Hier nous avons publié un article d’un économiste américain qui explique pourquoi les « démocraties » – se limitant selon lui au libre marché et au profit du capital – sont en train de perdre : parce que leur concurrence est déjà la guerre mais une guerre aveugle qui a sapé la base de leur armement. Bien sûr ce n’est pas leur faute, ils se sont fait manipuler par la perverse Chine qui sournoisement a bossé pour détruire leur industrie manufacturière, pas pour se développer grâce au seul travail de son peuple, non l’ignoble Fu Manchu avait un plan ou plutôt des planificateurs alors que les gentils capitalistes occidentaux avancent simplement là où ils trouvent du travail à exploiter et une marge de profit toujours plus élevée … Maintenant ils découvrent où les a conduits leur rapacité, toujours plus de profits, toujours plus de marchandises, le pays de cocagne, le pays se détruit, les travailleurs s’appauvrissent mais tout ça a l’air solide et le dollar devient la monnaie universelle et là c’est bombance… Mais que le doute s’insinue sur le pilier dollar ou sur la puissance de l’armée américaine et tout s’ébranle. Plutôt que de renoncer au profit, au libre marché, il faut le concilier avec la guerre et cela conduit inexorablement au fascisme… Et ce que montrait l’article était que toutes les solutions de guerre économique en temps de « fascisme » sont perdantes.
![](https://histoireetsociete.com/wp-content/uploads/2024/12/Ba92axhIgAAo8gm-18.jpg)
Hier nous avons eu l’illustration symbolique de ce choix du fascisme par « les démocraties occidentales, la chrétienté dans la terre de la laïcité devenue théologie du libéralisme, avec l’extraordinaire cérémonie dans notre Dame de Paris. Mobiliser ainsi 40 chefs d’État dont les trois derniers français, c’était non seulement la bénédiction pétainiste du choix « plutôt Hitler que le Front populaire » à l’échelle nationale et planétaire (enfin ils l’espèrent) mais un constat encore plus déprimant. Le choix n’était même plus entre le Front populaire et Hitler mais entre le libéralisme et un fascisme proche. Plus de Front populaire à craindre, ni aux Etats-Unis, ni en France, ni en Ukraine, la « gauche » avait fait le travail largement et elle se ralliait à la vulgarité d »un pouvoir qu’elle pensait susceptible de satisfaire l’esprit de revanche de la populace. Parce que Trump soyons clairs n’est que le résultat des politiques menées par démocrates et républicains, détruisant l’industrie américaine, et le syndicalisme, le résultat en France des « élites » et courtisans mitterrandiens qui ont fait le même job, les Yves Montand faisant la réclame à la fois pour « vivre la crise » les valeurs entrepreneuriales et le procès du communisme… Ce qui s’est passé dans Notre Dame c’est l’union sacrée d’une trentaine et plus d’eurocommunisme compatible avec le dit mitterrandisme et toutes les soumissions à cette « gauche-là », était là dans notre dame. En première ligne les descendants du mitterrandisme dans tous ses états de Hollande à Mélenchon en passant par le malheureux Olivier Faure face à ce président Macron flanqué de Zelenski et Trump sanctifié… Macron dont le dernier sondage se vante d’une remontée à 22% et qui ne tient en place tel son alter égo de Corée du sud que parce que les agiotages de politiciens ne veulent pas céder leurs privilèges aux mêmes de gauche… Ce président de Corée du sud qui a fourni à Zelenski et Macron la seule justification à l’envoi de missile, celle de l’invasion par la Corée du nord, des présidents qui comme Zelenski gouvernent sous loi martiale, parce que Zelenski n’est plus l’élu de personne et Macron de si peu… Alors ces deux mal élus se jettent dans les bras du grand triomphateur Trump qui les justifie, les adoube avec le sabre et le goupillon… La foule impuissante, désarmée, désorganisée contemple le spectacle dont elle est suffisamment exclue pour qu’il n’y ait même plus à choisir entre Hitler et le Front populaire ce sont les mêmes, ils ne sont là que parce qu’en France comme aux Etats-Unis, les citoyens braillent, roulent les mécaniques, s’occupent d’autre chose surtout puisque tout continue à être fait pour qu’ils soient inopérants. Entre nous qui plaint les citoyens des Etats-Unis, les Ukrainiens d’avoir pareils dirigeants, qui peut faire autre chose que mépriser les Français ?
