Au titre de ceux qui en Eurasie et dans le monde refusent de limiter la connaissance de la situation à « l’événement » il y a ce marxiste chinois qui relie comme nous le faisons nous mêmes l’URSS et la révolution chinoise, et aujourd’hui il est essentiellement question de cette expérience historique qui relie à l’eurasie d’autres continents y compris l’Amérique latine. Les italiens qui sont allés beaucoup plus loin que les Français dans la destruction de leur parti communiste ont conservé paradoxalement à la fois une référence forte au prolétariat et ne se sont pas considérés comme des bobos, et dans la foulée ont entretenu un débat intellectuel qui a disparu en France ou demeure marginal. Ils sont plus que nous apte à voir ce qu’apporte cette perspective d’un marxiste chinois qui ne reste pas dans l’économisme. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

L’aspiration originelle de la réforme
Critique de Giuseppe Amata
Le livre de Cheng Enfu ne mérite pas seulement une simple critique, mais une discussion approfondie entre communistes, afin de comprendre l’évolution de la politique de « réforme et ouverture » proposée lors de la troisième session du XIe Comité central du Parti communiste chinois en 1978 par Deng Xiaoping, et poursuivie par les autres responsables qui ont dirigé le Parti et l’État comme Jiang Zemin et Hu Jintao, puis qui a été condensée et développée à partir du XVIIIe Congrès (qui s’est tenu en 2012) par Xi Jinping dans la théorisation du « socialisme aux spécificités chinoises »; soit comme modèle de référence pour l’étude, et certainement pas pour être copié, dans la formulation d’un programme économique de transition pour le passage d’une formation sociale capitaliste à une formation socialiste, en tenant compte évidemment des caractéristiques de chaque pays.
C’est dans cet esprit que j’ai lu le livre (qui a été proposé aux lecteurs italiens grâce à la traduction et à la rédaction de « Marx21 edizioni » sous la direction d’Andrea Catone) et que je m’apprête ici à en discuter.
Le texte se compose de plusieurs essais, publiés à différentes époques, de 1990 à 2019, mais présentés dans un ordre chronologique décroissant.
Nous devons reconnaître aussi, en parlant de ce livre, que nous nous trouvons actuellement dans une phase historique, depuis le début de la troisième décennie du XXIe siècle, en train de changer profondément par rapport à la décennie précédente, en raison de la succession d’événements importants, tels que :
A/ Le début de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine (février 2022) en réponse à l’agression persistante du gouvernement ukrainien (après le coup d’État de 2014 ouvertement soutenu par les États-Unis, l’UE et l’OTAN) contre les régions russophones du Donbass, qui avaient en réponse proclamé les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk et s’apprêtaient à devenir la première ligne de défense contre l’expansion militaire de l’OTAN, commencée avec la dissolution de l’Union soviétique. – OTAN qui a étendu ses frontières de l’Allemagne de l’Ouest jusqu’aux territoires historiques de la Russie –
B/ Le XXe Congrès du PCC (octobre 2022), qui, en plus de ratifier l’éradication de la pauvreté dans toutes les régions périphériques et atteindre un niveau de prospérité moyen dans l’ensemble de la RPC, a tracé les lignes directrices pour la réduction des écarts existants entre les différentes régions, entre les villes et les zones rurales et entre les revenus les plus élevés et les plus faibles.(certains disproportionnés dans le secteur privé pour les entrepreneurs et les cadres. Il a indiqué également que l’objectif prioritaire était d’accroître l’innovation scientifique et technologique afin de réaliser une activité productive de qualité pour répondre aux besoins sociaux et atteindre ainsi en 2035 un niveau général de bien-être pour tous les habitants .
B/ L’élargissement des BRICS+ qui tend à diviser le monde en une vision unipolaire, imposée par les États-Unis avec le soutien de l’UE et du Japon, et à favoriser la multipolarité, c’est-à-dire les échanges économiques selon le principe du bénéfice mutuel et non selon l’ordre et l’échange inégaux imposés par le colonialisme d’abord et l’impérialisme ensuite ; et à définir, pour l’avenir, la réduction tendancielle du dollar en tant que seule monnaie de réserve internationale .
D/ L’agression brutale d’Israël contre le peuple palestinien, en commençant par le génocide et l’éloignement de ce peuple de ses terres pour redessiner le Moyen-Orient sous l’hégémonie israélienne, tout comme après la Première Guerre mondiale, il avait été dessiné sous l’hégémonie britannique avec un appendice français .
E/ les droits de douane relancés massivement par Trump, mais déjà initiés lors de son premier mandat et poursuivis par Biden, qui bouleverseront le commerce international dans la vaine tentative d’empêcher le renforcement de la Chine sur le plan technologique (elle a déjà presque atteint les États-Unis et les dépasse même dans certains secteurs comme l’intelligence artificielle).
F/ En lisant tous les essais présents dans le livre, on comprend clairement que les analyses de Cheng Enfu à différentes périodes de la Réforme anticipent ou soutiennent les choix faits par le Parti et le gouvernement sur les questions économiques et peuvent être résumées par la métaphore de Deng Xiaoping : «Traverser la rivière en tâtonnant le sol sous ses pieds avant de faire un pas». Cela signifie que le passage du modèle d’économie planifiée, centralisée, à un modèle d’économie socialiste de marché devait être mis en œuvre comme cela a été fait té fait, progressivement, en observant attentivement les problèmes résolus et ceux qui se sont posés afin de déterminer les ajustements ou corrections à apporter.
En substance, Cheng Enfu partage la ligne économique du Parti qui attribue à l’État la fonction macroéconomique de direction par le biais d’une planification d’orientation sur des objectifs spécifiques et, dans le cadre de ces directives, le marché déterminera l’attribution des ressources, permettant la libre concurrence entre les différentes entreprises (y compris entre les entreprises publiques et privées) dans le respect de la loi. Il est bien entendu que les secteurs fondamentaux de la société, tels que la défense, le secteur de l’énergie, les banques, avec au centre la Banque populaire de Chine qui émet de la monnaie, contrôle et réglemente toutes les opérations financières, les transports, les postes et les télécommunications, la santé et l’enseignement, sont exclusivement du ressort de l’État. En ce sens, certains économistes et universitaires chinois critiquent la proposition de limiter l’intervention de l’État, même dans les secteurs susmentionnés, et de faire entrer le capital privé en transformant les entreprises publiques selon les règles du capital-actions.
Parmi les essais présentés dans le livre, le plus important, car il englobe les problématiques passées et présentes pour atteindre les objectifs futurs d’ici 2049, est le premier de ces essais intitulé : « Dix points de vue sur le marxisme en Chine et à l’étranger ».
En plus d’analyser le passé et le présent, en mettant en évidence les contradictions et les problèmes encore non résolus dans la société chinoise, il présente des hypothèses indicatives sur un nouveau modèle de développement pour l’avenir, lorsque, à l’approche du deuxième centenaire (2049), il faudra progressivement abandonner l’économie socialiste de marché pour revenir à une planification socialiste globale.
