pas à une définition individualiste des droits, mais embrasse une vision plus holistique de l’humanité. Il s’agit d’une approche fondée sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque de chaque individu et du principe de l’égalité.
La notion chinoise des droits de l’homme ne se limite pas à l’individu. Elle s’étend à une sphère plus vaste, englobant les relations entre les nations. Le Shangshu, littéralement Livre des Documents, préconise déjà une « coordination des nations », appelant à une coexistence pacifique et à des échanges harmonieux entre les différents États. Le Liji, ou Livre des Rites, va plus loin en prônant une « unité du monde » et un partage des ressources mondiales. Cette vision d’une communauté de destin pour l’humanité trouve un écho particulier chez Zhang Zai, philosophe des Song, qui appelle à une « paix durable pour les générations futures », une notion qui rappelle l’idéal kantien de « paix perpétuelle ». De la coordination des États à la construction d’une communauté de destin mondiale, la pensée chinoise ancienne esquisse les contours d’un ordre international fondé sur l’harmonie et la justice.
Dans quelle mesure la vision occidentale des droits de l’homme se distingue-t-elle de celle ancrée dans la tradition chinoise ? Pourquoi est-il important de séparer la forme du fond dans l’évaluation des droits de l’homme selon vous ?
La politique moderne occidentale se positionne comme supérieure sur les plans moral et éthique, en mettant l’accent sur la dimension formelle des droits de l’homme. Cette approche, bien que nécessaire, ne saurait suffire. Il est essentiel de revenir à l’essence même des droits de l’homme : la satisfaction des besoins humains fondamentaux. La tradition politique chinoise, notamment le concept de méritocratie, offre une perspective complémentaire. En effet, la réussite d’un dirigeant est mesurée à l’aune des résultats concrets qu’il obtient pour son peuple, plutôt qu’à l’aune de discours abstraits sur les droits. La culture traditionnelle chinoise a beaucoup exploré ce terrain. Cela se traduit dans la Chine moderne par la tradition appuyée sur la « voie de la masse », un des moyens importants de la pratique politique moderne chinoise. On vient du peuple et on arrive au peuple. Ainsi, nous pourrions nous inspirer de l’avis du peuple, tenir compte de ses souffrances et de ses malheurs pour mettre en place des mesures répondant à ses besoins.
Minben, la « pensée orientée vers le peuple », constitue la clé de voûte des idées politiques traditionnelles chinoises. Pourquoi est-il important de distinguer ce concept de la démocratie (minzhu en chinois) pour mieux comprendre les droits de l’homme ?
Souvent opposées, les notions de « pensée orientée vers le peuple » et de « démocratie » méritent un examen plus nuancé. Si la démocratie est souvent perçue comme une forme de gouvernement moderne, la notion de « pensée orientée vers le peuple », souvent jugée démodée, offre pourtant une perspective historique et culturelle très riche.
La démocratie, définie en partie par la souveraineté populaire, implique théoriquement la participation de tous à la gouvernance sociale et politique. Cependant, en pratique, cette participation universelle est difficile à mettre en œuvre. La notion de « pensée orientée vers le peuple », plus large et plus profonde, met l’accent sur la prise en compte effective des intérêts du peuple dans la gouvernance. Plutôt que d’opposer ces deux concepts, il serait plus pertinent de les associer pour construire une gouvernance plus juste et plus efficace. En effet, dans la culture traditionnelle chinoise, il est difficile de distinguer nettement ces deux notions. Le peuple n’est pas seulement un symbole, car la clé de la gouvernance politique réside dans le respect de l’opinion publique.
Le penseur chinois Mencius (380 av. J.-C. – 289 av. J.-C) propose des idées telles que « pensée orientée vers le peuple », « peuple noble » ou encore « empereur insignifiant », qui ont déjà anticipé certains principes démocratiques. Interrogé sur la légitimité de la succession de Yao à Shun, un disciple de Mencius a posé la question de la « volonté céleste ». Mencius, en réponse, a souligné que le mandat céleste n’était pas le seul critère de légitimité. Il a affirmé que l’acceptation et le soutien du peuple étaient tout aussi, voire plus importants. Selon lui, c’est l’adhésion populaire qui confère à un souverain son autorité. Les notions de « le peuple l’accepte » et « le peuple le suit » anticipent ainsi le concept de consentement des gouvernés, un principe fondamental de la démocratie. Mencius suggère donc qu’une forme de légitimité politique est liée à l’opinion publique et à l’approbation populaire, bien avant que le terme « démocratie » ne soit forgé en Chine.