![](https://histoireetsociete.com/wp-content/uploads/2024/12/Ba92axhIgAAo8gm-16.jpg)
Il ne s’agit pas seulement d’être contre, de proposer la « radicalité » grotesque d’une destitution pour que Le Pen ou Bardella soit plus vite élus, il faut mettre en cause l’anorexie intellectuelle, la misère politique face à la réalité du monde qui, comme l’a subodoré le pape, vomit un tel spectacle… Face à une telle analyse on constate qu’en France, les seuls qui ont entrevu le seul possible sont non pas les communistes mais une poignée d’entre eux et les déclarations de Fabien Roussel en particulier. Mais ils ne sont qu’au milieu du gué parce que le choix de l’économie administrée, osons le mot planifiée, et du socialisme a besoin de se diriger vers les BRICS. L’erreur est également celle d’un ethnocentrisme, la tendance à ne pas voir que le monde qui nait ne pense que partiellement dans les catégories de l’histoire de l’occident. Ces quelques réflexions sont une incitation à penser autrement. Il existe en amont de l’économie, de la politique, du droit, une dimension du marxisme qui va prendre de plus en plus d’importance c’est celle d’une anthropologie dont se multiplient les recherches et les rencontres. Ici dans ce blog histoireetsociete nous avons toujours en particulier avec Marianne tenté de montrer l’importance de cette approche.
![](https://histoireetsociete.com/wp-content/uploads/2024/11/BalzacSplendorsMiseries01-9.jpg)
Quel est le rôle de la Chine dans le monde après la primauté américaine ? Il n’est pas pris au piège de Thucydide. Il est hanté par un cauchemar américain du fantôme de Macbeth.
Ces deux visions du rôle de la Chine, après l’effondrement de l’ordre mondial d’après-guerre, sont définies par les traditions culturelles occidentales. Aucune de ces deux images ne contrôlera le rôle futur de la Chine dans le monde après 2024. L’avenir de la Chine, comme celui de son passé, sera tissé à partir des nombreux fils de l’histoire mondiale pour devenir son propre tissu unique.
ANNONCE SPÉCIALE ****
Vous pouvez vous joindre à moi pour un séminaire spécial (https://lu.ma/ofseiwwq) sur Emmanuel Todd, La défaite de l’Occident.
![](https://substackcdn.com/image/fetch/w_1838,c_limit,f_auto,q_auto:good,fl_progressive:steep/https%3A%2F%2Fsubstack-post-media.s3.amazonaws.com%2Fpublic%2Fimages%2F6604adac-88f5-4e6b-bd5f-d8392a573c48_919x379.png)
Le best-seller de Todd sur la géopolitique n’est pas et ne sera pas disponible en anglais.
Mais ce séminaire en ligne vous expliquera tout. Et je fournirai des traductions de passages clés de La Défaite de l’Occident.
Repenser la géopolitique avec le grand historien français. L’Occident se dirige-t-il vers une défaite stratégique ? Pourquoi ? Et que se passe-t-il ensuite ?
Achetez vos billets ici https://lu.ma/ofseiwwq. Le replay sera disponible spécialement pour les lecteurs des fuseaux horaires les plus éloignés.