On remarque, après l’avoir lu, qu’il met en évidence l’essence même des problèmes idéologiques et politiques qui reflètent le débat au sein du Parti et de la société chinoise dans toutes ses institutions (universités, presse, direction des entreprises publiques et privées, cercles culturels, opinion publique au sens large), tandis que les autres essais exposent principalement les propositions et les discussions développées dans les institutions aux différentes étapes de leur développement économique depuis le lancement de la politique de « réforme et d’ouverture », non seulement sur la relation entre le plan et le marché, mais aussi sur la restructuration des entreprises publiques, la vente de celles qui sont déficitaires dans les secteurs non essentiels, la création de sociétés mixtes, la présence de multinationales étrangères, la propriété collective et la propriété mixte publique-privée (tant au niveau supérieur, comme pour les joints ventures, qu’au niveau inférieur, comme pour les coopératives).
Deux organes principaux sont mentionnés pour l’étude et le développement du marxisme chinois : le premier est le Parti, le second concerne les universités. L’auteur partage l’idée que la discussion doit se dérouler parallèlement dans ces deux instances, contrairement au passé où, non seulement en Chine mais dans tous les pays gouvernés par des partis communistes, la recherche idéologique et le développement de la théorie marxiste relevaient exclusivement de la compétence des instances du parti.
Interrogeons-nous sur les raisons de cette situation et discutons des propositions de Cheng Enfu pour :
a) la discussion et l’interaction entre la recherche universitaire et les études du Parti.
b) la promotion d’une recherche universitaire plus approfondie selon le principe de Mao selon lequel cent écoles rivalisent et cent fleurs s’épanouissent.
c) le dialogue au niveau international avec les centres marxistes sur la base du développement du marxisme chinois, qui tient compte de la culture chinoise de Confucius à Sun Yatsen, ainsi que de l’apprentissage à l’étranger des concepts marxistes, en appliquant le principe de Mao : « faire en sorte que le passé serve le présent et que ce qui est étranger serve la Chine ». En conclusion, le marxisme politique ne peut pas être utilisé pour remplacer le marxisme académique.
Je souhaite exprimer mon opinion à ce sujet, inspirée par les propositions de Cheng Enfu et par le fait, comme il le souligne bien, qu’en Chine, la lutte idéologique pour affirmer et approfondir le marxisme est très développée, car les points de vue qui nient la validité du marxisme sont bien ancrés dans de nombreux milieux universitaires.
Cheng Enfu affirme clairement que le changement amorcé par la réforme entamée en 1978 n’est pas dû à l’échec de la planification centralisée, qui a obtenu de grands résultats depuis 1949, mais aux nouvelles conditions qui se sont créées. Il cite d’ailleurs Xi Jinping pour dire que les deux périodes ne s’excluent pas mutuellement.
Je pense que si l’économie mondiale est aujourd’hui à un niveau d’intégration très avancé et que la politique de « réforme et d’ouverture » a bien navigué dans une mer parfois agitée, le processus d’interaction a cependant commencé dans les années 1950 entre les économies des pays socialistes, puis a échoué en raison des diktats de Kroutchev qui plaçait les intérêts de la grande puissance de l’ Union Soviétique au détriment des pays frères, surtout lorsque l’un d’entre eux, comme la Chine, ne voulait pas être sacrifié sur l’autel de la copropriété américano-soviétique née après la guerre froide au moment où l’URSS démontrait par les faits, dans les premières années soixante, qu’elle était devenue un géant militaire, mais avec un tissu économiquement faible. J’ajouterai que la politique de « réforme et d’ouverture » n’aurait pas pu décoller sans le tournant dans la politique internationale avec la visite de Nixon en Chine en février 1972.
À mon humble avis, il est erroné d’établir un rapprochement mécanique entre la politique de Deng et celle de Boukharine sur la NEP, car les contradictions antagonistes de cette phase historique (l’URSS, seul pays en voie de socialisme, était encerclé par l’impérialisme) étaient différentes de celles du moment où la Chine a lancé sa réforme, car l’ encerclement américain et japonais et la confrontation acharnée avec l’URSS de Brejnev avaient été vaincus sur le plan politique, économique, militaire (la Chine lançait des missiles balistiques, des satellites et s’était dotée d’ogives nucléaires) et diplomatique (à la fin de 1971, elle avait retrouvé, avec une large majorité des membres de l’ Assemblée générale des Nations unies et bénéficiait du droit de veto au Conseil de sécurité). Je suis donc d’accord avec ce que Xi Jinping affirme et ce que Cheng Enfu répète sur l’absence de contradiction entre la politique économique des deux périodes (1949-1977 ; 1978 à nos jours). Pour mettre en œuvre la politique de Deng, il fallait de nouvelles conditions internationales par rapport à celles qui existaient de 1949 jusqu’au début des années 1970 ; des conditions qui n’existaient pas en URSS dans les années 1920, ce qui rendait l’industrialisation forcée et la collectivisation de l’agriculture inévitables. Cela ne justifie pas toutefois, avec le recul, la nationalisation de toute forme de petite activité économique telle que celle des artisans et des commerçants.
Cheng Enfu souligne clairement qu’avec la politique de réforme, dans certains milieux universitaires chinois et au sein même du Parti communiste, la validité du marxisme était remise en question et le nihilisme ou les thérapies économiques néolibérales étaient pratiqués. Il souligne trois étapes théoriques importantes dans le développement du marxisme :
a) les Trois Représentations énoncées en 2000 par Jiang Zemin (développement des forces productives, promotion de la culture la plus avancée et service constant des intérêts généraux des grandes masses) .
b) La perspective d’un développement économique dans le respect des lois de la nature .
c) L’affirmation dans le Parti de la pensée de Xi Jinping concernant le socialisme aux spécificités chinoises.
Je pense qu’aujourd’hui, ces trois étapes théoriques représentent une évolution du marxisme au niveau international et pas seulement en Chine ; par conséquent, leur compréhension nous aide, d’une part, à comprendre l’échec du Parti communiste de l’Union soviétique qui a conduit à la dissolution de l’Union et, d’autre part, à comprendre comment les partis communistes du monde capitaliste doivent fonctionner.
En traitant du développement du marxisme au niveau théorique et comme guide pour la pratique, il est intéressant de discuter de ce que dit Cheng Enfu, à savoir les trois étapes pour parvenir à la formation sociale communiste :
a) la première phase représentée par la transition du capitalisme à la phase initiale du socialisme ;
b) la deuxième phase comme une longue phase initiale du socialisme qui devrait s’épuiser en Chine vers 2049, où fondamentalement la propriété publique exerce la direction du développement et la rémunération est fonction de la quantité et de la qualité de travail fourni, – mais le secteur privé se développe également– tandis que la planification consiste en des directives générales d’orientation et que le marché sollicite l’allocation des ressources, le système économique étant basé sur une économie socialiste de marché ;
c) la troisième phase, c’est-à-dire la phase intermédiaire et finale de la formation soxial-socialiste, dans laquelle toute l’économie sera basée sur la propriété publique et collective et la rémunération basée elle, principalement sur la quantité et la qualité du travail fourni et aussi sur les besoins de certaines catégories sociales, et donc les différences de salaire et de pension seront modulées pour préparer le passage au communisme sur le critère des capacités et des besoins de chaque individu.
