Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Poursuite du débat sur la révolution numérique, la Chine, marxisme et état des sciences, par Xuan

Premier point d’acquis parler de révolution numérique plutôt que d’informationnelle qui renvoie à une masse de données d’informations mais parler de numérique insiste plus sur le langage calcul de traitement et aussi sur la nécessité de recentrer sur le “travail” dans un contexte de mondialisation, ce qui fait entre autres l’originalité de la proposition de Jean-Claude par rapport aux travaux de Paul Boccara et ouvre sur la monnaie, partie à peine explorée par Marx, il propose une bibliographie. Franck Marsal, qui est mathématicien, à son tour reprend le langage calcul et le lien à construire avec le marxisme, les propositions politiques de la Chine socialiste, le nouveau modèle de planification, de rapports internationaux à l’œuvre. Deux : Xuan fait le point sur la politique chinoise et précise le lien. Trois : Histoireetsociete fait le lien avec ce qui s’est passé au G20 et qui nous fait dire que nous sommes beaucoup plus avancés que ce que nous l’imaginons. Jean-Claude Delaunay a dit dans son intervention vidéo à Vénissieux que j’insistais beaucoup sur le caractère entièrement nouveau et donc l’expérimentation mais qu’il ne fallait pas oublier les principes socialistes, j’ai protesté parce que l’histoire est essentielle et c’est tout l’apport de notre site grâce en particulier à Marianne. Il suffit de lire les texte de Ziouganov et Novikov aujourd’hui : il y a eu le G20 parce qu’il y a eu Kazan et que Poutine est depuis le départ contraint, s’il veut que la Russie ne soit pas détruite, de mettre ses pas dans ceux de l’URSS. Les exemples de Lima, la référence au “légiste” montrent que la Chine doit en faire autant et le principe qui la gouverne n’est pas simplement celui du commerce équitable mais un commerce équitable qui corresponde à ce qui est développement et paix pour le peuple chinois dans cette expérimentation permanente d’une mondialisation liée à la vitesse et à la circulation transfrontalière des données.. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Cette révolution met en jeu toute l’information, au sens large. Mais j’utiliserai l’appellation « révolution numérique » comme Jean-Claude.

Sa particularité par rapport aux révolutions technologiques précédentes, comme l’imprimerie, la vapeur, les ondes électromagnétiques, c’est qu’elle effectue des calculs.
A part la diversité des logiciels, tous les traitements de données s’effectuent dans un langage universel et le plus simple qui soit, binaire.
Ils représentent aussi sous cette forme la plus simple l’ensemble des données : le langage dans toutes ses traductions, les images, les vidéos, les sons, les grandeurs physiques, les mesures et les consignes de transformation des process, l’ensemble des données et des informations du monde humain, etc. et au-delà.
Il y a donc d’une part les données et d’autre part leur traitement, et leur langage numérique (bien qu’emmailloté dans des matriochkas de langages plus évolués), est commun aux deux. Cet outil universel accompagne la mondialisation de notre époque.

Ensuite ces calculs ou ces nombres peuvent être traités et transmis à très grande vitesse dans le monde entier, de sorte qu’ils sont disponibles partout simultanément, moyennant une importante dépense d’énergie. Ainsi la technologie photonique permettrait une connexion sans fil 9000 fois plus rapide que la 5G actuelle en atteignant près de 1 Térabit par seconde, soit mille milliards de signaux binaires un ou zéro.

