Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Franck Marsal, toujours sur le marxisme et « la révolution numérique » répond à Jean-Claude Delaunay

A propos du stade « supérieur » et du stade « inférieur » et de tout le faisceau de conclusions qui montrent que – après les premiers stades et les premières expériences de sociétés socialistes isolées au 20ème siècle – l’évolution des forces productives nous mènent à la nécessité d’un second stade de sociétés socialistes, celui où la majorité des nations entament librement (ie libérées de l’hégémonie impérialiste) la transition vers le socialisme. Ce qui domine aujourd’hui dans le parti communiste c’est un retard théorico-pratique considérable sur la situation géopolitique et une rare confusion qui se traduit au niveau des militants (et des dirigeants) par une pression considérable face aux événements et en particulier quand ils sont confrontés à la crise profonde de la société française, à la dangereuse puérilité d’un Macron, à la nécessité d’une intervention, c’est pour cela que le détour théorique est essentiel. Lénine quand il était confronté à une situation de ce type y compris quand il était en difficulté pour convaincre de la nécessité d’une rupture se mettait à travailler des textes théoriques comme matérialisme et empiriocriticisme. On retrouve ce nécessaire détour chez Marx et chez tous les grands théoriciens impliqués dans l’action. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Merci à Jean-Claude pour ce travail de compilation, c’est très intéressant et je me rends compte avoir encore beaucoup à lire.

Il me manque une dimension proprement scientifique, que je ne trouve pas chez les auteurs marxistes (mais je n’ai pas encore tout lu) et qui est relativement mal abordé par quelques physiciens non marxistes qui s’aventurent sur le terrain des sciences sociales, c’est l’aspect thermodynamique de l’information et son lien avec la stabilité et l’évolution des structures de la matière.

Parmi les physiciens, je pense évidemment à Ilya Prigogine, très prudent lorsqu’il passe d’une science à une autre et plus récemment à François Roddier, plus aventurier et du coup qui explore davantage d’impasses.

Il y a plusieurs grandes révolutions scientifiques au 19ème siècle, et elles sont toutes marquées à leur manière par l’émergence d’une certaine complexité, à la sortie d’un matérialisme plutôt mécaniste.

En maths, on peut citer le développement de l’algèbre moderne et du calcul différentiel, conçu au 18ème mais qui prend forme au 19ème (Marx s’y intéressera beaucoup). Ensuite trois grandes révolutions quasi contemporaines : Marx révolutionne l’économie et les sciences sociales (et la philosophie) ; Darwin pose les bases de l’évolution des espèces et Boltzmann développe la mécanique statistique et donne corps à la thermodynamique et particulièrement à la notion d’entropie. L’origine des espèces est publié en 1859. Le premier tome du Capital est publié en 1867. Les principaux travaux de Boltzmann sont publiés dans les années 1870.

Peut-on appliquer les lois de la physique aux sciences sociales ?

Cette question est complexe et dialectique. Les sociétés sont un niveau supérieur d’organisation de la matière et entre les différents niveaux, par exemple déjà entre la physique et la biologie cellulaire, le plus petit niveau de la biologie, il y a une (voire plusieurs) barrière(s) de complexité, qui font qu’on ne peut pas étudier le fonctionnement de la cellule avec les seuls outils de la physique moléculaire et de la chimie. Ce n’est pas seulement une barrière technique, parce qu’il nous manquerait par exemple des ordinateurs suffisamment puissants. On dit qu’on ne peut pas “réduire” le niveau supérieur au niveau inférieur et les penseurs qui estiment (à tort donc) qu’on peut tout expliquer par exemple avec les lois de la physique sont qualifiés de réductionnistes. Un niveau supérieur d’organisation de la matière fait émerger des processus radicalement nouveaux, qu’il faut étudier de manière spécifique. Ce n’est que lorsqu’on on maitrise bien à la fois le niveau supérieur et le niveau inférieur que l’on peut étudier finement l’articulation entre les deux niveaux pour vérifier qu’on la comprend bien, mais sans que cette étude vienne remplacer les outils scientifiques nécessaires pour l’un et pour l’autre.