Je me permets d’ajouter que dans la longue phase primaire du socialisme, il faudrait également augmenter la production de valeurs sociales et réduire tendanciellement celle des valeurs d’échange encore prédominantes ; tandis que dans la phase finale, les valeurs d’échange seront faibles et les valeurs sociales prédomineront presque entièrement.
Selon Cheng Enfu, le marxisme est lié à toutes les sciences humaines et sociales. Je pense qu’il se réfère également aux sciences biologiques, chimiques et physiques pour nous aider à comprendre dans le détail. En réalité, comme l’avait dit Descartes au XVIIe siècle, la science est une et une seule et se divise en de nombreuses branches d’étude ; et la méthode d’investigation pour ces branches et pour nous marxistes, comme l’avait découvert Galileo Galilei, elle est toujours la même : induction, déduction et vérification de l’expérimentation. Et le marxisme, fondé sur le matérialisme dialectique et historique (la conception matérialiste de l’histoire), est une branche de la science.
Outre cet essai « Dix points de vue sur le marxisme en Chine et à l’étranger, » les autres essais inclus dans l’édition italienne du livre contiennent des éléments d’un grand intérêt pour la discussion économique entre marxistes, tant chinois que du monde entier, en commençant par les indicateurs proposés pour évaluer le développement économique et le bien-être social à la place du PIB (qui ne dit rien, même pour nous, marxistes occidentaux, comme nous l’avons souligné depuis longtemps) : PIB du bien-être social qui comprend les améliorations de l’économie, de la nature et de la société ; indice de bonheur et de bien-être tant au niveau individuel et familial qu’au niveau social et national. Il s’ensuit à juste titre que dans la discussion sur les systèmes économiques, il faut faire une distinction entre le système économique et le modèle économique, car dans la réalité mondiale, il existe deux systèmes économiques (le capitaliste et le socialiste) et autant de modèles économiques que celui basé sur la théorie quantitative de la monnaie et le libéralisme intégral ; suivi par le keynésianisme, accepté par presque tous les pays capitalistes depuis le New Deal de Roosevelt jusqu’à la première moitié des années 1970 ; pour revenir à des modèles monétaires néolibéraux qui favorisent les multinationales et réduisent l’intervention de l’État ; en retour, dans les pays qui se dirigent vers le socialisme, on observe des modèles qui reflètent les caractéristiques spécifiques de chaque pays.
À cet égard, le modèle chinois après le XVIIIe Congrès du PCC est basé sur le développement d’activités productives qui favorisent la croissance de la demande intérieure combinée à la demande étrangère, dans le but de faire de la Chine une puissance économique et non une usine mondiale de transformation, en raison du niveau de salaire plus bas que celui des pays capitalistes avancés et aussi pour ne pas dépendre des technologies étrangères mais les produire en interne et, par conséquent, le passage d’une économie extensive à une économie intensive de haute qualité a été approuvé par le XIXe Congrès.
Le modèle chinois suscite également certaines critiques au sein du pays de la part de certains chercheurs qui le qualifient de néolibéral parce que les activités privées ont été encouragées et qu’un écart considérable entre les régions et les revenus s’est creusé, tandis que d’autres soutiennent au contraire qu’il s’agit d’un modèle social-démocrate de type suédois et nordique parce que l’État cherche à atténuer les contradictions de classe mais pas à les résoudre.
Pour Cheng Enfu, en revanche, la réforme et le développement du système économique ont toujours été guidés par la théorie marxiste, d’une part parce que l’État joue un rôle de guide de l’économie, notamment par le biais du « pilier de l’économie que constitue la propriété publique » (comme indiqué lors du XVIIIe Congrès du PCC), et parce qu’il a renversé l’idée de l’économie capitaliste occidentale selon laquelle seule la propriété capitaliste privée peut être combinée avec l’économie de marché.
La question revient alors de savoir comment améliorer le système économique de base pour empêcher le capital des multinationales de contrôler de nombreux secteurs économiques chinois et renforcer au niveau national la coopération entre le capital public et privé. Le premier mot clé est donc « propriété publique ».
Le deuxième mot clé est « distribution », qui doit être principalement basée sur le travail et, dans un second temps, sur d’autres méthodes subsidiaires. Selon lui, le dilemme se pose entre la distribution en fonction du travail (y compris la rémunération de la capacité entrepreneuriale) et celle basée sur le marché à travers quatre liens :
a) la productivité du travail ; b) le taux de profit de l’entreprise ; c) le revenu des dirigeants ; d) la variation des prix locaux. En retour, on aura la distribution en fonction du capital telle qu’elle est pratiquée dans les pays capitalistes.
À mon humble avis, le problème de la différenciation des salaires sur la base du marché pourrait peut être légèrement atténué, mais il ne sera pas complètement résolu, au contraire, il se développera certainement de la même manière entre l’industrie et d’autres secteurs de production et au sein du même secteur industriel, en raison de la productivité différente des entreprises (qui n’est pas seulement déterminée par la productivité du travail mais aussi par celle des capitaux investis).
Le troisième mot clé est « réglementation », c’est-à-dire la réglementation du marché pour l’allocation des ressources, plutôt que la réglementation par le Congrès national du peuple. À cet égard, on cite Samuelson, Stiglitz et Krugman, c’est-à-dire trois économistes de l’école keynésienne. Le rapport au XVIIIe Congrès explique comment « trouver un équilibre entre le rôle du marché et celui du gouvernement ». En ce sens, on disait à l’époque que la Chine devait réformer son système fiscal, son système de taxation et son système financier, tandis que les problèmes à résoudre étaient l’intégration urbaine-rurale, le retard de l’agriculture et des zones rurales et les faibles revenus des habitants de ces mêmes zones rurales.
Le quatrième mot clé est « ouverture », car elle optimise l’allocation des ressources et, par conséquent, la « mondialisation économique favorise le bénéfice mutuel » et une production « diversifiée, équilibrée, sûre et efficace. Le problème, comme déjà mentionné, est de ne pas subir la dépendance technologique, de ne pas trop compter sur le rôle d’exportateur du pays et de favoriser la consommation intérieure ». Enfin, pour répondre à la politique monétaire américaine consistant à émettre des dollars en excès, la Chine « doit contrôler de manière adéquate ses réserves de devises étrangères et augmenter activement l’utilisation des devises étrangères ».