Réservez votre place dès maintenant
La Chine et le piège de Thucydide
Le piège de Thucydide a été défini par Graham Allison dans Destiny for War : Can America and China Escape Thucydides’s Trap (2017). Il est devenu la métaphore dominante du récit de la communauté de la politique étrangère occidentale sur l’ascension de la Chine, de la ruine à la prospérité dans l’ordre mondial de l’après-1945. Allison a défini la métaphore ainsi :
Alors qu’une Chine en plein essor défie la prédominance habituelle de l’Amérique, ces deux nations risquent de tomber dans un piège mortel identifié pour la première fois par l’historien grec Thucydide. Écrivant à propos d’une guerre qui a dévasté les deux principales cités-États de la Grèce classique il y a deux millénaires et demi, il a expliqué : « C’est l’essor d’Athènes et la peur que cela a instillé à Sparte qui ont rendu la guerre inévitable. » (p. vi)
Que Thucydide ait eu raison dans cette interprétation importait peu à Allison, sans parler des milliers d’analystes géopolitiques et de stratèges qui ont adopté cette maxime vaguement énoncée d’un général grec raté. Allison a lu Thucydide comme une écriture historique parce qu’il était dans le domaine de la fabrication de mythes sur l’hégémonie américaine. Cette phrase banale de la longue Histoire des guerres du Péloponnèse de Thucydide (écrite vers 400 av. J.-C.) est reformulée par Allison comme une « intuition primitive » qui décrivait un « modèle historique périlleux ». Allison a tiré la sonnette d’alarme auprès de l’élite au pouvoir, qu’il courtisait depuis longtemps. Les États-Unis doivent prendre des « actions difficiles et douloureuses » pour éviter la guerre avec la Chine, tactiquement, et, stratégiquement, pour contenir « une puissance montante [qui] menace de déplacer une puissance dirigeante ».
Le succès de l’idée du piège de Thucydide n’est pas dû à la vérité ou à une compréhension historique du conflit de deux anciennes cités-États, dont la population était estimée à l’échelle des actuelles Waco et Pittsburgh. Il est né de l’anxiété – la menace d’une puissance montante – et du mythe américain selon lequel c’était le pouvoir démocratique qui a façonné l’ordre mondial d’après-guerre. Les États-Unis étaient la réincarnation contemporaine d’Athènes. Allison a ainsi réaffirmé une longue tradition de l’histoire américaine et britannique, qui interprétait l’ascension de l’Amérique dans le monde d’après 1945 à travers des fables de l’histoire impériale et républicaine grecque et romaine classique. Mais maintenant, la menace était Sparte. Ce n’était pas le communisme. C’était la Chine.
Malgré son succès, Destinées à la guerre : l’Amérique et la Chine peuvent-elles échapper au piège de Thucydide est une histoire médiocre. Son récit de l’ordre mondial d’après 1945 est plein de clichés américains standard et n’a aucune des idées sur l’ascension et la chute des empires mondiaux présentées par John Darwin dans Après Tamerlan. Le livre d’Allison est également une histoire du monde de mauvaise qualité. Il a affirmé avoir créé une base de données ou un « dossier » pour étayer ses conclusions. Les dossiers sont présentés ci-dessous. Un bref balayage montre le biais euro-atlantique. Un lecteur de John Darwin, After Tamerlan : the Rise and Fall of Global Empires, détecte immédiatement que ce livre emblématique des relations internationales est de l’histoire de pacotille.
![](https://substackcdn.com/image/fetch/w_1584,c_limit,f_auto,q_auto:good,fl_progressive:steep/https%3A%2F%2Fsubstack-post-media.s3.amazonaws.com%2Fpublic%2Fimages%2F299f4101-a02e-4c93-b224-5642f8f76242_792x1080.png)
De plus, comme le souligne George Yeo, ancien ministre des Affaires étrangères de Singapour, la « perspicacité primitive » d’Allison sur l’histoire provenait d’une profonde ignorance de l’histoire de l’Asie et de l’État qu’il craignait, la Chine.
Si la Chine était comme l’ancienne Union soviétique, alors une telle peur est justifiée, alors les leçons de la guerre du Péloponnèse, le « piège de Thucydide », deviennent pertinentes. Mais la Chine est en fait d’une autre nature.
Et si la compréhension des Grecs donne une fenêtre importante sur l’évolution de la société occidentale, la compréhension de la société de l’Asie de l’Est nécessite une fenêtre différente, et c’est une fenêtre sur l’ascension et la chute de la Chine.