En revanche, bien sûr, les lois des niveaux inférieurs s’appliquent aux niveaux supérieurs, c’est en ce sens que le monde est “matériel” et non “surnaturel” et donc le physicien a des choses à dire sur les niveaux supérieurs, à condition d’une part de s’en tenir strictement à la méthode scientifique de son champ et d’être suffisamment informé des développements scientifiques dans les champs supérieurs. C’est un obstacle majeur pour le sujet qui nous occupe puisque le marxisme, au moins en occident, n’est non seulement pas enseigné, mais généralement même très déformé à l’intention des étudiants des autres disciplines.

Personnellement, je m’intéresse au sujet depuis un certain temps, mais je suis encore en phase de travail et d’accumulation de connaissances.

Ce que nous dit la thermodynamique, d’abord, c’est que si on considère tout système matériel, il y a des lois qui décrivent les relations entre son évolution interne et ses échanges de matières et d’énergie avec le reste du monde. En particulier, si les échanges d’énergie et de matières sont bloqués, nuls, le système va tendre spontanément vers un état d’équilibre qui est l’état de distribution de la matière et de l’énergie le plus probable, le plus homogène, le moins structuré et le plus diffus. C’est ce qu’on appelle communément la mort pour les systèmes vivants, mais c’est aussi, par exemple, si vous mettez de l’eau chaude et de l’eau froide dans une même casserole (ils font un seul système), isolés du reste (sans échange de chaleur), assez vite, vous allez voir s’établir une température moyenne entre les deux quantités d’eau versées et cette température est facile à calculer.

Mais les structures durent néanmoins en échangeant de la matière et de l’énergie et pour étudier cela, il faut introduire une différence dans les formes d’énergies. C’est là qu’intervient la notion d’entropie. Il y a des formes d’énergie diffuses. C’est le cas typique de la chaleur. La chaleur n’est pas une énergie utilisable pour les structures lorsqu’elle est homogènement répartie. Seules les différences de températures peuvent être utilisées, c’est comme ça que Fourier a compris comment on pouvait perfectionner les machines à vapeur et aussi quelles sont leurs limites physiques infranchissables. On ne peut pas – sans apport d’énergie – faire revenir l’eau de la casserole à l’état initial où une partie était chaude, et l’autre froide. Cela se mesure avec cette grandeur que les physicien appellent entropie et dont Boltzmann a clarifié le sens physique profond. Spontanément, l’entropie d’un système isolé augmente. Elle ne diminue jamais. Les organisations se détruisent, la matière et l’énergie se diffuse de la manière la plus homogène possible.

En quoi cela est-il en rapport avec l’information ?

Quand la matière s’organise, qu’elle quitte son état homogène, qu’elle se structure, qu’elle cesse d’être uniformément répartie, elle constitue de l’information. L’information, c’est la différence entre les niveaux d’organisation de la matière. Et pour ce constituer, ou même pour se maintenir, la matière organisée a un besoin constant d’échanger de l’énergie et de la matière avec son environnement. En fait, à travers ces échanges nécessaires à la matière organisée, s’échange l’entropie. Les systèmes structurés doivent transférer leur entropie vers l’extérieur pour se maintenir et se développer. Ainsi, la terre reçoit du soleil des photons à une entropie plus basse que celle que la terre réémet vers l’espace ce qui permet au système terrestre de conserver son entropie.

En quoi est-ce pertinent en sciences sociales et en histoire en particulier ?

Marx a montré que ce qui structure chaque société, ce sont les articulations entre les moyens de production et les rapports de production. La particularité de l’homme n’est pas d’avoir des outils. Beaucoup d’animaux s’outillent de diverses manières. La particularité de l’homme, c’est la capacité des sociétés humaines à s’adapter à leurs différents environnement de manière sociale et historique là où les autres espèces animales s’adaptaient de manière biologique et écologique, par la sélection naturelle. Ce n’est même pas le cerveau qui est la capacité distinctive de l’espèce humaine, c’est la capacité simultanée à mettre l’information sous forme de langage abstrait et à communiquer, à constituer l’information sur un mode social. Cela permet d’accumuler et de transmettre une quantité d’informations qualitativement plus importante que le mode génétique. Cela a donné à l’espèce humaine des capacités d’adaptation non plus d’elle-même à son environnement, mais aussi de son environnement à ses besoins puisque l’espèce humaine développait une quantité d’information structurée sur un rythme supérieur à celui de son environnement. Et, comme Marx l’a expliqué, l’histoire humaine est ensuite la longue histoire du développement de ce nouveau mode, à travers des stades qui correspondent à une histoire du développement des techniques et des rapports de production.