Je me pose maintenant les questions suivantes et je les adresse aux chercheurs qui suivent marx21.it :
a) qui a promu la mondialisation et pour quelle raison ?
b) Pourquoi les États-Unis ont-ils tendance à revenir au protectionnisme ?
c) Peut-il y avoir un retour intégral du protectionnisme pour permettre au mode de production capitaliste de résister à la réduction de sa base productive au niveau mondial, précisément à la suite de ce protectionnisme, sans déclencher de guerres régionales comme celles que nous observons actuellement ?
Le PIB a augmenté de 9 % en Chine au cours des 40 dernières années, tandis qu’il a augmenté de 3 % dans le monde. Si l’on considère la théorie de Samir Amin sur le centre et la périphérie, la Chine est aujourd’hui presque au centre et deviendra bientôt le centre absolu, mais elle n’exploitera jamais la main-d’œuvre d’autres pays, au contraire, elle aidera les pays en développement.
Selon Cheng Enfu, le principal paradoxe du capitalisme à l’époque actuelle est « le paradoxe entre la socialisation et la mondialisation de l’économie mondiale et l’anarchie et le désordre qui prévalent dans les économies nationales et dans l’économie mondiale ».
À mon humble avis, cette formulation me semble très réductrice car il elle sous tend plusieurs contradictions fondamentales et, selon le moment historique, l’une ou l’autre d’entre elles devient prépondérante :
a) le conflit entre l’impérialisme et les pays et les peuples opprimés ;
b) entre les pays impérialistes et les pays en voie de socialisme ou, au sens large, entre les pays du G7 et les BRICS+ ;
c) entre le capital et le travail à l’intérieur de chaque pays capitaliste, grand ou petit;
d) entre les pays impérialistes.
Toutes ces contradictions se déroulent dans un contexte général où le mode de production capitaliste modifie les conditions naturelles d’existence que d’autres sociétés d’exploitation du passé, aussi dures qu’elles aient pu être, comme la société esclavagiste ou la société féodale, n’avaient pas eu la force de le faire.
La Chine représente 15 % de la production, tandis que son taux de croissance par rapport à celui de l’économie mondiale est de 30 %. Selon l’auteur, il est nécessaire d’améliorer le système financier pour aider l’économie réelle, les lois sur la propriété intellectuelle, les investissements dans la recherche fondamentale appliquée sont incontournables pour créer de nouveaux talents. Il énumère en particulier plusieurs questions à débattre :
a) améliorer le système des droits de propriété et garantir l’allocation des ressources basée sur le marché ;
b) améliorer le mécanisme défectueux de détermination des prix ainsi que le système de faillite des entreprises au-delà du droit des entreprises à fixer les prix de manière indépendante par l’interaction des lois de la valeur, de l’offre de la demande et de la concurrence ;
c) briser le protectionnisme local et les monopoles administratifs pour uniformiser l’accès au capital privé dans tout le pays ;
d) redistribuer les revenus pour réduire les écarts entre les secteurs productifs, entre les villes et les campagnes, entre les résidents et les non-résidents ;
e) améliorer l’assiette des impôts sur le revenu des personnes physiques horizontalement et verticalement et unifier les taxes sur la consommation.
Selon Cheng Enfu, le fossé entre le développement urbain et rural est énorme : les trois régions très développées de Chine sont :
a) Beijing-Tianjin-Hebei, avec 2,3 % de la superficie, qui produit 8 % du PIB ;
b) la ceinture économique du fleuve Yangtsé, avec 21 % de superficie, qui produit 40 % du PIB ; la grande baie de Guangdong-Hong Kong-Macao, avec le plus grand pont reliant Hong Kong à Macao et avec les mégalopoles de Shenzhen et Guangzhou, seul centre économique et commercial intégré avec 70 millions d’habitants, 12 % du PIB et 37 % des exportations, devrait devenir une région capable de rivaliser avec la Silicon Valley de San Francisco.
Il souligne la nécessité de promouvoir une stratégie de développement urbain-rural coordonnée et de créer des fonds pour le développement rural par le biais de politiques fiscales, financières et sociales.
La politique écologique énoncée par le président Xi Jinping dans ses discours pour préserver « les eaux claires et les montagnes luxuriantes en tant que biens inestimables » revêt une importance particulière pour Cheng Enfu. Elle pose de nombreux défis, car, dans le passé, lors de la phase d’urbanisation et d’industrialisation rapides, caractérisées par une consommation d’énergie élevée, une pollution importante et des revenus faibles, peu d’attention a été accordée à la question cruciale de l’adéquation entre les investissements aux conditions naturelles d’existence et de plus en termes de consommation d’énergie, il subsiste des extravagances et un faible sens social, le système de protection juridique et l’évaluation environnementale n’étant pas parfaits.
Il s’agit bien sûr de problèmes très complexes qui sont devenus urgents dans un contexte international difficile et contradictoire, car d’une part, la concurrence économique internationale et les différents mécanismes d’utilisation des ressources s’exacerbent et, d’autre part, on entrevoit un recul de l’impérialisme lorsque les ressources énergétiques primaires viennent à manquer. Il faut dire que ce thème actuel a été abordé de manière décisive par le XXe Congrès du Parti communiste et que les orientations approuvées ne sont pas reprises dans le livre car les essais qui y figurent ont été écrits avant sa vulgarisation.
Ces questions concernent tous les pays, capitalistes et socialistes, mais si les premiers ne sont pas en mesure de les résoudre pour des raisons objectives, les aggrarvant même, , car le système se développe selon la loi du profit maximum en recherchant de nouveaux secteurs d’investissement comme si l’on pouvait recréer le mouvement perpétuel (et en ce sens, une déclaration de développement vert a été un leurre pour breveter de nouvelles technologies et les imposer aux pays en développement), aujourd’hui, face au fiasco obtenu parce que la Chine a beaucoup progressé dans l’ innovation et la recherche, les dirigeants des pays capitalistes ont éliminé l’hypocrisie antérieure du développement vert pour revenir tranquillement aux sources d’énergie traditionnelles. Contrairement à eux, les pays qui s’orientent vers le socialisme, en respectant les lois des transferts d’énergie, sont capables de réaliser un modèle de développement écologique pour ne pas nuire à l’environnement et perturber les processus naturels.
Pour entrer dans la façon dont la question a été posée par Chen Enfu, nous pouvons nous demander si le problème écologique pourrait-il être résolu uniquement en s’appuyant sur l’innovation et le progrès scientifique ? Ou bien en créant un système ouvert, diversifié, équilibré, sûr et efficace, et en modifiant la structure des exportations tout en essayant de faire face à la concurrence étrangère des pays qui ne supportent pas les coûts environnementaux ?
Je réponds que ce seront des mesures valables mais, à mon avis, elles ne suffiront pas. Je pense que si, comme le dit Cheng Enfu, il faut partir du principe que la planification et le marché peuvent être unis, cela ne serait que temporaire ou, pour mieux dire, par phase, et il faudra donc naviguer dans cette mer pour ajuster la main invisible du marché avec la main visible du gouvernement. Cependant, à long terme, ils seront en lutte pour réaliser les objectifs de la nouvelle formation socialo socialiste.