La Chine n’est jamais entrée dans le piège de Thucydide. Son histoire et ses traditions de politique sont différentes. L’imagination stratégique occidentale s’est piégée dans cette projection historique fallacieuse et périlleuse.
Malgré l’histoire bâclée et l’aveuglement culturel du piège de Thucydide, cette mise en garde domine les récits américains, anglo-américains et occidentaux du dilemme chinois. Le livre d’Allison a fourni un faux vernis d’apprentissage classique à la théorie américaine « réaliste » d’après-guerre sur les relations entre grandes puissances. Il s’agit d’un récit des relations internationales comme une lutte à mort sans règles entre l’hégémon et le challenger. C’est un fantasme de la primauté américaine.
Mais il y a une histoire plus profonde et plus sombre du canon occidental derrière les craintes des dirigeants américains et occidentaux qu’une puissance montante ne les remplace en tant que puissance dirigeante de l’ordre mondial d’après-guerre. Cette histoire est plus profonde que la fable d’Allison du père de l’histoire. Il est enraciné dans la culture anglo-américaine encore aujourd’hui parce qu’il exprime une vision plus profonde du pouvoir, de la violence et de la rivalité. C’est l’histoire d’un cauchemar et d’un meurtre. Cette histoire hante les dirigeants américains qui croient que le piège de Thucydide était en effet un aperçu primordial de l’histoire. Il y a un spectre qui hante l’imagination de la politique étrangère occidentale sur le rôle que la Chine pourrait jouer dans l’histoire du monde. Ce spectre est le fantôme de Macbeth .
Image tirée de Throne of Blood, la version de Macbeth par Kurosawa
Le cauchemar américain de la Chine en tant que fantôme de Banquo
Dans la Tragédie de Macbeth de Shakespeare, un challenger au trône écossais devient l’hégémon par un meurtre sanglant, par le régicide de Duncan. Le challenger, Macbeth, a un allié, Banquo, qui remet en question l’ambition de son ami de dominer. Macbeth craignait les bonnes intentions de Banquo et sa préférence pour une civilité harmonieuse.
“… Nos craintes à Banquo
S’enfonce profondément, et dans sa royauté de la nature
Règne ce que l’on craint. C’est beaucoup qu’il ose,
Et à ce tempérament intrépide de son esprit
Il a une sagesse qui guide sa vaillance
Pour agir en toute sécurité. Il n’y a personne d’autre que lui
Dont je crains l’être, et sous lui
Mon génie est réprimandé comme, dit-on,
Celle de Marc Antoine était de César.
(Macbeth, acte 3, scène 1, lignes 50-58)
Macbeth tua son roi, Duncan. La peur d’une vie sans hégémonie poussa alors Macbeth à assassiner à nouveau, cette fois son allié, Banquo. Lors d’un banquet célébrant le nouvel ordre mondial de Macbeth, cependant, Banquo revient en tant que fantôme. Macbeth craint que les morts ne soient venus pour « nous pousser de nos tabourets ». Le fantôme inspire la peur et la folie, autant que la culpabilité et le remords. Choqué par l’apparition de Banquo, Macbeth prend la parole :
Approche-toi comme l’ours russe robuste,
Le rhinocéros armé, ou le tigre hyrcan ;
Prendre n’importe quelle forme sauf celle-là, et mes nerfs fermes
ne trembleront jamais…
… D’où, ombre horrible,
Des moqueries irréelles, d’où !
(Macbeth, acte 3, scène 1, vers 99-106)
[* d’Hyrcanie, la région proche de l’Iran et du Turkménistan]
Lorsque Joe Biden ou Donald Trump, ou d’innombrables groupes de réflexion et journalistes dans les médias occidentaux, invoquent la menace de la Chine, ils n’utilisent pas un langage avec l’habileté de Shakespeare. Ils parlent de défis de rythme, de concurrence stratégique, d’autocraties ou de slogans tels que « Menace rouge » et « Écrasez le PCC ». Mais ils sont rendus fous par la même peur. La réprimande à leur génie fait craindre qu’un rival ne les déplace de leurs tabourets. Ils sont engloutis dans la folie parce qu’ils ne peuvent pas admettre qu’ils ont fait du tort à la Chine.