L’histoire humaine est notamment une longue histoire du développement des techniques utilisées pour extraire l’énergie et la matière nécessaires à la reproduction et au développement de l’espèce.

Mais Marx nous a aussi enseigné que ce processus ne se réalise pas au niveau de l’espèce de manière homogène. Il y deux niveaux intercalés : le premier est que le processus d’extraction et d’accumulation se réalise au sein de sociétés humaines, à la fois autonomes et en concurrence ; le second est que ces sociétés sont divisées en classes sociales. L’évolution conjointe des modes de production et des structures de classe décrit l’évolution historique de l’espèce humaine en une succession complexe de stades de développement. Le stade capitaliste, en cours de développement depuis plusieurs siècles, est lui-même un stade particulier. Marx a beaucoup insisté là dessus. C’est un stade d’accumulation et de développement accéléré, un stade de révolution constante des moyens de productions, de développement des sciences et des techniques. Surtout, pour Marx, c’est le stade qui balaye toutes les formes antérieures de structures sociales (y compris de manière contradictoire ses propres bases sociales, l’état nation et la famille dite “nucléaire”) pour tout ramener au rapport démystifié capital / travail et à ce titre, c’est selon Marx le dernier stade de division de la société en classes sociales.

La révolution informationnelle est une formidable accélération du processus et on perçoit bien aujourd’hui qu’elle mène l’ensemble des sociétés à un changement très fondamental. La révolution informationnelle (cyberrévolution …) change de manière radicalement nouvelle la quantité d’information que les sociétés humaines sont capables de stocker et de transmettre et change donc qualitativement les capacités d’adaptation de l’ensemble du système de reproduction et de développement des formes organisées de la matière. Elle porte en elle un stade majeur de révolution des rapports de production, en particulier la nécessité concrète d’entamer l’abolition des classes sociales, la nécessité d’établir largement de par le monde des sociétés socialistes.

On peut tracer tout un faisceau de conclusions qui montrent que – après les premiers stades et les premières expériences de sociétés socialistes isolées au 20ème siècle – l’évolution des forces productives nous mènent à la nécessité d’un second stade de sociétés socialistes, celui où la majorité des nations entameront librement (ie libérées de l’hégémonie impérialiste) la transition vers le socialisme.

C’est là le point fondamental à mon sens. Je pense que si on ne fait pas le lien entre la révolution technique actuelle (informationnelle, cyber-révolution…) et la question du socialisme comme une actualité concrète des 20 ans à venir pour le monde, on reste au seuil de la situation qui se développe sous nos yeux.

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9 Commentaires

  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    Pour aller un peu plus loin sur l’état des recherches quant à l’articulation de la notion d’entropie et l’évolution du vivant : https://www.di.ens.fr/users/longo/files/ChollatLongo-entropies.pdf

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  • Heloir
    Heloir

    Très intéressant. Peut-être peut on pousser un peu plus loin le parallèle avec le début du 20éme siècle.
    Il est admis aujourd’hui que le modèle standard de la physique est en crise. Nous sommes sans doute dans une période de révolution théorique comme celle qui a vu l’arrivée de la théorie de la relativité et de la mécanique quantique.
    Un deuxième élément, les progrès de l’épigenétique mettent en évidence l’interaction entre les gènes, leur expression et l’environnement ce qui ramène de la dialectique dans la conception néo darwinienne de l’évolution.

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  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    Il y a beaucoup à dire sur le début du 20ème siècle et avec le recul, on mesure je pense mieux que la sciences et son interprétation n’échappent pas à l’influence de son idéologie dominante.

    La survalorisation de l’hérédité génétique est un élément clair. L’idée que « tout est génétique et donc héréditaire » (comme le capital) et que l’être est donc plutôt déterminé (comme l’origine sociale) convenait bien au capital et à la réaction. Les découvertes autour de l’épigénétique ont battu en brêche cette interprétation et montrent l’extraordinaire capacité d’adaptation du vivant, dans une perspective effectivement beaucoup plus dialectique. Le paysage biologique contemporain donne aussi davantage à voir le patrimoine génétique comme un trésor partiellement partagé et non isolé entre individus et espèces.

