Avoir à 86 ans la chance d’être entourée d’amitiés attentives au point d’aspirer à ces heures de solitude où je lis et j’écris. Savoir que ce sera avec la même plénitude que lorsque j’avais quinze ans est le cadeau de cette vie, de ce bonheur d’exister dont j’ignore à qui je le dois. Mais c’est un sacré cadeau que de ne pas avoir de meilleur ami que soi-même et en concevoir de la confiance envers les autres. Les vrais gens et ceux des livres. J’ai toujours hanté les bibliothèques mais je me bâtissais aussi des réduits dans lesquels je m’enfouissais sous des monceaux de livres, pour traquer une idée et me demander ensuite à qui et comment la transmettre? J’ai fait le tour de la planète pour vérifier que le monde était aussi beau que celui que je découvrais dans les planches du dictionnaire… et c’était encore mieux que ça, plus inventif, plus cocasse…
Voilà à quoi je réfléchis à ce propos en ce moment : on pourrait croire que je suis passionnée de politique. C’est vrai et c’est faux. La politique c’est l’actualité, l’événementiel, ce qui ne m’intéresse que tout autant que j’arrive à inscrire ce court terme dans des temps à durée variable et souvent si longs que je perds mes interlocuteurs en route. C’est en ce sens que mon métier d’enseignant chercheur m’a comblée, les grands amphis étaient bien obligés de subir ma quête obstinée du pourquoi et du comment… Je revois ces jeunes visages tendus, les sourcils froncés, les uns écrivant, les autres y ayant renoncé et se demandant où j’allais atterrir. On n’aime l’histoire réellement que si l’on en attend l’éblouissement de l’enfant qui ouvre un volume et lit « Il était une fois… » et quand l’histoire est comparable à celle que vous découvrez pas la fenêtre du train qui avale les paysages, cela devient le cinéma.
Quel que soit le sujet que j’explorais, peu à peu il occupait tout mon espace et j’étais étonnée que ma fièvre fit si peu d’adeptes chez mes proches. Il m’arrivait de me demander : pourquoi m’aiment-ils s’ils ne s’intéressent pas à ce qui est si essentiel pour moi ? Et un jour il y a eu cette réflexion d’un parent : « Dany est dans le même train mais pas dans le même wagon… » une manière de percevoir que j’étais une « révolutionnaire », c’est plus simple qu’il n’y parait ; c’est simplement s’acharner à ce que l’histoire de l’humanité ait un sens, un happy end temporaire, celui dans lequel toutes les souffrances et la créativité depuis les origines, s’expliquent enfin dans un changement collectivement assumé. La polémique est élucidation de révolution en révolution, de Spartacus aux bolcheviques…
Et puis il arrive un âge où tout cela devient un bonheur apaisé… si, si je vous l’assure. On découvre l’essentiel et le fait que l’humanité depuis l’aube des temps jusqu’à la banalité du quotidien y a sa place.
Maria, Abraham et Rita ont décoré ma maison de branches et de guirlandes lumineuses, partout des verres colorés avec des bougies chauffe-plat : il reste tant de festin du soir de Noël que même après nous être partagé les restes, j’imagine que je vais pouvoir rester au chaud jusqu’à la fin de 2024.
Et je vais tenter de disposer mon encombrant savoir dans ce livre collectif que j’ai entrepris, j’ai cru que ce serait un échange, et puis j’ai découvert qu’il n’en serait rien. Mais il fallait ne pas renoncer à l’échange au contraire: il suffisait de réduire mes ambitions à l’essentiel, à le penser de telle sorte que ce voyage entre passé et avenir puisse intéresser quelque lecteur comme ça par hasard. J’écris ma part de ce livre, celle qui parle de « civilisation », le communisme a toujours été pour moi une civilisation, des traces et un chemin, avec la conviction que nous sommes bien plus avancés que nous ne l’imaginons dans un basculement irréversible. Nous l’ignorons mais nous mettons nos pas dans des terres inconnues et non dans les ornières inlassablement décrites par ceux qui restent à la surface des choses. Ce décor illusoire d’une propagande qui se fissure. C’est un voyage dans le transsibérien, le continent asiatique jusqu’en Chine et au-delà puisque la terre est ronde, toute une année dans l’entre-deux d’une semaine où on accueillera tous ensemble l’année nouvelle.
Danielle Bleitrach
Le décor que les amis sous la direction de Maria ont créé pour moi dans ma salle de séjour qui est aussi un bureau… une bibliothèque … et dont les vastes baies donnent sur une petite cour enfouie dans la végétation …
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Dechamps Michel
Bon anniversaire Danielle
Michel
admin5319
mon anniversaire est le 17 avril mais Noël et le jour de l’an sont nos célébrations collectives celle des jours qui grandissent vers la lumière…