La relation de l’ordre mondial d’après 1945 dirigé par les États-Unis avec la Chine est la même que la relation du banquet de la victoire de Macbeth avec le fantôme de Banquo. Lorsque les dirigeants américains font l’éloge de l’ordre libéral fondé sur des règles, l’ordre mondial qu’ils ont façonné à travers des guerres et des meurtres sans fin depuis 1945, ils ressemblent à Macbeth lors de son banquet célébrant sa royauté tachée de sang. Comme le fantôme de Banquo, la Chine hante les dirigeants américains, dont la conscience ne peut effacer le souvenir de leur crime. La Chine était l’amie de guerre qui est devenue, selon le terme de Rana Mitter, l’allié oublié à qui l’Occident a fait du tort (Rana Mitter Forgotten Ally : China’s World War II 1937-1945).
La Chine devait être l’un des « quatre gendarmes » de l’ordre mondial après 1945. Elle a été le premier signataire de la Charte des Nations Unies. Mais lorsque les États-Unis ont « perdu la Chine » en 1949, ils ont trahi Banquo. Ils ont refusé à la Chine l’adhésion aux Nations Unies et donné le siège au gouvernement en exil qui avait fui à Taïwan, contrôlant ainsi 0,4 % de la superficie terrestre de la Chine. Ils ont exclu la Chine et l’URSS du traité de paix final avec le Japon, l’ancien colonisateur de Taïwan, et reconstruit leur architecture de sécurité dans le Pacifique occidental dans les îles de l’Empire japonais qui avaient menacé la Chine et d’autres États d’Asie de l’Est pendant cinquante ans. Ils ont mené une guerre horrible en Corée, tuant des millions de personnes pour contenir l’horrible ombre rouge du fantôme chinois. Ils ont exclu la vraie Chine du système diplomatique mondial jusqu’à la fin des années 1970.
Rana Mitter soutient que cette exclusion du monde a contribué aux tragédies de l’histoire chinoise après 1949 : le Grand Bond en avant et la Révolution culturelle. Mao a peut-être exercé le pouvoir à partir du canon d’un fusil, mais la peur américaine d’être poussé hors de son tabouret a laissé du sang sur les mains des présidents américains successifs, de Truman à Biden, et maintenant à nouveau Trump.
L’Amérique a refusé à la Chine un accès complet à l’économie mondiale jusqu’en 2001, lorsque la Chine a été admise dans l’institution de l’ordre mondial de Bretton-Woods de l’Organisation mondiale du commerce. Ils l’ont fait avec l’arrogance d’une hyperpuissance qui avait « gagné la guerre froide » et mis fin à l’histoire. Le fantôme de Banquo, pendant une décennie ou plus, s’est transformé en « Chimerica » de Niall Ferguson et Henry Kissinger. Mais la terreur est revenue hanter l’Amérique sous de nombreuses formes : pivots vers l’Asie, droits de douane sur la Chine, guerres des puces, prétendus « génocides » au Xinjiang, stratégies indo-pacifiques, différends sur la « libre navigation » en mer de Chine méridionale, programmes de crédit social, virus de Wuhan, plans d’hégémonie régionale, l’attaque contre le puissant dollar américain, la lutte pour la démocratie contre « l’axe du soulèvement », agents du chaos, et, bien sûr, le piège de Thucydide.
Le piège de Thucydide et le réalisme anti-chinois de John Mearsheimer sont tous deux des histoires à l’écran, au sens psychanalytique d’un souvenir auto-justificatif qui dissimule une vision plus traumatisante et primitive. Ils couvrent tous deux la terreur américaine selon laquelle les États-Unis seront déplacés en tant qu’hégémon mondial. Ils révèlent leur culpabilité pour les torts passés. Ils exposent les blessures du regret. Au XXe siècle, les Américains se sont disputés le pouvoir sur les cadavres de dizaines de millions d’Eurasiens. Leur grandeur s’est élevée sur le dos de leur allié trahi, qui avait un « tempérament intrépide » d’esprit et « la sagesse qui guide sa vaillance / Pour agir en toute sécurité ». Ces piques de conscience alimentent la haine pour le grand État de la Chine que les États-Unis ont lésé.