    Même chose en physique. L’idéologie dominante avait consacré au début du 20ème siècle l’interprétation de Heisenberg de la mécanique quantique. Celle qui faisait intervenir l’observateur sur le processus de manière quasi-religieuse. Ce qu’avait moqué Schrodinger avec le paradoxe du chat qui restait autant mort que vivant, tant que l’expérimentateur humain n’avait pas ouvert la boite. Cette interprétation étonnante était encore enseignée il y a seulement quelques décennies, peut-être l’est-elle encore. Pourtant, les travaux récents l’ont complètement invalidée. Le processus de décohérence de l’onde quantique est maintenant étudié comme un processus purement matériel, résultat de l’interaction globale du phénomène quantique avec le milieu (humain ou pas). Le chat joue le même rôle que l’humain et le processus est totalement matériel, accessible à la science.

    Tout cela est désormais bien établi en contenu, mais il manque une vaste réinterprétation matérialiste et dialectique de l’ensemble du champ scientifique. Personne ne parle suffisamment fort et clair pour que les leçons philosophiques de tous ces travaux soient tirées à une large échelle.

    Sur le modèle standard, je ne suis pas compétent. Je pense néanmoins que l’absence d’une solide formation au matérialisme dialectique de nos physiciens est un sérieux handicap pour le développement de la physique au stade de complexité qu’elle a atteint.

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    • Xuan

      Sue ce sujet, tu connais peut-être « physique et matérialisme » par Bitsakis.

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      • Franck Marsal
        Franck Marsal

        Non ! Je regarde. Merci du conseil !

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    • Xuan

      … »la science et son interprétation n’échappent pas à l’influence de son idéologie dominante ».. Entièrement d’accord sur l’influence du positivisme en particulier, ce qui ne remet pas sur le tapis le faux débat entre « science prolétarienne et science bourgeoise ».
      Staline avait remis un peu les pendules à l’heure. La Pravda du 20 juin 1950 : « Il y avait chez nous, à un moment donné, des «marxistes» qui prétendaient que les chemins de fer restés dans notre pays après la Révolution d’octobre étaient des chemins de fer bourgeois; qu’il ne nous seyait pas, à nous marxistes, de nous en servir; qu’il fallait les démonter et en construire de nouveaux, des chemins de fer «prolétariens». Cela leur valut le surnom de «troglodytes»… »

      Intuitivement la contradiction non résolue entre la théorie de la relativité et la physique quantique me semble du même ordre que celle entre le caractère corpusculaire et ondulatoire du photon, c’est-à-dire dialectique, et qui avait divisé la communauté scientifique au début du 20e siècle (voir Louis De Broglie « dans « Le dualisme des ondes et des corpuscules dans l’œuvre d’Albert Einstein »).

      Mais à propos du physicien allemand Werner Karl Heisenberg, auteur de « la science moderne en révolution », il avait participé à 18 ans dans les Corps Francs à la répression de la République des Conseils de Bavière. Il collabora avec l’Allemagne nazie pour laquelle il participa au projet de bombe atomique à l’Institut Kaiser Wilhelm de Berlin, et participa à plusieurs voyages de propagande nazie en Hongrie, au Danemark, aux Pays-Bas et en Pologne. « Après la guerre, des scientifiques hollandais évoquèrent leurs rencontres troublantes avec Heisenberg. Hendrik Casimir confia à un membre d’une unité scientifique des services de renseignement alliés qu’Heisenberg avait admis être au courant de l’existence de camps de concentration et du pillage par l’Allemagne des territoires occupés. Heisenberg n’en avait pas moins exprimé son désir personnel de la victoire de l’Allemagne. D’après ce témoin, Heisenberg avait déclaré: « La Démocratie ne saurait développer une énergie suffisante pour conduire l’Europe. Il n’existe donc que deux possibilités : l’Allemagne et la Russie. Dès lors, une Europe sous l’autorité allemande serait peut-être le moindre mal ». » [« Les savants d’Hitler » – John Cornwell ( p 337)]

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  • Xuan

    Cette révolution met en jeu toute l’information, au sens large. Mais j’utiliserai l’appellation « révolution numérique » comme Jean Claude.