Le 20 novembre le ministère des affaires étrangères de Chine Populaire déclarait dans une conférence de presse
« Lin Jian : L’Initiative pour la coopération mondiale sur la circulation transfrontalière des données, publiée par la Chine, propose des approches constructives pour la gouvernance de la circulation transfrontalière de données, qui préoccupe toutes les parties, clarifie la position et les préconisations de la Chine dans la promotion de la coopération mondiale en matière de circulation de données, défend les principes d’ouverture, d’inclusion, de sécurité, de coopération et de non-discrimination, favorise la construction d’un paysage ouvert et mutuellement bénéfique de coopération internationale sur la circulation transfrontalière de données, et promeut une circulation transfrontalière de données efficace, fluide et sécurisée. Il s’agit d’une autre initiative importante sur les données que la Chine a prise après le lancement de l’Initiative mondiale sur la sécurité des données. L’initiative souligne l’axe de la philosophie du président Xi Jinping de la construction d’une communauté d’avenir partagé dans le cyberespace, et démontre la ferme volonté de la Chine de coordonner le développement et la sécurité, d’améliorer la gouvernance numérique et de pratiquer le multilatéralisme… » https://www.mfa.gov.cn/fra/xwfw/fyrth/lxjzzdh/202411/t20241122_11531281.html

C’est le capitalisme, « un stade d’accumulation et de développement accéléré, un stade de révolution constante des moyens de productions, de développement des sciences et des techniques », dit Franck Marsal, qui a permis le développement de cette nouvelle forme de mondialisation. Mais c’est encore le capitalisme, dans la phase terminale de l’impérialisme, qui se dresse maintenant face à cette nouvelle ère de la mondialisation.

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Je ne suis pas expert dans le domaine de l’entropie, j’avais seulement noté quelques éléments que je vous soumets.
C’est nécessaire d’expliquer comme le fait Franck que l’augmentation de l’entropie survient dans un système isolé, dans des conditions locales, et non de façon absolue et universelle.
Engels avait démonté avec ironie le postulat disant que l’énergie puisse disparaître sur le plan qualitatif (et par conséquent être créée), sous prétexte que ce phénomène est réellement observé dans des conditions locales (récipient isolé, etc.).
« De quelque façon que se présente à nous le deuxième Principe de Clausius, etc., il implique en tout cas que de l’énergie se perd, qualitativement sinon quantitativement. L’entropie ne peut être détruite par voie naturelle, mais par contre elle peut être créée. L’horloge de l’univers doit d’abord avoir été remontée, puis elle marche jusqu’au moment où elle arrive à l’état d’équilibre; à partir de ce moment, seul un miracle pourra la faire sortir de cet état et la remettre en mouvement. L’énergie dépensée pour la remonter a disparu, du moins qualitativement, et ne peut être restituée que par une impulsion venue de l’extérieur. Donc l’impulsion de l’extérieur était également nécessaire au début, donc la quantité de mouvement ou d’énergie existant dans l’univers n’est pas constante, donc de l’énergie a dû être créée, donc pouvoir être créée, donc pouvoir être détruite. Ad absurdum ! » [Dialectique de la nature p 292 Ed. sociales 1968]
Le lien est immédiat entre ce postulat et la thèse de la « création du monde » lors du Big Bang. S’il décrit un « commencement » il lui faut nécessairement des causes et par conséquent un autre « commencement ».