Dostoïevski a écrit que nous haïssons ceux à qui nous avons fait du tort. Il en va de même pour l’Amérique. Les vastes industries culturelles anglo-américaines, y compris celles qui pratiquent l’histoire, crachent des tonnes de cette haine chaque semaine, avec une fréquence accrue depuis 2017, l’année où Donald Trump est devenu président et où Graham Allison a publié Destiny for War. Tant de destructivité a surgi de cette peur du fantôme de Banquo. L’échec de la guerre des puces de Biden, le bluff tarifaire de Trump et même une menace imprudente d’entraver l’afflux de pétrole en provenance d’Iran font partie du carnage imminent que le terrorisme américain a apporté au monde.
La tragédie est, hélas, que les fantômes ne sont pas réels. La menace d’une « prise de contrôle du monde » par la Chine est le fruit de l’imagination stratégique occidentale. Dans Destiné à la guerre, Allison a rappelé, avec sa fausse érudition caractéristique, la remarque historiquement inexacte de Napoléon selon laquelle, en 1800, « la Chine dormait, mais quand elle se réveillera, elle secouera le monde ». Allison a continué à crier « Au feu ! » dans la salle à ses compatriotes américains. « Aujourd’hui, la Chine s’est réveillée et le monde commence à trembler. »
Allison a tort. La Chine n’a jamais dormi. L’histoire ne dort jamais. L’Amérique ne l’a jamais tuée, malgré tous ses plans. Le fantôme de Banquo n’a jamais été là. Il est temps pour les États-Unis de se réveiller de leur long cauchemar de « perdre la Chine ».
Pour réinventer l’histoire de la Chine dans le monde et pour soutenir le développement de la paix et de la prospérité dans le monde entier, nous avons besoin d’une vision différente de l’histoire chinoise dans le monde.
Nous devrons peut-être même nous tourner vers la littérature chinoise, et non vers les classiques occidentaux. Nous devrons peut-être écouter les histoires du passé écrites et racontées par des Chinois, et non par des universitaires anglo-américains, sans parler de la communauté de la sécurité nationale.
Même les meilleures histoires occidentales de la Chine dans le monde souffrent encore de la maladie de Carré qui survient lorsque nous imaginons la Chine comme le fantôme de Banquo au Banquet Glorieux de la Fin de l’Histoire. Surtout dans l’académie anglo-américaine, les histoires de la Chine sont encore écrites dans les conditions intellectuelles étouffantes de la guerre froide, même s’il s’agit de la seconde guerre froide bien-aimée de Niall Ferguson.