    Sa particularité par rapport aux révolutions technologiques précédentes, comme l’imprimerie, la vapeur, les ondes électromagnétiques, c’est qu’elle effectue des calculs.
    A part la diversité des logiciels, tous les traitements de données s’effectuent dans un langage universel et le plus simple qui soit, binaire.
    Ils représentent aussi sous cette forme la plus simple l’ensemble des données : le langage dans toutes ses traductions, les images, les vidéos, les sons, les grandeurs physiques, les mesures et les consignes de transformation des process, l’ensemble des données et des informations du monde humain, etc. et au-delà.
    Il y a donc d’une part les données et d’autre part leur traitement, et leur langage numérique (bien qu’emmailloté dans des matriochkas de langages plus évolués), est commun aux deux. Cet outil universel accompagne la mondialisation de notre époque.

    Ensuite ces calculs ou ces nombres peuvent être traités et transmis à très grande vitesse dans le monde entier, de sorte qu’ils sont disponibles partout simultanément, moyennant une importante dépense d’énergie. Ainsi la technologie photonique permettrait une connexion sans fil 9000 fois plus rapide que la 5G actuelle en atteignant près de 1 Térabit par seconde, soit mille milliards de signaux binaires un ou zéro.

    Le 20 novembre le ministère des affaires étrangères de Chine Populaire déclarait dans une conférence de presse
    « Lin Jian : L’Initiative pour la coopération mondiale sur la circulation transfrontalière des données, publiée par la Chine, propose des approches constructives pour la gouvernance de la circulation transfrontalière de données, qui préoccupe toutes les parties, clarifie la position et les préconisations de la Chine dans la promotion de la coopération mondiale en matière de circulation de données, défend les principes d’ouverture, d’inclusion, de sécurité, de coopération et de non-discrimination, favorise la construction d’un paysage ouvert et mutuellement bénéfique de coopération internationale sur la circulation transfrontalière de données, et promeut une circulation transfrontalière de données efficace, fluide et sécurisée. Il s’agit d’une autre initiative importante sur les données que la Chine a prise après le lancement de l’Initiative mondiale sur la sécurité des données. L’initiative souligne l’axe de la philosophie du président Xi Jinping de la construction d’une communauté d’avenir partagé dans le cyberespace, et démontre la ferme volonté de la Chine de coordonner le développement et la sécurité, d’améliorer la gouvernance numérique et de pratiquer le multilatéralisme… » https://www.mfa.gov.cn/fra/xwfw/fyrth/lxjzzdh/202411/t20241122_11531281.html

    C’est le capitalisme, « un stade d’accumulation et de développement accéléré, un stade de révolution constante des moyens de productions, de développement des sciences et des techniques », dit Franck Marsal, qui a permis le développement de cette nouvelle forme de mondialisation. Mais c’est encore le capitalisme, dans la phase terminale de l’impérialisme, qui se dresse maintenant face à cette nouvelle ère de la mondialisation

    ___________________

    Je ne suis pas expert dans le domaine de l’entropie, j’avais seulement noté quelques éléments que je vous soumets.
    C’est nécessaire d’expliquer comme le fait Franck que l’augmentation de l’entropie survient dans un système isolé, dans des conditions locales, et non de façon absolue et universelle.
    Engels avait démonté avec ironie le postulat disant que l’énergie puisse disparaître sur le plan qualitatif (et par conséquent être créée), sous prétexte que ce phénomène est réellement observé dans des conditions locales (récipient isolé, etc.).
    « De quelque façon que se présente à nous le deuxième Principe de Clausius, etc., il implique en tout cas que de l’énergie se perd, qualitativement sinon quantitativement. L’entropie ne peut être détruite par voie naturelle, mais par contre elle peut être créée. L’horloge de l’univers doit d’abord avoir été remontée, puis elle marche jusqu’au moment où elle arrive à l’état d’équilibre; à partir de ce moment, seul un miracle pourra la faire sortir de cet état et la remettre en mouvement. L’énergie dépensée pour la remonter a disparu, du moins qualitativement, et ne peut être restituée que par une impulsion venue de l’extérieur. Donc l’impulsion de l’extérieur était également nécessaire au début, donc la quantité de mouvement ou d’énergie existant dans l’univers n’est pas constante, donc de l’énergie a dû être créée, donc pouvoir être créée, donc pouvoir être détruite. Ad absurdum ! » [Dialectique de la nature p 292 Ed. sociales 1968]
    Le lien est immédiat entre ce postulat et la thèse de la « création du monde » lors du Big Bang. S’il décrit un « commencement » il lui faut nécessairement des causes et par conséquent un autre « commencement ».