La biologie démontre l’existence d’un mouvement opposé à l’entropie.
La néguentropie (Introduite comme une thermodynamique du vivant par le physicien autrichien Erwin Schrödinger en 1944 dans son ouvrage Qu’est-ce que la vie ?), ou entropie négative, désigne le processus inverse de l’entropie, par lequel la matière vivante détruit la matière inerte pour éviter sa propre destruction, pour se perpétuer et se transformer elle-même elle s’organise sous des formes de plus en plus complexes, en consommant l’énergie extérieure.
Le document signalé par Franck sur « Entropie, Néguentropie et Anti-entropie » distingue néguentropie et anti-entropie.
Guillaume Suing présente différemment la dialectique entropie /néguentropie.
Il démontre dans « Évolution : la preuve par Marx » – Ed. Delga, le caractère dialectique du rapport entre changement et conservation dans la matière vivante : « C’est donc parce que la matière vivante se conserve qu’elle finit par changer (évolution) et c’est parce qu’elle a changé qu’elle peut se conserver (adaptation). C’est au sein même de la propriété autoconservatrice de la matière vivante que réside son évolution nécessaire, l’environnement étant lui aussi changeant par définition, et non en tant que caractéristique « supplémentaire ». Autrement dit l’évolution se déduit de la définition du vivant et non l’inverse. […] Tout d’abord une cellule est mortelle. Elle peut être tuée ou mourir de sa belle mort (entropie). C’est l’inéluctable fin du mouvement désorganisateur de la matière. Toutefois, la division cellulaire, encore appelée reproduction conforme – ou mitose – parce que la cellule produit deux cellules dont les caractéristiques sont celles de la première, peut être considérée comme une forme de lutte contre la mort cellulaire (négation), en faveur d’une conservation « dans le temps» de la structure cellulaire (négation de la négation). » [p 94-95] … « Mais il y a plus simple et plus généralisable. Les cellules d’un organisme sont mortelles parce qu’elles ne peuvent pas se diviser indéfiniment » au contraire, l’organisme agit pour éviter leur immortalité « Car en cas de mutation altérant ces protéines spécialisées, les cellules deviennent immortelles (c’est-à-dire cancéreuses), condamnant l’organisme lui-même à la mort. Ici c’est le fait de garantir la mortalité (littéralement la non-conservation) des cellules, qui permet la conservation dans le temps de l’organisme lui-même. » [p103]
« L’histoire de la vie est à le fois celle d’une complexification croissante, d’une conquête de plus en plus large de tous les milieux terrestres par des adaptations parfois extraordinaires. Mais au-delà de ce constat évident et bien connu réside une clé moins évidente : cette complexification est au service d’une propriété plus intime que la simple nécessité de s’adapter à de nouveaux milieux, la tendance à s’affranchir progressivement d’un milieu trop fluctuant ». [p 116]

Ceci rejoint d’une certaine façon ce que dit Franck de façon plus générale :
« Quand la matière s’organise, qu’elle quitte son état homogène, qu’elle se structure, qu’elle cesse d’être uniformément répartie, elle constitue de l’information. L’information, c’est la différence entre les niveaux d’organisation de la matière. Et pour se constituer, ou même pour se maintenir, la matière organisée a un besoin constant d’échanger de l’énergie et de la matière avec son environnement. En fait, à travers ces échanges nécessaires à la matière organisée, s’échange l’entropie. Les systèmes structurés doivent transférer leur entropie vers l’extérieur pour se maintenir et se développer ».

Peut-on faire un parallèle avec la mondialisation (unipolaire ou multipolaire), et avec le développement des forces productives mondiales ?
Les USA pourraient largement contribuer à l’essor de l’humanité. Ils constituent un ensemble suffisamment vaste et complexe pour qu’on ne puisse pas trop spéculer sur leur isolement total. Mais si l’énergie ne disparaît pas à l’échelle d’un grand pays, par contre les barrières qu’il crée le retardent par rapport au reste des échanges mondiaux.
Plus gravement, le protectionnisme, le découplage, la taxation des marchandises, conséquences de l’hégémonisme, brisent les échanges mondiaux et la chaîne de fabrication mondiale. Ils s’opposent au développement des réseaux numériques, mais aussi des routes, des voies ferrées et maritimes, à l’ensemble des forces productives mondiales, à l’essor des nations et des continents.

« Chaque crise détruit régulièrement non seulement une masse de produits déjà créés, mais encore une grande partie des forces productives déjà existantes elles-mêmes. Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s’abat sur la société, – l’épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu’une famine, une guerre d’extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance ; l’industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce. Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le régime de la propriété bourgeoise ; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ce régime qui alors leur fait obstacle ; et toutes les fois que les forces productives sociales triomphent de cet obstacle, elles précipitent dans le désordre la société bourgeoise tout entière et menacent l’existence de la propriété bourgeoise. Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein ». – [K. Marx – Le Manifeste]

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