Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Occident devra choisir : rejoindre les BRICS ou perdre, par Piotr Akopov

Voilà excellemment résumée l’alternative et ceux qui y compris à gauche feignent de croire qu’il y a quelque chose à attendre y compris des élections américaines, de fait aussi tronquées qu’un scrutin moldave, aussi corrompues par le fric qu’un dirigeant ukrainien chargé de recruter une population qui fuit le hachoir dans lequel l’ont jeté ses sponsors. Voici ce qui se passe au BRICS, un excellent résumé sur ce qui leur a donné de la force, le chantage permanent des sanctions, des blocus, et le terrorisme d’Etats-voyous dont la propagande impute aux victimes leurs crimes. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

https://ria.ru/20241022/briks-1979185577.html

Le sommet des BRICS s’ouvre aujourd’hui à Kazan, le plus grand événement international en Russie depuis le début de l’opération spéciale en Ukraine. Bien sûr, il est difficile d’imaginer une démonstration plus explicite de l’échec de toutes les tentatives occidentales visant à « isoler la Russie », mais en principe, cela était déjà clair en 2022, et après ce qu’Israël a fait à Gaza (et maintenant au Liban), la fausseté des appels occidentaux à « unir le monde entier pour punir l’agresseur » est devenue évidente même pour les profanes les plus simples d’esprit.

La signification symbolique du fait que les dirigeants de 24 pays rendront visite à Vladimir Poutine est donc d’une importance fondamentale pour l’Occident lui-même : incapables d’ignorer ce fait, ils tentent de l’expliquer par diverses raisons – de leurs propres erreurs dans la collaboration avec le Sud global à la manipulation russe de la rhétorique anticoloniale et anti-occidentale. Cependant, la popularité croissante des BRICS est de nature totalement objective et ne peut être comprise indépendamment de la transformation massive de l’ordre mondial dans son ensemble.

Les BRICS ont été créés il y a moins de vingt ans, mais déjà à l’époque, en 2006, il était clair que le monde entrait dans une nouvelle ère. Un nouvel ordre mondial commençait à émerger et, bien que la vitesse de ce processus et l’intensité de la lutte ne soient pas encore claires à l’époque, tout le monde se rendait compte que l’ampleur du changement serait énorme et universelle. Quelques mois seulement après la formation du BRIC (l’association se composait au départ de quatre pays), Vladimir Poutine a prononcé un discours à Munich, dans lequel il a mis en garde contre la futilité des tentatives de l’Occident (principalement des États-Unis) de « conduire les nations » – en substance, il s’agissait d’une déclaration sur l’échec des plans de construction d’un monde unipolaire. L’année suivante, en 2008, a vu la crise financière mondiale, dont la responsabilité incombe entièrement aux États-Unis. Étant donné que ce sont les États-Unis qui contrôlent le système financier mondial, c’est la planète entière qui dut payer la facture de la cupidité américaine. À cette époque, les États-Unis avaient déjà détruit l’Irak, un pays clé du Moyen-Orient, de sorte que le Printemps arabe, qui a débuté trois ans plus tard, avec ses conséquences désastreuses pour l’ensemble de la région, était pratiquement prédéterminé. De 2011 à 2014, il n’y a qu’un pas : la Russie est entrée dans un conflit géopolitique ouvert avec l’Occident en raison de ses tentatives de prise de contrôle de l’Ukraine. Puis, selon une spirale ascendante, jusqu’en 2022, où le conflit a pris la forme d’un conflit militaire, bien qu’indirect.

Pendant toutes ces années, l’Occident s’est affaibli, tandis que le Sud s’est renforcé. L’affaiblissement de l’Occident est un processus objectif qui a des explications géopolitiques, historiques, économiques et autres. Mais l’essentiel était que l’ère de domination occidentale, longue d’un demi-millénaire, touchait à sa fin, ce qui se manifestait par l’effondrement du projet de mondialisation selon les règles anglo-saxonnes, sur lequel les États-Unis et l’Europe avaient placé leur principal enjeu. La mondialisation a pris fin et elle a commencé à s’effondrer non pas parce que la Russie ou certains pays du Sud se sont rebellés contre elle, mais en raison d’erreurs dans sa conception même. Il était impossible d’embrasser l’immensité, c’est-à-dire de faire vivre le monde entier selon les règles (politiques, financières, économiques, commerciales, culturelles, idéologiques) favorables à l’Occident et écrites en Occident. Bien sûr, le « vertige du succès » anglo-saxon a été grandement facilité par le suicide de l’URSS, après lequel la majorité de l’élite occidentale a réellement cru à la « fin de l’histoire » et à l’avènement de l’ère du « gouvernement mondial ». Cependant, au milieu des années soixante-dix, il est devenu évident que l’Occident ne pouvait pas faire face au rôle de commanditaire-architecte-entrepreneur-constructeur mondial – tout allait à vau-l’eau.