    La biologie démontre l’existence d’un mouvement opposé à l’entropie.
    La néguentropie (Introduite comme une thermodynamique du vivant par le physicien autrichien Erwin Schrödinger en 1944 dans son ouvrage Qu’est-ce que la vie ?), ou entropie négative, désigne le processus inverse de l’entropie, par lequel la matière vivante détruit la matière inerte pour éviter sa propre destruction, pour se perpétuer et se transformer elle-même elle s’organise sous des formes de plus en plus complexes, en consommant l’énergie extérieure.
    Le document signalé par Franck sur « Entropie, Néguentropie et Anti-entropie » distingue néguentropie et anti-entropie.
    Guillaume Suing présente différemment la dialectique entropie /néguentropie.
    Il démontre dans « Evolution : la preuve par Marx » – Ed. Delga, le caractère dialectique du rapport entre changement et conservation dans la matière vivante : « C’est donc parce que la matière vivante se conserve qu’elle finit par changer (évolution) et c’est parce qu’elle a changé qu’elle peut se conserver (adaptation). C’est au sein même de la propriété autoconservatrice de la matière vivante que réside son évolution nécessaire, l’environnement étant lui aussi changeant par définition, et non en tant que caractéristique « supplémentaire ». Autrement dit l’évolution se déduit de la définition du vivant et non l’inverse. […] Tout d’abord une cellule est mortelle. Elle peut être tuée ou mourir de sa belle mort (entropie). C’est l’inéluctable fin du mouvement désorganisateur de la matière. Toutefois, la division cellulaire, encore appelée reproduction conforme – ou mitose – parce que la cellule produit deux cellules dont les caractéristiques sont celles de la première, peut être considérée comme une forme de lutte contre la mort cellulaire (négation), en faveur d’une conservation « dans le temps» de la structure cellulaire (négation de la négation). » [p 94-95] … « Mais il y a plus simple et plus généralisable. Les cellules d’un organisme sont mortelles parce qu’elles ne peuvent pas se diviser indéfiniment » au contraire, l’organisme agit pour éviter leur immortalité « Car en cas de mutation altérant ces protéines spécialisées, les cellules deviennent immortelles (c’est-à-dire cancéreuses), condamnant l’organisme lui-même à la mort. Ici c’est le fait de garantir la mortalité (littéralement la non-conservation) des cellules, qui permet la conservation dans le temps de l’organisme lui-même. » [p103]
    « L’histoire de la vie est à le fois celle d’une complexification croissante, d’une conquête de plus en plus large de tous les milieux terrestres par des adaptations parfois extraordinaires. Mais au-delà de ce constat évident et bien connu réside une clé moins évidente : cette complexification est au service d’une propriété plus intime que la simple nécessité de s’adapter à de nouveaux milieux, la tendance à s’affranchir progressivement d’un milieu trop fluctuant ». [p 116]

    Ceci rejoint d’une certaine façon ce que dit Franck de façon plus générale :
    « Quand la matière s’organise, qu’elle quitte son état homogène, qu’elle se structure, qu’elle cesse d’être uniformément répartie, elle constitue de l’information. L’information, c’est la différence entre les niveaux d’organisation de la matière. Et pour se constituer, ou même pour se maintenir, la matière organisée a un besoin constant d’échanger de l’énergie et de la matière avec son environnement. En fait, à travers ces échanges nécessaires à la matière organisée, s’échange l’entropie. Les systèmes structurés doivent transférer leur entropie vers l’extérieur pour se maintenir et se développer ».