Mais je suis à la recherche de meilleures histoires de la Chine, qui ne soient pas hantées par ce spectre américain et non obscurcies par le brouillard londonien de la nostalgie impériale. Je ne connais pas assez l’histoire chinoise et je n’ai aucune connaissance de la langue chinoise. Mais je suis toujours en recherche, et je partage mes découvertes avec vous. J’ai partagé quelques découvertes de mes recherches au cours des deux dernières années sur les archives Burning :
- Mémoire rouge. Dread Trauma, ma critique du récit de la journaliste Tania Branigan dans Mémoire rouge : se souvenir et oublier la Révolution culturelle chinoise, des mémoires de la Révolution culturelle chinoise
- Mon merveilleux entretien avec l’historienne sino-australienne, Sophie Loy-Wilson, et mes réflexions Comment réparer notre cœur asiatique brisé : Sophie Loy-Wilson sur la Chine, l’Australie et la générosité dans l’histoire
- Mes réflexions sur l’histoire de James Curran sur les relations entre l’Australie et la Chine depuis 1945
- Ma discussion sur le Duran de l’AUKUS et les relations entre l’Australie et la Chine
- Mon entretien avec Warwick Powell, Comment l’Australie, la Chine et l’Asie peuvent vivre ensemble dans un monde multipolaire
- Mon interview, Comment la défense et la diplomatie peuvent éviter une guerre entre les États-Unis et la Chine en Asie. Une conversation avec Sam Roggeveen de l’Institut Lowy
- Ma réflexion, Comment l’Australie multiculturelle a-t-elle mal interprété le monde multipolaire ?, à la suite de ces trois entrevues ;
- Mes articles sur les deux lauréats chinois du prix Nobel de littérature dans les archives Nobel (oui, un prix sur soixante à cette grande culture)
À travers ces écrits, j’ai réfléchi à mon idée que, depuis 1970, dans son attitude envers la Chine, l’Australie a surévalué le commerce et sous-évalué la culture. Nos relations complexes, étroites et de longue date entre l’Australie et la Chine ont été trop axées sur l’argent et pas assez sur le sens commun. En écrivant l’article de cette semaine, j’ai réalisé encore plus profondément comment les courbes douces de la culture, à travers l’image cauchemardesque américaine de la Chine comme le fantôme de Banquo, façonnent les durs à cuire de la géopolitique dure.
Vraiment, la culture est en amont de la géopolitique.
Dans la deuxième partie de cette histoire, j’explorerai comment réimaginer le monde avec la Chine, sans le fantôme de Banquo et avec tous les détails riches de ses histoires et de sa littérature.
- Je montrerai comment voir la Chine comme le fantôme de Banquo déforme même les meilleures histoires occidentales
- Je partagerai d’autres découvertes de mes recherches au cours de l’année écoulée pour les meilleures histoires de la Chine, en particulier dans le monde d’après 1945, et
- Je préfigurerai certaines des histoires que je partagerai avec vous en 2025 alors que nous lisons l’histoire ensemble pour réimaginer comment les grandes puissances du monde peuvent vivre dans une symphonie de civilisations en paix dans un monde multipolaire.
Cette semaine, j’ai divisé mon essai sur la Chine et l’ordre mondial d’après-guerre en deux parties pour que la durée de la lecture reste gérable.
La deuxième partie vous fournira un guide de lecture sur le rôle de la Chine dans le monde depuis 1945 et après 2024. Il sortira le lundi 9 décembre, à la place de mon mini livre audio prévu pour les abonnés payants.
Ce mini livre audio sera reporté à une lecture de fin d’année le 23 décembre. Il s’agira de Walter Benjamin, « Sur le concept de l’histoire », et inclura mon commentaire sur la façon dont ce célèbre essai a donné naissance à l’imagerie des archives en feu. Et comment sa conception de l’histoire rédemptrice continue de m’inspirer.
La deuxième partie de cet essai et ma lecture audio de Benjamin sont offertes aux abonnés payants.
Alors abonnez-vous maintenant pour en apprendre davantage sur l’histoire et pour vivre en harmonie avec ce monde en mutation, libéré des spectres shakespeariens.
Views: 331
Rémignard
Je ne suis pas très cultivé: pas lu thucydide juste démocrite comme prix de français en 1°. Cet article ne m’aide pas à penser le mouvement du monde le pauvre Shakespeare n’y pouvant rien et je suis plus intéressé par son prédécesseur Thomas More.
L’utilisation de Shakespeare à toutes les sauces permet de psychologiser le pouvoir alors que la révolution anglaise c’est la fusion de la noblesse et de la bourgeoisie avec Cromwell père et fils et complétée par Marie II d’Angleterre qui a autorisé un taux de couverture des prêts par les banques de 50% alors qu’avant c’était 100%. Ça été le début du développement exponentiel du crédit et de la révolution industrielle.
C’est d’ailleurs un dada de la petite bourgeoisie d’utiliser la critique du pouvoir via Shakespeare ce qui lui économise la lutte des classes. Exemple Ariane Mnouchkine est passée de la Cuisine de Wesker et « 1789 » à Shakespeare, à l’Inde rêvée et maintenant l’ukraine plutôt que Molière ou Brecht.