Marx disait que dans la société communiste, l’évaluation économique prépondérante doit être basée sur l’utilité sociale de ce qui doit être produit. Mais entre la société capitaliste fondée sur la recherche du profit maximum et la société communiste à réaliser dans un avenir lointain, dont les choix économiques seront basés sur l’utilité sociale, , il y a une longue phase de transition à assumer, au cours de laquelle le principe de la valeur est encore appliqué, mais à mon humble avis, dans la phase avancée de la transition, comme c’est le cas de la Chine dans les années 1930, ce ne doit pas être ce principe qui mesure « les valeurs d’échange » qui sont hautement entropiques, mais celui qui mesure « les valeurs sociales » dans le respect des conditions naturelles d’existence.
Cheng Enfu invoque une orientation pour le développement durable, car les êtres humains ont leur origine dans la nature, sont dépendants des ressources naturelles et celles-ci sont limitées. Le concept de civilisation écologique consiste à respecter, défendre et soutenir la nature. Il cite abondamment l’ouvrage d’Engels «Dialectique de la nature,» suggérant d’établir un nouveau cadre juridique sur les droits de propriété des ressources naturelles (loi de 2014 sur la protection de l’environnement) et proposant de considérer comme objectif du développement économique non pas le PIB comme critère d’évaluation, mais : La consommation de ressources, les dommages environnementaux et les avantages écologiques (ces affirmations me rappellent les écrits de Giorgio Nebbia).
En ce qui concerne le développement écologique, il estime qu’il faut une planification à long terme et une gestion scientifique solide des ressources naturelles par le biais d’une évaluation de l’impact environnemental (une évaluation des résultats et de la comptabilité de ces ressources), en y introduisant un système de veto par le biais de votes pour la protection de l’environnement, en identifiant et en soumettant à un contrôle à vie les responsables des dommages environnementaux et en sanctionnant les fonctionnaires qui font du mauvais travail écologique.
Cheng Enfu évoque également la détermination des prix d’utilisation des biens naturels en fonction du marché, c’est-à-dire en tenant compte d’une part de la rareté de ces biens et d’autre part de la demande croissante, ce qui, en entraînant une augmentation des prix, peut contribuer à économiser les ressources et à réduire la pollution ; cependant, il admet que cela est également en contradiction avec la préservation des biens environnementaux, comme c’est le cas dans les pays capitalistes.
À mon avis, sur la question des prix à imputer aux ressources naturelles, le même paradigme inhérent à la législation environnementale des pays capitalistes est proposé, car l’entreprise (qu’elle soit publique ou privée) répercute les coûts environnementaux les plus élevés sur les consommateurs, ce qui nuit à l’environnement. Revenons donc à ce qui est le problème fondamental : la comptabilité énergétique vient avant la comptabilité économique.
Cheng Enfu met également en évidence les dommages environnementaux causés par le développement du passé, par l’utilisation gratuite des ressources environnementales urbaines, les faibles taxes sur les eaux usées, les rejets industriels ; mais ce n’est pas avec les prix que ce problème sera résolu, mais, comme il le dit, et j’en suis d’accord, en réduisant la consommation d’énergie et en encourageant le recyclage des ressources, tant par les entreprises que par les citoyens.
– Selon Cheng Enfu, la nouvelle normalité de l’économie chinoise consisterait à passer d’une croissance élevée (comme dans la période 2001-2011) à une croissance (moyennement élevée 2012-2019), puis à passer du modèle extensif au modèle intensif. Selon lui, les risques résident dans l’accroissement de la différence entre riches et pauvres, dans la question environnementale, dans le poids accru des investissements étrangers, dans le système économique et dans l’augmentation du secteur privé par rapport au secteur public. Selon lui, les principales lois de l’économie socialiste de marché sont :
a) la loi du développement proportionnel pour obtenir le meilleur résultat de production avec le minimum de travail, loi qu’il considère comme universelle ;
b) la loi de la valeur ;
c) la loi de la plus-value ;
d) la loi de la régulation étatique comme macro-contrôle et macro-régulation dans l’allocation des ressources. Il est donc nécessaire de s’en tenir à la propriété publique comme pivot par rapport aux autres formes de propriété pour :
a) réduire l’écart de revenus, pour améliorer la rémunération du travail sur la base de l’augmentation de la productivité du travail ;
b) atténuer le conflit fondamental entre l’expansion illimitée de la production et la contraction de la demande effective (Keynes) ;
c) combler la différence dans les secteurs d’investissement avec d’autres systèmes de propriété, afin d’aider à résoudre les problèmes déterminés par la loi de la valeur et de réguler le marché en favorisant le développement équilibré de l’économie ;
d) les problèmes qui se posent dans les secteurs privés où la loi de la plus-value est appliquée à chaque investissement, peut entraîner des fluctuations économiques et, surtout, empêcher la fraude fiscale qui est devenue un problème sérieux.
En ce sens, on pencherait vers une approche fondée sur une présence accrue de capitaux publics dans le secteur désormais privé, afin de créer une propriété mixte, qui, en contrôlant le bilan des sociétés par actions avec une présence de capitaux publics et privés, peut prévenir la fraude fiscale des secteurs privés. Dans tous les cas, lorsque le gouvernement intervient, il doit respecter les normes juridiques codifiées.
Il me semble juste en théorie que le principe d’une présence accrue de capitaux publics dans les sociétés par actions permette de prévenir la fraude fiscale, mais il est facile de le négliger dans la pratique en raison de la corruption généralisée, qui est prête à verser des pots-de-vin aux dirigeants des actionnaires publics.
Face aux problèmes de l’économie chinoise créés après 2015 par le ralentissement de l’économie mondiale (alors que les innovations technologiques progressent et que les pays capitalistes mettent en œuvre une désindustrialisation tandis que les pays en développement augmentent leur croissance industrielle), la décision du PCC a été d’introduire des réformes structurelles du côté de l’offre en ouvrant une discussion approfondie entre économistes, notamment parce que les problèmes n’étaient pas clairs au niveau de la masse. Certains secteurs du monde universitaire soutenaient les anciennes positions libérales à partir de la loi de Say et demandaient l’abandon du keynésianisme, la réduction de la fiscalité et de la progressivité de l’impôt pour aider les riches à payer moins d’impôts. Cheng Enfu rejette les positions néolibérales et critique la loi de Say, mais je me demande comment il a été possible que ce courant soit devenu prédominant dans le monde universitaire ? Par conséquent, sans préjudice de la liberté de pensée non seulement des professeurs d’université mais de tous les citoyens, nous devons reconnaître que le secteur universitaire est le principal secteur de formation des jeunes et que, par conséquent, les jeunes ont été formés pendant plusieurs décennies à ces théories éculées qui n’ont pas su expliquer les crises économiques, contrairement à Keynes qui, lui, l’a au moins explicité bien qu’à sa manière, et a proposé des solutions pour corriger le système économique. À ce stade, je me demande si, dans les universités chinoises, les professeurs marxistes ont eu un rôle hégémonique ou non dans les secteurs économiques. La question n’est pas oiseuse.