    Peut-on faire un parallèle avec la mondialisation (unipolaire ou multipolaire), et avec le développement des forces productives mondiales ?
    Les USA pourraient largement contribuer à l’essor de l’humanité. Ils constituent un ensemble suffisamment vaste et complexe pour qu’on ne puisse pas trop spéculer sur leur isolement total. Mais si l’énergie ne disparaît pas à l’échelle d’un grand pays, par contre les barrières qu’il crée le retardent par rapport au reste des échanges mondiaux.
    Plus gravement, le protectionnisme, le découplage, la taxation des marchandises, conséquences de l’hégémonisme, brisent les échanges mondiaux et la chaîne de fabrication mondiale. Ils s’opposent au développement des réseaux numériques, mais aussi des routes, des voies ferrées et maritimes, à l’ensemble des forces productives mondiales, à l’essor des nations et des continents.

    « Chaque crise détruit régulièrement non seulement une masse de produits déjà créés, mais encore une grande partie des forces productives déjà existantes elles-mêmes. Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s’abat sur la société, – l’épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée; on dirait qu’une famine, une guerre d’extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance; l’industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce. Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le régime de la propriété bourgeoise; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ce régime qui alors leur fait obstacle; et toutes les fois que les forces productives sociales triomphent de cet obstacle, elles précipitent dans le désordre la société bourgeoise tout entière et menacent l’existence de la propriété bourgeoise. Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein ». – [K. Marx – Le Manifeste]

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  • pam
    pam

    J’ai lu Prigogyne il y a longtemps, sans jamais prendre le temps d’un travail d’appropriation réel, et je réalise à la lecture de Franck qu’il s’est passé beaucoup de choses et qu’il se joue autour de ces idées un moment décisif de l’histoire des sciences, qui permettrait de dépasser le scientisme et de replacer la science dans l’histoire, et donc de reconstruire les liens avec le marxisme. C’est un enjeu notamment dans la bataille pour l’environnement, la place de la nature, et de l’homme dans la nature, ni un simple animal comme les autres, ni un animal touché par un dieu, mais un nouvel espace d’organisation de l’histoire du vivant. Il y a de quoi donner aux préoccupations environnementales notamment de la jeunesse des armes idéologiques pour les inscrire, non pas dans un mouvement réactionnaire de « retour à la nature », mais dans le mouvement vers une organisation sociale supérieure, le socialisme, c’est à dire le dépassement des formes historiques capitalistes trop limitées pour maîtriser l’ampleur du développement humain.
    C’est d’autant plus important que la révolution scientifique et technique visiblement s’accélère. J’ai récemment découvert une série d’outils IA dans un « campus des solidarités » disponibles largement pour automatiser des taches d’écritures, de traduction, de présentation, de résumé, de transcription qui sont le plus gros du temps de travail de milliers de fonctionnaires et employés. L’impact sur l’organisation du travail est immense et à court terme.
    Cette révolution scientifique a comme chaque fois dans l’histoire un impact sur les mathématiques elles-mêmes qui accélèrent comme le montre cet article évoquant une démonstration historique qui termine un travail engagé à la fin du 19ème par le célèbre Evariste Galois, mathématicien mort en 1832 dont les idées ont structuré les maths jusqu’à cette démonstration récente qui représente « une grande unification des mathématiques ». (https://www.epsiloon.com/tous-les-numeros/n41/mathematiques_la_demonstration_historique/)
    Bref, nous sommes dans l’histoire très actuelle, le communisme est la jeunesse du monde !

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    • admin5319
      admin5319

      moi je ne décolère pas sur le temps que nous ont fait perdre une bande de liquidateurs méiocres qui a organisé une censure « atlantistes » et de fait interdit le marxisme dans le parti, lui substituant une sorte de canada dry type « attack »… Alors que le parti était non seulement le lieu des luttes nationales et internationales mais celui où chacun puvait exercer sa passion, confronter des recherches, accéder à la confrontation de cette problématique irremplaçable avec l’évolution des sciences… Ce que vous mettez en évidence dans le domaine du nuérique correspond à d’autres démarches holistes en anthropologie et je ne cesse de plaider pour un retour à l’origine de la famille de la proriété et de l’état… qui à la fois peut s’enrichir de la génétique mais en dénoncer les dérives que vous signalez.
      quand on voit ce qui peut encore exister à Venissieux et dans des discussions comme celles que nous avons dans histoireetsociete… tout cette attente des jeunes communistes… et moi devenue une sympathisante avouez que c’est pitié…

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