Je pense que cette psychologisation « shakespearienne » de l’exercice du pouvoir fonctionne comme un leurre. Alors que pour moi ce qui permet de comprendre le mouvement du monde c’est l’épuisement de l’efficacité des contre-tendances à la baisse tendancielle du taux de profit (des conquêtes coloniales, la mise en coupe réglé des PME Agriculteurs (petit capital national) en complément de l’esclavagisme/néocolonialisme, de la surexploitation des travailleurs, la reprise des conquis sociaux (services publics) et la dollarisation de l’économie mondiale) que les pièces de Shakespeare même symboliquement. Une des dernières menaces de Trump est dirigée contre les dispositifs des Brics pour dédolariser l’économie mondiale pas un banquet confus ou un piège qui n’existe pas.
Car le capitalisme financiarisé pour faciliter l’extraction de la plus value produite chez les autres se trouve dépourvu quand la production matérielle, l’éducation et la recherche est développée dans des pays qui cherchent de plus en plus à s’émanciper de l’hégémon.
Sur un autre plan la « peur » des milliardaires n’est pas Shakespearienne c’est plutôt d’être mis au pas comme Jack Ma le libertarien chinois qui a chu.
Etoilerouge
Pas mal vu. Un peu de matérialisme philosophique ne fait pas de mal. Mais je suis d’accord aussi avec l’idée de Danielle de mieux connaître la chine par des études de sa littérature dont la poésie et de son histoire, ses systèmes de propriétés, productifs et aussi l’histoire de la chine nouvelle depuis 1949.
Ceci dit chine et Vietnam montrent que les patrons et leurs richesses doivent subir des lois strictes et non comme ennemi France ou aux usa des condamnations inexistantes ou strictement nulles. Pour cela pouvoir politique donc formes de l’état et volonté des masses doivent évoluer.
Rémignard
quelques livres français sur la culture chinoise
Sylvie Bermann: La Chine en Eau Profonde date de 2013 ancienne ambassadrice de France parlant chinois
François Julien « de l’essence et du nu »
Léon Vandeermeersch « Ce que la Chine nous apprend » et « les deux raisons de la pensée chinoise »
et quelques livres chinois publiés en France
1) les quatre classiques (qui sont évidemment cinq): Au bord de l’eau, Les trois royaumes, La pérégrination vers l’ouest, Fleur en fiole d’or (jin ping mei), Le rêve dans le pavillon rouge. Ce sont des pavés de 2500 à 3000 pages extraient sûr.
2) sur le mandat du ciel et le dernier empire écrit par un japonais: Le roman de la cité interdite Assada Jiro
3) sur après la chute de l’empire fresque extraordinaire: Au pays du cerf blanc Chen Zhongshi
4) sur la longue marche du côté des femmes et la suite (écrit en français par un chinoise): Fleurs de Chine Wei Wei
5) sur la ville après la chute de Chiang Kai-shek: nid d’hommes Lu wen fu
6) sur la chine profonde un beau roman presque ethnologique : La montagne de l’Ame Gao Xing jian
7) sur la chine rurale sous mao et après, un roman burlesque: Beaux seins belles fesses Mo Yan
8) sur les années 1990 un roman d’après une émission de radio: Chinoises Xin Ran
9) un maitre de l’écriture chinoise sur les années mao: Les trois rois A sheng
10) sur la période du bol de riz en fer et la suite: Brothers YU Hua
11) sur l’enfant unique: Grenouilles Mo Yan
12) sur pendant et après Mao: Vie et passion d’un gastronome chinois Lu Wenfu
en BD
de 1949 à nos jour des fresques et un dessin superbe un auteur du quotidien: Une vie chinoise Li kun wu avec Philippe Otier et bien d’autre titres
Sur le point de vu chinois
la software US vue de chine un livre exceptionnel de prospective de 1998: La guerre hors limites de Qiao Liang et Wang Xiangsui