Cheng Enfu approfondit son analyse avec des explications théoriques et pratiques de l’économie américaine du côté de l’offre et de la demande, en mettant en évidence ses limites et ses contradictions. Il explique notamment la théorie keynésienne et leurs limites à travers les catégories utilisées : demande agrégée, demande effective, propension à l’épargne, à l’investissement et à la consommation ; taux d’escompte officiel et taux d’intérêt ; efficacité marginale du capital ; intervention de l’État pour créer un équilibre général entre l’offre et la demande. Dans l’ensemble, il considère les thérapies keynésiennes comme une politique à court terme et non à long terme attribuant à celles-ci la responsabilité de la stagflation des années 70, ainsi que, à juste titre, la relation entre le keynésianisme et la politique environnementale. En ce qui concerne la stagflation, attribuer toute la responsabilité à la politique keynésienne me semble injuste, tant pour les dépenses militaires excessives qui n’ont pas beaucoup augmenté, l’ emploi pour les effets induits manquants (et je ne pense pas honnêtement que Keynes ait énormément encouragé les dépenses militaires) et parce que l’augmentation des dépenses publiques, du moins en Italie, a été le fait des gouvernements démocrates-chrétiens pour distribuer, au moment des élections, des subventions à fonds perdus et des prêts à taux réduit à différentes catégories sociales, tels que les agriculteurs (s’ils amélioraient leurs terres ou achetaient des machines agricoles) et les artisans de toutes catégories (s’ils achetaient des machines) et des millions de voix étaient ainsi assurées (alors qu’au même moment, les industries qui vendaient ces machines, comme Fiat, voyaient leur chiffre d’affaires augmenter, notamment parce que l’augmentation de la demande faisait augmenter les prix) ou pour favoriser, par le biais du système de pots-de-vin, le financement occulte du Parti et des autres petits partis au pouvoir.
En retour, il explique la loi de l’offre et de la demande dans la théorie marxienne et l’équilibre à atteindre sur la base du rapport entre la production de masse socialisée et la proportion de travail social employé. Il reconnaît que le keynésianisme et l’économie de l’offre ont de grandes limites et que, pour la Chine, ils ne peuvent être utilisés que comme référence et non comme guide pour la réforme et le développement. « Ce n’est que lorsque la quantité de travail social investie dans la quantité sociale d’une marchandise donnée, que l’offre et la demande peuvent être équilibrées, que la marchandise peut être achetée et vendue selon sa valeur marchande. (…) Par conséquent, la réforme de l’offre doit suivre l’orientation du marché, c’est-à-dire l’orientation de la demande finale » (voir p. 276).
La citation de Marx rapportée à la page 277 est tirée de ‘Pour la critique de l’économie politique » à la page 181 sur « la production qui produit la consommation, (…) la manière déterminée de consommer, puis ensuite, en créant l’incitation à la consommation, la capacité même de consommer sous forme de besoin » a surtout le sens que le capitalisme, pour faire consommer ses marchandises, crée de faux besoins (je donne un exemple : du faux besoin de fumer qui devient un besoin de masse grâce aux cigarettes, alors qu’à l’origine, le tabac ne servait qu’à produire des cigares ; à l’utilisation excessive de cosmétiques et de téléphones portables ; ces derniers masquent le véritable besoin social de communiquer par le faux besoin de communiquer sur des choses inutiles ou provoquent l’anxiété de la communication continue).
À la page 279 de Dialectique de l’économie chinoise, on peut lire que « la reproduction sociale est le « point de départ effectif » du processus dans son ensemble et donc le facteur dominant. Dans la nouvelle normalité économique, l’effet créatif de la production sur les biens de consommation, les méthodes de consommation et les consommateurs exigent que l’innovation de l’offre guide la demande et crée la demande. Il faut s’efforcer de renforcer les réformes structurelles du côté de l’offre, de promouvoir les réformes structurelles de l’économie et d’améliorer la qualité et l’efficacité du côté de cette offre, afin de réaliser la transformation structurelle de l’économie et sa modernisation.
À la page 280, en partant de Marx, on lit : L’équilibre entre l’offre et la demande est relatif et accidentel, tandis que le déséquilibre entre l’offre et la demande est absolu et naturel. L’équilibre entre l’offre et la demande doit être atteint par la concurrence, à partir de leur déséquilibre. L’État, en accord avec les besoins de la société pour chaque type de marchandise, devrait orienter la distribution du travail social de manière prospective et promouvoir l’équilibre entre l’offre et la demande.
Je partage également ce qui est écrit à la page 281, à savoir que « la demande est le but, tandis que l’offre n’est qu’un moyen, un instrument qui satisfait le but », tandis qu’à la page 282, il est dit que « la priorité doit être donnée aux recettes qui peuvent augmenter la demande à court terme » et que « les trois moteurs de l’économie chinoise sont la consommation, les exportations et les investissements » en améliorant la qualité grâce aux progrès de la science, de la technologie et de l’éducation et qu’« en combinant l’expérience de la gestion de la demande des pays occidentaux et la gestion de l’offre de la Chine, on peut former un nouveau système de macrocontrôle qui inclut à la fois la gestion de la demande et de l’offre »
Je suis d’accord, mais nous sommes toujours dans le domaine de la production de marchandises. Je me demande donc :
Pendant combien de temps encore cette production sera-t-elle l’aspect principal de l’activité économique d’une société en direction de la pleine réalisation de la première phase du socialisme ?
N’est-il pas encore temps d’inverser la tendance et de donner la priorité à la production de biens sociaux en démantelant les faux besoins et donc en produisant moins de marchandises ?
Et à cela, il faut ajouter, à mon humble avis, la véritable critique du keynésianisme !
Il faut évidemment aussi tenir compte du facteur temps : le livre rassemble des écrits formulés avant 2019 et, par conséquent, les bouleversements du marché après le Covid-19 et la guerre en Ukraine, la politique des droits de douane qui tend à briser le marché mondial et la soi-disant mondialisation vue sous ses deux aspects, le premier, positif, , c’est-à-dire la mondialisation de l’économie, et le second, négatif, l’imposition hégémonique des pays du G7 sur le reste du monde en ce qui concerne la circulation des capitaux et des marchandises ; ainsi que la crise du dollar en tant que principale réserve de devises internationales et l’élargissement des BRICS+ à une trentaine de pays qui détruisent le monde unipolaire sous direction américaine.
– Cheng Enfu expose cinq nouveaux concepts de développement : innovation, coordination, durabilité écologique, ouverture et partage.