La démocratie fait partie intégrante de la notion de « pensée orientée vers le peuple ». Cette dernière ne réduit pas le peuple à un simple objet de la gouvernance, mais en fait un acteur central et un arbitre de la légitimité du pouvoir. Le peuple devient ainsi un sujet politique doté d’une influence considérable. Les droits de l’homme, loin d’être des abstractions théoriques, trouvent leur concrétisation dans cette dynamique d’orientation vers le peuple. Cette idée selon laquelle le peuple est le véritable détenteur du pouvoir trouve un écho profond dans la tradition politique chinoise. Le Shangshu exprime clairement ce principe en affirmant que « le Ciel voit à travers les yeux du peuple, le Ciel entend à travers les oreilles du peuple ». Cette maxime souligne l’importance accordée aux aspirations, aux opinions et aux souffrances du peuple.
Mencius a formulé une vision politique particulièrement éclairante. Selon lui, la légitimité d’un souverain repose sur sa capacité à répondre aux aspirations profondes de son peuple : « Il existe une voie pour obtenir l’empire : obtenir le peuple, et l’empire est obtenu ; il existe une voie pour obtenir le peuple : obtenir leur cœur, et le peuple est obtenu ; il existe une voie pour obtenir leur cœur : rassembler ce qu’ils désirent et ne pas leur imposer ce qu’ils détestent. » En d’autres termes, le bien-être du peuple doit être au cœur de toute politique. Cette idée de « gagner le cœur du peuple » ne se limite pas à une simple consultation populaire. Elle implique une compréhension profonde des besoins et des désirs de la population, et la mise en œuvre de politiques qui y répondent. C’est là un principe fondamental de la démocratie : le pouvoir politique doit être au service du peuple et sa légitimité doit être renouvelée par celui-ci. En somme, la « pensée orientée vers le peuple » contient des germes de la démocratie moderne et les deux concepts incarnent de manière différente l’essence des droits de l’homme.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
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Xuan
Cet article ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe maintenant. Le site théorique du PCC publiait tout récemment une série d’articles sur le thème de « la continuité de la civilisation chinoise » et ses traditions culturelles, certains signés par Xi.
Il y a un lien en effet entre cette antique philosophie et « le pouvoir politique doit être au service du peuple et sa légitimité doit être renouvelée par celui-ci. » que rappelle régulièrement le PCC.
Il y a une volonté claire de relier les cultures chinoise et occidentale sur la question des droits de l’homme.
Or en Chine, cette tradition ne repose pas sur des discours mais sur le bien-être matériel du peuple.
Jiang Zemin écrivait :
« pour nous Chinois, le plus fondamental et le plus important des droits de l‘homme ne peut être que le droit à l’existence et au développement. En effet, comment celui qui n’a pas de quoi se nourrir et se vêtir pourrait-il exercer des droits ? »
C’est là une difference fondamentale avec la tradition idéaliste et métaphysique que des siècles de religion monothéiste ont accumulée chez nous.
On remarquera que, contrairement à celles de Politzer, les conférences philosophiques de Mao Zedong sur le matérialisme dialectique ne s’attardent pas sur la métaphysique ni sur l’idéalisme, mais développent principalement la contradiction et l’expérience pratique.
Ce n’est ni une insuffisance ni un oubli, mais pourquoi partir en guerre contre des moulins vent ?
Les droits de l’homme sont conçus ici d’abord comme son droit d’expression. Et les contradictions de classe sont escamotées.
Mais les réseaux sociaux ont multiplié ce « droit d’expression » sans que les droits au bien-être matériel n’aient bien avancé.
Le seul « droit d’expression » collectif appartient à une poignée de magnats des médias, et s’il en reste un peu dans les élections il n’en est pas vraiment tenu compte.