C’est alors que les BRICS sont apparus, initialement comme un instrument de coordination entre les pays non occidentaux qui se rendaient compte que l’Occident faisait fausse route et entraînait le monde entier avec lui. Ces dernières années, l’Occident s’est encore affaibli, non seulement en termes de position sur la scène mondiale, mais aussi sur le plan interne. Les États-Unis sont entrés dans une période de turbulences accrues au milieu de la dernière décennie – et non seulement ils ne pourront pas s’en sortir, même à moyen terme, mais ils risquent d’entrer dans une sérieuse tourmente interne. Cela ne signifie pas que l’Amérique n’a plus la force de se battre pour maintenir sa position d’hégémon mondial, mais qu’elle doit choisir entre la défense de cette hégémonie sur la scène mondiale et de profondes réformes intérieures. Or, l’establishment américain actuel n’a ni la volonté ni la capacité d’abandonner ses prétentions à la domination mondiale (pour appeler les choses par leur nom), ce qui signifie que la stratégie et les pratiques géopolitiques de Washington ne changeront pas sans bouleversements internes majeurs. En d’autres termes, l’Amérique essaiera de jouer sur tous les tableaux en même temps – en endiguant ceux en qui elle voit une menace réelle ou potentielle à son hégémonie.

Qu’est-ce que cela signifie pour les BRICS ? Que le bloc devra devenir de plus en plus anti-américain – non pas parce que son objectif est d’affronter les États-Unis, mais parce que les États-Unis eux-mêmes ne le laisseront pas tranquille. Pour les États-Unis, tout projet visant à construire une architecture mondiale alternative (financière, commerciale, militaire) est catégoriquement inacceptable, en particulier ceux qui réunissent les pays clés du monde non occidental – la Chine, l’Inde, la Russie, le monde arabe et les Latino-Américains. Et les États-Unis augmenteront la pression sur les pays du BRICS pour empêcher ou au moins ralentir leur mouvement vers l’intégration par exemple des systèmes financiers.

Les BRICS ne se sont pas élargis avant 2022, et ce n’est qu’à ce moment-là que l’association a commencé à accepter de nouveaux membres. Sur les six pays invités (et qui avaient fait la demande), l’un d’entre eux s’est retiré immédiatement : le président Milei, pro-américain et anti-chinois, est arrivé au pouvoir en Argentine. L’Arabie saoudite a légèrement retardé son adhésion : le prince Mohammed a fait une pause, et l’adhésion à part entière aux BRICS sera probablement confirmée lors du sommet actuel de Kazan. Cependant, l’Iran, l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Éthiopie ont rejoint les BRICS, qui sont passés de « cinq » à « neuf ». Avec cette expansion, les BRICS sont déjà devenus une association véritablement mondiale, car auparavant, le monde islamique, fort de deux milliards d’habitants, n’était pas du tout représenté, alors qu’aujourd’hui, pas moins de trois pays en font partie. Et plusieurs autres pays très importants du monde islamique sont sur les rangs : même si la question de l’Arabie saoudite est toujours en suspens, de nombreux États musulmans, de la Turquie à la Malaisie, ont manifesté leur intérêt.

Bien entendu, il existe de nombreuses divergences entre les différents pays des BRICS. Les plus importantes sont les divergences sino-indiennes (même si ce sommet sera la première rencontre officielle entre Xi Jinping et Modi depuis quatre ans et demi – ils ne se sont pas entretenus depuis le conflit frontalier dans l’Himalaya au printemps 2020). Et c’est sur elles que les Anglo-Saxons tentent de jouer, notamment vis-à-vis des pays sur lesquels ils ne peuvent pas exercer de pression directe. Cependant, les divergences existantes ne sont rien comparées à ce qui unit les pays BRICS+, à savoir la compréhension du fait que l’Occident n’a ni le droit ni la capacité d’imposer son « image de l’ordre mondial » à tous les autres. Il y aura toujours des désaccords au sein des BRICS sur la vitesse et les méthodes souhaitées pour faciliter le processus de « déclin de l’Occident », mais personne ne remet en question le fait que la fin de l’hégémonie occidentale est dans l’intérêt de tous les pays qui se consolident autour des BRICS.

En fait, cela répond aussi aux intérêts des pays occidentaux eux-mêmes, y compris les États-Unis, mais ils sont déjà devenus de simples porteurs du projet mondialiste parasitaire et antinational et ne peuvent pas défendre leurs intérêts nationaux. Mais s’ils trouvent la volonté et la force de renoncer à leur rôle imposé, les BRICS seront heureux de coopérer à l’élaboration des règles d’un nouvel ordre mondial et à la construction d’un nouvel ordre mondial. Qui, en tout état de cause, sera construit avec l’Occident ou en opposition avec lui.

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