En ce qui concerne l’innovation, il propose de se concentrer sur la qualité des produits, l’optimisation structurelle et l’innovation technologique en dépassant ce qu’il définit comme des erreurs passées dans la politique de «réforme et ouverture» tel que lle principe «mieux vaut acheter que produire, mieux vaut louer que acheter», car il a, selon lui, eu un effet négatif, car il a empêché la croissance déjà amorcée de l’industrie automobile et aéronautique.
Il distingue trois phases dans la politique de « réforme et d’ouverture » lancée en 1978 : la première, fondée sur la priorité d’introduire des capitaux étrangers ; la deuxième, après 1998, sur la mondialisation ; la troisième, après le XVIe Congrès (2002), sur l’innovation indépendante et la dénonciation de la responsabilité des multinationales dans la promotion des campagnes de corruption, qui se sont installées en Chine dans le but d’utiliser les ressources humaines abondantes et bon marché pour développer des technologies et des produits adaptés à la Chine, puis de partir et de « nous les vendre à des prix élevés ». Il souligne également que certains économistes chinois pensent différemment, considérant l’innovation indépendante comme un piège et invitent à ne pas tomber dedans.
En ce qui concerne le développement coordonné, il énumère dix nouvelles idées et stratégies :
1) en premier lieu, harmoniser le développement économique et social par la répartition des richesses et des revenus, de l’emploi, des soins médicaux, du logement, de l’éducation et de la sécurité sociale ;
2) coordonner le rythme et l’efficacité du développement ;
3) coordonner le développement entre les régions (en plus du delta du fleuve Yangtsé, du delta de la rivière des Perles, de la zone économique centrale, de la BRI, du développement coordonné de Pékin, Tianjin et Hebei, de la ceinture du fleuve Yangtsé, des régions occidentales, de la revitalisation des anciennes bases industrielles du nord-est) en fonction de leurs caractéristiques territoriales ;
4) coordonner le développement des zones urbaines et régionales avec une urbanisation innovante pour apporter des avantages et de l’efficacité aux deux zones et éliminer un grand écart ; réguler la migration des habitants des zones rurales vers les villes ;
5) développer en synergie l’homme et la nature pour utiliser correctement les ressources naturelles et protéger l’environnement ;
6) coordonner le développement entre le secteur public et le secteur privé en redonnant vitalité et compétitivité aux entreprises publiques ;
7) coordonner le développement, auparavant fondé sur le devenir riche, alors qu’il l’est maintenant sur la prospérité commune, par une action gouvernementale visant à réguler les revenus démesurés des groupes à hauts revenus, pour pouvoir augmenter le revenu des groupes à faible revenu, et améliorer ainsi le système légal de perception des impôts et taxes et donc pour mettre fin aux revenus illégaux ;
8) il faut délibérer sur la coordination du développement matériel et spirituel à travers le meilleur niveau de production et de consommation matérielle ainsi que de production et de consommation culturelle, c’est-à-dire en améliorant les valeurs socialistes de base, renforcer la soft power idéologique et culturelle et la concurrence internationale dont le marxisme et sa théorie sinisée en sont l’âme ;
9) faire un effort coordonné dans les domaines du développement technique et institutionnel et ne pas opposer le développement de la productivité à celui des rapports de production, en donnant la priorité à l’un par rapport à l’autre ;
10) le développement interne et externe doivent être coordonnés ; utiliser le développement financier pour servir l’économie réelle, tout en empêchant les capitaux étrangers de former des monopoles financiers en Chine, et enfin renforcer le système juridique et l’efficacité du marché boursier.
En ce qui concerne le développement ouvert, il propose d’exploiter l’innovation technologique indépendante telle que la grande vitesse chinoise, de planifier l’industrie en temps réel en phase avec le développement de l’Allemagne et augmenter le pourcentage du PIB consacré à la recherche scientifique et technologique par rapport au faible niveau de 2,1 % de 2014 ; tirer les leçons de l’expérience d’autres pays comme le Japon et l’Allemagne de la seconde moitié du XIXe siècle avant de s’ouvrir au libre marché, ainsi que de la Corée du Sud où le nationalisme économique est plus fort que celui de la Chine ; empêcher les capitaux étrangers de former des monopoles financiers en Chine ; après l’acceptation du renminbi comme monnaie du panier des droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international, la réforme financière doit être fondée sur le principe de la sécurité financière.
En ce qui concerne le développement partagé, qui consiste à développer l’intérêt du peuple avec un plus grand bien-être partagé, en réduisant l’écart de revenu et en augmentant la part du revenu du travail dans le revenu total, car depuis les années 1990, la part du revenu du travail dans le revenu total en Chine est en baisse et en 2006, cette part était tombée en dessous de 50 %. La part des revenus du travail et l’écart de revenus sont étroitement liés, tandis que la croissance rapide des revenus du capital et la croissance lente des revenus du travail sont les principales raisons de l’écart de revenu national (p. 396). À son tour, la part du revenu du travail dans l’économie non publique est généralement faible et le salaire moyen est également faible ; à l’inverse, dans l’économie publique, la part du revenu du travail et le salaire moyen sont plus élevés. En 2010, la Chine, dans le cadre de sa restructuration économique, a mis l’accent sur le développement de l’économie privée et des investissements privés, et un grand nombre d’entreprises publiques et collectives ont été privatisées par la vente d’actions ; cela entraînera inévitablement une baisse de la part de la rémunération du travail (p. 357). En outre, les raisons de l’écart s’expliquent par le fait que dans une économie publique, les travailleurs peuvent protéger leurs droits par le biais des conseils des travailleurs et des syndicats, tandis que dans une économie privée, ce sont les employeurs qui déterminent les salaires (p. 358). Dans le passé, c’est-à-dire à l’époque de l’économie planifiée, la stratégie du faible taux de revenu du travail était déterminée par l’ intérêt social d’augmenter l’accumulation et les investissements, alors que par la suite, il a été lié à la stratégie commerciale orientée vers l’exportation et les entreprises étrangères ont transféré en Chine les industries de transformation à faible valeur ajoutée (p. 361), attirées par le grand surplus de main-d’œuvre rurale chinoise. Aujourd’hui, 70 % des travailleurs chinois travaillent dans des entreprises non publiques ; donc, si l’on applique un système de salaire minimum, on crée la base pour augmenter la part du revenu du travail et on empêche ce qui s’est produit, à savoir que certaines entreprises chinoises sont devenues des sweatshops en foulant aux pieds les normes internationales du travail, c’est-à-dire les environnements de travail mauvais et dangereux avec de faibles rémunérations et de nombreuses heures de travail, en violation des limites imposées au travail des enfants.