De ce point de vue nous ne sommes pas en avance mais plutôt en retard dans la philosophie des droits de l’homme.
Michel BEYER
Conférence de Munich, Mr WANG YI:
-« Nous d’abord » ne peut conduire qu’à une situation « perdant/perdant »
-Bâtir un monde multipolaire égal et ordonné.
-La Chine et l’Europe sont partenaires et non rivaux.
Le discours de Mr WANG YI ministre des affaires étrangères de la Chine a marqué sa différence avec ceux des autres participants à cette conférence sur la sécurité:
Discours de Monsieur Wang Yi
à la Conversation avec la Chine
de la 61e Conférence de Munich sur la sécurité
Munich, le 14 février 2025
Monsieur le Président Christoph Heusgen,
Chers Amis,
Chers Collègues,
Le monde que nous vivons traverse des transformations et des turbulences plus profondes. Beaucoup se demandent : Où va le monde ? Je pourrais peut-être reprendre le titre du Rapport de Munich sur la sécurité de cette année. Il va vers la multipolarisation. Au moment de sa fondation il y a 80 ans, l’Organisation des Nations Unies n’avait que 51 États membres. Aujourd’hui, 193 pays sont à bord d’un même navire géant. Un monde multipolaire n’est pas seulement une nécessité historique. Cela devient aussi une réalité.
La multipolarité entraînera-t-elle les bouleversements, le désordre, les conflits et la confrontation ? Signifie-t-elle la prédominance des grands pays et la loi du plus fort ? La réponse de la Chine est que nous devons bâtir un monde multipolaire égal et ordonné. C’est une nouvelle initiative importante avancée par le Président Xi Jinping. Elle exprime aussi nos attentes sincères pour un monde multipolaire. La Chine sera sans aucun doute un facteur de certitude dans le système multipolaire et sera résolument une force constructive dans un monde en transformations.
Je voudrais à cet égard insister sur quatre points.
D’abord, il est important de préconiser l’égalité. La rivalité entre grandes puissances a plongé l’humanité dans le désastre, et les leçons tirées des deux guerres mondiales sont toujours d’actualité. Qu’il s’agisse du système colonial ou du modèle centre-périphérie, un ordre inégal est voué à l’effondrement. Les pays du monde aspirent tous à l’indépendance et à l’autonomie. La démocratisation des relations internationales est irrésistible. L’égalité des droits, l’égalité des chances et l’égalité des règles doivent être les principes fondamentaux pour un monde multipolaire.
C’est en portant ces principes que la Chine préconise l’égalité entre tous les pays, grands ou petits, et appelle à l’augmentation de la représentation et du droit à la parole des pays en développement dans le système international. Cela ne mènera pas à « l’absence de l’Occident », mais donnera plus de résultats à somme positive au monde. La Conférence de Munich sur la sécurité a invité ces dernières années davantage de participants des pays du Sud global. C’est une bonne initiative. La voix de chaque pays doit être écoutée. Chaque pays peut trouver sa place et jouer son rôle dans une structure multipolaire.
Ensuite, il est important de respecter l’état de droit international. Comme dit un adage chinois, impossible de tracer un cercle ou un carré sans compas et équerre, tout comme sans règles, rien ne peut être accompli. Les buts et principes de la Charte des Nations Unies sont les lignes directrices fondamentales à suivre pour gérer les relations internationales et aussi la pierre angulaire importante d’un monde multipolaire. Dans le monde d’aujourd’hui, des chaos et des bouleversements se multiplient. L’une des raisons importantes est que certains pays croient que la force fait la loi et ouvrent la boîte de Pandore de la loi de la jungle. En fait, tous les pays, grands ou petits, puissants ou faibles, sont parties prenantes de l’état de droit international. Une structure multipolaire ne doit pas être désordonnée. Sans règles, celui qui se met à table hier serait sur le menu demain. Les grands pays doivent donner l’exemple en honorant leurs engagements, en respectant l’état de droit, et en rejetant l’incohérence entre paroles et actes ainsi que le jeu à somme nulle.