Cheng Enfu souligne que l’inégalité dans la répartition de la propriété et des revenus en Chine est désormais si grande, avec un coefficient de Gini supérieur à celui des États-Unis ; 1 % des familles les plus riches reçoivent un tiers du revenu familial de la Chine comme aux États-Unis et, en plus du revenu, il y a un élément plus important, représenté par leur richesse. Sans compter ceux de Hong Kong, Macao ou Taïwan, où il y avait 596 milliardaires (+ 242) en 2015, contre 537 aux États-Unis. La nécessité qui en découle de réduire les revenus élevés a suscité une série de controverses dans les milieux universitaires et politiques, et il y a même eu des articles affirmant que « les riches représentent le moteur économique et le modèle social ».
Cependant, lors de la cinquième session plénière du XVIIIe Comité central, il a été décidé de renforcer et d’améliorer la propriété publique, en se concentrant sur la répartition du travail, car au cours des années précédentes, la position dominante de la propriété publique et de la répartition en fonction du travail progressivement affaiblies et le pourcentage des revenus du travail avait diminué. Actuellement, la plupart des travailleurs sont employés dans des entreprises non publiques et, par conséquent, les propriétaires ont le dernier mot sur l’augmentation ou non des salaires. Par conséquent, si les différents gouvernements aux différents niveaux ne coordonnent leurs activités qu’après que des conflits du travail se soient produits, ils se trouveront dans une position passive et seront difficilement en mesure de refléter la nature ouvrière du gouvernement du peuple.
Il existe une différence profonde entre le développement partagé et l’économie du partage soumise aux lois du développement du capital, car le développement partagé est lié aux droits de propriété avec la propriété publique comme élément principal et englobe tous les domaines économiques (production, distribution, échange et consommation) et les bénéfices publics servent à créer de nouveaux parcs, écoles et hôpitaux. Le développement partagé devait s’attaquer au déséquilibre régional non coordonné à l’époque du XIIIe plan quinquennal, c’est-à-dire les anciennes zones révolutionnaires, les zones frontalières et les zones touchées par la pauvreté.
Selon Xi Jinping, le développement coordonné doit adopter la méthode dialectique selon laquelle tout présente deux aspects : la civilisation matérielle et la civilisation spirituelle doivent être développées simultanément ; mais cela n’a pas été le cas et il faut mettre en avant l’esprit de Lei Feng et des pionniers de la civilisation spirituelle dans tous les domaines de la vie.
Il faut tenir compte du fait que le taux d’urbanisation réel a dépassé les 50 %, mais que le taux enregistré est de 40 %, ce qui signifie que 240 millions de travailleurs migrants ne bénéficiaient pas des avantages des résidents urbains en matière de services publics, de logements à prix modérés, d’éducation, de travail, de soins de santé pour les personnes âgées, au moins jusqu’au 13e plan quinquennal. Le XIIIe plan quinquennal, approuvé après le XVIIIe Congrès, a mis l’accent sur l’innovation pour que la Chine soit à l’avant-garde dans le monde, en développant une vision stratégique et une pensée globale par le biais d’une planification à long terme, en prêtant attention au développement de la science et à l’interaction entre le développement des technologies et des industries.
– Selon les directives de Xi Jinping, il est nécessaire de promouvoir la modernisation du système de gouvernement national, grâce à l’impulsion de l’innovation institutionnelle, avant tout en rationalisant les institutions et en décentralisant le pouvoir pour créer un gouvernement léger, efficace, fort et faisant autorité, en suivant une direction socialiste et non en copiant simplement les modèles occidentaux; en évitant le piège de l’occidentalisation et de la séparation des pouvoirs. La Chine doit être profondément consciente qu’il n’y a pas de limites à l’émancipation de la pensée, mais l’activité idéologique des êtres humains doit toujours être combinée avec la pratique, en cultivant une mentalité de « dépassement de soi (pour ne jamais être satisfait) et de transformation de soi ». Il faut développer l’innovation pour être les premiers au monde, en ne s’intéressant pas seulement aux travailleurs de la science et de la technologie, mais en la considérant comme une tâche urgente pour l’ensemble du Parti et de la société. Créer les conditions pour lancer des talents et attirer ceux de très haut niveau, même de l’étranger, en offrant assistance et opportunités à ceux qui osent créer leur entreprise et qui deviennent les premiers à s’enrichir, gagneront le respect du pays et de la société.
À ce stade, une question me vient spontanément à l’esprit : n’y a-t-il que des incitations matérielles et non spirituelles ?
Cheng Enfu souligne que la Chine doit passer d’un enseignement axé sur les examens à un enseignement basé sur l’innovation et que pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de promouvoir et de protéger un système scientifique, civil et démocratique moderne. Ce n’est qu’en établissant un tel système que la société pourra créer une situation politique qui combine liberté et discipline, unité, cohésion et sérieux. Dans un système social qui manque cruellement de démocratie, tout le monde est prudent, effrayé et craint d’être puni s’il dit ce qu’il pense. Si une seule personne a son mot à dire, on reste dans un système patriarcal marqué par l’absence idéologique et le manque de vitalité. L’histoire a montré que la société ne peut émanciper la pensée des gens que si elle est fondée sur un système scientifique, civil et démocratique et qu’elle peut développer l’innovation.
Enfin, pour Cheng Enfu, « le conflit entre l’économie publique et l’économie privée existe objectivement et il est impossible de l’ignorer lorsque l’on cherche à renforcer et à améliorer les entreprises publiques. Utiliser la création d’un environnement de concurrence loyale comme excuse pour soutenir le principe selon lequel l’économie d’État se retire tandis que l’économie privée progresse, soutenir la propriété des actions pour tous et d’autres pratiques de ce genre ne feront qu’entraver et détruire les biens de l’État (p. 432). « Alors que les politiques de privatisation excessives dans certaines régions ont permis à l’économie privée de se développer à grande échelle. Au nom de la marchandisation, un grand nombre de biens de l’État ont subi une restructuration qui les a vus passer aux mains du privé. Les ressources foncières et minérales ont également été acquises par l’économie privée, ce qui a fait de la Chine l’un des pays où l’écart entre les riches et les pauvres s’est creusé le plus rapidement au cours des dernières décennies (p. 433-434).
Conclusions.
Je pense qu’une discussion approfondie du livre Dialectique de l’économie chinoise est très importante pour notre débat sur la construction du Parti communiste sur le plan idéologique et politique, en élaborant un programme de transition pour transformer le mode de production capitaliste et, par conséquent, sur la base de ce programme, une politique d’alliance sera construite. Carlo Formenti a publié il y a quelque temps une critique du livre en question sur marx21.it. D’autres chercheurs sont intervenus sur Contropiano.org. Je me souviens, quand j’étais jeune militant, que les marxistes italiens débattaient pour savoir si le programme de transition devait être une Alternative démocratique (comme le soutenaient principalement ceux du PCI et une petite partie du PSI autour de Riccardo Lombardi) ou être une Alternative socialiste (positions principalement du PSIUP).
Mon intervention vise à stimuler la discussion et la réflexion dans le moment historique actuel.
Annonce
Views: 240