C’est dans cet esprit que la Chine préserve résolument l’autorité de l’état de droit international et assume activement ses responsabilités et obligations internationales. Nous avons adhéré à presque toutes les organisations internationales intergouvernementales à vocation universelle et à plus de 600 conventions internationales. Nous ne pratiquons jamais l’exceptionnalisme, encore moins l’approche instrumentaliste. Nous apportons la plus grande certitude à ce monde incertain. Je tiens à souligner qu’il ne faut pas pratiquer le « deux poids, deux mesures » quant au respect du droit international. Respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays signifie soutenir la réunification complète de la Chine.
Troisièmement, il est important de poursuivre le multilatéralisme. Face à de nombreux défis planétaires, aucun pays ne peut s’en sortir tout seul. La mentalité « nous d’abord » ne peut conduire qu’à un scénario perdant-perdant. L’ONU est une plateforme centrale pour poursuivre le multilatéralisme et promouvoir la gouvernance mondiale. Ayant protégé les pays du monde des tempêtes pendant près de 80 ans, elle s’avère encore plus nécessaire au monde multipolaire de demain. Nous devons consolider son fondement, mais non en détruire les piliers. Nous devons assumer ensemble nos responsabilités dans la réponse aux enjeux globaux, mais non rechercher des intérêts égoïstes. Nous devons relever les défis communs dans la solidarité, mais non recourir à la confrontation des blocs.
C’est dans cet esprit que la Chine s’est engagée à poursuivre le véritable multilatéralisme et à porter une vision de gouvernance mondiale marquée par amples consultations, contribution conjointe et bénéfices partagés. Nous avons défendu fermement l’autorité et le statut de l’ONU et contribué à hauteur de plus de 20% au budget ordinaire de l’Organisation. Nous avons appliqué effectivement l’Accord de Paris et mis en place le plus grand système de production d’électricité propre au monde. Nous avons lancé l’Initiative pour le développement mondial, l’Initiative pour la sécurité mondiale et l’Initiative pour la civilisation mondiale et travaillé à leur concrétisation, fournissant des biens publics pour perfectionner la gouvernance mondiale.
Quatrièmement, il est important de poursuivre l’ouverture et les bénéfices mutuels. Le développement est la clé à toutes sortes de problèmes. Un monde multipolaire doit être un monde où tous les pays se développent ensemble. Le protectionnisme ne mènera nulle part et l’abus de tarifs douaniers ne fera pas de gagnant. Ceux qui pratiquent le découplage et la rupture des chaînes se privent d’opportunités, et ceux qui érigent une « petite cour avec de hauts murs » finiront par s’isoler. Nous devons poursuivre la coopération ouverte et appuyer la construction d’un monde multipolaire égal et ordonné par une mondialisation économique bénéfique pour tous et inclusive.
C’est dans cet objectif que la Chine est déterminée à partager les opportunités de développement avec les autres pays. Un intellectuel australien estime que la Chine est un « enabler », ce qui est, à mon avis, très pertinent. Avec une hausse de 5% du PIB l’année dernière, la Chine a contribué à hauteur de près de 30% à la croissance de l’économie mondiale. Elle est un moteur important pour la croissance mondiale, apportant des bénéfices au monde grâce à son marché énorme. La Chine est prête à promouvoir une synergie entre la coopération de qualité dans le cadre de l’Initiative « la Ceinture et la Route » et la stratégie « Global Gateway » de l’Union européenne afin de donner une impulsion à l’une et à l’autre de même qu’au monde entier.
Chers Amis,
La Chine considère depuis toujours l’Europe comme un pôle important dans le monde multipolaire. La Chine et l’Europe sont partenaires et non rivaux. Cette année marque le 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques Chine-UE. La Chine entend travailler avec la partie européenne à saisir cette opportunité pour approfondir la communication stratégique et la coopération mutuellement bénéfique, et faire avancer notre monde vers un meilleur avenir de paix, de sécurité, de prospérité et de progrès.
Je vous remercie.
WANG YI
Rappelons que la Chine n’est engagée nulle part dans le monde militairement.
L’origine de cet article est « LGS- Le Grand Soir »